[Janvier – 7 avril ?]

Les Pissarro continuent d’habiter la maison Ollivon à Louveciennes. La date du 7 avril est celle d’un terme échu de leur loyer.

Dans le Curriculum vitæ de son père, Ludovic Rodo Pissarro relève les adresses suivantes de Pissarro :

16 janvier route de Versailles
maison Olivon Louveciennes.
3 février Louveciennes (Fact[ure]).
17 février Louveciennes [lettre de Pissarro au Dr Gachet]
maison Olivon
près des Arcades.
6 mars maison Olivon
Louveciennes,
route de Versailles.
22 mars Louveciennes.
1er avril Louveciennes
terme échu le 7 avril 1872.
7 avril route de Versailles
Louveciennes (quittance de loyer).

 

Ludovic Rodo Pissarro, Curriculum vitæ ; inédit, Pontoise, musée Pissarro.

Lucien fréquente l’école communale du village du 3 juillet 1871 au 19 janvier 1872, puis, après une interruption, peut-être due à une maladie, du 14 au 31 mars 1872.

Ludovic Rodo Pissarro, Curriculum vitæ ; inédit, Pontoise, musée Pissarro ; fréquentation de l’école communale d’après un registre conservé aux archives communales de Louveciennes.

4 janvier

Naissance de Paul, déclaré comme étant le fils de Cezanne et d’Hortense Fiquet, demeurant 45, rue Jussieu. L’artiste reconnaît l’enfant.

« 40

Cezanne

Par leur mariage inscrit en la Mairie d’Aix (Bouches du Rhône) le vingt huit avril dernier +, Paul Cezanne et Marie Hortense Fiquet ont légitimé l’enfant enregistré ci contre.
Le Maire
[signé] Maillol

+ mil huit cent quatre vingt six,
Approuvé le renvoi ci-dessus
Le Maire
Maillol

Marié à Paris (quatorzième arrondt) le six janvier mil neuf cent treize avec Renée Célina Rivière
Le six février mil neuf cent treize
Le maire

2865 décédé
A Paris neuvième le seize + novembre mil neuf cent quarante sept.
+ octobre

[signature non lue]

du cinq janvier mil huit cent soixante et douze, à trois heures du soir

Acte de naissance de Paul, de sexe masculin, né le quatre de ce mois, a deux heures du matin, à Paris, rue de Jussieu n° 45, et à nous présenté, fils de Paul Cezanne agé de trente trois ans, peintre, et de Hortense Amélie Fiquet, agée de vingt deux ans, sans profession, non mariés, demeurant comme dessus.

Les témoins sont Pierre Bratier Martin, agé de soixante dix sept ans, journalier, demeurt à Paris, rue St Jacques, 170, et Jacques François Hébert, agé de soixante huit ans, journalier, demeurt rue Baran 61.

Sur la déclaration faite à nous Auguste Delacour, adjt au Maire du Cinquième arrondt par ledit Cezanne, père présent, qui reconnaît ledit enfant, et a signé avec les témoins et nous, lecture faite audit

[signatures]    P. Cezanne    Martin        Hebert     Delafon
adjt »

Acte de naissance de Paul Cezanne fils, n° 40, Archives de Paris, 5e arrondissement.

24 janvier

Lettre de Cezanne à Achille Emperaire
Cezanne charge son ami Achille Emperaire de transmettre une lettre à sa mère, probablement pour lui annoncer la nouvelle de la naissance de son fils. :

« Mon cher Achille,

Je vous prie d’être auprès de ma mère le messager de cette lettre 1. Vous m’excuserez de vous déranger si souvent.

Si vous pouviez m’écrire, vous me feriez bien plaisir. Adressez-moi votre lettre rue de Jussieu, 45 — Monsieur Paul Cezanne — ou chez Monsieur Zola, 14, rue de La Condamine. Je joins à ma lettre un timbre poste de 25 centimes, afin de vous éviter de courir après dans la ville. Vous n’aurez qu’à jeter à la boîte ce que vous m’enverrez.

Tout à vous,

Paul Cezanne

Si vous avez besoin de quelques tubes, je puis vous les envoyer. »

1 La mère de Cezanne savait que son fils avait une maîtresse, Hortense Fiquet, mais ce fait devait être caché à son père. Le peintre ne put donc pas correspondre directement avec sa mère pour lui parler de sa vie privée, puisque le banquier ouvrait les lettres adressées à tous les siens. C’est pourquoi Cezanne devait si souvent déranger son ami pour des messages destinés à sa mère. Il est probable que la lettre secrète en question contenait l’information que Hortense Fiquet venait d’accoucher, le 4 janvier 1872, rue de Jussieu, d’un garçon que l’artiste reconnut et qui fut nommé Paul Cezanne.

Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 139.

[Janvier]

Pissarro demande 51 756 F d’indemnités, pour les pertes qu’il a subies pendant la guerre. Il ne touchera que 835 francs, le 20 février 1875.

Date de la demande d’après une lettre de Piette à Pissarro portant le cachet de la poste 30 janvier 1872 ; Bailly-Herzberg Janine (commentaires), Mon cher Pissarro, lettres de Ludovic Piette à Camille Pissarro, Paris, éditions du Valhermeil, 1985, 143 pages, p. 70-71.
Déclaration de perte de meubles et autres objets mobiliers pour faits antérieurs au 3 mars 1871 ; Archives communales de Louveciennes.
Registre portant récépissés des personnes auxquelles des avis d’allocations pour dommages de l’invasion ont été remis ; Archives communales de Louveciennes.

26 janvier

Lettre de Cezanne à Achille Emperaire. Zola vient de passer voir Cezanne chez lui.

« Vendredi 26 janv. 1872

Mon cher Achille,

Je viens de voir Zola, qui est venu au 45 de la rue de Jussieu. ― Il demande quatre ou cinq jours encore pour pouvoir donner une réponse définitive Il s’est occupé activement du laisser passer, mais il n’a encore pu réussir à se le procurer. ―
Encore quelques jours de patience et vous aurez une solution. Inutile de vous dire que je serai très heureux de vous voir.―
Vous ne serez pas très bien chez moi, mais je vous offre très volontiers le partage de mon réduit.

Quand vous partirez de Marseille, ayez l’obligeance de me mettre un petit mot à la poste m’annonçant l’heure de votre départ et l’heure la plus probable de votre arrivée. J’irai vous attendre avec ma voiture à bras et je vous apporterai vos bagages jusqu’à la maison. C’est l’ancienne rue St Victor qui s’appelle maintenant rue de Jussieu, – où je suis en face du Port au vin, que je demeure au 2ième étage.
Ainsi donc je vous écrirai dès qu’il y aura du nouveau,
Tout à vous

Paul Cezanne

Si comme je le pense vous avez un grand poids de bagage, apportez avec vous le plus nécessaire et mettez le reste à la petite vitesse. Je dois vous avertir, pour que vous apportiez votre literie, n’en ayant point à vous offrir. »

Lettre de Cezanne à Achille Emperaire, datée « Vendredi 26 janv. 1872 » ; Aix-en-Provence, fonds Atelier Cezanne ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 139.

[Février]

Lettre de Pissarro à sa femme Julie.
Pissarro passe à la galerie de Durand-Ruel, lequel veut lui acheter des tableaux. Il écrit à sa femme :

« Paris, lundi soir

Ma chère Julie,

Je t’écris ce soir pour te donner une bonne nouvelle. Je suis entré chez Durand-Ruel, il m’a parlé de mes tableaux, m’a beaucoup encouragé et m’a dit qu’il voulait m’acheter des tableaux, grands ou petits. Il m’a dit que, si je ne demeurais pas si loin, il serait venu me voir pour choisir ce qu’il voulait. Je suis enchanté de la tournure de mon affaire.

Je vais lui montrer ce que je puis avoir de mieux. Il a acheté cinq ou six grands tableaux à Manet ; il veut en avoir de Monet. Latouche a vendu mon tableau de la ferme du parc [non identifié]. Je n’ai pu encore faire affaire avec ceux que j’ai portés — ils ne sont pas de premier ordre — mais ne te tracasse pas, j’arriverai bien à avoir quelques sous.

Maman est bien portante, elle t’embrasse ainsi que les enfants. Mille baisers à vous tous et à Georges en particulier. Au revoir, chère femme, à après-demain des détails. Ton mari,
C. Pissarro. »

JBH n° 14, p. 71-72.

À partir du mois de mars, le marchand achètera régulièrement des œuvres à Pissarro. Il lui en achètera vingt-deux cette année-là, à des prix variant entre 150 et 400 francs, pour un total de 5 600 francs, ainsi que quatorze aux marchands Louis Latouche et Martin et à des amateurs : Billou (ou Billon ?), Herman (69, rue de Rome), Lebarbier et Levis.

Archives Durand-Ruel, Livre de Stock 1869-1872 ; Durand-Ruel Snollaerts Claire, « Un peintre et un marchand : Camille Pissarro (1830-1903) et Paul Durand-Ruel (1831-1922) », dans Pissarro Joachim et Durand-Ruel Snollaerts Claire : Pissarro. Catalogue critique des peintures, avec la collaboration d’Alexia de Buffévent et Annie Champié, Milan, Skira, Paris, Wildenstein Institute Publications, 2005, 3 volumes, volume I, p. 13-59, p. 15.
Anne Distel, « Some Pissarro collectors in 1874 », Studies on Camille Pissarro, édité par Christopher Lloyd, Londres et New York, Routledge & Kegan Paul, 1986, 140 pages, p. 65-74.

Dans ses Mémoires, Durand-Ruel relatera ses premières acquisitions de tableaux de Manet.

Archives de l’Impressionnisme, tome II, p. 189-192.

Le 11 janvier, il a vu chez Alfred Stevens deux tableaux de Manet, confiés par le peintre, qu’il a achetés pour 800 francs chacun. Le lendemain, il s’est rendu chez Manet, à qui il a acheté directement vingt-trois autres tableaux, pour le prix extraordinaire de 35 000 francs. Quelques jours plus tard, il lui a encore acheté un autre lot pour 16 000 francs.

De son côté, Manet inscrira, pour le 12 janvier, une liste à peine différente de vingt-deux tableaux vendus.

Moreau-Nélaton Étienne, Manet raconté par lui-même, Henri Laurens, éditeur, Paris, 1926, tome I, p. 132-133.

 

Venturi Lionello, Archives de l’Impressionnisme, tome II, p. 195-196 :

« Dès mon retour à Paris, j’avais revu Monet, Pissarro et j’avais fait la connaissance de Renoir, de Sisley et de quelques-uns de leurs amis. […]

Claude Monet, installé à Argenteuil, près de son ami Caillebotte, me livra toute une série de charmantes études d’après nature, faites pendant son voyage en Hollande, et successivement d’autres tableaux peints à Argenteuil, à Rouen, et dans les environs de Paris. Ces mêmes tableaux que je lui payais uniformément 300 francs et qui pendant 20 ans ne furent appréciés que par un bien petit nombre de personnes, sont aujourd’hui ceux que les amateurs recherchent le plus et payent volontiers très cher. […]

Renoir, Sisley, Pissarro, qui travaillaient à Louveciennes, à Marly, à Bougival, m’apportaient de leur côté de nombreuses toiles pleines de fraîcheur et de vérité. Comme celles de Monet, elles passèrent inaperçues de presque tous les visiteurs de nos galeries, quand je les exposai. »

D’après le carnet de comptes de Monet, sur un total de 12 100 francs perçus dans l’année 1872, pour 38 peintures, Durand-Ruel, à lui seul, lui a versé 9 800 francs, pour 29 tableaux (chiffres proches de ceux des livres de comptes de Durand-Ruel).

