5 janvier

D’après le livre de stock A de Vollard, (Maurice) Fabre lui achète une toile de Cezanne pour 150 francs, n° 3824, 35 x 21 cm, « huile ; personnages debout », acquise de Cezanne pour 25 francs (Baigneuses, FWN967-R870).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

6 janvier

Auguste Pellerin échange avec Vollard un pastel de Degas (d’une valeur de 3 900 francs) contre le tableau de Cezanne Le Pont sur la Marne à Créteil (FWN288-R729) et une aquarelle, L’Homme à la pipe (RW378).

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne. A Catalogue raisonné, en collaboration avec Walter Feilchenfeldt et Jayne Warman, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, Inc., Publishers, 1996, 592 pages, 955 numéros, notice 729, p. 542.

15 janvier

Auguste Pellerin achète un paysage de Cezanne à Bernheim-Jeune, Paysage, inventaire n° 10189, 50 x 64 cm, qui avait été acquis auprès de Rosenberg. Il s’agit de Ferme normande, été (Hattenville) (FWN183-R508).

Archives Bernheim-Jeune.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne. A Catalogue raisonné, en collaboration avec Walter Feilchenfeldt et Jayne Warman, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, Inc., Publishers, 1996, 592 pages, 955 numéros, notice 507, p. 340.

16 janvier

D’après le livre de stock A de Vollard, Bernheim-Jeune lui achète une toile de Cezanne, n° 3480, « huile ; le bassin du Jas de Bouffan dans lequel se reflète tout la verdure d’alentour », acquise de Cezanne pour 200 francs (Le Dauphin du bassin, au Jas de Bouffan, FWN115-TA-R379).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

21 janvier

D’après le livre de stock A de Vollard, il achète à Murer une toile de Cezanne pour 800 francs, n° 4136, 24 x 33 cm, « huile : Tentation de St Antoine. Le saint est assailli par-dessus par un diable en vêtements rouges qui lui montre une femme dévêtue et des anges » (La Tentation de saint Antoine, FWN630-R240). Il la revendra quelques jours après, le 25 janvier, à Hessel, pour 1 300 francs.

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

Janvier

Gauguin répond à une lettre de Vollard, où il question de son achat d’œuvres de Cezanne :

« Vous dites que si vous hésitez sur la question du prix, c’est parce que mon travail est si différent de celui d’autres peintres que personne ne veut. La déclaration est rude, si ce n’est exagérée. Je suis un peu sceptique parce que, d’abord, j’ai vu des tableaux de Claude Monet vendus pour 20 francs vers 1875 et j’ai moi-même acheté un Renoir pour 30 francs. De plus, j’ai fait une collection de peintures de tous les impressionnistes que j’ai achetés à un prix très faible, quand personne n’en voulait. Maintenant, ils sont au Danemark, dans la maison de mon frère-frère, le célèbre Georg Brandt, qui ne les cèderait pas pour n’importe quel prix. Douze Cezanne parmi eux. […]

Il me reste à vous féliciter pour votre transaction commerciale d’œuvres de Cezanne, qui n’a rien d’humanitaire, puisque Cezanne est excessivement riche. »

Lettre de Gauguin, Tahiti, à Vollard, janvier 1900 (traduite d’après une traduction en anglais) ; Paul Gauguin, Letters to Ambroise Vollard and André Fontainas, commentées par John Rewald, San Francisco, Grabhorn Press, 1943, p. 31 ; repris dans Rewald John, « Paul Gauguin. Letters to Ambroise Vollard and André Fontainas », Studies in Post-Impressionism, édité par Irene Gordon et Frances Weitzenhoffer, Londres, Thames and Hudson, 1986, 295 pages, 75 illustrations, p. 190-191.

2 février

Vollard vend le tableau de Cezanne Marronniers et ferme du Jas de Bouffan (FWN90-R268) à Jos Hessel, pour 1800 francs, qu’il avait acheté lors de la vente de la collection Chocquet pour 1050 francs, y compris 5 % de frais.

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 268, p. 183.

D’après le livre de stock A de Vollard, Bernheim-Jeune lui achète une toile de Cezanne pour 2 000 francs, n° 3384, « Bords de Seine, peinture à l’huile représentant une grue à sable et des déchargeurs avec des voitures attelées », 60 x 73 cm, achetée 400 francs à Cochin (La Seine au quai d’Austerlitz, d’après Guillaumin, FWN104-R293).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.
Blot Jacques, « Cezanne et Guillaumin », Beaux-Arts, Chronique des Arts et de la Curiosité, le Journal des Arts, n° 182, 26 juin 1936, p. 2 :

« Cezanne et Guillaumin
Nous recevons la lettre suivante de M. Jacques Blot, qui nous paraît avoir trop d’intérêt pour que nous ne la soumettions pas à nos lecteurs :
« Je pense qu’il peut être intéressant pour les lecteurs de « Beaux-Arts », et pour ceux qui veulent se renseigner sur l’histoire de Cezanne, de faire une petite remarque au sujet du tableau figurant à l’actuelle exposition de l’Orangerie, sous le numéro 49 [FWN104-R293]. Il ne s’agit pas pour ce tableau d’une peinture faite avec un dessin ou une photo, comme il est dit au catalogue, mais ces « Quais de Seine », du musée de Hambourg, sont une copie d’une peinture de Paul [Armand] Guillaumin, grand ami et camarade de Cezanne, au moment où ils fréquentaient ensemble l’académie Suisse.
Guillaumin lui-même m’avait dit que Cezanne avait alors copié de ses tableaux des « Quais » et il me paraît impossible, pour qui connaît bien la peinture de celui-là, de ne pas le reconnaître immédiatement à travers la copie transparente de son grand camarade.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments très distingués.
Jacques BLOT. » »

6 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Pellerin lui achète une toile de Cezanne pour 7 500 francs, n° 3682, « huile ; paysage à Auvers. Maisons et arbres se reflétant dans l’eau. ciel moutonné », 73 x 92 cm, pour 1 800 francs, acquise de Béliard pour 300 francs (Paysage des bords de l’Oise, Le Valhermeil, FWN84-R224).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

8 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Georges Feydeau lui achète 2 000 francs une toile de Cezanne, n° 3316, « Paysage tout vert ; rideau d’arbres tenant les 3/4 du tableau. au premier plan une maçonnerie, de l’autre côté un petit chemin qui tourne », 65 x 81 cm, acheté 200 francs à Cezanne. Il s’agit des Peupliers (FWN142-R407), que Feydeau revendra en vente publique le 11 février 1901.

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.
Archives Vollard, reconnaissance de dette de G. Feydeau à A. Vollard, 8 février 1900, 421 (4,1) 24, Paris, musée du Louvre, Bibliothèque centrale et archives des musées nationaux.

10 février

Durand-Ruel vend le tableau de Cezanne Le Pont de Maincy (FWN143-R436), acheté 2 310 francs, y compris 5 % de frais, lors de la vente Chocquet, à Bernheim-Jeune, pour 4 000 francs.

Archives Durand-Ruel, Paris, livre de stock, n° 5336.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 436, p. 292.

10 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Fabbri lui achète une toile de Cezanne pour 1 000 francs, n° 401, « huile — petit paysage gris d’argent, maisons dans la campagne du midi, au premier plan un bout de terrain de presque toute la largeur », 35 x 51 cm, acquise de Cezanne pour 200 francs (Campagnes de Bellevue, FWN278-R717).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.
z 2016-08-01 à 21.31.28Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 717, p. 448, extrait du livre de comptes de Vollard reproduit p. 418.

18 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Bernheim-Jeune lui achète pour 4 500 francs une toile de Cezanne, n° 3488, « huile ; quatre paysans jouent aux cartes autour d’une petite table. un ratelier de pipes est accroché à la muraille ; à droite un rideau », acquise de Cezanne pour 250 francs (Les Joueurs de cartes, FWN680-R707).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

19 février

Vollard vend 500 francs à Bernheim-Jeune le tableau de Cezanne Trois baigneuses (FWN918-R258), qu’il a acheté 290 francs (y compris 5 % de frais) lors de la vente de la collection Chocquet du 1er juillet 1899 (n° 24). Bernheim-Jeune le revend le jour-même à Auguste Pellerin.

Archives Vollard, livre de stock.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 258, p. 177.

20 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Hessel lui achète une toile de Cezanne, n° 3566, « huile, paysage q.q. maisons genre ferme ; à gauche de tableau grand marronnier », 50 x 65 cm, pour 1 800 francs, achetée 1 050 francs lors de la vente de la collection Chocquet des 1er, 3 et 4 juillet 1899 (Marronniers et ferme du Jas de Bouffan, FWN90-R268).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

24 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Pellerin lui achète une toile de Cezanne pour 4 000 francs, n° 3767, « huile ; des femmes nues se baignent dans une rivière à l’ombre d’arbres », 60 x 73 cm, acquise de Cezanne pour 450 francs (Cinq Baigneuses sous des arbres, FWN917-R257).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

20 ou 28 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Pellerin lui achète une toile de Cezanne pour 4 000 francs, n° 3553, « Le déjeuner sur l’herbe, huile. personnages assis ou debout ou marchant ― manière noire de Cezanne », 60 x 81 cm, acquise de Cezanne pour 150 francs, (Le Déjeuner sur l’herbe, FWN610-R164).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 164, p. 133. Rewald indique la date du 20 février 1900.

