10 janvier

Un contrat de mariage instaurant le régime de la séparation de biens est établi entre Louis Auguste Cezanne et Anne Élizabeth Aubert, futurs époux. Louis Auguste Cezanne y est mentionné comme ancien fabricant de chapeaux, à présent propriétaire sans profession. La dot d’Anne Élizabeth Aubert, « produit des économies qu’elle a faites jusqu’à ce jour comme ouvrière dans la fabrication des chapeaux », est constituée par un trousseau estimé à 500 francs, une somme de 1000 francs en numéraire et un futur héritage de 1000 francs.

Contrat de mariage entre Louis Auguste Cezanne et Anne Élizabeth Aubert, 18 janvier 1844, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Centre d’Aix-en-Provence, registre 309 E 1750, acte n° 12678 ; reproduit par Lioult Jean-Luc, Monsieur Paul Cezanne, rentier, artiste peintre. Un créateur au prisme des archives, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Images en Manœuvres Éditions, 2006, 299 pages, p. 24-29 :

Mariage Cezanne – Aubert

Par devant joseph marie Sauveur antoine Beraud notaire à la résidence de la ville d’aix, département des Bouches-du-Rhône, soussigné, en présence des témoins ci après nommés,

ont comparu, d’une part, M. louis auguste Cezanne, ancien fabricant de chapeaux, aujourd’hui propriétaire, sans profession, domicilié et demeurant à aix, rue de la Glacière, n° 14 ; fils majeur de feu sieur françois xavier thomas Cezanne, et de feue dame rose Rebuffat, son épouse ;

Et d’autre part la dlle anne élizabeth honorine Aubert, sans profession, domiciliée et demeurant à aix, rue de la Glacière n° 14 ; fille majeure de feu Sr joseph claude Aubert, et de dame anne rose Girard, son épouse, survivante.

lesquelles parties voulant rédiger un contrat public des conditions du mariage entr’elles projeté et arrêté, ont convenu et accordé, conviennent et accordent ce qui suit, sous dues et mutuelles stipulations et acceptations :

Les futurs époux déclarent se marier et vouloir vivre pendant leur union sous le régime dotal auquel ils se soumettent expressément, à l’exclusion de celui de la Communauté,

la dite dlle aubert se constitue en dot à titre de constitution particulière, 1° son trousseau de robes et hardes évalué par les parties à la somme de cinq cent francs, que M. Cezanne reconnaît avoir reçu avant ces présentes

[en marge] de la dite dlle aubert et dont il lui donne décharge

et dont il donne décharge à la future épouse : Il est convenu que l’évaluation donnée au dit trousseau n’en opère pas vérité, et que le cas de restitution arrivant, il sera rendu en nature dans l’état et tel qu’il se trouvera à cette époque, sans que les parties puissent se rechercher pour la plus ou moins value. 2° la somme de mille francs [en] numéraire que M. Cesanne [sic] reconnaît avoir reçue de sa future épouse avant ces présentes et dont il lui donne quittance ; 3° et la somme de mille francs principal non productive d’intérêts exigible trois mois après le décès de rose jausserand, veuve de michel chaffard, demeurant au terroir d’aix, section de puyricard, quartier de la madeleine, due à la future épouse par les représentans et héritiers de la dite dame veuve chaffard, pour les causes mentionnées à l’acte de cession du trente janvier mil huit cent quarante un, notaire Roux d’aix, enregistré, la dite somme sus écrite au bureau des hypothèques d’aix le vingt cinq novembre mil huit cent trente cinq, vol. 191, n° 403 ;

Il est convenu, de pacte exprès que M. Cezanne demeure autorisé à exiger et recevoir ladite somme de mille francs, due par les hoirs de ladite dame veuve chaffard quand il y aura lieu conformément aux titres, sans être tenu d’en faire aucun emploi.

La future épouse déclare que le trousseau et les deux sommes qu’elle vient de se constituer sont le produit des économies qu’elle a faites jusqu’à ce jour comme ouvrière dans la fabrication des chapeaux.

La dite de aubert, future épouse, déclare vouloir rester libre dans la jouissance, administration et disposition de tous les autres biens, présents et à venir, pour en jouir et disposer à titre de biens paraphernaux.

Pour l’assurance de la dot de sa future épouse M. Cezanne oblige ses biens présents et à venir à toutes cours et tribunaux.