Wildenstein Daniel, Monet, tome I, p. 62 et note n° 432 p. 62.

[Février]

Lettre de Béliard à Pissarro, non datée.

« Mon cher ami

Je vous envoie cinquante francs de la part de votre mère. Accusez moi réception aussitôt la présente reçue.

Becker a vu vos deux tableaux. il aime beaucoup beaucoup le tableau en hauteur et je l’ai décidé à écrire à son frère pour l’achat par le musée d’Helsingfort [Helsinki] moyennant cinq cents francs. Le susdit Becker a plus d’œil que je n’aurais cru. Il m’a fait remarquer des qualités que je n’avais pas vu.

Reçu pour vous le volume de Zola qui vient de paraître.

Je vous serre la main et présente mes respects à votre femme.
E. Béliard »

Lettre de Béliard à Pissarro, non datée ; vente Archives de Camille Pissarro, Paris, hôtel Drouot, 21 novembre 1975, n° 6.1.

Il doit s’agir de La Curée, dont certains exemplaires de la première édition portent la date de 1871, et d’autres, celle du 30 janvier 1872.

 

5 février

Lettre de Cezanne à Achille Emperaire :

« Paris, 5 février 1872.

Mon cher Achille,

Je n’ai rien obtenu des Batignolles, ni d’autre part. Si j’ai tant tardé à vous écrire, c’est que j’avais eu quelques espérances jusqu’au dernier moment. Mais Zola me dit en dernier lieu qu’il n’a pu se procurer ce que je lui demandais.
Si vous pouvez tenter le voyage à vos frais, faites-le. Vous trouverez l’hospitalité chez moi.
Croyez bien que j’ai tenté vite et partout où j’avais quelque espoir. Mais j’ai eu le chagrin de ne pas réussir.
Si, malgré cette déconvenue, vous avez toujours l’intention de venir, veuillez m’adresser un petit mot, pour ce que je vous disais dans ma précédente lettre. Et j’irai vous attendre à la gare.
Croyez-moi, malgré tous ces ennuis, votre ami dévoué, qui ne désirerait que de se trouver autre part que dans la sauce où je me trouve, pour vous venir en aide.

Paul Cezanne

J’ai eu quelques emmerdements que je pourrai vous communiquer.

Lettre de Cezanne à Emperaire, Paris, 5 février 1872 ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 141.

[17 février]

Lettre de Pissarro, près les Arcades (Seine-et-Oise), au docteur Gachet, datée « samedi matin » [17 février 1872].
Pissarro, rentré de Paris à Louveciennes l’avant-veille, écrit au docteur Gachet, qui soigne son fils, le petit Georges. Il attend sa visite le lendemain, en compagnie du peintre Amand Gautier.

« Aussitôt mon arrivée hier soir, je me suis empressé de faire d’après votre ordonnance, tout ce qui y est prescrit, bains avec friction. Potion que j’ai administrée toutes les heures, une petite cuillerée à thé, vous aviez omis de mettre sur la note la quantité à administrer, et à combien d’intervalle. Ma femme a pu donner le sein jusqu’à présent en quantité suffisante.

Les crises ont continué très très fortes ; les yeux du pauvre petit tournent en tous sens. Ses bras, ses jambes, tout son corps se raidit, la figure change de couleur, du rouge au pâle.

Ces efforts passés, le crâne est soulevé par des mouvements répétés, l’enfant semble insensible. Le cerveau serait-il attaqué ?

Voilà notre grande crainte. Si notre pauvre petit se sauve de la mort, son intelligence serait-elle perdue ?

Si vous avez un petit moment, mon cher Docteur, jetez un mot à la poste pour nous tranquilliser à cet égard, excusez-moi de vous tant presser, vous êtes père, vous devez comprendre notre souffrance.

Voici ce que le Dr d’ici avait prescrit : potion composée de jaune d’œuf, d’huile et d’eau de fleur d’oranger. Il a assisté à une crise très forte hier, il a semblé fort inquiet de la maladie. Il semblait croire que le cerveau est attaqué, et désirait me parler probablement à ce sujet.

Le changement de nourriture que vous avez prescrit ne présentera-t-il pas d’inconvénient, comme cela arrive ordinairement ? […]

Nous vous attendons dimanche [18 février], ainsi que M. Am.[and] Gautier. »

Lettre JBH 15
Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 25-27, lettre datée à tort du 18 février 1872.
Maladie de Georges d’après une lettre de Lucien Pissarro, Londres, à Paul Gachet, datée du 4 novembre 1927 ; Gachet Paul, Lettres impressionnistes au docteur Gachet et à Murer, Paris, Grasset, 1957, 188 pages, p. 53.

Selon Paul Gachet, ce serait dans l’atelier de Gautier que le docteur a rencontré Pissarro pour la première fois. Le médecin compte parmi ses patients la mère du peintre, Rachel Pissarro, depuis 1865 environ.

Paul Gachet, Deux Amis des Impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Éditions des Musées nationaux, Paris, 1956, p. 41 et 43.

Lucien Pissarro apportera ce témoignage :

« Je ne me souviens pas avoir vu A. Gautier, cependant je sais qu’il était un ami de mon père. Je suis presque certain que c’est chez lui que mon père a rencontré le vôtre.

Je me souviens très nettement de l’occasion qui a causé la venue de votre père chez nous.

C’était en 1871 [1872, en réalité], mon frère Manzana [Georges], âgé de quelques semaines avait des convulsions, et mon père très inquiet avait prié le vôtre de venir voir le bébé. Votre père a découvert que les convulsions étaient causées par un empoisonnement dû au caoutchouc (mal préparé) du biberon que l’on employait et, en effet, après avoir changé le genre de biberon, les convulsions disparurent.

Ce petit incident prend place dans ma mémoire comme étant le point de départ de relations plus intimes entre mon père et le vôtre. Cette entrevue avait lieu à Louveciennes, mais il est certain que mon père avait dû rencontrer le vôtre bien avant cette époque. »

Lettre de Lucien Pissarro, Londres, à Paul Gachet, 4 novembre 1927 ; Gachet Paul, Lettres impressionnistes au docteur Gachet et à Murer, Paris, Grasset, 1957, 188 pages, p. 53.

Dès son arrivée à Paris, au printemps 1859, Monet avait fait la connaissance d’Amand Gautier (1825-1894) en se rendant chez lui.

Wildenstein, Monet, tome I, lettre de Monet à Boudin du 19 mai 1859, n° 1 p. 419.

C’est dire qu’à partir de cette date Pissarro, grâce à Monet, a pu rencontrer Gautier, dans son atelier, 12, rue de Seine-Saint-Germain, puis, à partir de 1861, 8, rue de l’Isly, ou ailleurs.

JBH, tome I, note n° b p. 73-74.

Gautier comptait parmi ses camarades Bonvin, Chintreuil, Legros, tous peintres que Pissarro connaissait aussi. En 1862, Gautier, comme Pissarro et Legros, avait fait partie de l’équipe de Cadart et de la Société des Aquafortistes, et, cette même année, ses liens s’étaient resserrés avec Monet libéré de la conscription. Ainsi, jusqu’à la fin 1871, date à laquelle Monet a occupé l’ancien atelier de Gautier, 8, rue de l’Isly, les occasions de rencontre entre Pissarro et Gautier n’ont pas manqué. On peut lire, au dos d’une toile (Paysage à Montfoucault, PDRS 97), l’inscription : « Etude faite à Montfoucault en 1864, crevée par les Prussiens et restaurée par mon ami A. Gautier. » (d’après la notice PV 39). Pissarro a possédé dans sa collection quatre œuvres d’Amand Gautier.

Collection Camille Pissarro, première vente aux enchères publiques, galerie Georges Petit, 3 décembre 1928 : n° 64 ; deuxième vente, galerie Georges Petit, 7 et 8 décembre 1928 : nos 291, 292, 293 (pastels).

Selon Paul Gachet, ce serait dans l’atelier de son ami Gautier que le Dr Gachet a rencontré Pissarro pour la première fois.

Paul Gachet, Deux Amis des Impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, p. 41.

19 février

Emperaire (Aix, 16 septembre 1829 – Aix, 8 janvier 1898) arrive à Paris, où l’accueille Cezanne. Il écrit à un ami :

« Paul était à la gare — je suis descendu chez lui pour me réconforter et ensuite chez un de ses amis sculpteur pour la nuit. »

Lettre d’Emperaire à un ami, 19 février 1872 ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 141.

 

Rewald John, « Petits maîtres du xixe siècle. Achille Emperaire, ami de Paul Cezanne », L’Amour de l’art, n° 4, mai 1938, p. 151-158 :

« Achille Emperaire, né en 1829 à Aix, était de dix années plus âgé que Cezanne. Alors que la plupart de leurs amis, une fois l’enthousiasme de la jeunesse émoussé, abandonneront les pinceaux, devenant tout au plus des peintres du dimanche, Emperaire a embrassé, malgré toutes les difficultés qu’il y rencontra, la carrière artistique. Luttant toute sa vie âprement pour son existence, il se voyait empêché de se développer librement et de montrer pleinement sa mesure.

On ne sait que très peu de choses sur la vie d’Emperaire ; il compta pendant un moment à Paris parmi les élèves de Couture, dont l’influence se révèle dans certains de ses tableaux. Il a séjourné plusieurs fois dans la Capitale, vivant avec une quinzaine francs par mois, et nous possédons d’un de ces séjours, qui dura du début de 1872 jusqu’à la fin de l’année suivante, des témoignages curieux, retrouvés dans un lot de lettres qu’il adressa à des amis aixois (1).

[…] Achille Emperaire resta sans appui, un provincial perdu à Paris où il passa des mois bien pénibles. Toutes ses lettres, couvertes d’une écriture fine et serrée, mais bien lisible et un peu féminine, témoignent de sa détresse ; une d’entre elles mérite d’être citée, son style étrange et obscur semble assez bien dépeindre l’auteur, et elle contient en outre un passage tout à fait étonnant sur Paul Cezanne, « fils du financier ».