28 février

D’après le livre de stock A de Vollard, Fabre lui achète une toile de Cezanne pour 700 francs, n° 4125, 33 x 25 cm, « femme nue à la toilette ; peinture à l’huile, en face de la femme une petite négresse lui tend une table à toilette ; à gauche une draperie rouge » (La Toilette, FWN665-R594), acquise à l’hôtel Drouot le 2 décembre 1899 pour 410 francs.

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

Février

Vollard achète le tableau de Cezanne Paysage des bords de l’Oise (FWN84-R224) à Édouard Béliard, pour 300 francs, qu’il revend quelques jours plus tard à Auguste Pellerin pour 7 500 francs.

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 224, p. 164.

Le tableau représente des maisons d’une rue du Valhermeil (l’actuelle rue Schmitz), à Auvers-sur-Oise, vues de l’autre côté de l’Oise.

Mothe Alain, Ce que voyait Cezanne. Les paysages impressionnistes à la lumière des cartes postales, Paris, RMN Grandpalais, 2011, p. 38-39.

6 mars

Vente, à la galerie Georges Petit, de deux tableaux de Cezanne de la collection d’Adolphe Tavernier :

10 — Les Chaumes – 38 x 45 cm [FWN65-R186]

11 — L’Estaque 41 x 53,5 cm [FWN49-R134].

Il les avait achetés à Vollard le 7 novembre 1899. Ils sont vendus respectivement 1 375 et 1600 francs.

 

Catalogue de tableaux, aquarelles, pastels et dessins par Bonvin, Boudin, J.-L. Brown, Caillebotte, Cals, Cezanne, Corot, Daumier, Degas, Eug. Delacroix, d’Espagnat, Fantin-Latour, Forain, Jeanne Gonzalès, Guillaumet, Guillaumin, Helleu, Jongkind, Lépine, Loiseau, Manet, Claude Monet, H. Monnier, Berthe Morisot, Pissarro, Puvis de Chavannes, Raffaëlli, O. Redon, Renoir, Ribot, Saint-Marcel, Sisley, Van Goghe [sic], Vignon, Vollon, Vuillard, Zandomeneghi, composant la collection de M. Ad. Tavernier et dont la vente aura lieu à Paris Galerie Georges Petit, 8, rue de Sèze, le mardi 6 mars 1900, 130 pages, 155 numéros, planches, dont 3 pages de préface par L. Roger-Milès, 2 pages sur Boudin par Albert Sorel, 2 pages sur Daumier par Arsène Alexandre, 3 pages sur Fantin-Latour par L. Roger-Milès, 2 pages sur Guillaumin par Arsène Alexandre, 3 pages sur Jongkind par L. Roger-Milès, 4 pages sur Jongkind par Georges Lecomte, 3 pages sur Monet par Gustave Geffroy, 2 pages sur Pissarro par Georges Lecomte, 4 pages sur Renoir par L. Roger-Milès, 5 pages sur Sisley par L. Roger-Milès, 2 pages sur Vignon par L. Roger-Milès, 2 pages sur Degas par J.-K. Huysmans, Cezanne p. 19 :

« Cezanne
10 — Les Chaumes.
Toile. Haut., 38 cent. ; larg., 45 cent.
Cezanne
11 — L’Estaque.
Toile. Haut., 41 cent. ; larg., 53 cent. 1/2. »

 

« Mouvement des arts. Collection Ad. Tavernier », La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, n° 11, 17 mars 1900, p. 100-101 :

« MOUVEMENT DES ARTS
Collection Ad. Tavernier
Vente de tableaux faite à la galerie Georges Petit, le 6 mars, par Me Chevallier, commissaire-priseur, MM. G. Petit et Bernheim jeune, experts.
Cezanne. 10. Les Chaumes : 1.375. — 11. L’Estaque : 1.600. »

 

Fontainas André, « Art moderne », Mercure de France, n° 122, avril 1900, p. 251-252 :

« À la vente Ad. Tavernier, qui a eu lieu le 6 mars dernier, […] de solides et profonds Cezanne ».

24 mars

Le collectionneur Chtchoukine (Sergueï, Moscou, 27 mai 1854 – Paris, 10 janvier 1936, ou son frère Ivan) vend à l’hôtel Drouot deux tableaux de Cezanne : n° 3, Nature morte (Pot vert et bouilloire d’étain, FWN709-R137), 7 000 francs, et n° 4, Maison de campagne (Maison et arbre, quartier de l’Hermitage, Pontoise, FWN85-R222), 5 500 francs.

Collection d’un amateur, Paris, hôtel Drouot, 24 mars 1900, commissaire-priseur Duchesne, experts : Bernheim-Jeune et fils, 9 pages, 42 numéros, 5 planches, n° 3 illustré (Lugt 57960) ;

 

Paris, « Hôtel Drouot », Le Matin, 17e année, n° 5873, dimanche 25 mars 1900, p. 3 :

« Les tableaux suivants justifiaient peu les prix auxquels ils ont été adjugés. Nature morte, par Cezanne, 7,000 francs, et Maison de campagne, du même artiste, 5,500 francs. »

 

a Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, n° 17, 28 avril 1900, p. 169 :

« Collection d’un amateur
Vente de tableaux modernes, faite à l’Hôtel Drouot, salle 9, le 24 mars, par Me Duchesne, commissaire-priseur, et MM. Bernheim jeune et fils.
[…] 3. Cezanne. Nature morte : 7.000. — 4 ; Cezanne. Maison à la campagne : 5.500. »

24 mars

Hortense Cezanne renonce à son hypothèque légale sur le Jas de Bouffan.

24 mars

D’après le livre de stock A de Vollard, Fabbri lui achète pour 2 500 francs une toile de Cezanne, n° 3656, « huile ; cinq personnages nus dans des positions diverses au sortir du bain », 61 x 74 cm, acquise de Cezanne pour 200 francs, (Cinq baigneurs, FWN936-R449).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

Mars

Gauguin écrit à Daniel de Monfreid :

« Je vous écris à la hâte ces quelques lignes en désespéré. Rien de vous, et cependant vous me disiez que vous seriez en Septembre à Paris et que vous vous occuperiez de mes affaires. Depuis longtemps je n’avais reçu d’argent et tout ce que Chaudet m’avait promis et qu’il avait à moi a été annulé par sa mort. Autre chose, et qui est désastreux ; c’est une lettre de Bauchy qui m’affirme avoir payé Chaudet depuis déjà 2 ans et en plus avoir acheté 3 tableaux. Ce qui fait avec les 750 fr. que Bauchy me devait d’après le compte de Chaudet une somme assez ronde et me fait prévoir encore d’autres, car la vente de tous les Cezanne à un prix si extraordinairement bas n’est guère probable avec les prix courants du marché. Enfin il faut en faire son deuil et peut-être n’était-ce chez Chaudet que légèreté, comptant, un jour qu’il serait en fonds, me solder le tout à sa façon. »

Lettre de Gauguin à Daniel de Monfreid, mars 1900 ; Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, précédées d’un hommage à Gauguin par Victor Segalen, édition établie et annotée par Mme Joly-Segalen, Paris, Georges Falaize, 1950, 251 pages, lettre LXII p. 157.

Vers mars

L’artiste allemande Paula Modersohn-Becker est captivée par les œuvres de Cezanne quand elle visite la galerie de Vollard avec Clara Westhoff.

