Philippe Cezanne

(à partir de Isabelle Cahn ; Sophie Monneret ; John Rewald)

Le château de Médan, 1880, 59x72cm, NR437,Glasgow, City Art Gallery

Le château de Médan, 1880, 59x72cm, FWN150-R437,Glasgow, City Art Gallery

Le 28 mai 1878, Emile Zola achète à Médan un pavillon entouré d’un jardin sur les bords de la Seine grâce aux droits d’auteur sur « l’Assommoir » Paul Cezanne fut enchanté et écrivit aussitôt à son ami : « Je te félicite de ton acquisition et j’en profiterais avec ton adhésion pour mieux connaître cette contrée, et, si l’existence n’y était pas impossible pour moi, soit à la Roche (Guyon) ou à Bennecourt ou un peu plus ici ou là, je tenterais d’y passer un an ou deux comme je le fis à Auvers. »

Ce projet, Cezanne ne l’a pas réalisé, mais il se rendit souvent dans les environs de Paris pour y travailler, quelques jours ou quelques semaines et il fut à plusieurs reprises l’hôte de Zola à Médan.

 

Campagne et coteau (près de Médan) ( datation Rewald : 1883-1885), 64x77cm, NR 527

Campagne et coteau (près de Médan) ( datation Rewald : 1883-1885), 64x77cm, FWN207-R527

Entre Paris et Melun, il passe, à partir du 10 juin 1879, 12 jours à Médan. Il y retourne peut-être quelques jours fin septembre : «J’accepte volontiers ton invitation pour Médan. Surtout pour cette époque où la campagne est vraiment étonnante.-Il semble qu’il y a plus de silence. Voici des sensations que je ne peux exprimer, il vaut mieux les ressentir. » (lettre du 27 septembre 1879).Puis il lui écrit de Melun le 9 octobre et semble y rester jusqu’à la fin février.

Le voilà de nouveau en août 1880 puis fin octobre 1881 pendant une semaine avant de repartir pour Aix. L’habitude semble prendre place : voilà  nouveau séjour de plusieurs semaines en septembre 1882 avant le retour hivernal à Aix. A Médan Cezanne travaille le plus souvent sur la rive de la Seine ou sur une petite île qui appartenait à Zola.

Médan, Château

Médan, Château et Village, 1885, 81x65cm, FWN208-R542

Début juillet 1885, lors du voyage éclair que Cezanne fait  du côté de Paris alors qu’une passion amoureuse l’envahit,  ne pouvant s’installer chez Zola, toutes les chambres d’invités étant prises, il s’installe dans une auberge de Villennes à quelques kilomètres, puis vers le 14 juillet à l’hôtel de Paris de Vernon. Il emprunte à Zola son canot baptisé « Nana » pour peindre de la rivière, il revient de nouveau le 24 juillet pour quelques jours avant son retour à Aix pour reprendre des documents qu’il avait confié à son ami, dont une copie de son testament.

Ce séjour sera, semble-t-il, le dernier séjour de Cezanne à Médan.

 

„Médan“  dans les lettres de Cezanne à Zola :

 

Lettre à Zola : Melun 3 juin 1879 : Voici arrivé le mois de juin, et dois-je aller te voir, ainsi qu’à peu près tu m’en avait parlé dans ces derniers temps ? Je vais à Paris le huit du présent mois, et si tu m’écrit avant cette époque, je profiterais de l’occasion pour aller te trouver à ta campagne de Médan.- Si tu pensais au contraire que je doive remettre cette petite excursion, avertis-m’en tout de même.

Melun, 23 juin 1879 : Je suis arrivé sans éclaboussures à la gare de Triel, et mon bras agité à travers la portière, quand j’ai passé devant ton castel, doit t’avoir révélé ma présence dans le train que je n’avais pas manqué. (le train traverse la propriété de Zola)

(Paris) samedi 19 juin 1880 : … Je ne sais pas trop si des chaleurs vraies viendront, mais dès que je ne te dérangerai pas, écris-moi, j’irais à Médan avec plaisir. Et si tu n’es pas effrayé par le long temps que je risque d’y mettre, je me permettrai de porter une petite toile et d’y faire un motif, le tout si tu n’y voie pas d’inconvénients.

Je remercie beaucoup Madame Zola du grand tas de chiffons qu’elle m’a donné, et dont je profite.- Je vais tous les jours à la campagne peindre un peu.

(Paris) 4 juillet 1880 : J’ai répondu le 19 juin passé à la lettre que tu m’avais écrite le 16. Je te demandais si je pouvais aller chez toi, pour y peindre, il est vrai.- Mais bien entendu que je ne désirais pas être un sujet de gène. Depuis je n’ai plus reçu de tes nouvelles, et comme il y a à peu près quinze jours écoulés de ce moment, je me permets de te demander quelques mots pour être au fait de la situation. Si tu désire que j’aille te souhaiter le bonjour, j’irais, ou si tu me dis le contraire, je n’irais pas encore.

(Paris) 28 octobre 1880 : Ce matin, Solari m’a apporté la lettre que tu m’as envoyée. J’avais appris par le « Journal » que tu avais perdu ta mère, et aussi que tu devais te rendre à Aix, c’est pourquoi je ne suis pas allé à Médan. Je devais t’écrire pour te demander si tu comptais venir à Paris le mois prochain, mais puisque tu m’apprends ton arrivée pour dans quelque temps, j’attendrais jusque-là, à moins que tu ne désire que j’aille te voir, je suis à ton service pour n’importe quoi que je pourrais faire. Je comprends bien tout ce qu’à de triste ta position, je souhaite que ta santé néanmoins s’en ressente le moins possible, ainsi qu’à ta femme.