« C’est un bien triste séjour — écrit Emperaire à ses amis — que ce pays que l’on ne peut envier que dans l’ignorance. Ce n’est qu’un mirage trompeur… Et à côté des disgrâces dont il accable les plus méritants, puisqu’aujourd’hui encore, et même plus que jamais, la place est aux nuls et aux vils, j’ai de plus à lui en vouloir de m’avoir enlevé la dernière ancre de salut sur laquelle il m’a semblé que je pouvais me rattacher, quand j’ai eu un instant confiance dans les amis et dans les choses. Mais depuis que je me suis engagé sur cette mer dont je n’ignore pas les écueils mais qui est toujours courroucée, j’ai hâte d’en finir avec une situation difficile à décrire. — Et de dire adieu à ce séjour d’exil, de lutte surhumaine et de tristesse toujours. — J’ai d’ailleurs tenté l’impossible et ne suis pas plus fort que les plus forts. — Exceptez l’instinct (il fallait bien se reposer sur quelque chose) vous aurez un fou devant vous. — C’est ce stoïcisme qui fait leur admiration. — Ils ne paraissent pas se douter qu’il faut n’avoir plus rien à apprendre pour affronter ainsi tout… La plupart d’entr’eux sont intéressants au point de vue de l’organisation, mais tous ils ont un appui. — Aucun d’eux, excepté ce pauvre Solari, n’est strictement tenu de se soucier de demain. S’ils ne s’en tirent pas c’est faute d’ordre, mais ils ne diront jamais qu’il a fallu sacrifier à l’agitation et à l’insomnie et négliger le culte. — Quand je pense à ce phénomène d’impuissance en qui j’ai vu comme la récompense et le prix de la lutte désespérée pour moi depuis si longtemps, j’ai comme des inspirations criminelles. — Il y en a si long à dire sur ce sujet inqualifiable, vrai monstre s’il en fut, (dans la signification scientifique du mot) que j’ai toujours ajourné la question. — Car enfin vous êtes souvent à vous demander ce qu’est, ou peut bien être celui dont vous avez vu certains procédés qui ne rappellent rien, non rien de ce qui s’est offert à ma stupéfaction après vingt-quatre heures de présence chez lui. — C’est qu’il y avait, pour nous du moins, deux organisations sous cette enveloppe et que le fils du financier n’avait rien de commun avec l’habitant de la rue de Jussieu. Non rien à comparer à tant de dissonance. Ici pourtant, quoique je n’aie pas l’intention d’aller plus loin, je dois avouer que j’étais en garde devant cette nature rugueuse, indécise, inquiète sans raison. — Non ! Dieu m’est témoin, que j’avais galbé mon homme. — Il y a en pareil cas, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’un sujet de cette classe, une règle de conduite qui ne cache aucune déception — On dit, et c’est indiscutable, l’homme est dans l’œuvre — ou l’œuvre, c’est l’homme, et je regrette chèrement d’avoir refusé parfois de voir le rustre et le manant dans celui qui, cédant à des mouvements passagers de logique et de bonne foi, avouait chez celui qui assurément a eu le plus à souffrir et à regretter son approche des instincts, en opposition complète avec les siens. — C’est que j’étais obligé d’oublier l’actualité et de songer à l’avenir. — C’est que sans être coupable que d’infiniment de misère, je me suis souvent pris à voir comme un auxiliaire puissant dans cette manière de gredin je dirai presque (passez-moi le mot), quand je songeais à une dernière campagne de Paris. Mais déception des déceptions ! rien n’est comparable au changement à vue qui m’a frappé et aux conséquences qui ont suivi. Non seulement je n’ai rien vu venir à moi, mais j’ai eu terriblement à faire pour maintenir le bloc qui menaçait de me broyer. — Un jour, si Dieu veut (pour employer la vieille diction) nous dirons tout ce qu’il y a à raconter sur ce point. Pour aujourd’hui soyons à nous autant que possible. »

(l) Ces lettres nous furent très obligeamment communiquées par M. Marcel Provence. »

23 février

Lettre de Monet, Paris, à Pissarro, datée.
Monet transmet un versement de 100 F à Pissarro pour l’achat d’un de ses tableaux par son frère Léon Monet. Il confirme qu’il a bien reçu ses propres toiles laissées en dépôt chez Pissarro pendant la guerre.

« Ne m’accusez pas d’avoir autant tardé à vous faire cet envoi, il n’y a pas eu de ma faute. Mon frère [Léon] n’étant à Paris que pour deux jours n’avait que juste assez d’argent ; il a dû par conséquent m’envoyer cette somme dès son retour à Rouen ; et, comme un fait exprès, je n’avais pas d’argent à ma disposition. Excusez-moi donc pour ce contre-temps. Je suis enchanté de savoir votre enfant en meilleure santé et il faut espérer qu’il continuera à aller mieux.

J’ai bien mes toiles [confiées à Pissarro en 1870], je vous en remercie. […]

Ci-joint 100 francs. »

Vente Archives de Camille Pissarro, Paris, hôtel Drouot, 21 novembre 1975, n° 92.
Daniel Wildenstein, Claude Monet, I, lettre n° 62, p. 428.

17 mars

Lettre d’Emperaire à un ami, 17 mars 1872 :

« Paul est assez mal établi. —En outre un vacarme à réveiller les morts — bref je pouvais [descendre] ici, j’ai accepté, mais après quand il y aurait de l’or je n’en ferais rien. »

Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 141.

27 mars

Lettre d’Emperaire à un ami, 27 mars 1872 :

« Je sors de chez Cezanne. — Il le faut. En cela je ne pouvais pas échapper au sort d’autrui. — Je l’ai trouvé délaissé de tous. — Il n’a plus un seul ami intelligent ou affectueux. — Les Zola, les Solari et autres et autres, il n’en est plus question. — C’est le plus étonnant garçon produit qu’on puisse rêver. »

Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 141.

[25 mars ou 1er avril]

Lettre de Rachel veuve Pissarro au Dr Gachet, datée lundi soir.
La mère de Pissarro s’inquiète auprès du docteur Gachet de ne pas avoir de nouvelles de son fils, qu’elle sait souffrant.

« Jeudi la femme de mon fils était ici pour affaire, elle m’a dit que M. Camille était malade ; depuis lors je suis sans nouvelles ; j’ai écrit et je n’ai pas de réponse à ma lettre. Je suis on ne peut plus inquiète, vous seul pouvez me retirer de cette peine et je viens vous prier en grâce de venir me voir : je suis malade car je ne dors ni ne peux manger tant je suis inquiète. Je connais votre bonté pour nous, aussi, je compte sur votre prompte visite. »

Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 21.

Cette lettre est en relation avec celle de Pissarro du 1er avril.

1er avril

Lettre de Pissarro, Paris, au docteur Gachet, datée, enveloppe avec adresse commerciale : A. Pissarro, 42, rue de Paradis-Poissonnière.
Pissarro prévient le docteur Gachet qu’il compte lui apporter le soir même « deux toiles, le Lever de Soleil et l’effet de neige [PDRS 221], ainsi que celui de Gautier. »

« J’ai apporté vos deux toiles, le Lever de Soleil et l’effet de neige, ainsi que celui de Gautier.

J’espère pouvoir vous les porter ce soir ; je ne suis pas venu plus tôt ayant été comme toute ma famille retenu par une affreuse grippe.

Ma femme était beaucoup mieux. Bébé dormait pas mal. Je pense qu’il commence à se faire un petit changement en mieux ; il a l’air plus gai, il rit continuellement, c’est bon signe disent les bonnes femmes de Louveciennes. […]

Je suis presque sûr que votre Soleil ira dans le cadre ; il y a un centimètre de différence. »

JBH n° 16 ; Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 27.

3 avril

Louis Auguste Cezanne revend sa maison du 14, rue Matheron.

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, minutes de Me Aude ; Lioult Jean-Luc, Monsieur Paul Cezanne, rentier, artiste peintre. Un créateur au prisme des archives, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Images en Manœuvres Éditions, 2006, 299 pages, p. 20.

Avril

Cezanne est refusé au Salon.

Vers le 8 avril

La famille Pissarro quitte Louveciennes pour aller s’installer à Pontoise, où elle a déjà vécu entre 1866 et 1868. Le peintre loue une maison appartenant à un dénommé Gateau située au 16 rue Mallebranche.
Cette information provient du Curriculum vitæ dressé par Ludovic Rodo Pissarro, qui a relevé les adresses suivantes de son père en 1872 :

«

1er avril Louveciennes
terme échu le 7 avril 1872.
07-avr route de Versailles
Louveciennes (quittance de loyer). »
17 rue Mallebranche Pontoise
(carte de visite de C. P.).
avril 16 rue Malbranche
Livre de comptabilité du Dr Gachet
avec (Mars) entre parenthèses.
19-avr 16 rue Mallebranche (facture).
18-19 avril Bail d’une maison
16 rue Mallebranche
propriétaire Gateau.
09-juil 16 rue Mallebranche
quittance de loyer
terme échu le 8 juillet
propriétaire Gateau.
08-oct quittance
terme échu le 8 octobre
16 rue Mallebranche
propriétaire Gateau. »
Pissarro Ludovic Rodo, Curriculum vitæ ; inédit, Pontoise, musée Pissarro.

Le 16, rue Mallebranche, correspond à l’adresse actuelle du 18, rue Revert. La rue se situe dans le centre de Pontoise, entre la rue de Gisors et la rue Saint-Jean, noms de l’époque, toujours actuels.

Plan d’alignement de la rue Mallebranche vers 1860 ; Archives communales de Pontoise

Paul Gachet donne ce renseignement, sans source :

« En 1872, Pissarro, revenu de Londres, liquida l’atelier de Louveciennes et vint à Pontoise où il avait d’abord chargé le docteur de lui trouver une maison. »

Gachet Paul, Cezanne à Auvers, Cezanne graveur, Paris, Les Beaux-arts, Éditions d’Études et de Documents, 1953, n. p.

9 avril

Le docteur Gachet (30 juillet 1828, Lille) achète, à un couple nommé Lemoine, une propriété située rue Rémy à Auvers (adresse actuelle, 78, rue du Docteur-Gachet). Au début de l’année, Il était venu à Auvers voir son ami Dutro, un client parisien qui possède, dans le quartier de la gare, une maison de campagne.

Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 50 et 53.

15 avril

Baptême du petit Paul Cezanne, à Lanneray, un village d’Eure-et-Loir situé près de Châteaudun. L’enfant, placé en nourrice à la campagne, est présenté par « Elie Blanchard, son père nourricier ».

« L’an mil huit cent soixante-douze, le lundi quinze du mois d’avril, Nous, curé de Lanneray, soussigné, avons baptisé un garçon nommé Paul Alcide, né le quatre du mois de janvier precédent de Paul Cezanne et d’Hortense Amélie Figues [sic], ses père et mère, domiciliés à Paris et présenté au baptême par Elie Blanchard, son père nourricier. Sa m(p)arrain a ete Augustine Tessault et le parrain Alcide Franches, de cette paroisse, lesquels ont signé avec nous le présent acte.

Alcide Franchet          Augustine Tessault
B Semaisse, C. de Lanneray

Certifié le présent extrait conforme au registre par nous, Curé de la paroisse de Lanneray soussigné
Lanneray, 25 avril 1886
B Semaisse
C de Lanneray

Je soussigné vicaire de l’Eglise St Jean-Baptiste d’Aix, déclare que Paul Cezanne et Hortense Fiquet pere et mère de Paul Alcide Cezanne ci dessus nommé, se sont mariés enforce [?] de l’Eglise, le vingt neuf Avril 1886. Comme il const. pour les registre de la Paroisse St Jean-Baptiste d’Aix.

En foi de quoi j’ai délivré ce présent certificat pour servir à ce que de droit.Bicheron

Acte de baptême de Paul Cezanne, 15 avril 1872, extrait du registre des baptêmes de l’église paroissiale de Lanneray, diocèse de Chartres (Eure-et-Loir) pour l’an 1872. Communiqué par Philippe Cezanne.

28 avril

Lettre de A. Rossi et L. Authié à Pissarro.
Le sculpteur A. Rossi et le peintre L. Authié demandent à Pissarro de signer une pétition « ayant pour but de protester contre la singulière nomination du jury de cette année, et demander une des salles du palais de l’Industrie pour y faire une exposition des œuvres refusées ».

« Paris, ce 28 avril 72

Monsieur,

La presse vous a sans doute appris qu’une pétition adressée à M. le Ministre des beaux-arts ayant pour but de protester contre la singulière nomination du jury de cette année, et de demander une des salles du palais de l’industrie pour y faire une exposition des œuvres refusées recueillait en ce moment les signatures d’un grand nombre d’artistes.

Nous venons vous prier, Monsieur, de prendre part à cette sorte de manifestation en nous adressant votre adhésion si vous le jugez convenable.