Rilke-Westhoff Clara, « A Recollection » ; Gallwitz, S. D., Briefe und Tagebuchblätter von Paula Modersohn-Becker, Munich, Kurt Wolff Verlag, 1920, 245 pages ; traduction en anglais, Günter Busch et Liselotte von Reinken, éditeurs, Paula Modersohn-Becker, The Letters and Journals, New York, Taplinger, 1983, p. 173 :

Traduit de l’anglais :

« Un jour, elle insista pour que je l’accompagne dans une promenade sur la rive droite, pour me montrer quelque chose de spécial. Elle me conduisit chez le marchand d’art Vollard. Et dans sa boutique, comme nous étions laissées libres, elle commença de retourner les tableaux qui étaient posés contre le mur, et de choisir avec une grande confiance en soi quelques-uns d’entre eux qui étaient d’une simplicité tout à fait nouvelle et qui semblaient proches de sa nature. C’étaient des tableaux de Cezanne, que nous avons vus là pour la première fois. Nous ne connaissions même pas son nom. À sa manière, Paula l’a découvert et cette découverte a été une confirmation inattendue de ses propres recherches artistiques Plus tard, je fus surprise de ne pas trouver quoi que ce soit à ce sujet dans ses lettres. Peut-être lui est-il été impossible d’articuler ces choses de manière compréhensible — en effet, cette expérience a été si indicible que peut-être il ne pouvait-elle l’exprimer que dans son propre travail. »

1er avril

Mauclair Camille, « Le crépuscule de l’art pictural », La Revue des revues, volume XXXIII, 1er avril 1900, p. 29-39, p. 39 :

« Paul Cezanne, solitaire en Provence, crée des œuvres puissantes et frustes, »

4 avril

D’après le livre de stock A de Vollard, Cochin (le baron Denys Cochin) lui achète une toile de Cezanne pour 500 francs, n° 3443, « peinture ; au premier plan un vert très [tendu ?], au second une esquisse d’un grand arbre », 81 x 60 cm, acquise de Cezanne pour 100 francs (Sous-bois provençal, FWN330-R885) ; une autre pour 3 000 francs, n° 3925, « paysage à l’huile : grands arbres », 65 x 81 cm, acquise de Cezanne pour 150 francs (Les Grands Arbres au Jas de Bouffan, FWN213-R547). En échange, Cochin lui vend une autre peinture de Cezanne pour 500 francs, n° 4156, « huile ; nature morte ; cruchon en gres gris, fruits sur une nappe », 38 x 46 cm (Pichet de grès, FWN853-R743)

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

Selon Rewald, le baron Denys Cochin achète à Vollard le tableau de Cezanne L’Allée à Chantilly, II (FWN245-R615), pour 1 000 francs. Le marchand l’avait acheté pour 100 francs.

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 615, p. 407.

D’après le livre de stock A de Vollard, Heilbut lui achète une toile de Cezanne pour 2 000 francs, n° 3773, « huile ; sur un terrain vert deux massifs d’arbres. au milieu comme un monticule rougeâtre et verdoyant », 73 x 60 cm, acquise de Cezanne pour 175 francs (Maison sous des arbres, Provence, FWN211-R545).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

11 avril

Coquiot Gustave, « Opinions. Le musée de l’Art moderne », La Presse, 67e année, nouvelle série, n° 2874, 11 avril 1900, p. 3 :

« Car, les faux artistes, il faut enfin le leur faire savoir, ont mystifié assez longtemps le public. Il est temps, en compensation, que les Seurat, les Cezanne, les Renoir, les Luce, les Signac, entrent, par la grande porte, dans le Temple ; et, pour les autres, réservons-leur, si l’on veut bien, les encouragements ou mieux encore les médailles, ces ronds de cuivre, d’argent ou de vermeil, que l’on a coutume de décerner, après concours, à ces sociétés d’orphéonistes ou de gymnastes qui reviennent, le dimanche, ivres de joie et d’orgueil ; et qui passent, le pas gaillardement relevé, sous les arcs de triomphe de leurs concitoyens justement émus.
Ainsi tout le monde y trouvera, son compte.
                       Gustave Coquiot »

14 avril

Emil Heilbut achète à Vollard, au nom de Bruno et Paul Cassirer, trois huiles de Cezanne : Maison sous bois (Provence) (FWN211-R545), Arlequin (FWN670-R621) et Grosses Pommes (FWN841-R701), pour un total de 6 000 francs. Le livre de stock A de Vollard mentionne n° 3364, « Peinture à l’huile représentant deux assiettes, une petite avec des fruits d’une harmonie verte ; d’une grande harmonie rouge », 44 x 59 cm, acheté 150 francs à Cezanne, vendu 2 000 francs à Heilbut le 14 avril 1900.

Heilbut deviendra rédacteur en chef de la revue Kunst und Künstler, fondée en 1903 par Bruno Cassirer.

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notices 545, 621 et 701, p. 368, 410 et 441.
Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

15 avril – 15 octobre

Exposition centennale de l’Art français, organisée au Grand Palais, dans le cadre de l’Exposition universelle.
Quelques mois avant l’ouverture de l’exposition, André Fontainas, chroniqueur d’art au Mercure de France, s’était inquiété des réactions qu’aura le public devant les œuvres de Cezanne, Redon et Gauguin qui seront exposées.
Roger Marx est intervenu pour que Cezanne soit admis.
Trois tableaux de Cezanne sont présentés à l’exposition :

« Cezanne.

  1. — Nature morte : fruits (appartient à M. Viau). [Nature morte au compotier (FWN780-R418)]
  2. — Paysage (appartient à M. Pellerin) [Paysage des bords de l’Oise, le Valhermeil (FWN84-R224)]
  3. — Mon Jardin (appartient à M. Vollard). [Le Bassin du Jas de Bouffan (FWN92-R278)]»
Exposition internationale universelle de 1900.
Catalogue général officiel de l’Exposition centennale de l’art français (1800-1889)
, Paris, Imprimerie Lemercier et Cie, Lille, L. Danel, 1889, 227 pages, Cezanne p. 33.
Exposition universelle de 1900. Catalogue officiel illustré de l’Exposition centennale de l’art français, 1800 à 1889, Paris, Imprimerie Lemercier et Cie, Ludovic Baschet, éditeur, 1900, 239 pages, Cezanne p. 196.

Revue de presse

Fontainas André, « Art moderne. Eugène Delacroix, et quelques autres, à l’Exposition universelle », Mercure de France, tome XXXIII, n° 122, février 1900 ; p. 522-527, Cezanne p. 523.

« Oui. Mais Cezanne ? Odilon Redon ? et, plus jeunes, Gauguin (van Gogh était hollandais !), Vuillard, Bonnard, Seruzier, Ranson, E. Bernard, Roussel, Maurice Denis ? ― (Denis ? oh ! Denis a été admis au Champ de Mars), et… et, oserais-je m’y risquer ? Seurat, Signac, Luce, Cross (van Rysselberghe est belge !), de Groux ?
― En vérité, la responsabilité des comités organisateurs se trouverait, s’ils accueillaient des noms aussi entachés d’audace, étrangement compromise. Si la foule s’ameutait ? Si l’on allait rire ? Vraiment leur gloire est, jusqu’ici, bien peu assurée, ces noms ne rayonnent pas encore avec certitude établie, et, déjà, en tolérant, sans restriction, l’admission, avec des œuvres prudemment choisies, de tout l’art impressionniste, ne montrons-nous pas notre bonne volonté conciliatrice, notre respect des tendances les plus avancées, notre insouci de ce que le public, encore mal préparé, ne peut comprendre ni aimer ? »

 

Geffroy Gustave, « Les beaux-arts à l’Exposition. II La centennale », Le Journal, quotidien, littéraire, artistique et politique, 9e année, n° 2771, mardi 1er mai 1900, p. 3.

« Édouard Manet vient ensuite, avec un caractère de franchise et de décision, continuer l’évolution sans fin. Il a des compagnons, des amis, et voici que tout à coup, parmi eux, se décide une grande transformation de la peinture, un fleurissement nouveau, un règne de la lumière, d’une puissance et d’une grâce infinies. Claude Monet, Renoir, Cezanne, Pissarro, Basile, Sisley, Berthe Morizot, Lebourg, Gauguin, Vignon, et le dernier venu, Seurat. En même temps qu’eux, Degas, et ensuite, Raffaëlli, Forain, dont l’effort se porte vers les formes en mouvement et vers les observations physiologique ou sociale [sic]. Tous sont représentés dans une salle, et leur réunion, la plus complète qui ait encore été faite dans une exposition nationale, les met, enfin, où ils doivent être, à leur date historique, les fait apparaître avec leur neuve vision de la nature, leur vérité aiguë d’expression. C’est la finesse de vérité et la force de peinture de Manet ; l’imprévu de lignes et de coloration que Degas a su découvrir ; la beauté de forme, le frisson de lumière, le sens de l’universel qui sont chez Claude Monet ; le relief des choses et la limpidité dans la richesse colorée de Cezanne ; la poésie enflammée de Renoir ; le charme incomparable de la campagne chez Pissarro, chez Sisley, avec la perception de l’effet lumineux ; la douceur soyeuse dans les ensembles de valeurs si justes de Lebourg ; la vérité de la vie passante, l’agitation des villes, du geste humain, chez Raffaëlli ; le charme fluide chez Berthe Morizot. Ceux-là et les autres sont présents, même Basile tué en 1870, et dont on verra avec curiosité deux œuvres qui viennent d’Ingres et annoncent Renoir. »

 

Alexandre Arsène, « Les Beaux-arts à l’Exposition universelle de 1900. La centennale de l’art français », Le Figaro, 1er mai 1900.