Dont acte,

fait et passé à Aix dans l’étude et aux minutes de Beraud,

le dix janvier mil huit cent quarante quatre,

en présence de MM. jacques étienne Vieil, ancien marchand de fer en gros, aujourd’hui sans profession, domicilié et demeurant à aix rue des Cordeliers n° 75 ; et jean françois hyacinthe Perron, huissier près le tribunal civil de première instance d’aix, audiencier près le tribunal de commerce d’aix, domicilié à aix, y demeurant rue de la glacière n° 14, témoins instrumentaires :

Et après lecture faite, M. Cezanne et les témoins ont signé avec Me Beraud, notaire ; la dlle aubert a déclaré ne savoir signer de ce enquise suivant la loi ;

la lecture du présent par Me Beraud, notaire, la signature par M. Cezanne et la déclaration de la dlle aubert de ne savoir signer ont eu lieu en présence des deux témoins instrumentaires.

[Signé] Cezanne         Etne Vieil        Perron          Beraud »

La créance de 1 000 francs d’Anne Élizabeth Aubert a été achetée par elle-même à Auguste Barthélémy Reynaud, moyennant 400 francs versés en numéraire. Anne Élizabeth Aubert est dite demeurer à Aix, sur le cours (Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Centre d’Aix-en-Provence, registre 302 E 1417, acte n° 30.

29 janvier

Mariage à l’Hôtel de Ville d’Aix de Louis-Auguste Cezanne, rentier, demeurant 14, rue de la Glacière, et d’Anne Élizabeth Honorine Aubert, sans profession, laquelle, d’après l’acte de mariage, demeure, à une adresse différente, avec sa mère, Anne Rose Girard, 23, rue des Suffrens. Parmi les témoins, Jérôme Coupin, chapelier, âgé de trente-trois ans, l’associé du mari, et Anne Rose Girard, mère de la mariée. Ni la mariée ni sa mère ne savent signer.

La bénédiction nuptiale a lieu à l’église Sainte-Marie-Madeleine le 30 janvier. Les deux enfants du couple sont légitimés par le mariage.

Acte de mariage n° 11, de Louis Auguste Cezanne et Anne Elizabeth Honorine Aubert ; Archives de l’Hôtel de Ville d’Aix-en-Provence, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, registre 202 e 375 (5Mi 1112), mariages, 1844 ; reproduit par Lioult Jean-Luc, Monsieur Paul Cezanne, rentier, artiste peintre. Un créateur au prisme des archives, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Images en Manœuvres Éditions, 2006, 299 pages, p. 20-23.

« L’an mil huit cent quarante quatre, et le vingt neuf janvier à quatre heures du soir, par devant nous officier public de l’état civil de cette ville d’Aix, ont comparu à l’hôtel de ville et publiquement Sr Louis, Auguste, Cezanne, rentier, né à Saint-Zacharie (Var), le dix messidor an six, soit le 28 juin mil sept cent quatre vingt dix huit, domicilié en cette ville d’Aix depuis longues années et y demeurant, rue de la Glacière n° 17, fils majeur de feu Thomas, François, Xavier Cezanne, vivant tailleur d’habits, décédé au dit Saint-Zacharie, le vingt trois avril mil huit cent dix huit, et de feue Rose Rebuffat, décédée en cette ville d’Aix, le quatorze mai mil huit cent vingt un, le dit futur époux nous déclare et affirme par serment que le lieu du décès et le lieu du dernier domicile de ses autres ascendants lui sont inconnus, et Dlle Anne, Elizabeth, Honorine, Aubert, sans profession, née en cette ville d’Aix, le vingt quatre septembre mil huit cent quatorze, y demeurant avec sa mère, rue des Suffrens, n° 23, fille majeure de feu Joseph, Claude Aubert, tourneur en chaises, décédé en la ville de Toulon (Var) le premier mai mil huit cent vingt trois, et de Anne, Rose Girard, sans profession, ici présente et consentante, lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux et dont les publications ont été faites devant la principale porte de notre hôtel de ville, savoir : la première le sept janvier courant et la seconde le quatorze du même mois jour de dimanche toutes les deux à l’heure de midi, aucune opposition audit mariage ne nous ayant été signifiée, faisant droit à leur réquisition, après avoir donné lecture de toutes les pièces ci dessus mentionnées et y annexées, et du chapitre six, titre cinq du code civil intitulé du mariage nous avons demandé au futur époux et à la future épouse s’ils veulent se prendre pour mari et pour femme. Chacun d’eux ayant répondu séparément et affirmativement, nous déclarons, au nom de la loi, que Sr Louis, Auguste, Cezanne et Dlle Anne, Elisabeth, Honorine, Aubert, sont unis par le mariage. Et aussitôt les dits époux nous ont déclaré qu’il est né d’eux, deux enfants, savoir le premier de sexe masculin, le dix neuf janvier mil huit cent trente neuf, qui a été inscrit sur le registre de l’état civil de cette ville d’Aix le même jour sous le prénom et nom de Paul, Cezanne, le second de sexe féminin, le quatre juillet mil huit cent quarante un, qui a été inscrit sur les mêmes registres le quatre du même mois, sous le prénom et nom de Marie, Cezanne, lesquels deux enfants au moyen de cette déclaration sont reconnus et légitimés par les époux Cezanne. Disant ce que dessus, nous avons dressé acte en présence des sieurs Jean François Hyacinthe Perron, huissier, âgé de soixante ans, Jacques Etienne Vieil, rentier âgé de quarante six ans, Casimir Pierre Joseph Coste, docteur en médecine, âgé de quarante trois ans, et Jérôme Coupin, chapelier, âgé de trente trois ans, tous domiciliés à Aix, y demeurant, amis des époux, par eux requis. Les dits témoins nous déclarant et assurant par serment que, quoiqu’ils connaissent l’époux, ils ignorent le lieu du décès et lieu du dernier domicile de ses ascendants. Les instructions ci dessus ont été faites en exécution de l’avis du Conseil d’État du quatre thermidor an treize, inscrit au Bulletin des lois. Et après qu’il eut été donné lecture du présent acte ont signé avec nous ainsi que l’époux, à l’exception de l’épouse et de la mère qui ont déclaré ne le savoir de ce requises.