Agréez, Monsieur, l’assurance de notre haute considération. »

Paris, Bibliothèque d’art et d’archéologie. Vente Archives de Camille Pissarro, Paris, hôtel Drouot, 21 novembre 1975, n° 162.

18 juin

Une pétition, lancée à l’initiative du peintre Authiès le 25 avril 1872, est adressée au « ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-arts », Jules Simon, réclamant un nouveau Salon des Refusés au sein de l’exposition du palais de l’Industrie. Elle est signée par vingt-six artistes, parmi lesquels Manet, Renoir, Pissarro, Cezanne, Fantin-Latour et Jongkind.

« Par suite des tristes événements que la France vient de traverser, les artistes ont été privés du salon annuel en 1871.

Ils devaient s’attendre cette année à ce que la place la plus large fût accordée aux œuvres d’art.

Quel n’a pas été leur étonnement de voir présider aux décisions du jury, élu contrairement à toutes les habitudes reçues, une partialité et un parti pris sans précédent.

En face de la situation faite à tant de jeunes artistes, nous croyons devoir protester et nous venons, Monsieur le Ministre, solliciter de votre bienveillance de mettre à la disposition de tous ceux qui se trouvent refusés (et dans le nombre il s’en trouve beaucoup qui avaient été admis aux années précédentes) une salle du palais de l’Industrie, comme cela s’est fait en 1863 et 1864.

C’est dans l’espérance, Monsieur le Ministre, que vous voudrez bien prendre cette demande en considération que les soussignés ont l’honneur de vous présenter l’assurance de leur profond respect. »

Paris, Archives nationales, F21 301 ; Jane Mayo Roos, Early Impressionism and the French State (1866-1874), Cambridge University Press, 1996, note n° 66 p. 268.

Charles Blanc, « directeur des Beaux-arts », refusera la demande, par lettre du 18 juin à Authié :

« M. le Ministre me charge de vous répondre qu’une exposition des ouvrages non admis au Salon serait contraire à l’esprit comme à la lettre du règlement, attendu que M. M. les artistes en présentant leurs œuvres au Jury élu se soumettent d’avance à ses décisions ; que favoriser cette exposition spéciale serait attribuer à l’administration une influence qu’elle a toujours déclinée ; qu’après être demeurée volontairement étrangère aux opérations du Jury, elle interviendrait finalement pour faire juger le juge. »

Paris, Archives nationales, F21 535 Dr 3 ; Jane Mayo Roos, Early Impressionism and the French State (1866-1874), Cambridge University Press, 1996, note n° 68 p. 268.

 

« Les artistes refusés signent une pétition au ministre dans le but d’obtenir quoi ? l’exposition de la totalité de leurs œuvres ? mais il n’y a pas de place ; une partie choisie parmi ces œuvres ? Alors il faudra encore un jury. A qui les refusés de cette seconde catégorie s’adresseront-ils ensuite ? »

« Expositions. Le Salon », La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, 28 avril 1872, n° 21, p. 242.

19 juin

Lettre d’E. Béliard à Zola.
Béliard invite Zola et sa femme à venir un dimanche à son hôtel du Grand-Cerf, à Saint-Ouen-l’Aumône, en compagnie de Marius Roux et sa femme.

« 19 juin 72
Mon cher Zola
Faites moi donc l’amitié si vos occupations vous le permettent et si ma proposition est agréée par madame Zola, de venir passer un dimanche ou un autre avec Monsieur et Madame Roux en mon hôtel du Grand-Cerf ! Nous prendrons des bains froids : on dit que l’eau de l’Oise est très bonne. Et j’espère comme vous n’êtes pas très difficile que vous n’avez pas encore à vous plaindre de la sauce de mon cuisinier.
Mes amitiés fraternelles
(nouveau style)

E. Béliard »

Lettre inédite, collection particulière.

Cette lettre, ainsi que celle non datée qui suit la réponse de Zola du 22 juillet (voir plus bas)  permet de conclure que Béliard était le propriétaire de l’Hôtel du Grand Cerf.

27 juin

Brouillon de lettre de Pissarro, Pontoise, à un destinataire non identifié, 27 juin 1872.

« Quoique n’ayant pas l’honneur de vous connaître, je viens de recevoir une lettre de vous, me priant de vouloir bien vous confirmer ce que j’ai pu dire à Madame Latouche, concernant le tableau de mon ami Renoir.

Madame Latouche en personne, après m’avoir dit que ces tableaux ne lui convenaient pas, m’a demandé ce que j’en pensais. Quand j’ai eu la certitude qu’elle ne les achetait pas, j’ai répondu qu’ils n’étaient pas de mon goût. Quant à des propos »

JBH n° 17.

Le brouillon de lettre est incomplet, mais on devine que Pissarro conteste avoir tenu des propos désobligeants à l’égard de son « ami Renoir ».

22 juillet

Zola signe un contrat avec Georges Charpentier, qui devient l’éditeur des Rougon-Macquart. Il fréquente régulièrement le salon des Charpentier, où quelquefois Cezanne l’accompagne.

Bakker B. H. (éd.), Émile Zola, correspondance, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal et Paris, éd. du CNRS, tome II (1868 – mai 1877), p. 310.
Robida Michel, Le Salon Charpentier et les impressionnistes, Paris, La Bibliothèque des arts, 1958, p. 127.

« Il [Zola] l’avait conduit [Cezanne] cependant rue de Grenelle chez les Charpentier. […] Introduit chez les Charpentier, Cezanne trouva le lieu trop mondain et revint peu. »

 

Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 98 :

« — Renoir. J’allais vous dire que j’ai rencontré aussi Cezanne chez les Charpentier, il était venu avec Zola ; mais le lieu était trop mondain pour qu’il s’y plût. Du moins, quand on parlait peinture dans la maison, je ne manquais pas de dire, comme M. Chocquet : « Et Cezanne ! »

Si bien que Zola finit par croire que c’était pour lui faire plaisir que je trouvais du talent à son « pays ».

— « Vous êtes aimable de dire du bien de mon vieux camarade ; mais, entre nous, à quoi bon tenter de faire quelque chose pour ce raté ? »

« Et comme je protestai.

— « Après tout, conclut Zola, vous savez bien que la peinture, ça n’est pas mon affaire ! » »

Dans le dossier préparatoire de son futur roman des Rougon-Macquart : Le Ventre de Paris, Zola note, sans doute en 1872, qu’il s’inspirera de Cezanne pour son personnage du peintre Claude Lantier.

« » Claude figure longue, front accentue, visage arabe (C.). […]

Claude a rêvé gigantesque un tableau superbe, Marjolin « Est-il beau cet animal la » et Cadine « Elle est drôle, la petite, » au milieu d’une nature morte colosse (Claude voit surtout la nature morte). Et c’est ce beau projet qui l’a fait leur ami. Quand Florent le plaisante sur Cadine : « Moi ! ah ! non, il ne me faut pas de femmes. » Il est timide. Le poser pour le type futur, selon le portrait de C…. »

Zola Émile, Les Rougon-Macquart : Le Ventre de Paris, dossier préparatoire, Paris, Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Nouvelles Acquisitions françaises 10338, 1872, 316 folios, folios 105, 112.

Et dans le roman :

Zola Émile, Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire : IIILe Ventre de Paris, Paris, Charpentier et Cie, libraires éditeurs, 1873, 358 pages, p. 18.,95 :

« C’était un garçon maigre, avec de gros os, une grosse tête, barbu, le nez très-fin, les yeux minces et clairs. Il portait un chapeau de feutre noir, roussi, déformé, et se boutonnait au fond d’un immense paletot, jadis marron tendre, que les pluies avaient déteint en larges traînées verdâtres. Un peu courbé, agité d’un frisson d’inquiétude nerveuse qui devait lui être habituel, il restait planté dans ses gros souliers lacés ; et son pantalon trop court montrait ses bas bleus. […]

Il rentrait, quand il rencontra Claude Lantier. Le peintre, renfermé au fond de son paletot verdâtre, avait la voix sourde, pleine de colère. Il s’emporta contre la peinture, dit que c’était un métier de chien, jura qu’il ne toucherait de sa vie à un pinceau. L’après-midi, il avait crevé d’un coup de pied une tête d’étude qu’il faisait d’après cette gueuse de Cadine. Il était sujet à ces emportements d’artiste impuissant en face des œuvres solides et vivantes qu’il rêvait. Alors, rien n’existait plus pour lui, il battait les rues, voyait noir, attendait le lendemain comme une résurrection. D’ordinaire, il disait qu’il se sentait gai le matin et horriblement malheureux le soir ; chacune de ses journées était un long effort désespéré. »

Vers 1872

Lettre de Béliard à Zola, non datée [vers 1872]

« Mon cher Zola

En attendant le train qui ne part qu’à minuit et demie Gare du Nord.
Il me pousse l’idée que vous pourriez partir la veille au soir. On est moins fatigué souvent par une heure de veille que par un lever matinal inaccoutumé qui rend quelquefois mal disposé.
Si mon idée vous souriait écrivez-moi et je vous attendrai au train pour vous conduire au lit.
Si vous étiez plus que cinq indiquez moi le également.

E. Béliard »

Lettre inédite, collection particulière.

24 Juillet

Lettre de Zola à Béliard, 24 juillet 1872 .

« Je suis désolé de vous avoir tant fait attendre. J’ai eu de grosses et bonnes affaires que je n’ai terminées qu’hier. Maintenant, nous sommes tout à vous. Seulement, est-il encore temps d’accepter votre aimable invitation ? Veuillez me dire si nous vous trouverons lundi [29 juillet] à Pontoise. Dans ce cas, nous irions vous tomber sur les bras par un train du matin. J’attends votre lettre, et nous ne nous mettrons en route lundi que sur un mot de vous.

S’il est trop tard, excusez-nous, et ne nous en veuillez pas trop. »

Émile Zola,Correspondance, tome II, 1868-1877, lettre n° 152, p. 317, et note n° 2 p. 318.

[29 juillet]

Zola et sa femme passent probablement la journée à Pontoise, invités par Béliard à son hôtel du Grand-Cerf (59, rue Basse, à Saint-Ouen-l’Aumône). Dans son invitation, datée du 19 juin, Béliard ne mentionne pas encore la venue future de Cezanne à ce même hôtel.

Eté

Cezanne, avec sa compagne Hortense Fiquet et leur bébé Paul, viennent loger à l’hôtel du Grand Cerf, 59, rue Basse, à Saint-Ouen-l’Aumône (aujourd’hui, 59, rue du Général-Leclerc), près du pont qui relie cette ville à Pontoise en franchissant l’Oise.

Renseignement sur la venue de Cezanne communiqué par Paul Gachet à John Rewald ; Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 79.

[30 août]

Lettre de Guillaumin au Dr Gachet, datée vendredi 30 août [1872].
Guillaumin confirme au docteur Gachet qu’il attend sa visite le lendemain. Il ne connaît pas la demeure du docteur, probablement celle d’Auvers.

« C’est avec le plus grand plaisir que je recevrai votre visite pour samedi. Je vous attendrai jusqu’à midi ; je pense qu’en raison de la distance, cela vous sera plus commode.
J’aurai en même temps l’occasion de m’excuser des dérangements que je vous ai causés ; ce que j’aurais fait depuis longtemps, si j’avais connu votre demeure. »

Gachet Paul, Lettres impressionnistes au docteur Gachet et à Murer, Paris, Grasset, 1957, 188 pages, p. 65.