 

Babin Gustave, « L’Exposition universelle. Le grand et le petit palais », Journal des débats politiques et littéraires, 112e année, n° 121, mercredi 2 mai 1900, p. 2 :

« Aux impressionnistes, ou plutôt à la nouvelle école de paysage, on a eu l’heureuse pensée de faire l’honneur de deux salles très spacieuses, à droite de la rotonde, et de réunir là les modérés et les exaspérés, Manet auprès de Mme Eva Gonzalès, Degas près de Renoir, Monet près de Sisley et de Pissarro, et même M. Gauguin, et M. Cezanne, et M. Seurat et M. Valloton.
Et dans la salle qui fait suite à la leur, vous trouverez d’admirables compositions de M. Fantin-Latour. »

 

Guinaudeau B., « La Centennale », L’Aurore, littéraire, artistique, sociale, 4e année, n° 929, samedi 5 mai 1900, p. 1 :

« Après avoir passé devant les Manet, nous arrivons à des œuvres que, hier encore, les critiques officiels ne savaient comment assez honnir et bafouer, et que tout le monde classe aujourd’hui parmi celles qui font le plus de gloire à la peinture française. Ce sont les œuvres de Claude Monet, de Degas, de Renoir de Pissarro, de Sisley, de Cezanne et d’autres plus jeunes et moins connus, Gauguin, Seurat, Maurin, tous les impressionnistes. »

 

Guinaudeau B., « La Décennale », L’Aurore, littéraire, artistique, sociale, 4e année, n° 944, dimanche 20 mai 1900, p. 1 :

« Enfin, faisant d’avance la besogne que feront nos petits-fils, et qui est déjà largement commencée, on mettrait à leur place, à la place d’honneur, ceux qui, depuis la disparition des Courbet, des Millet et des Manet, ont rénové non seulement l’art français, mais l’art de tous les pays : Claude Monet, Degas, Renoir, Sisley, Pissarro, Cezanne. Ceux-là sont les maudits qu’aurait impitoyablement chassés le jury de la Décennale. M. Roger Marx a dû les prendre à la Centennale pour qu’ils pussent avoir quelques mètres de cimaise au Grand Palais. »

 

Coquiot Gustave, « Les Beaux-arts à l’Exposition », La Plume, littéraire, artistique et sociale, 12e année, n° 267, 1er juin 1900, p. 522-527, Cezanne p. 334.

« Et notre visite nous mène, maintenant, devant l’Hommage à Berlioz, devant la Brodeuse, le Coin de Table et la famille Dubourg, de Fantin ; et voici Édouard Manet et toute une phalange : Claude Monet, Renoir, Cezanne, Pissarro, Basile, Sisley, Berthe Morizot, Raffaëlli, Gauguin et Seurat. Tous sont d’hier et d’aujourd’hui ; mais déjà un nouveau groupe les pousse, les harcèle ; et je regrette que ce groupe nouveau : les Néo-Impressionnistes, ne soit pas représenté à la Centennale. Pourquoi, en vérité, cet ostracisme ? »

 

De La Sizeranne Robert, « L’art à l’exposition de 1900. II Le bilan de l’impressionnisme », Revue des deux mondes, 159e volume, 4e période, LXXe année, 1er juin 1900, p. 628-651, Cezanne p. 634 :

« Inspirés par une idée juste de leur époque, inconsciemment pénétrés du désir de l’idéaliser, servis par des organes très pénétrants et très sensibles ; enfin munis d’une retentissante étiquette, les Impressionnistes, les Jongkind, les Renoir, les Monet, les Pissarro, les Cezanne, les Sisley, pouvaient accomplir dans notre art du xixe siècle un rôle utile. »

 

de Cassaignac Paul, « L’art juif », L’Autirité, 5 juillet 1900. Repris dans L’Express du Midi, organe quotidien de défense sociale et religieuse, 10e année, n° 2988, vendredi 6 juillet 1900, p. 1 :

L’auteur dédiant son article à Édouard Drumont et prétendant citer un artiste :
« Il est urgent, sinon trop tard, de pousser un cri d’alarme au sujet de l’invasion juive dans les beaux-arts, invasion incompréhensible, et injustifiée de tout point, la dominante du juif, homme d’argent et non d’idéal, étant le manque de goût et son amour du criard, du faux, du clinquant, comme en témoignent ses cravates, ses gros bijoux et son installation simili-bazar.
Et ce sont ces hommes qui ont la haute main sur ce qui fait la vraie noblesse d’un peuple : ses beaux-arts ; ces hommes qui sont chargés de faire les expositions d’État, de compléter et d’enrichir nos musées, dont ils ont la haute direction !
Au musée du Louvre, Kaempfen ;
Au musée du Luxembourg. Benedite ;
Aux monuments civils, Jules Comte ;
Directeur général de tous les musées de France. Roger Marx.
Quatre juifs !
Qu’ont-ils fait, ces gens-là, qu’ont-ils produit ? Marx qui ? Marx quoi ? Protégé des Rothschild. Et puis après ?
Quel est le bagage artistique qui a pu le faire désigner pour de telles fonctions ? Et, pour comble, ce n’est un secret pour personne que M. Roujon, repu d’honneurs, membre de l’Institut, commandeur ou grand-croix, va céder son rond-de-cuir de directeur des beaux-arts au susdit Roger Marx.
La juiverie va enlever la dernière citadelle.
Ce n’était pas assez que les marchands de tableaux juifs de la rue Laffitte et de l’avenue de l’Opéra faussent le goût du public et, par de honteuses réclames, par des ventes simulées, fassent des coups de bourse artistique au détriment des gogos et des vrais artistes, sur les barbouillages dits impressionnistes, pointillistes, et fumistes surtout, dont ils ont rempli leurs caves à vil prix.
Cet art des marchands juifs va devenir art d’État.
Qui ne se souvient du scandale produit par l’acceptation, au Luxembourg, du legs Caillebotte ?
Tous les sous-Manets s’y étalent sans vergogne ; des toiles burlesques jettent leur défi au bon sens, au bon goût, à la dignité de l’art.
Ce premier essai fut un peu timide ; on plaida les circonstances atténuantes : pourquoi ne pas montrer au public quelques spécimens de cette nouvelle manifestation d’art qui pouvait avoir son intérêt, comme date, comme reflet d’une époque, etc. ?
On a joliment marché depuis.
De par le bon vouloir de M. Marx, tous ces pontifes de la nouvelle église sont installés en triomphateurs dans les plus jolies salles de la Centennale. C’est une apothéose ; tandis que les Daubigny et les Troyon, très insuffisants comme nombre, doivent se contenter des coins d’ombre et des faux jours du rez-de-chaussée ; et les vrais maîtres actuels de notre saine et belle école française passent au second plan : heureux encore ceux qui n’ont pas été totalement éliminés !
M. Marx ne semble pas se douter qu’il y a encore des gens qui préféreraient voir dix Gérôme que dix Sisley et qui font plus de cas de M. Émile Breton que de M. Cezanne.
Ah ! nous en verrons de belles sous le règne de ce futur directeur, qui a fait de quelques salons de la Centennale des succursales de boutiques de la rue Laffitte.
En attendant, les marchands juifs le bénissent et soupirent avec impatience après son prochain avènement. Nous avons le commerce et les arts juifs ; à quand l’armée juive ?
Notre or ne leur suffit plus, il leur fallait nos richesses intellectuelles : on les leur a livrées.
C’est l’art à la petite semaine.
Apollon se retire de l’Olympe et se fait usurier.
Mécène arbore la houppelande jaune et met ses cheveux en tire-bouchons.
Nos chefs-d’œuvre sont désormais soumis à la circoncision. »

 

Pilon Edmond, « De David à Puvis de Chavannes ou cent années de peinture française (La Centennale à l’Exposition universelle) », Revue franco-allemande, Deutsch-französische Rundschau, Paris, Munich, 2e année, volume IV, n° 37, 10 juillet 1900, p. 231-238, p. 236 :

« Claude Monet arrive ici logiquement dans l’ordre de sa destinée, après Corot et Courbet. Autour de lui se groupent Sisley, si apte à saisir les beautés fugitives des saisons, Camille Pissaro, délicieux et candide naturiste qu’émeuvent les champs, les eaux et les bois, Lebourg, Guillaumin. Enfin Gauguin, Seurat et Cezanne s’efforçant vers un art de fresque d’une si curieuse combinaison. Quelques toiles de Signac, de Luce font sans doute défaut, à part quoi nous avons une jolie histoire du paysage du siècle, tour à tour linéaire, académique, au début, puis expansif, serein dans sa maturité, enfin divers et subtil avec son crépuscule. »

 

Fontainas André, « L’exposition centennale de la peinture française. Deuxième article », Mercure de France, tome XXXV, n° 127, juillet 1900, p. 132-160, Cezanne p. 157 :

« De Cezanne la nature morte exposée chante vigoureusement la belle maturité des fruits ; les deux paysages profonds s’assombrissent d’arbres touffus et bons dans la clarté calme des journées. »

 

Kahn Gustave, « L’art à l’exposition. La centennale », La Plume, littéraire, artistique et sociale, 12e année, n° 272, 15 août 1900, p. 504-515, Cezanne p. 510 :