( la mère de Zola est enterrée à Aix près de son mari)

Pontoise, le 20 mai 1881 : … Bien sur que, comme tu le dis, mon séjour à Pontoise ne m’empêchera pas d’aller te voir, au contraire, j’ai comploté d’aller à Médan par voie de terre et aux frais de mes jambes. Je pense ne devoir pas être au-dessous de cette tâche…

(Pontoise) 5 août 1881 : …Quelques petits embarras ne m’ont pas facilité ma visite à Médan, mais j’irais pour sûr à la fin du mois d’octobre. Je dois à cette époque quitter Pontoise, et peut-être que j’irais passer quelque temps à Aix. Avant que d’effectuer ce voyage, j’irais quand tu m’écriras à cette époque, rester quelques jours auprès de vous.

Pontoise 15 octobre 1881 : Le temps approche où je dois partir pour Aix. Avant de m’en aller je voudrais aller te souhaiter le bonjour. Comme le mauvais temps est venu, je t’écris à Médan, conjecturant que tu dois être de retour de Grandcamp. Alors si tu n’y vois pas de difficulté, j’irais te vois vers le 24 ou le 25 de ce mois. Si tu peux m’écrire un mot là-dessus, tu me feras plaisir.

L’Estaque, 28 février 1882 : … Je t’annonce qu’après être demeuré quatre mois dans le Midi, je vais retourner à Paris dans une huitaine de jours. Et comme je pense que tu es à Médan, j’irais te souhaiter le bonjour dans ta demeure. Mais au préalable je passerais par la rue de Boulogne, savoir si tu n’y serais pas.

(Paris) 2 septembre 1882 : Ainsi que tu me l’a dit au mois d’avril, je pense que tu es à ta maison de campagne.- Aussi est-ce là que j’adresse ce bout de lettre. Il ne me reste plus qu’un mois à passer à Paris, puis-je aller te trouver à Médan ? Si comme tu le faisais, il y a deux ans, tu viens vers le 10 ou 12 à Paris, veux-tu bien m’en informer, j’irais te serrer la main chez toi. Et je saurai, en te voyant, si je peux me mettre en route pour ta résidence des champs.

La Roche-Guyon 27 juin 1885 : Voici la fin de juin qui s’avance Lorsque l’heure de ton départ pour Médan sera venue et que tu seras installé, voudras-tu bien m’en prévenir ? le besoin de changement m’agace un peu… Heureux les cœurs fidèles !

La Roche-Guyon, 3 juillet 1885 : La vie me devient ici, à cause de circonstances fortuites, assez difficile. Voudrais-tu me dire, si tu pourrais me recevoir chez toi ? Au cas où tu ne serais pas encore installé à Médan, aie l’obligeance de m’avertir par un petit mot.

La Route tournante à La Roche-Guyon, 1885, 62,2x75,5cm, NR539

La Route tournante à La Roche-Guyon, 1885, 62,2×75,5cm, FWN205-R539

La Roche-(Guyon), 6 juillet 1885 : Je viens te prier de m’excuser.- Je suis un gros con. Figure- toi que j’oubliais de retirer tes lettres à la poste restante. Voilà ce qui explique ma seconde si insistante. Je te remercie mille fois. Veuille présenter mes respects à Madame Zola. Dès que tu pourras, écrit-moi un petit mot. Grande Rue, Cezanne chez Renoir à La Roche.

Pendant son séjour chez Auguste Renoir à La Roche-Guyon, l’artiste réalise trois peintures identifiées : FWN205-R539 ; FWN206-R540 ; FWN209-R541.

II juillet 1885 : Je pars aujourd’hui pour Villennes. Je vais aller à l’auberge. J’irais te voir un instant dès mon arrivée ; je veux te demander si tu ne pourrais me prêter « Nana » pour peindre, je la rentrerai au bercail après l’étude. Ne rien faisant je m’ennuie davantage […N] e vois rien de mal dans ma décision. Je suis obligé de changer de place seulement. Et puis, quand tu sera libre, je n’aurais qu’un pas à faire pour aller chez toi.

(Vernon) 13 juillet 1885 : Impossible pour cette semaine de fêtes de gîter à Villennes. Ni au « Sophora », ni au « Berceau », ni à « l’Hôtel du Nord ». Je te serre la main, je suis à Vernon, « Hôtel de Paris ». Si mes toiles à peindre te sont adressées, veuille me les faire prendre et garder chez toi.

(Vernon) 19 juillet 1885 : Comme je te l’ai annoncé par un mot daté du 13 ct., je suis à Vernon. Je n’y trouve pas mon affaire dans les conditions où je me trouve. J’ai décidé de partir pour Aix le plus tôt possible. Je passerais par Médan pour t’y serrer la main… Tu m’excuseras derechef d’avoir à me présenter chez toi dans les circonstances actuelles, mais sept à huit jours à attendre encore pour moi, me paraissent bien long.

Œuvres de Cezanne peintes à Médan :

Dessins : C0642 –C0786 – C0787

Aquarelles : RW089

Peintures : FWN150-R437 ; FWN207-R527 ; FWN208-R542