Paul Gachet interprète que Guillaumin écrit au docteur à Auvers, car il « ignore son adresse à Paris ».

Il ajoute que Guillaumin est déjà venu avec Cezanne voir le docteur peu après son installation à Auvers, s’appuyant sans doute sur la date d’un tableau signé « AGuillaumin 7.72 », peint chez le docteur : Nature morte : fleurs, faïence, livres, 32,5 x 46,0 cm (Serret et Fabiani n° 14, don Paul Gachet au musée du Louvre, 6 avril 1954, inventaire n° RF 1954 9). « Les accessoires appartenaient au docteur : le tissu à fleurs est le même qui apparaît dans le Bouquet au dahlia jaune de Cezanne. »

Van Gogh et les peintres d’Auvers-sur-Oise, catalogue d’exposition, Paris, Orangerie des Tuileries, 26 novembre – 28 février 1954, introduction par Paul Gachet, préface de Germain Bazin, notices d’Albert Châtelet, 99 pages, 134 numéros, n° 69.

L’interprétation de Paul Gachet sous-entend que la date « 7.72 » correspondrait à juillet 1872, mais il est plus probable qu’elle corresponde à septembre 1872.

Gachet Paul, Cezanne à Auvers, Cezanne graveur, Les Beaux-Arts, éditions d’études et de documents, Paris, 1952, n. p. :

« Guillaumin vint plusieurs fois à Auvers, entremêlant souvent pochades et morsures. Gachet l’avait présenté à Richard Lesclide, fondateur de Paris à l’eau-forte, revue à laquelle ont collaboré de nombreux graveurs, notamment Guillaumin et son introducteur Van Ryssel. »

3 septembre

Lettre d’A. Guillemet à Pissarro.
De retour à Paris, il renoue avec Pissarro et souhaite aller le voir à Pontoise, où se trouve aussi Béliard.

« 3 sept. 72

Mon cher Pissarro.

Peut être m’avez vous tout à fait oublié et le souvenir de notre vieille camaraderie est il tombé dans l’eau en entier ou à peu près ? Au risque de vous ennuyer je vous ecris ces quelques lignes pour me rappeler à votre bon souvenir, et vous prouver que je n’ai cessé de penser à vous et de regretter le bon temps où nous nous voyions si souvent. ––––– Je me proposais à ma rentrée à Paris d’aller vous surprendre à Pontoise et de vous faire sinon plaisir, peur peut être, mais le temps est si chaud aux Batignolles et j’ai tellement peu l’habitude des villes pendant l’été, que je vais repartir de suite pour la campagne où je mettrai le temps mieux à profit. Comme toute lettre est censée avoir un but la mienne en a un de très sérieux. –– A peine installé à Paris, j’ai fait la rue Laffitte et visité les marchands, Dur. Ruel y compris. Et ce que je voulais vous dire c’est que j’ai vu partout de vous des notes charmantes et aussi bien que possible, et que j’ai eu envie de vous le dire tout de suite. On ne doit jamais remettre un plaisir au lendemain laissons cela aux choses desagréables. J’ai donc vu chez Dur. Ruel, surtout des peintures claires, variées, vivantes en un mot et qui m’ont fait le plus grand plaisir. Vu aussi des Monet et Sisley très bien, mais moins dans l’intimité de la nature peut être. Vous me pardonnerez de vous donner l’ennui de lire une longue lettre, mais il me semble que je cause avec vous (comme autrefois. A ma rentrée à Paris j’espère que j’aurai le plaisir de vous voir et souvent ainsi que Madame Pissarro, les enfants et spécialement mademoiselle ma filleule. Nous parlons de vous bien souvent avec ma femme qui avait grand désir de vous voir. Que voulez-vous ce n’est pas ma faute je suis un peu coureur, et les voyages ne m’effrayent pas trop. Mais cela se passe je crois et je fais pr l’an prochain des projets sédentaires, dans lesquels entre pour beaucoup l’espoir de vous voir tous souvent (comme autrefois suis-je toujours forcé d’ajouter) J’ai eu étant en voyage de vos nouvelles par Alfred auprès de qui je m’étais informé de vous ne sachant où vous habitiez. Martin m’a donné tout à l’heure votre adresse. Je compte rentrer à Paris pour tout à fait et longtemps à la fin decembre et à cette époque changer d’atelier, puis louer une petite cambuse au bord de la Seine. J’espère bien que Mad. Pissarro ne m’en veut pas. Les événements d’abord et les voyages ensuite sont la cause de ce lapsus formidable dans nos relations.

Vous devez être bien content maintenant et vous avez franchi en art le cap des tempêtes. Vous réussissez ce que vous faites et vos tableaux plaisent à la bonne heure et pour mon compte j’en suis bien heureux. Je viens de toucher le prix de mon premier tableau chez Latouche. Cela fait plaisir, et je voudrais que celà puisse arriver de temps en temps —

J’ai vu à Paris Manet, Duranty et Zola. Nous avons beaucoup parlé de vous ; et ce sujet de conversation m’intéresse au-dessus de tout autre.

J’espère que le dernier bebé vient tout aussi bien et sera aussi beau que les ainés. Je voudrais bien voir ma filleule, mais ce n’est que partie remise et dans quelque temps j’aurai ce plaisir si toutefois celà ne vous contrarie pas trop J’ai appris que Madame votre mère était à Pontoise avec vous. Vous devez en être très heureux, et vos voyages à Paris doivent en être moins fréquents ce qui vous dérange moins du travail. Ma femme se rappelle au souvenir de Madame Pissarro et vous envoie à tous ses compliments. Je me joins à elle pour tout cela. Souhaitez de ma part à ma filleule toutes les choses les plus aimables que vous pourrez trouver et mes respects à Madame.

Bonjour à Béliard qui est à Pontoise paraît-il et à vous mon cher ami avec tous mes compliments acceptez une bonne poignée de mains de votre vieil et bien affectueux ami. Dès que je serai à Paris pr un peu de temps je vous demanderai d’aller vous voir.

Tout à vous

A Guillemet
20 avenue de Clichy.

Si par hasard vous avez qq. chose à m’apprendre les lettres me sont toujours renvoyées à la campagne. »

Vente Archives de Camille Pissarro, Paris, hôtel Drouot, 21 novembre 1975, n° 79.
Peter Mitchell, Antoine Guillemet 1841-1918, catalogue d’exposition, John Mitchell and Son, Londres, 1998, p. 53.
Shikes et Harper, p. 119. Vente, Sotheby’s, New York, 13 décembre 2011, lot 156.

3 septembre

Lettre de Pissarro à Guillemet.
Il répond à Guillemet qu’il serait enchanté de le recevoir à Pontoise, où réside Béliard et où Guillaumin « vient passer quelques jours » chez lui. « Notre Cezanne nous donne des espérances et j’ai vu des peintures ; j’ai chez moi une peinture d’une vigueur, d’une force remarquables. Si, comme je l’espère, il reste quelque temps à Auvers où il va demeurer, il étonnera bien des artistes qui se sont hâtés trop tôt de le condamner. »

« Paris, le 3 septembre 1872

Mon cher Guillemet

J’ai reçu dernièrement une longue lettre de vous pour laquelle je vous remercie infiniment, car je pensais que vous m’aviez oublié entièrement. Mais ainsi marchent les choses de la vie, à Paris en particulier. On a vécu en camarade pendant des années, tout d’un coup les événements vous entraînent dans une voie différente et l’on se retrouve dans un monde tout nouveau. Mais heureusement que l’on regarde quelquefois en arrière, on se prend à regretter le temps passé.

Je serais enchanté, mon cher, si vous venez comme par le passé me voir ; vous nous verrez peut-être changés par le temps mais pas autrement. Mes enfants sont grands et leur nombre s’est accru d’un troisième garçon mais la note générale est toujours la même.

Béliard est toujours auprès de nous, il fait des études à Pontoise, très sérieuses, ce sera une personnalité. Guillaumin vient passer quelques jours chez nous, il travaille toujours le jour à la peinture et le soir à ses fosses, quel courage ! Notre Cezanne nous donne des espérances et j’ai vu des peintures ; j’ai chez moi une peinture d’une vigueur, d’une force remarquables. Si, comme je l’espère, il reste quelque temps à Auvers où il va demeurer, il étonnera bien des artistes qui se sont hâtés trop tôt de le condamner. Enfin, mon cher Guillemet, il ne manquerait que vous ; vos voyages terminés, vous nous feriez plaisir en venant nous voir, cela donnera un peu de vie à notre Pontoise.

Mes compliments à votre dame de ma part ainsi que de la part de la mienne. Je vous serre les mains.
C. Pissarro » »

Bailly-Herzberg Janine, Correspondance de Camille Pissarro, tome 1, « 1865-1885 », Paris, Presses universitaires de France, 1980, 390 pages, lettre n° 18, p. 76-77.

Antoine Guillemet (Chantilly, 30 juin 1843 – Dordogne, 1918), ardent républicain, s’est engagé dans la Garde nationale pendant la guerre.

Lettre de Manet à Eva Gonzalès, 19 novembre 1870 ; reproduite par Wilson-Bareau Juliet, Manet par lui-même, Paris, Éditions Atlas, 1991, p. 60.

Il est le parrain de Jeanne Pissarro, dite Minette, née en 1865.

Bailly-Herzberg Janine, Correspondance de Camille Pissarro, tome 1, « 1865-1885 », Paris, Presses universitaires de France, 1980, 390 pages, note 1 p. 76.

Édouard Béliard (Paris, 1832 – Étampes, 1912), lié avec Zola et Cezanne, est un habitué du café Guerbois.

A cette époque, Guillaumin loue un atelier, 13, quai d’Anjou. Deux de ses œuvres sont datées septembre 1872 : une eau-forte, Le Pont de Bercy, datée « 7bre 72 », comportant la marque d’un chat, inspirée par le Dr Gachet ; une toile, Nature morte ; fleurs, faïence, livres, datée « 7. 72 », où apparaît le même tissu prêté par le docteur que dans la toile Bouquet au dahlia jaune (FWN718-R214), que le catalogue en ligne de Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman et David Nash (2014) ne considère pas comme un authentique Cezanne. Guillaumin possédera deux tableaux de Cezanne : La Rue des Saules à Montmartre (FWN50-R131) ; Portrait de madame Cezanne (FWN431-TA-R180), dont le modèle a été identifié par le fils de Cezanne. Ce portrait est vu sur un tableau de Guillaumin, Le DocteurMartinez, dans l’atelier du peintre (SF 59), vers 1878, appuyé au pied d’un mur. Il pourrait être de Guillaumin lui-même et ne pas représenter madame Cezanne.

Identification du modèle de FWN431-R180 par le fils de Cezanne ; Archives Vollard, photo n° 323 annotée par le fils de Cezanne : « Madame Cezanne, 1875-80 ».
Hypothèse que le tableau puisse être de Guillaumin, par Walter Feilchenfeldt, « On authenticity », dans Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne. A Catalogue raisonné, en collaboration avec Walter Feilchenfeldt et Jayne Warman, volume I « The Texts », 592 pages, 955 numéros, New York, Harry N. Abrams, Inc., Publishers, 1996, p. 14.