« Les Cezanne sont beaux ; on apprend là, l’existence de Vernay qui fut un somptueux peintre de nature morte, exagérant le motif, remplissant exagérément la toile, mais dont les fruits sont sans pareils d’éclat tendre et de vie. »

 

Pilon Edmond, « De David à Puvis de Chavannes ou cent années de peinture française (La Centennale à l’Exposition universelle) », Revue franco-allemande. franco-allemande. Deutsch-französische Rundschau, Paris, Munich, 2e année, volume IV, nos 43-44, octobre 1900, p. 231-238, p. 236 :

« Claude Monet arrive ici logiquement dans l’ordre de sa destinée, après Corot et Courbet. Autour de lui se groupent Sisley, si apte à saisir les beautés fugitives des saisons, Camille Pissaro, délicieux et candide naturiste qu’émeuvent les champs, les eaux et les bois, Lebourg, Guillaumin. Enfin Gauguin, Seurat et Cezanne s’efforçant vers un art de fresque d’une si curieuse combinaison. »

 

von Tschudi Hugo, « Die Jahrundert-Ausstellung der Französishen Kunst », [« L’exposition centennale de l’art français »], Die Kunst für Alle, XVIe année, 3, 1900-1901, 1er novembre 1900, p. 58-73, p. 59-60 :

« Eine besondere Stellung nimmt Cezanne ein, der neben Manet wohl den grössten Einfluss auf die junge Generation hatte und dessen mosaikartig aus Tonflecken zusammengesetzten Landschaften und einfache Stilleben von grosser Kraft sind. […]
Neben diesen Hauptmeistern machen sich einige geringere Begabungen immerhin noch bemerkbar, wie Lebourg und Guillaumin, mit von Monet inspirierten Landschaften, Vignon mit einem Stilleben in der Art von Cezanne und der gleichfalls von Cezanne her kommende Gauguin, dann zwei Damen, Eva Gonzales, die durchaus von Manet beeinflusst ist, und Monets Schwägerin Berthe Morizot, eine wirkliche Künstlerin, die in ihren Schilderungen eleganter Damen und hübscher Kinder weibliche Anmut und Feinheit der Empfindung mit einem zarten duftigen Kolorit vereinigt. »
Traduction :
« Une place particulière est occupée par Cezanne, probablement un proche de Manet, qui a la plus grande influence sur la jeune génération et dont le paysage composé d’une mosaïque de taches d’argile, la simple nature morte ont beaucoup de force. […]
Outre ces principaux maîtres, des peintres de talent inférieur sont néanmoins exposés, comme Lebourg et Guillaumin, inspirés par les paysages de Monet, Vignon avec une nature morte dans le style de Cezanne, et même aussi Cezanne et Gauguin, puis deux dames, Eva Gonzales, le tout est influencé par Manet, Monet et Berthe Morizot, une véritable artiste, qui a uni dans ses représentations de dame élégante et grâce à sa délicatesse de sentiment, avec une saveur féminine délicatement parfumée, de jolis enfants. »
Reproduction du tableau de Cezanne Paysage des bords de l’Oise, le Valhermeil (R 224), « Landschaft », p. 61.

 

Grosjean-Maupin E., « L’Art français (exposition centennale de 1900) », La Revue encyclopédique, n° 381, 22 décembre 1900, p. 1040.

 

Mellerio André, L’Exposition de 1900 et l’impressionnisme, couverture de Ranson, Paris, H. Floury, éditeur, 1900, 46 pages, Cezanne p. 8, 15 :

« À côté de ces artistes en vedette, nous nommerons : Cezanne, tempérament original mais inégalement réalisé. Peintre intégral, d’une peinture pure et largement établie. Des campagnes, puis des natures mortes caractéristiques, des pommes surtout.
[…] De rares Cezanne »

 

Marx Roger, L’Exposition centennale de l’Art français en 1900, Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1900, à voir.

 

Geffroy Gustave, « L’exposition centennale de la peinture française », La Vie artistique, 7e série, 1901,  ; eau-forte de Daniel Vierge, H. Floury, éditeur, Paris, 1901, 368 pages, p. 81-104, Cezanne p. 103 :

« Il [Manet] a des compagnons, des amis, et voici que tout à coup, parmi eux, se décide une grande transformation de la peinture, un fleurissement nouveau, un règne de la lumière, d’une puissance et d’une grâce infinies, par Claude Monet, Renoir, Cezanne, Pissarro, Basile, Sisley, Berthe Morisot, Lebourg, Gauguin, Vignon, et le dernier venu, Seurat. […]
le relief des choses et la limpidité dans la richesse colorée de Cezanne. »

Marx Roger, Études sur l’école française, Paris, Gazette des beaux-arts, 1903, 86 pages, p. 14, 35-36. Peut-être Marx Roger, « L’art français pendant un siècle », Figaro illustré, mars 1901, p. 10-24. À voir.

« Cette division régulière de la touche, l’impressionnisme la complétera par la division du ton, déjà utilisé par Delacroix ; il s’absorbera dans la fascination des ensoleillements, dans l’étude des vibrations, et avec Cezanne, avec Claude Monet, avec Renoir, avec Mlle Berthe Morizot, Sisley, Vignon, Gauguin, Guillaumin, le paysage verra renaître en notre pays la gloire et l’influence que lui avaient assurées les maîtres de 1830. […]
Amoureux du beau ton, Cezanne, maître peintre, dessine et modèle en pleine pâte ; dans la même voie que l’auteur de l’Olympia s’efforce Bazille, tombé en héros au combat de Beaune-la-Rolande ; »

 

Bénédite Léonce, « Beaux-arts », Ministère du Commerce, de l’industrie, des Postes et des Télégraphes. Exposition universelle internationale de 1900, à Paris. Rapports du jury international. Introduction générale. Tome Ier, Paris, Imprimerie nationale, 1904, 862 pages, Cezanne p. 417 :

« Parmi les paysagistes, autour de Claude Monet, nous avons cité Cezanne, Pissarro et Sisley. Le premier, grand ami de Zola qui le soutenait ainsi que Manet, est aussi plus proche de la vision de celui-ci comme de sa technique. Il y a, toutes réserves faites, parenté entre leur façon respective de comprendre le paysage. C’est, à vrai dire, le plus contesté encore de tout le cénacle, comme le plus prisé de ceux qui en sont les fervents. Avec un dédain paradoxal de ce qui constitue la transcription des formes, il se distingue dans ses paysages et ses natures mortes par des recherches de matière et de justes tonalités. »

 

Bénédite Léonce, « La peinture XII », Ministère du Commerce, de l’industrie, des Postes et des Télégraphes. Exposition universelle internationale de 1900, à Paris. Rapports du jury international. Introduction générale. Deuxième partie. Beaux-arts, Paris, Imprimerie nationale, 1904, 738 pages, Cezanne p. 259-260 :

« L’entrée de la collection Caillebotte au musée du Luxembourg, accueillie les premiers temps non sans tumulte, pour être bientôt acceptée par les sympathies ou tout au plus l’indifférence du grand public ; et le classement final de 1900, consacrant définitivement sans conteste une période active de l’histoire de notre temps que les principaux musées du monde avaient déjà reconnue. Aujourd’hui, suivant un mot célèbre, l’incident est clos ; la révision est prononcée et le jugement public a cassé celui des églises et des pharisiens. C’est désormais sans passion que l’on doit écrire et que l’on peut suivre ce chapitre de notre histoire artistique contemporaine.
À travers le va-et-vient des recrues nouvelles et des défections qui modifièrent la composition de ce groupe dans ces douze années d’expositions consécutives, les artistes qui en formèrent le noyau, les initiateurs de la première heure, ceux qui se succédèrent, plus tard individuellement dans les galeries Durand-Ruel, sont également ceux que Gustave Caillebotte, l’un des jeunes adhérents, avait réunis dans la collection qu’il léguait à l’État, par un testament rédigé en 1876, c’est-à-dire au plus fort de la lutte. Ce sont Manet, Claude Monet et Renoir ; que groupait déjà Fantin ; Degas, Cezanne, Pissarro et Sisley. »

 

Bernheim de Villers [Gaston Bernheim-Jeune], Un ami de Cezanne, Paris, Éditions Bernheim-Jeune, 1954, 36 pages, p. 27 :

« M. Blot, qui était dans le négoce des tableaux (son fils continue dans la profession) avait installé un stand à l’exposition des Arts décoratifs de 1900 qui n’avait pas trop bien réussi. Je m’y étais inscrit pour cinq mille francs, M. Blot, un galant homme, qui sachant mon amour pour Cezanne et désirant me dédommager, m’envoya en cadeau une aquarelle admirable : La Route tournante[La Route, RW017]. »

Les peintres d’Aix Louise Germain (Gap, 22 avril 1874 – Aix-en-Provence, 13 octobre 1939) et Joseph Ravaisou (Bandol, 11 novembre 1865 – Aix-en-Provence, 22 décembre 1925) se rendent ensemble à Paris pour visiter l’Exposition universelle. À cette occasion, ils visitent aussi la galerie Vollard. Ravaisou, qui a rencontré Cezanne chez Joachim Gasquet quelques mois auparavant, dispose d’un mot de recommandation de Cezanne à l’attention de Vollard pour qu’il lui ouvre ses réserves.

