Denis Coutagne

 

Cezanne appartient à la génération des peintres impressionnistes, qui fidèles aux peintres de l’Ecole de Fontainebleau, font de la peinture sur le motif une démarche volontaire et spécifique. On ne peint pas sur nature comme on peint en atelier. Très vite Cezanne a l’intuition de cette vérité : « « Mais vois-tu, les tableaux faits à l’intérieur, dans l’atelier, ne vaudront jamais les choses faites en plein air. En représentant des scènes du dehors, les oppositions des figures sur les terrains sont étonnantes, et le paysage est magnifique. Je vois des choses superbes et il faut que je me résolve à ne faire que des choses en plein air….   Je crois que tous les tableaux des anciens maîtres et représentant des choses en plein air  n’aient été faits de chic, car çà ne me semble pas avoir l’aspect vrai et surtout original que fournit la nature   » ?[1]

De fait Cezanne découvrira avec Pissarro essentiellement cette vertu du travail sur le motif à Auvers-sur-Oise et Pontoise. Cette méthode sera la sienne en Provence peignant à l’Estaque, Gardanne, Château-Noir, la colline des Lauves.

Cezanne n’en demeure pas moins attaché au Louvre  (« Le Louvre est un livre où nous apprenons à lire […] Sortons-en pour étudier la belle nature… »[2]), et au travail en atelier. N’est-ce pas dans l’atelier Suisse à Paris qu’il rencontre ses futurs amis impressionnistes ?.

Château NoirNR 940

Château Noir FWN361-R940

 

La volonté qui est la sienne de se construire en 1902 un atelier à sa mesure, pour l’accomplissement du grand œuvre qu’il porte en lui (Les Grandes Baigneuses) atteste  cette vérité. Cet atelier, situé sur la colline des Lauves au dessus d’Aix-en-Provence, répondait à l’atelier (aux ateliers) dont il avait disposé au Jas de Bouffan : le Grand Salon, un atelier aménagé par son père sous les toits, la ferme (où il peignit les Joueurs de cartes par exemple). Combien d’œuvres encore n’ont-elles pas été peintes dans des ateliers installés dans l’un ou l’autre de ses appartements parisiens ?

 

Ainsi le travail de Cezanne  reste-t-il une tension permanente entre l’intérieur et l’extérieur, le Louvre et la nature, La montagne Sainte-Victoire et les Joueurs de cartes …  Bien entendu, lorsque John Rewald écrit que les carrières de Bibémus sont un « palais à ciel ouvert », il laisse alors entendre que la nature est elle-même un atelier, voire le Grand Atelier. Mais, dans le cas de Cezanne, nul besoin de venir dans le Midi. Son lieu est indéniablement le pays d’Aix.

 

Notre Journée/Conférences entend rappeler les divers ateliers de Cezanne, réfléchir sur l’enjeu du geste pictural quand celui-ci répond à une exigence de plein air ou d’atelier, marquer la place de Cezanne dans cet atelier du Midi que Van Gogh avait rêvé de fonder à Arles…  Bien entendu une attention tout particulière sera portée encore au Jas de Bouffan, tant ce lieu fut par excellence le grand atelier de Cezanne en Provence !

 

Nul doute que notre projet s’inscrit dans le cadre de l’année Marseille-Provence 2013, en référence à l’exposition Le Grand atelier du midi ouverte comme un diptyque (premier panneau au musée Longchamp de Marseille sous le titre de Van Gogh à Bonnard ;  deuxième panneau au musée Granet d’Aix sous le titre De Cezanne à Matisse).

 

Voir aussi les conférences donnée  lors de ce colloque :

Pavel Machotka :  Les touches de Cézanne : maîtresses ou servantes ?

Antony Marschutz et Denis Coutagne : L’amitié entre Léo Marschutz et John Rewald autour de Cezanne

Mary Tomkins-LewisCourbet, Cezanne and the Studio as Stage: Modernity and the Painted Performance


[1]  Paul Cezanne, lettre à Emile Zola vers le 19 octobre 1866.

[2]Paul Cezanne,  lettre à Emile Bernard, avril ou mai 1905