[signé] Cezanne          Perron        C. Coste, docteur      Icard, adt

Etne Vieil      J. Coupin

Voir aussi : Minutes du contrat de mariage, archives de l’étude du successeur de maître Béraud ; registre de l’église Sainte-Marie-Madeleine, Archives de l’archevêché d’Aix-en-Provence.
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 16 :

« Il s’était décidé, le 29 janvier 1844, à épouser une de ses ouvrières, Anne-Elisabeth-Honorine Aubert, née à Aix. Il légitimait ainsi les naissances de ses deux premiers enfants : Paul Cezanne, le peintre, né le 19 janvier 1839 ; et Marie Cezanne, née en l’année 1841 ; tous deux nés passage Agard, un passage étroit sis à côté de sa boutique. Sa seconde fille, Rose Cezanne, naquit en 1845. »

Marie Cezanne se rappellera que, vers l’âge de cinq ans, son frère avait dessiné un pont.

Mack Gerstle, La Vie de Paul Cezanne, Paris, Gallimard, « nrf », collection « Les contemporains vus de près », 2e série, n° 7, 1938, 362 pages, p. 22-23.

Le 16 mars 1911, cinq ans après la mort du peintre, Marie écrivait une lettre à son neveu, le fils de Cezanne, où elle lui rappelait quelques souvenirs de l’enfance du peintre :

« Le plus lointain souvenir est celui-ci : (Tu l’as peut-être entendu raconter à ta grand’mère). Ton père pouvait avoir 5 ans ; il avait tracé, sur un mur, avec un charbon, un dessin représentant un pont : M. Perron, le grand-père de Th. Valentin, s’exclama en le voyant : « Mais c’est le pont de Mirabeau. » Le futur peintre se révélait. »

10 avril

Louis Auguste Cezanne fait l’acquisition d’une maison, 14, rue Matheron, à Aix, où il s’installe avec toute sa famille. Paul a cinq ans et sa sœur Marie bientôt trois ans.

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, minutes de Me Béraud, 309 E 1750, et 309 E 1754 pour le dernier paiement le 5 janvier 1846 ; Lioult Jean-Luc, Monsieur Paul Cezanne, rentier, artiste peintre. Un créateur au prisme des archives, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Images en Manœuvres Éditions, 2006, 299 pages, p. 20.

À peu près de 1844 à 1849

Selon Gerstle Mack, Cezanne fréquente l’« école communale » de la rue des Épinaux, où il rencontre Philippe Solari, fils d’un tailleur de pierre. Selon Bruno Ely, cette « école communale » n’a jamais existé, et sans doute suit-il un enseignement particulier, qui, selon une nièce de l’artiste, était dispensé par « Tata Rébory ».