 

Gachet Paul, Lettres impressionnistes au docteur Gachet et à Murer, Paris, Grasset, 1957, 188 pages, p. 67 :

« Guillaumin demeurait chez sa mère, 2, boulevard Bineau, à Levallois-Perret. »

Son atelier se trouve au 13, quai d’Anjou. Paul Gachet signale un carton d’invitation laissé par Guillaumin chez le concierge du docteur Gachet, à l’adresse de son cabinet, 78, faubourg Saint-Denis, vers 1873-1875 :

« Si vous êtes libre, ce soir Quai d’Anjou, 13, Réunion avec P. Cezanne. »

 

Gachet Paul, Cezanne à Auvers, Cezanne graveur, Paris, 1953, n. p. :

« Celui-ci [le docteur Gachet], dès qu’il eut acheté sa maison d’Auvers [le 8 avril 1872], sentit la possibilité de réaliser son rêve : faire de l’eau-forte. Dare-dare (selon sa propre expression), il s’entoura des matériaux indispensables : cuivre, zinc, vernis, etc., et eut bientôt une presse à Paris et une à Auvers. Mais, en 1873, on n’imprimait pas encore à Auvers […].

Guillaumin vint plusieurs fois à Auvers, entremêlant souvent pochades et morsures.

Naturellement, Pissarro venait et fit partie avec Guillaumin et Van Ryssel du trio au milieu duquel tomba Cezanne. Ce dernier, tenté par l’exemple et énergiquement incité par ses amis, fut amené à s’exécuter, ce qui transforma le trio en curieux quatuor.

Van Ryssel venait précisément de graver l’Estaque, le beau dessin au crayon noir que lui avait apporté Cezanne. »

Septembre

Cezanne et sa famille, quittant Saint-Ouen-l’Aumône, ou bien Paris, viennent habiter rue Rémy à Auvers-sur-Oise, à une cinquantaine de mètres de chez le docteur Gachet. « Il loue une bicoque qui lui permet tout juste de peindre dehors, et ayant bien du mal à trouver les cent francs par an qu’il doit à Marguerite Drop ». Un tableau de Louis Van Ryssel (Paul Gachet, fils du docteur) représente cette maison : Maison habitée par Cezanne à Auvers en 1873, daté « 06 ». Elle est toujours reconnaissable, située, 66, rue Rémy (adresse actuelle).

Gachet Paul, Deux Amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, Éditions des Musées nationaux, 1956, p. 51 et 93 et figure 33.

« La rue Rémy, venant de l’Oise, ne s’arrête pas — alors — à la grande route : avant d’être, en réalité, continuée par un chemin de plaine : la Chevalrue, elle tourne à l’est sur la vieille route 1 : à cinquante mètres se trouve la maison convoitée par le Docteur, mais, avant le tournant, une étroite venelle conduit à la maison habitée par Cezanne. […]

En réalité, il loue une bicoque qui lui permet tout juste de peindre dehors, et ayant bien du mal à trouver les cent francs par an qu’il doit à Marguerite Drop, même en ne payant pas l’épicerie qu’il prend chez Rondest.

Il est arrivé dans le pays avec un lot de mauvais cartons non préparés, et blanchit encore parfois quelques morceaux de calicot sommairement encollés, suivant le procédé « économique » de Guillaumin, ce qui n’exclut pas absolument une assez bonne toile de temps à autre.

1 Aujourd’hui, fin de la rue des Vessenots. »

 

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 51-54 :

« La peinture en plein air ! C’était surtout pour s’y adonner en toute quiétude, qu’il résolut de rejoindre Pissarro qui l’appelait auprès de lui. Et là, à Auvers, Cezanne devait rencontrer un autre ami fervent en la curieuse personne du docteur Gachet.

Avec le plus entier respect, mais en montrant le docteur Gachet tel qu’il était, je tiens, car je lui dois cet hommage, à parler ici un peu longuement de cet incontestable premier amateur de la peinture nouvelle.

Le docteur Gachet était à ce moment-là un vieillard hoffmannesque, très maigre, de taille moyenne, médecin de la compagnie du chemin de fer du Nord. Il habitait à Auvers une ancienne pension de famille, contiguë à un cimetière désaffecté dont les ossements parfois tombaient dans la petite propriété. « Vos victimes qui se vengent ! » disait un de ses familiers — et le père Gachet ne se fâchait point. Il avait un fils, Paul, et une fille, Clémentine. Sa femme était morte depuis longtemps. Le docteur Gachet était « sans âge » quand il mourut ; l’acte de décès, au surplus, n’apporta aucune précision, l’indication de l’âge ayant été volontairement omise, par coquetterie du vieillard. Ses deux enfants marchaient disciplinés, à la voix ou au son d’un sifflet qu’il portait à son cou. Docteur homéopathe, il soignait, naturellement, par de minuscules pilules et faisait boire sans cesse de la tisane à ses enfants et à ses invités.

C’était une vieille gouvernante, Madame Chevalier, qui avait élevé les enfants. Alors, ayant des loisirs, le docteur Gachet, fou furieux de peinture, s’était mis, lui aussi à faire de la peinture, et, par surcroît, de l’eau-forte. Il se réfugiait dans un petit atelier inviolable, dans son grenier ; petit atelier où l’on arrivait par une longue échelle et par une trappe ; et là, il peignait ses sujets favoris : des têtes de cochons et des chats. Il signait ses toiles Van Ryssel et prétendait descendre du peintre Van Mabuse.

Il y avait comme hôtes encore, dans la petite maison également singulière du docteur Gachet, — il y avait une vieille chèvre diabolique, sans poils, ainsi qu’une vieille descente de lit toute pelée, et que l’on appelait Henriette ; puis une non moins vieille paonne, pareillement sans plumes, toute ridée, que pourchassaient du matin au soir une trôlée de chats, toujours au nombre de seize à dix-huit.

Les accoutrements du docteur Gachet étaient non moins curieux. En hiver, pour cheminer dans Auvers, — car il soignait gratuitement et en cachette les indigents du pays (ses fonctions de médecin de la Cie du Nord lui interdisant d’exercer dans Auvers), en hiver, il portait de hautes bottes qui lui venaient au-dessus des genoux, une petite fourrure de martre (tête et pattes !) autour du cou, une longue redingote et un bonnet de fourrure.

En été, il arborait un ample chapeau aux bords ballants, une ombrelle blanche doublée de vert, une redingote en alpaga, et des bottines à élastiques.

Autre singularité : il portait les cheveux fins, comme du duvet de canard. Il les teignait lui-même en un jaune si ardent, que Gœneutte l’avait surnommé : le docteur Safran.

Vigilant philanthrope, il avait installé au faubourg Saint-Denis une clinique ; et c’était ceci les buts de sa vie : soigner les gens, peindre et adorer la peinture. »

 

Rivière Georges, Le Maître Paul Cezanne, H. Floury Editeur, Paris, 1923, 242 pages, p. 52-53 :

« Sollicité par son ami Pissarro, qui lui vante la beauté des environs de Pontoise, il s’installe à Auvers.

C’est à Auvers que Cezanne fit la connaissance du docteur Gachet, cet homme extraordinaire qui ne croyait pas en Dieu, mais avait une foi aveugle dans le Progrès-Entité dont il voyait une manifestation intelligente dans toute action révolutionnaire. Le docteur Gachet s’éprit tout de suite de la peinture de Cezanne, que le Jury persistait à refuser. Pour justifier son admiration, le docteur aurait invoqué l’infaillible science et trouvé des raisons tirées de la physiologie, de l’anthropologie, de l’embryogénie et de la sociologie, plutôt que de l’attribuer à un sentiment esthétique. Cezanne n’eût pas été d’accord avec son admirateur sur la religion et la philosophie — dont le peintre ne discutait jamais — mais il se rencontrait avec lui pour maudire les pontifes de l’Institut et de l’Ecole des Beaux-Arts. Cela suffisait. […]

L’excellent docteur Gachet, prévenu par le subtil et prudent Pissarro, évitait soigneusement dans ses entretiens avec Cezanne tout ce qui pouvait irriter celui-ci, de même qu’il témoignait [en 1890] une patience inlassable pour les bizarreries de Van Gogh. Dans ses paisibles entretiens avec Gachet et Pissarro, et particulièrement avec ce dernier, Paul Cezanne se délassait des heures fiévreuses passées devant ses toiles. »

Cezanne ne peut pas rentrer à Aix, car il cache sa liaison à son père. Ce qui l’attire près de Pontoise, c’est la présence de Pissarro, qui lui a vanté la beauté des paysages de la région et lui a recommandé de venir peindre près de lui, en plein air. Plusieurs témoignages le confirment : Georges Rivière, Gustave Coquiot (cf. citation ci-dessus), même si Ambroise Vollard soutient que c’est la présence du docteur Gachet qui attire Cezanne, ce que contredit Paul Gachet.

Rivière Georges, Le Maître Paul Cezanne, Paris, H. Floury éditeur, 1923, 242 pages, p. 53-54. Rivière Georges, Cezanne,le peintre solitaire, Paris, Librairie Floury, collection « Anciens et modernes », 1933, 179 pages, p. 107-108 :

« Sur les instances de Camille Pissarro, qui était son fidèle ami, il alla s’installer à Auvers, aux environs de Pontoise. »

 

Ambroise Vollard, Paul Cezanne, Paris, Éditions Georges Crès & Cie, 1924 (1re édition, Paris, Galerie A. Vollard, 1914, 187 pages ; 2e édition 1919, p. 50-51), 247 pages, p. 40-42 :

« Peu après son retour à Paris (1872), Cezanne rencontra le docteur Gachet, un fervent de la peinture nouvelle. Les tendances révolutionnaires que l’excellent homme crut flairer dans l’art de Cezanne le ravirent, et il engagea vivement le peintre à venir travailler à Auvers, où lui-même exerçait. Mis en confiance, il confessa à Cezanne qu’il avait essayé lui aussi de peindre, du jour où il lui avait été donne de voir la peinture claire. Enchanté de découvrir tant d’amabilité chez quelqu’un « de la partie », Cezanne suivit son « confrère » à Auvers, où il devait rester deux années. En vain ses parents allaient-ils multiplier les efforts pour le faire revenir auprès d’eux. Le jeune peintre restait sourd à leurs appels, pour une foule de motifs dont quelques-uns sont expliqués dans ce fragment d’une de ses lettres [extraits de la lettre de Cezanne à ses parents, vers avril 1874].

Pissarro, qui travaillait aussi à Auvers, engageait Cezanne à ne pas se laisser influencer par les maîtres. Sous l’impulsion des conseils de son ami, mais non sans se faire violence, Cezanne résolut, en effet, de dominer son esprit romantique ; et c’est alors que commença proprement, chez lui, la lutte entre deux tendances opposées. »

 

Duret Théodore, « Camille Pissarro », Gazette des beaux-arts, 46e année, 3e période, tome XXXIe, 563e livraison, 1er mai 1904, p. 395-405, Cezanne p. 399-400.