Source à vérifier. Sans doute Giniès Louis, Le Feu, juillet 1932. À voir.

21 avril

Pissarro écrit à son fils Lucien.

« Nous — c’est-à-dire les impressionnistes — avons une salle à l’Exposition centennale. Il paraît que nous sommes très bien représentés ; il y aura même des Cezanne qui du reste est très en vogue, c’est extraordinaire !
Hier j’ai appris que l’on avait acheté cinq de mes tableaux pour Berlin. Les Sisley se vendent couramment entre six et dix mille, les Cezanne cinq à six mille, Monet de six à dix, même les Lépine se vendent cher !!… »

Lettre de Pissarro, Paris, 204 rue de Rivoli, à son fils Lucien, 21 avril 1900 ; Bailly-Herzberg Janine (éd.), Correspondance de Camille Pissarro, tome 5, « 1899-1903 », Saint-Ouen-l’Aumône, éditions du Valhermeil, 1991, 559 pages, n° 1703, p. 82.

22 avril

Pissarro écrit à son fils Lucien.

« Il paraît que nous avons une salle des impressionnistes à l’Exposition centennale. Durand a fini par accepter de s’en occuper ; les Bernheim m’ont dit hier que c’était très bien et que cela ferait sensation : nous venons à la suite de l’École de 1830. »

Lettre de Pissarro, Paris, 204 rue de Rivoli, à son fils Lucien, 22 avril 1900 ; Bailly-Herzberg Janine (éd.), Correspondance de Camille Pissarro, tome 5, « 1899-1903 », Saint-Ouen-l’Aumône, éditions du Valhermeil, 1991, 559 pages, n° 1704, p. 83.

28 avril

Vente à l’hôtel Drouot de deux tableaux de Cezanne : Nature morte et Maison à la campagne.

« Mouvement des arts. Collection d’un amateur », La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, n° 17, 28 avril 1900, p. 169 :

« MOUVEMENT DES ARTS
Collection d’un amateur
Vente de tableaux modernes, faite à l’Hôtel Drouot, salle 9, le 24 mars, par Me Duchesne, commissaire-priseur. et MM. Bernheim jeune et fils.
3. Cezanne. Nature morte : 7.000. — 4 ; Cezanne. Maison à la campagne : 5.500. »

1er mai

Vollard envoie à Cezanne fils 3 000 francs — inaugurant là un mode de paiement fixé en début de mois — et envoie au fils de l’artiste une facture pour rentoiler certaines toiles.

Archives Vollard, 3 août 1899 – 11 mai 1922, Paris, musée du Louvre, Bibliothèque centrale et archives des musées nationaux, MS 421 (4,1) f° 7, et MS 421 (4,9) f° 17 .
Rabinow Rebecca A. et Warman Jayne, « Chronologie », sur CD-Rom dans De Cezanne à Picasso.
Chefs-d’œuvre de la galerie Vollard
, catalogue d’exposition, New York, The Metropolitan Museum of Art, 13 septembre 2006 – 7 janvier 2007, Chicago, The Art Institute of Chicago, 17 février – 12 mai 2007, Paris, musée d’Orsay, 19 juin – 16 septembre 2007, Paris, musée d’Orsay et Réunion des musées nationaux, 2007, p. 208-245, p. 214.

Mai

Dans une lettre adressée à Vollard, Gauguin parle de sa collection de tableaux impressionnistes restée chez son beau-frère Edvard Brandes au Danemark, dénombrant avec exagération « douze Cezanne parmi eux ».

Lettre de Gauguin à Vollard (et non à Emmanuel Bibesco), [mai 1900] ; Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis, recueillies et préfacées par Maurice Malingue, Paris, éditions Bernard Grasset, 1946, 348 pages, lettre n° CLXXIII, p. 296-297.

9 et 10 mai

Vente à l’hôtel Drouot de la collection Eugène Blot (tableaux, aquarelles, pastels et dessins), comprenant cinq tableaux de Cezanne : FWN49-R134, FWN113-R351, FWN166-R498, FWN823-R675 et FWN850-741. En avant-propos au catalogue, Georges Lecomte publie un important article sur l’artiste.

Lecomte Georges, « Paul Cezanne », Catalogue de tableaux, aquarelles, pastels et dessins composant la collection de M. E. Blot et dont la vente aura lieu à Paris hôtel Drouot les mercredi 9 et jeudi 10 mai 1900, p. 23-31, 5 Cezanne (nos 18-21), deux reproductions d’un tableau de Cezanne [FWN113-R351 et FWN166-R498] :