Mack Gerstle, La Vie de Paul Cezanne, Paris, Gallimard, « nrf », collection « Les contemporains vus de près », 2e série, n° 7, 1938, 362 pages, p. 23, d’après la lettre du 16 mars 1911 de Marie Cezanne à son neveu, le fils de Cezanne :

« Paul et Marie reçurent les premiers éléments de leur instruction dans une école primaire, rue des Épinaux. Paul fréquenta cette école pendant cinq années environ, jusqu’à l’âge de dix ans. « Ton père, écrit Marie, me conduisait sagement ; il a toujours été très bon et probablement de meilleur caractère que moi, qui paraît-il n’étais pas bien gentille pour lui : je le provoquais sans doute et comme je n’étais pas la plus forte, il se contentait de me dire : « Tais-toi, petite, si je te touchais, je te ferais mal. » »

Rewald John, Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 8.
Ely Bruno, « La jeunesse de Cezanne et le milieu intellectuel et artistique à Aix », catalogue d’exposition, Cezanne en Provence, Aix-en-Provence, musée Granet, 9 juin – 17 septembre 2006, commissaires de l’exposition Denis Coutagne et Philip Conisbee, Paris, Réunion des Musées nationaux, 2006, 355 pages, p. 56.
M. C. [Marthe Conil], « Quelques souvenirs sur Paul Cezanne par une de ses nièces », Gazette des beaux-arts, VIe période, tome LVI, 1102e livraison, 102e année, novembre 1960, p. 299-302, p. 299 :

« Paul et sa sœur Marie, tout enfants, allaient ensemble apprendre à lire chez Tata Rébory ; puis pour Paul, c’est l’École Saint-Joseph et ensuite le collège Bourbon dont il est un des bons élèves. »

Vollard Ambroise, Paul Cezanne, Paris, Les Éditions Georges Crès & Cie, 1924 (1re édition, Paris, Galerie A. Vollard, 1914, 187 pages ; 2e édition 1919), 247 pages, p. 5-6 :

« Malheureusement, un penchant irrésistible pour la peinture, qui devait faire le désespoir des siens, s’éveilla, de très bonne heure, chez Paul Cezanne, et, par un curieux hasard, sa première boîte de couleurs lui fut donnée par son père. Celui-ci l’avait trouvée dans un lot de vieilles caisses achetées, à bon compte, à des marchands forains ; car M. Cezanne étendait le cercle de ses affaires à tout ce qui pouvait se revendre avec un honnête bénéfice. Le père et la mère étaient heureux de voir leur Paul prendre tant de goût à ses crayons et à ses couleurs ; amusement tranquille, qui venait, fort à propos, interrompre les bruyants éclats d’un caractère étrangement passionné et mobile, mêlé d’impressionnabilité presque féminine et de sauvagerie. Une seule personne faisait de l’enfant ce qu’elle voulait : sa sœur Marie, de deux ans plus jeune que lui, avec laquelle il allait, chaque jour, le frère tenant la sœur par la main, à une école enfantine, où étaient réunis, sur les mêmes bancs, garçons et filles. »

Georges Rivière, Cezanne, le peintre solitaire, Librairie Floury, Paris 1939, p. 11

 « Ce goût (du dessin), il l’eut cependant de bonne heure. Paul Cezanne avait une douzaine d’années lorsqu’il reçut d’un ami de son père, j’ignore à quelle occasion, une boîte de couleurs. Cet ami avait-il remarqué chez l’enfant un penchant pour le des­sin, ou est-ce le hasard qui décida de son choix? On n’en sait rien. Ce qui est certain, c’est que le jeune Paul fut charmé du cadeau et qu’à partir de là, il coloria avec un vif plaisir toutes les images qu’il trouva dans les journaux illustrés dont la maison paternelle était pourvue. »

Rivière Georges, Le Maître Paul Cezanne, Paris, H. Floury éditeur, 1923, 242 pages, p. 2 :

« À peine le petit Paul venait-il d’atteindre ses cinq ans que son père l’envoya dans une école enfantine du voisinage pour y apprendre à lire. Il y resta jusqu’à sa dixième année. »

Rivière Georges, Le Maître Paul Cezanne, Paris, H. Floury éditeur, 1923, 242 pages, p. 1 :

« Paul Cezanne, parvenu à l’âge mûr, n’était pas enclin à parler de ses jeunes années. Rien ne l’intéressait que ce qui était la grande affaire de sa vie : la peinture. Ce qu’on sait de ses impressions d’enfant se réduit à peu de chose. Le souvenir de quelques événements de cette époque était cependant demeuré assez net dans son esprit, non qu’ils eussent par eux-mêmes une réelle importance, mais parce qu’ils le touchaient plus vivement que d’autres : la cérémonie de sa première communion et la boîte de couleurs que lui donna sa mère étaient de ceux-là. Mais son esprit ne s’attardait pas à remuer le passé ; c’eût été du temps perdu. »