« À cette époque, Cezanne vint habiter à Auvers-sur-Oise, où se trouvait déjà Vignon [inexact]. Pissarro, tout auprès, à Pontoise, allait les retrouver et ils formèrent ainsi un trio, travaillant ensemble, causant de leur art, se communiquant leurs idées. Cezanne n’avait encore guère peint de tableaux qu’à l’atelier. Ce fut à Auvers, à côté de Pissarro et de Vignon, qui, eux, travaillaient depuis longtemps en plein air, qu’il se mit, avec la ténacité qui lui appartenait, à peindre des paysages directement devant la nature. Ce fut aussi à ce moment qu’il trouva son coloris personnel. Cezanne s’était avancé dans une voie qu’il n’avait pas encore parcourue, sous l’impulsion de ses deux amis ; mais lorsqu’il eut développé sa surprenante gamme de tons, si harmonieuse dans ce qu’on pourrait appeler sa violence, les autres surent en profiter. À cette époque, Pissarro peint des paysages où entre, pour une part, une coloration éclatante, suggérée par celle de Cezanne. »

 

Gachet Paul, texte inédit sur Pissarro, écrit en 1957 :

« La présence du docteur Gachet à Auvers est à l’origine d’un certain mouvement : en 1872, en effet, Guillaumin, accompagné de Cezanne, fut des premiers à lui rendre visite ; les deux artistes admirèrent le pittoresque village. Puis, conseillé par Pissarro, Cezanne y revint, avec femme et enfant, pour y travailler en plein air. Il devint bientôt l’homme de liaison entre Auvers et Pontoise, soit entre Pissarro et Gachet. »

Voir également :

Bailly-Herzberg Janine (éd.), Correspondance de Camille Pissarro, tome 1, « 1865-1885 », Paris. PUF, 1980, p. 32.
Lettre de Pissarro à Guillemet, 3 septembre 1872 ; Bailly-Herzberg, tome I, 1980, n° 18, p. 77.
Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 51.
Rewald John, Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 79.

Cezanne avait déjà rencontré le docteur Gachet en 1858 (il avait 19 ans), lorsque celui-ci avait rendu visite à Louis-Auguste Cezanne :

Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 28.

En travaillant aux côtés de Pissarro, Cezanne s’initie à la peinture claire, à l’étude du plein air, à l’observation de la nature. Puis tous deux évoluent ensemble, non sous la férule de l’un sur l’autre, mais en communion d’idées dans des recherches intenses, chacun respectueux du « tempérament », de la « sensation » de l’autre.

Note de François Chédeville

La lettre de Cezanne à Pissarro du 11 décembre 1872 (voir plus bas) peut nous faire douter de l’installation de la famille Cezanne à Auvers en septembre, puisqu’il y est écrit : « le chemin de fer aurait dû me transporter dans mes pénates. C’est vous dire d’une façon détournée que j’ai manqué le train. » Or Cezanne n’avait pas à prendre le train pour rentrer à Auvers s’il y était installé. Ses « pénates » semblent donc bien être parisiennes, et l’installation de Cezanne à Auvers postérieure au 11 décembre 1872.

Après son séjour vraisemblable de l’été chez Béliard à Saint-Ouen l’Aumône, la famille a donc dû se rapatrier à l’automne dans son appartement du quai de Bercy, Cezanne faisant des allers-retours Paris-Pontoise en chemin de fer pour peindre avec Pissarro. Ce n’est que durant l’hiver, en décembre 1872 ou janvier 1873 qu’a eu lieu le déménagement à Auvers.

21 septembre

Lettre de Pissarro, Paris, à Zola, datée.
Pissarro rentre de Paris à Pontoise pour y recevoir Guillaumin. Il invite Mme Zola à passer prendre une lapine.

« Ma femme prie Mme Zola de vouloir bien lui prendre la lapine mère que nous avons à sa disposition, qu’elle se hâte car elle ne tardera pas à mettre bas. Si Mme Zola pouvait venir à Pontoise, cela nous ferait beaucoup plaisir, en même temps, elle s’arrangerait avec ma femme pour emporter la jeune mère lapine.

Je devais passer chez vous aujourd’hui, mais je suis forcé de partir ce matin pour ne pas manquer Guillaumin qui est attendu chez nous, je vous prie donc, mon cher ami, de ne pas m’en vouloir.

J’ai reçu une longue lettre de Guillemet, il est reparti en voyage. »

 JBH n° 19.

Automne

Paul Gachet indique :

« En automne 1872, il est souvent question [dans la famille Gachet] de Guillaumin, soit qu’il vienne à Auvers, soit que Gachet le retrouve au quai d’Anjou ou chez sa mère, au boulevard des Batignolles. »

Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, p. 77.

23 septembre

Lettre de Mme Tanguy, « 14 rue Cortot, Paris Montmartre », à Pissarro, 23 septembre 1872, inédite ; collection privée.
Pissarro est en relation avec le marchand de couleurs Julien Tanguy (1825-1894), 14, rue Cortot à Paris.

Mme Tanguy lui demande qu’il signe, ainsi que Béliard « et tous ces messieurs dont vous m’avez parlé », la demande de son mari destinée à la commission des grâces.

Cezanne fait certainement partie de « ces messieurs ».

Duret Théodore, Vincent Van Gogh, Paris, Bernheim-Jeune & Cie, Editeurs, 1916, 109 pages, p. 39 :

« En 1870, au moment de la guerre, celui qui devait devenir le père Tanguy tenait une petite boutique rue Clausel [sic], où il vendait des toiles, des couleurs et ces objets nécessaires aux peintres. Son établissement sans frais lui permettait de les offrir à prix doux. Il avait donc trouvé des clients parmi les artistes peu fortunés, des débutants, des méconnus et ceux-ci avaient commencé, à valoir sur le prix des fournitures qu’ils lui prenaient, à lui remettre en dépôt des tableaux, qu’il s’efforçait de vendre.

Il était entré, comme tout le monde, dans la garde nationale, pendant le siège de Paris. Après, la Commune était intervenue, et alors qu’à partir de ce moment le plus grand nombre des gardes nationaux avait refusé le service, il s’y était au contraire absolument dévoué. Ses ardentes convictions républicaines le faisaient adhérer à la Commune. Il avait combattu contre les Versaillais pendant la bataille des rues et finalement avait été pris et envoyé à Satory, avec les autres prisonniers fédérés.

Le conseil de guerre l’attendait. Les présomptions étaient qu’il serait compris parmi les condamnés, et transporté à la Nouvelle-Calédonie. Les artistes, ses clients, signèrent une pétition pour le recommander à la clémence. La recommandation des artistes n’était guère de nature à lui amener les juges, des officiers, lorsque Henri Rouart, le collectionneur, qui avait eu en cette qualité des relations suivies avec lui, pour des achats de tableaux, s’entremit en sa faveur. Rouart riche, grand industriel, d’opinions conservatrices, pouvait, indépendamment de ces avantages, influencer les officiers, comme ayant été lui-même au début officier d’artillerie. Il avait conservé d’intimes relations dans l’armée avec ses anciens camarades et c’est à son intervention auprès d’eux que Tanguy dut, on peut le croire, d’éviter la transportation et de rentrer dans sa boutique. Mais sa situation resta précaire et difficile ayant à supporter, comme « communard », la haine, la persécution soufflées par l’esprit de réaction, tout puissant pendant des années.

Il dut en grande partie à Pissarro de pouvoir se tirer du mauvais pas. Pissarro, sans s’occuper de politique, était ce qu’on appelait alors un homme « d’idées avancées ». Tanguy était son fournisseur et lorsqu’il le vit, pour avoir adhéré à la Commune, tombé dans une situation précaire, il voulut lui venir en aide. Il lui remit donc de ses tableaux à vendre, ce qui était un avantage, car déjà ils trouvaient des acheteurs. Il lui amena après cela Cezanne. Il est vrai qu’à cette époque les tableaux de Cezanne étaient méprisés et ce n’est qu’à de très bas prix que Tanguy parvint jamais à en vendre. Mais Cezanne, par le caractère à part de son art, avait au moins recruté un certain nombre d’admirateurs, qui vinrent chez Tanguy lorsqu’ils purent y voir de ses œuvres.

Cezanne jouissait d’une pension de son père, qui lui permettait de vivre. Il ne pouvait prétendre, dans ces premières années, à vendre lui-même de sa peinture dédaignée, il n’était d’ailleurs aucunement propre à s’occuper d’affaires et une fois en rapports avec Tanguy, il en fit son dépositaire et son factotum pour la vente de ses tableaux. Tanguy en avait donc toujours à montrer dans sa boutique. […]

Tanguy devenu l’homme de Pissarro et de Cezanne vit lui venir ces jeunes artistes méconnus, qui ne pouvaient trouver nulle part accueil et pour lesquels c’était en somme une chose heureuse que d’être chez lui, à côté de peintres ayant déjà recueilli une certaine faveur. Sa boutique reçut donc leurs productions. Elle fut alors visitée par ces amateurs à la recherche d’œuvres à bas prix, communément dédaignées mais auxquelles ils se plaisent à découvrir du mérite et des chances d’avenir. A ces amateurs se joignaient les artistes eux-mêmes, désireux de voir les œuvres les uns des autres et enfin arrivait aussi ce monde imprécis de jeunes gens, d’hommes de lettres ou prétendus tels, qui gravitent sûrement autour des artistes quels qu’ils soient. La boutique de Tanguy, devenu avec l’âge le père Tanguy, fréquentée par un noyau d’hommes ayant des aspirations communes, s’éleva dès lors à l’état de centre artistique. »

 

Tabarant A., Pissarro, Paris, Paris, F. Rieder & Cie, éditeurs, 1924, collection « Maîtres de l’art ancien », 63 pages de texte, 40 planches, p. 21 :

« Ajoutons qu’il [Pissarro] est entré en relations avec un petit marchand de couleurs tenant boutique rue Clauzel : Tanguy. Le père Tanguy, comme on disait aussi, avait exercé longtemps le métier de broyeur chez Edouard, au 6 de la même rue. En 1867, Edouard cédait son fonds à Mulard aîné, et Tanguy ne s’entendit pas très bien avec son nouveau patron, rompit avec lui et devint son concurrent en s’installant presque à sa porte, au 14. Mêlé d’assez loin à l’insurrection de la Commune, il connut les horreurs du camp de Satory, passa en conseil de guerre, mais, grâce à quelques appuis, se tira d’affaire et put reprendre son commerce de toiles et couleurs, auquel, dès 1870, il ajoutait celui des tableaux choisis entre les moins académiques. Il fut sur-le-champ tout acquis à Pissarro, qui ne tarda pas à lui amener Guillaumin, puis Cezanne. »

 

Rivière Georges, Le Maître Paul Cezanne, H. Floury éditeur, Paris, 1923, 242 pages, p. 97-98 :

« Un peu malgré lui, il [le père Tanguy] avait été mêlé d’une façon tout à fait passive au mouvement insurrectionnel de 1871. Du moins avait-il été soupçonné par la police d’avoir figuré dans un bataillon « fédéré ». Emmené sur les pontons de Belle-Isle-en-Mer après la Commune, il avait gardé une espèce de terreur du Gouvernement, en même temps qu’une rancune tenace à l’égard de M. Thiers et de ses successeurs. »

 

Coquiot Gustave, Vincent Van Gogh, Librairie Ollendorff, Paris, 1923, 336 pages, p. 139 :

« En 1871, il fut dénoncé comme fédéré par un curé de Montmartre qu’il avait recueilli ; et, sur le point d’être fusillé à Satory, il ne dut son salut qu’à l’intervention d’Henri Rouart, ancien officier d’artillerie, clairvoyant collectionneur et opulent industriel.

A peine assagi, il s’installa alors, à Paris, marchand de couleurs, dans la petite rue Clauzel, vers le haut de la rue des Martyrs. […]

« Un homme, répétait-il, qui vit avec plus de cinquante centimes par jour, c’est une canaille ! » »

 

Bernard Émile, Julien Tanguy dit le « Père Tanguy », Mercure de France, 16 juillet 1908 ; réédition Caen, L’Échoppe, 1990, p. 13-14.