« Paul Cezanne
Ce peintre énigmatique, solitaire, nomade, si superbement instinctif, apparaît un peu aux hommes de notre âge comme un personnage de légende.
Car on ne l’a jamais vu. Il erre à travers les campagnes de France. Il rôde, regarde, flaire, promène sa sensibilité parmi les féeries toujours si imprévues de la nature, devant les radieux prestiges du ciel. A-t-il reçu d’un paysage une émotion très vive, ou bien une fantaisie soudain le domine-t-elle ? Il s’installe, s’attaque au petit coin ou au grand espace dont la beauté l’a séduit.
C’est tantôt à l’orée d’un bois, en pleine neige, tantôt dans une vallée riche des verdures épaisses et des feuillages touffus de l’été, souvent aussi dans un village dont il peint les toits roux et dorés parmi les panaches des arbres, et les paysans, au dos rond, attablés à l’auberge.
Pérégrinations insoupçonnées. On n’apprend que beaucoup plus tard ces tournées et ces rages heureuses de travail, lorsque, chez quelque marchand qui a pu conquérir — par quels sortilèges ? — deux ou trois toiles de Cezanne, on découvre des motifs nouveaux.
De quelle région ? De quel climat ? Préciser est souvent fort difficile. Car Cezanne ne recherche pas des aspects très révélateurs de leur situation géographique. Pourvu qu’il ait de l’herbe, des feuilles, du ciel, quelques toitures, avec quoi il puisse réaliser de simples et douces harmonies, cela lui suffit. On ignore aussi de quels vergers sortent les beaux fruits sains, éclatants, lourds, que l’artiste étale à plaisir sur de blanches nappes froissées. Et comme presque toujours les rares œuvres récentes nous sont montrées parmi des tableaux très anciens, repêchés au hasard des fouilles, le mystère de cette vie d’artiste, au lieu de s’élucider, se complique.
L’homme ? On ne le connaît pas. Ses amis de jeunesse n’ont plus de renseignements sur lui que par ouï-dire. Il en est qui ne l’ont pas vu depuis trente ans. Un jour, après dix années d’éloignement, il rejoint quelque camarade.
On travaille deux ou trois mois côte à côte. Puis il s’en va, laissant le souvenir d’un sauvage fantasque et passionné et d’un admirable peintre. Il y a quatre ou cinq ans, on le sut à Paris. Il revint à une affection très ancienne. Les deux ou trois privilégiés qui connurent son gîte durent promettre de ne point le révéler. Puis, à nouveau, Cezanne disparut.
Malgré cette brève réapparition, la vie de Cezanne reste fort imprécise. On sait qu’il naquit à Aix-en-Provence, vers le même temps que M. Émile Zola, qu’ils y furent amis d’enfance et de jeunesse, qu’ils vinrent à Paris presque ensemble avec le même amour de la vie et un égal désir d’en exprimer la beauté, selon les ressources de leur art. Les mieux informés se rappellent encore que M. Émile Zola dédia à Cezanne, en une phrase fervente, sa brochure de 1866, fameuse et aujourd’hui introuvable, ayant pour titre Mon Salon. En outre, des indiscrétions littéraires nous ont laissé entendre que, dans son roman L’Œuvre, M. Émile Zola aurait prêté à l’un de ses principaux personnages des traits moraux et des idées artistiques de Cezanne. Mais si le romancier a utilisé cette physionomie très marquante, bien sûr il l’a, en grand créateur d’êtres qu’il est, enrichie de maintes notations prises ailleurs, et complété comme toujours par le travail de la reconstitution imaginaire.
Dans les premières années de son séjour à Paris, soit de 1860 à 1870, Cezanne, jeune, ardent, se mêla au groupe, désormais historique, des hardis novateurs que, plus tard, un plaisantin crut ridiculiser en les appelant « impressionnistes ». Paul Cezanne fut assidu aux causeries fraternelles du café Guerbois, à présent disparu, où Manet, Sisley, MM. Claude Monet, Camille Pissarro, Renoir, s’encourageaient à leur art de vie et de vérité, par des paroles d’espoir. M. Émile Zola, qui avait la même foi dans la beauté simple de la nature et de l’humanité, les soutenait de son effort parallèle. Et M. Théodore Duret, en attendant d’écrire son histoire si clairvoyante et si neuve, précisait, en ses belles critiques d’avant-garde, le sens de leurs recherches.
Ces fins artistes n’étaient pas des théoriciens prétentieux. Ils échangeaient simplement entre eux les réflexions que l’œuvre des maîtres leur inspirait, et cherchaient à découvrir, dans les toiles de Rubens, de Claude Lorrain, de Watteau, de Turner, de Delacroix, de Bonington, la confirmation de ce que leur instinct de peintre leur révélait. Ils se passionnaient pour la beauté simple et vraie de la nature, interprétée dans la magie changeante de ses atmosphères, par des procédés libres permettant d’en rendre la lumière et la couleur exactes. Ils passaient tout le jour au joyeux labeur, et, le soir, confrontaient devant la chope du Guerbois familier, leurs idées et leurs trouvailles.
Je ne sais si Paul Cezanne était un causeur ingénieux ou peu inventif, paradoxal ou logique, mais son œuvre d’alors, si originale, si différente de celle de ses compagnons (qui, d’ailleurs, n’avaient d’autre lien que leur commun amour de la vérité), nous permet de supposer que sa causerie n’était pas la moins riche en aperçus nouveaux. Ce que nous savons, c’est qu’il travaillait avec l’incessante application de tous ceux qui aiment leur art et s’y vouent par plaisir. Il prit part avec ses amis aux expositions, si tumultueuses et si moquées, des Impressionnistes.
Il eut, lui aussi, l’honneur d’exciter la verve des boulevardiers et des nigauds facétieux de la critique. Puis, en 1874, il disparut.
Dès lors, et jusqu’en 1894, on ne verra plus que par hasard et en de rares maisons amies des toiles de Cezanne. C’est alors que les nouveaux venus dans l’art et la littérature ne peuvent plus le connaître que par des récits de camarades. Anecdotes qui excitent la curiosité pour le mystérieux errant. On sait qu’il y a un paysage de lui chez M. Zola, un tableau de fruits chez M. Paul Alexis, une étude chez M. Duret et chez M. Huysmans. On apprend que, de loin en loin, passe un tableau dans la boutique du brave père Tanguy, rue Clauzel, à Montmartre. On y va en pèlerinage. Et l’on a le plaisir de constater que la légende n’a pas exagéré le talent de Cezanne et qu’il est un fort bon peintre.
Alors aucun critique ne parlait de lui. En 1888 seulement, un très modeste journal littéraire, jeunet mais vaillant, la Cravache, eut le grand honneur de publier un article de M. J.-K. Huysmans, sur cet étrange artiste qui s’était de lui-même réfugié dans l’oubli. Puis nous eûmes personnellement l’occasion d’examiner l’œuvre et l’influence de Cezanne dans l’Art impressionniste (1892), et dans une conférence faite la même année au cercle des XX à Bruxelles. M. Roger Marx précisa le caractère de son talent en ses articles si documentés du Voltaire. Et M. Gustave Geffroy, après lui avoir consacré, à diverses dates, d’éloquentes chroniques à la Justice, publia, en 1894, dans l’un des volumes de sa Vie artistique, une complète et pénétrante étude d’ensemble. C’est à peu près le moment où Paul Cezanne ressurgit de l’ombre, vint à Paris, et où les marchands purent assez aisément s’achalander de peintures à l’huile et d’aquarelles.
Maintenant, l’œuvre de Cezanne est notoire et fort recherchée. Avertis, les collectionneurs se disputent ses toiles. On en trouve dans les galeries les plus fastueuses. Les marchands, naguère bien dédaigneux, les emmagasinent. On en fait des expositions fréquentes. Les reporters d’art ne les ignorent plus. C’est le grand succès. Et Cezanne, insoucieux de toutes les fanfares glorieuses, continue à se donner le bonheur de peindre dans les sites qu’il aime. Mais à présent qu’il connaît la dilection dont il est l’objet, il s’est sans doute guéri de sa négligence d’autrefois, qui lui faisait laisser, dans les forêts, des tableaux inachevés. La légende dit, en effet — ce qui complète la physionomie de cet artiste fougueux et désintéressé — que les siens durent se mettre en quête de toiles ainsi abandonnées contre un tronc moussu, parmi la dentelle émeraude des fougères. Joli exemple d’un homme qui ne travaille que pour la belle joie de peindre et, son plaisir obtenu, ne se préoccupe plus du résultat.
Caractère étrange, que la superbe eau-forte de M. Camille Pissarro nous aide à comprendre. Dans la broussaille un peu sauvage de la figure, un grand nez volontaire et passionné pointe. Sous la barbe, on devine la forte mâchoire serrée. L’œil, aigu et doux à la fois, regarde avec une calme énergie. La casquette de campagnard bien enfoncée sur la tête, le large manteau de roulier, disent la vie solitaire, fruste, en pleine nature. Assurément, les paysages ne doivent pas être perçus d’une manière superficielle par ce regard pénétrant, ni se refléter en images banales dans ce cerveau de méditatif et d’observateur.
En effet, toute l’œuvre de Cezanne est l’affirmation du talent le plus original. Ce sauvage est un merveilleux instinctif.
J’ignore si, à l’école primaire ou au collège d’Aix, un professeur lui donna quelque vague sentiment des lignes. Mais on peut tout de même affirmer que nul maître ne lui apprit à dessiner et à peindre.
Il a peint comme il marche, comme il mange, parce que son tempérament l’a poussé vers la reproduction plastique des objets. Il a senti les grâces et les joies éclatantes de la nature. Son bel œil profond a perçu des accords de lignes et de couleurs. Il a éprouvé le besoin de les fixer sur la toile. Sans enseignement ni formules, il s’est acharné dans cet effort. Et peu à peu, comme il était doué, il a trouvé des moyens très personnels de rendre sa vision délicate, subtile et grave. Incapable d’imitation, il ne rappelle aucun maître antérieur. Il est strictement lui-même.
Nécessairement, comme tout instinctif qui crée de sa propre substance, il eut au début bien des gaucheries et des naïvetés. Parfois, ses compositions manquent d’équilibre. La chair de ses femmes nues a des lourdeurs et des renflements qui les déforment. Les assiettes semblent devoir chavirer et les fruits éclatants s’épandre sur le sol en grêle radieuse. Mais ces gaucheries mêmes ont leur saveur. Elles achèvent de prouver la belle sincérité du peintre.
Et puis, qu’importe ? Malgré de telles outrances, ces nudités ont bien la mollesse grasse des corps de femmes, et si les compotiers ne sont pas d’aplomb sur le linge blanc, les pommes sont fraîches comme des joues de jeunes paysannes, comme les matinées de soleil qui les ont mûries.
Certaines de ces maladresses, Cezanne les a gardées. Il n’est pas égal. Il peint selon son humeur. N’y a-t-il pas des jours où l’homme des champs, lui aussi, bêche et marche moins gaillardement ?
Comme Cezanne n’a pas la ressource de pouvoir suppléer par la science à l’heureuse disposition, lorsqu’il n’est pas en train, les impérities s’accentuent. C’est à ces moments-là surtout que les figures risquent fort de n’être pas d’ensemble, que les bouteilles et les pots sont de guingois, que les coupes dégringolent et que les femmes ont des croupes un peu trop mafflues. Mais le plus souvent, Cezanne a sa verve saine, tranquille, et ses compositions s’équilibrent.
Aux époques héroïques du naturalisme, ce sont ces gaucheries qu’on exaltait le plus. Dans la révolte contre le convenu, on en arrivait à confondre les lois si nécessaires de la logique avec les bêtes formules d’école.
Par réaction contre le correct et ennuyeux académisme, on louait surtout Cezanne des fautes commises par ignorance et que l’artiste eût bien voulu pouvoir éviter.
Car il est certain qu’aucune de ces gaucheries n’est volontaire. Cezanne, étant un instinctif, tirant tout de lui-même, éprouva les mêmes difficultés que jadis les Primitifs. A quatre siècles de distance, par certains points ils se rejoignent. C’est fort curieux. Cezanne, bien sûr, n’ignore rien des belles époques d’art qui l’ont précédé. Il souhaiterait fort d’être savant, habile, d’avoir le moyen de rendre avec aisance ce qu’il sent, ce qu’il voit, mais comme il n’a d’autre guide que sa sensibilité, il tâtonne, il hésite. Il a les maladresses et les imperfections d’un vrai Primitif. Ainsi peint-il des paysages.
Il en saisit le caractère, la couleur, la lumière. Il en traduit l’intimité et la grandeur, mais il échoue dans l’art d’espacer les plans, de donner l’illusion de l’étendue. Son maigre savoir le trahit. Cezanne n’a pas les moyens de rendre tout ce qu’il perçoit. Il fait pour le mieux. Souvent l’instinct et l’expérience le sauvent. Mais souvent aussi son art spontané est impuissant. Bien des fois, il arrive que ses études de nature sont sans profondeur. Elles donnent l’impression d’une somptueuse tapisserie sans lointain. Ce sont des harmonies exquises, de valeurs très rapprochées, par tons plats très simples, qui augmentent l’impression de douceur et de charme. Mais les diverses lignes du paysage ne s’espacent point dans l’atmosphère.
Naguère, un phénomène divertissant s’est produit. De même que, aux heures ardentes du naturalisme, on s’engouait surtout des constructions hasardeuses de Cezanne, de même aux beaux jours — si vite révolus — du symbolisme mystique, on s’éprit surtout de cette absence de profondeur. Cela fit école. Comme il était de mode de recommencer, par système, les naïvetés des Primitifs, Cezanne fut salué comme un précurseur. On l’aima pour ses imperfections, que, de tout son effort, il cherche à éviter, comme s’il les avait délibérément consenties. Si bien que Cezanne eut, à deux étapes successives de l’art, le bizarre destin d’être exalté moins pour ses qualités que pour ses défauts. Mais le symbolisme y trouvait sa propre justification.
Pourtant, en dehors de ces fautes coutumières, que de grandes qualités en l’œuvre de Cezanne, que de bons conseils à y venir prendre ! Quelles saines causes de joies et d’admiration ! Nul art ne fleure plus la sincérité, la franchise, la passion. C’est une œuvre bellement créée dans l’amour. Qu’on se rappelle tant de paysages aux riches verdures, aux feuillages luxuriants, aux grasses ondulations. Ce sont de graves harmonies en vert sous des ciels finement nuancés. La terre est rendue dans sa fécondité. Les lourdes branches des arbres traînent sur les prairies épaisses. Les vallées herbeuses ont une splendeur de velours mat. Sans doute on préférerait des plans mieux établis, plus d’espace, plus de profondeur. Mais quelle douceur fastueuse de tapisseries ont ces calmes et simples harmonies !
Nous avons cité d’abord les paysages, pour réagir contre une tendance récente, qui veut trop faire de Cezanne un peintre de natures mortes. Mais ses fruits sont parmi les plus beaux de notre école française. Chardin, dans ses œuvres les plus heureuses, n’en a pas mieux rendu la chair lourde et renflée, les fossettes et les surfaces de lumière, la pelure éclatante et légère. Ce sont des pommes, des poires, des pêches. Elles s’étalent parmi des bouteilles noires sur le goulot desquelles la lumière joue, parmi des pots de grès, sur les nappes blanches où les plis du linge mettent des jeux d’ombres et de clartés. Elles s’étagent dans les coupes en pyramides de joie. Ce sont morceaux de maîtres. Aux beautés que nous avons coutume d’admirer chez Chardin, Cezanne ajoute les prestiges d’une couleur fraîche, libre, hardie, qui donne au fruit toute sa splendeur.
Malgré bien des outrances et des maladresses, il faut encore aimer Cezanne dans ses nus, étudiés avec une sincérité si naïve, et dans ses portraits si frustres, si sévères. Sous les belles verdures, le corps noirâtre des femmes surprend. Mais intéressons-nous à la lourdeur grasse des lignes, aux chairs molles, pesantes.
De rares imperfections ne comptent guère en une œuvre qui traduit, avec une originalité si saisissante, le bonheur et l’émotion d’un simple, admirablement doué, en face des merveilles toujours neuves de la nature.
Georges Lecomte. »