« Un jour qu’il se promenait tranquillement sous les ombrages de la rue Saint-Vincent, son fusil à la main et rêvant plutôt à la douceur de la nature qu’aux horreurs et aux imprévus de la guerre, il fut dérangé de sa rêverie par une bande de Versaillais qui tentaient « d’accaparer les positions ». Dans l’impossibilité où il était de se défendre et peut-être dans le dégoût de tirer sur son semblable, il jeta son fusil et s’enfuit dans une maison voisine. Mais il avait été vu et on le prit avec quelques autres. Conduit à Versailles, puis déporté, il connut les pontons, la promiscuité, le manque d’air et de nourriture, il vit près de lui la maladie, la mort même.

Cependant il avait à Paris un ami, M. Job[b]é-Duval, qui parvint, en 1873, à le faire gracier, après deux ans de souffrances imméritées et sans nombre. Quand il sortit du ponton de Brest, des ordres sévères, des mesures de prudence presque tyranniques ne lui permirent pas de revoir de suite Paris, où sa femme et sa fille étaient restées. Il dut encore séjourner l’espace de deux années, par ordre du gouvernement, dans une ville de province. Il se réfugia alors à Saint-Brieuc, près de son frère. »

28 septembre

Article d’Armand Silvestre sur Monet, Pissarro et Sisley, qui voit dans leur peinture « un art à la fois aimable et sincère ».

« L’ÉCOLE DE PEINTURE CONTEMPORAINE
(Suite et fin.)
IV.

Nous devons maintenant parler d’un groupe d’artistes, plus étroitement contemporains encore, — car tous sont jeunes, — et qu’il y avait bien quelque audace à représenter, par des reproductions multiples, dans cette galerie [Durand-Ruel] que consacre l’autorité de noms si glorieux. Après tout, cette audace n’est qu’équité, et mérite que l’honneur d’avoir salué, de si loin, une des grandes espérances de l’art moderne la paye un jour. Au premier abord on distingue mal ce qui différencie la peinture de M. Monet et celle de M. Sisley et la manière de ce dernier de celle de M. Pissaro [sic]. Un peu d’étude vous apprend bientôt que M. Monet est le plus habile et le plus osé, M. Sisley le plus harmonieux et le plus craintif, M. Pissaro le plus réel et le plus naïf. Mais nous n’en sommes pas à ces nuances. Ce qui est certain, c’est que la peinture de ces trois paysagistes ne ressemble en rien à celle d’aucun des maîtres qui nous ont occupés ; qu’on ne lui trouve d’ancêtre, lointain par ressemblance sinon par le temps, et très indirect, que M. Manet ; qu’elle s’affirme avec une conviction et une puissance qui nous impose le devoir d’en tenir compte et de définir ce que nous appellerons, si vous voulez bien, son côté découverte.

Ce qui frappe, tout d’abord, en la regardant, c’est la caresse immédiate que l’œil en recueille. — Elle est harmonieuse avant tout : ce qui la distingue ensuite, c’est la simplicité de ses moyens d’harmonie. On découvre, en effet, bientôt que le secret en est tout entier dans une observation très-fine et très-exacte des relations des tons en eux. C’est, en réalité, la gamme reconstituée d’après les travaux des grands coloristes de ce siècle, une sorte d’ouvrage analytique, mais qui ne change pas la palette, comme on pourrait le croire d’abord, en un banal instrument à percussion. Car le sens de ces relations, dans leur justesse étroite, est un don très-particulier et qui constitue précisément l’art du peintre. Celui du paysage ne court aucun danger de vulgarité, par cet ordre de recherches, mais il en recevra des qualités qui, pour être élémentaires, n’en ont pas été moins rares. Quand on aura chassé du chœur tout ceux qui chantaient faux, le mal ne sera pas grand, je suppose ; la place en sera plus large pour ceux qui arriveront avec des voix justes, et le trio dont je parle me semble avoir pour principal mérite de vulgariser, l’usage du diapason. […]

Ce qui paraît devoir hâter le succès de ces derniers venus, c’est que leurs tableaux sont peints dans une gamme singulièrement riante. Une lumière blonde les inonde, et tout y est gaieté, clarté, fête printanière, soirs d’or ou pommiers en fleurs. — Encore une inspiration du Japon. — Leurs toiles peu chargées et de dimensions médiocres ouvrent, dans les panneaux qu’elles décorent, des fenêtres sur la campagne joyeuse, sur le fleuve chargé de barques fuyantes, sur le ciel que rayent des vapeurs légères, sur la vie du dehors épanouie et charmante. Le rêve les traverse et, tout imprégné d’elles, s’enfuit vers les paysages aimés qu’elles rappellent d’autant plus sûrement que la réalité des aspects y est plus saisissante. C’est un art à la fois aimable et sincère que le leur. Rara avis, n’est-ce pas ? »

Silvestre Armand, « L’école de peinture contemporaine (suite et fin) — IV », La Renaissance littéraire et artistique, 28 septembre 1872, 1re année, n° 23, p. 178-179 ; repris dans Silvestre Armand, préface de Galerie Durand-Ruel, recueil d’estampes gravées à l’eau-forte, datée « janvier 1873 », Maisons Durand-Ruel, Paris, Londres, Bruxelles, 1873, p. 5-27, p. 21-23.

13-16 novembre

Duranty publie, en feuilleton, dans Le Siècle, une nouvelle : « La simple vie du peintre Louis Martin », dont le premier chapitre reprend, en le modifiant légèrement, son texte « Le peintre Marsabiel » paru dans La Rue le 20 juillet 1867. Le nom de Marsabiel est modifié en Maillobert, et son accent devient « hypermarseillais », pour mieux renforcer la ressemblance avec Cezanne. Dans les quatre chapitres qu’il ajoute, d’autres peintres sont appelés par leur nom véritable : Manet, Degas, Courbet, Poussin, Cabanel, Whistler, Fantin-Latour… Cette nouvelle sera reprise en 1877 dans son recueil Les Séductions du chevalier Navoni, puis en 1881 dans son recueil Le Pays des arts.

Duranty, « La simple vie du peintre Louis Martin », Le Siècle, 38e année, n° 14599, mercredi 13 novembre 1872, p. 1-2, n° 14600, jeudi 14 novembre 1872, p. 1, n° 14601, vendredi 15 novembre 1872, p. 1, n° 14602, samedi 16 novembre 1872, p. 1. Duranty, « Le peintre Marsabiel », La Rue, Paris pittoresque et populaire, 1re année, n° 8, 20 juillet 1867, p. 4, 6. Duranty, Les Séductions du chevalier Navoni, Paris, E. Dentu, éditeur, Librairie de la société des gens de lettres, 1877, 362 pages, « La simple vie du peintre Louis Martin », p. 327-362. Duranty, Le Pays des arts, Paris, G. Charpentier, éditeur, 1881, 350 pages, « La simple vie du peintre Louis Martin », p. 313-350.

29 novembre

Lettre de Sisley à Pissarro.
Sisley propose à Pissarro qu’ils se voient le 4 décembre, ainsi que Monet et Manet, en vue d’offrir un dîner à Durand-Ruel.

« Voisins 29 novembre [1872]
3 route de la Princesse

Mon cher ami

Si vous voyez votre cousin vous pourrez lui dire que son étude est faite. Comme vous sembliez gober assez la toile que j’ai fait l’hiver dernier à Argenteuil je l’ai nettoyée et rabibochée et elle est à la disposition de vous.
J’irai a Paris mercredi [4 décembre] prochain. Si vous pouvez vous y trouver nous pourrons nous entendre avec Monet au sujet d’une idée qui est venue a Manet. Il s’agit d’un dîner à offrir à Durand-Ruel.
Au revoir tâchez d’être à Paris mercredi
Votre ami

A. Sisley

Mes compliments à Madame et kisses aux mioches. »

Vente Archives de Camille Pissarro, Paris, hôtel Drouot, 21 novembre 1975, n° 183, 2 p. in-8. Vente Sotheby’s, New York, 13 décembre 2011, n° 169.

Aucun tableau de Sisley ne figurera aux ventes de la collection Pissarro.

[4 décembre]

Lettre de Manet à Zola.
Manet invite Zola à un dîner le 11 décembre en compagnie de Pissarro, Sisley et Monet. Cezanne n’en fait pas partie.

« Mercredi 4 décembre [1872]

Mrs Mrs Pissarro, Sisley, Monet et Manet vous prient de leur faire le plaisir d’accepter à dîner le mercredi 11 courant.

7 h. Café Anglais

R.S.V.P. »

Becker Colette, « Lettres de Manet à Zola », dans le catalogue de l’exposition Manet, Paris, 22 avril-1er août 1973, lettre n° 22 p. 524 et notes correspondantes.

Entre 1866 et 1883, le 4 décembre ne fut un mercredi qu’en 1867, 1872 et 1878. Zola sera à Médan en décembre 1878, d’où le choix proposé.

Le Café Anglais est situé 13, boulevard des Italiens.

11 décembre

Lettre de Cezanne à Pissarro, au verso d’une lettre de Lucien Pissarro à son père.
Cezanne passe la nuit chez les Pissarro, rue Mallebranche, à Pontoise, tandis que le peintre est à Paris.

« Monsieur Pissarro,

Je prends la plume de Lucien à une heure où le chemin de fer aurait dû me transporter dans mes pénates. C’est vous dire d’une façon détournée que j’ai manqué le train. ―
Inutile d’ajouter que je suis jusqu’à demain mercredi [jeudi, en fait] votre hôte. ―
Or donc, madame Pissarro vous invite à rapporter de Paris de la farine Nestlé pour le petit Georges. ―
Puis les chemises de Lucien de chez sa tante Félicie [Estruc].
Je vous souhaite le bonsoir.

Paul Cezanne

11 Décembre 1872
En la ville de Pontoise »

Lucien ajoute :

« Mon cher papa,

Mamman te fait dire que la porte est cassee que tu viene vite parce que les voleur peuve venir.
Je te pris si tu veux bien de m’apporté une boite a couleur.
Minette te pris que tu lui apporte une baigneuse. Je n’est pas bien écrit parce que je n’était pas disposée.

Lucien Pissarro »

Vente Fine Books and manuscripts, Sotheby’s, New York, 13 décembre 2011, n° 144, reproduit.
Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 142.

Il est possible que le train que compte prendre Cezanne soit de celui de Paris.

C’est le docteur Gachet, ami de Nestlé, qui recommande la farine lactée Nestlé.

Gachet Paul, Deux amis des impressionnistes, le docteur Gachet et Murer, Paris, éditions des Musées nationaux, 1956, 233 pages, note n° 1 p. 60 :

« Hortense paraissait peu, « Bon-nes tri-pes » — (le P’tit Paul) —, sur le conseil du Docteur, était alimenté de Farine lactée 1, et, son père, négligé, devenait de plus en plus miteux.

C’est, d’ailleurs, ce qu’il devait conseiller quelques années plus tard à Théodore Van Gogh.

Une lettre de Cezanne écrite de Pontoise en décembre 1872, recommande à Pissarro de rapporter de Paris « de la farine pour le petit Georges » (G. Pissarro-Manzana) ; il s’agit de farine lactée Nestlé, que le Docteur, qui l’avait expérimentée, recommandait comme nourriture artificielle ou supplétive des enfants en bas âge.

Henri Nestlé, chimiste à Vevey, l’inventeur du produit, ainsi que sa femme Clémentine étaient de bons et dévoués amis du Docteur.

1 Gachet avait dit à Cezanne que pour les jeunes enfants il n’était que de les élever à la campagne, ce qui l’avait lui-même déterminé à venir à Auvers.»