« TABLEAUX
CEZANNE
(PAUL)
18 — Sur la rive. Automne.                  [FWN166-R498, reproduit]
La rive de sable jauni s’étire au bord du flot, dans l’île. Des bouquets d’arbres se profilent sur le ciel automnal où des nuages pesants — souples pourtant et frangés de blanc — s’enlèvent sur le lointain bleui.
À droite, c’est la perspective de l’autre rive où apparaissent des feuillages roux.
Toile. — Haut. : 61 cent. 1/2 ; larg. : 50 cent.
CEZANNE
(PAUL)
19 — La Maison au-dessus de la vallée.                  [FWN113-R351, reproduit]
Abandonnée sans doute. Les portes, les fenêtres sont closes. Le vieux mur d’appui qui surplombe des pentes invisibles est disjoint, lézardé. Drue, l’herbe a poussé dans la cour. Les grands sapins font un rideau lourd à gauche et dans l’éclaircie en face, c’est l’autre versant de la vallée avec, tout en haut, des maisons.
C’est un décor rude où songer à des choses tristes.
Appelons… Personne ne répond…
Ce tombeau est bien abandonné.
Toile. — Haut. : 60 cent. ; larg. : 50 cent.
CEZANNE
(PAUL)
20 — Fleurs et fruits.                  [FWN823-R675]
D’une pâte pleine, d’une couleur chaude, d’une intense vie !
L’artiste — devant ces feuillages, ces corolles épanouies, où, comme un flux de santé, la sève montante avive encore les pourpres ; devant ces fruits dont la chair ferme invite à la morsure gourmande ; devant cette bouteille où quelque vin généreux est enclos — a pensé, sans nul doute, à toute la Force latente, éternellement renouvelée qui, dans les vergers, dans les vignes, aux parterres fleuris, atteste la toute fécondité de la Nature.
Et, d’une pâte pleine, d’une couleur chaude, d’une intense vie, il a peint.
Toile. — Haut. : 62 cent. ; larg. : 50 cent.
CEZANNE
(PAUL)
21 — L’Estaque. ― Toulon.                  [FWN49-R134]
Sous la carapace de leurs toits où se gaufrent les tuiles brunies, le petit pays au bord de la mer.
Deux voiles sur l’eau. Des feuillages lourds, des ombres épaisses, des lumières crues.
Toile. – Haut. : 42 cent. ; larg. : 54 cent.
Vente Tavernier.
CEZANNE
(PAUL)
22 — Pommes et cruchon.                  [FWN850-741]
Toile. – Haut. : 32 cent. ; larg. : 40 cent. »

Revue de presse

« Nos échos. L’école impressionniste », La Presse, lundi 7 mai 1900, 67e année, nouvelle série, n° 2900, p. 3 :

« L’ÉCOLE IMPRESSIONNISTE
Un amateur de tableaux modernes et impressionnistes de la toute première heure, un de ceux qui, rares alors, eurent la bonne fortune et le flair de s’écouter que leur goût et non la mode en achetant, lorsqu’elles se vendaient peu, des œuvres de Boudin, Lépine, Manet, Cezanne, Claude Monet, Sisley, Degas, Renoir, Jongkind, Pissarro, Carrière, etc., va, les 9 et 10 mai, vendre son importante collection à l’hôtel Drouot, salles 9 et 10.
À côté de ces maîtres aujourd’hui arrivés, M. Eug. Blot, qui aime à découvrir les jeunes, a réuni des tableaux de Toulouse-Lautrec, Guillaumin, Vuillard, Bonnard, Moret, Maufra, d’Espagnat, Luce, Eliot, Chéret, Willette, Leheutre, Conder, Chudent, etc.
Cette vente est curieusement attendue par les artistes, car elle servira à fixer les prix de certains jeunes, qui à leur tour seront des arrivés demain, et, en même temps, elle présentera pour les amateurs un intérêt exceptionnel. »

 

New York Herald, « Hôtel Drouot », Le Matin, 17e année, n° 5917, mardi 8 mai 1900, p. 3 :

« Tous les tableaux que je viens de citer auront sans doute trouvé grâce devant les plus hostiles, mais je doute qu’il en soit de même des tableaux tels que ceux qui ont soulevé, hier, de si amères critiques, par exemple :
La Maison au-dessus de la vallée, par Cezanne. »

 

New York Herald, « Hôtel Drouot », Le Matin, 17e année, n° 5920, vendredi 11 mai 1900, p. 3 :

« De Cezanne : La Maison au-dessus de la vallée, 5,100 fr. ; Fleurs et Fruits, 2,000 fr. ; l’Estaque à Toulon, 1,000 fr. »

 

« Au jour le jour. À l’hôtel Drouot, la collection Blot », Le Temps, 40e année, n° 14462, lundi 7 mai 1900, p. 3 :

« De Cezanne, un pignon de maison se dresse au-dessus d’un abîme avec les pierres d’une terrasse ; des toits bruns s’étagent, par-dessus lesquels on voit la mer. »

 

« Au jour le jour. À l’hôtel Drouot, les impressionnistes de la collection Blot », Le Temps, 40e année, n° 14467, samedi 12 mai 1900, p. 3 :

« La collection Blot, pour ses deux journées de vente, a donné un produit, de 213,000 francs. L’école impressionniste s’y est payée les prix honorables que nos amateurs commencent à en donner. […] la Maison au-dessus de la vallée, par Cezanne, 5,100 ; »

 

« Mouvement des arts. Collection de M. E. Blot », La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, n° 22, 2 juin 1900 ; p. 216-217 :

« Collection de M. E. Blot
Vente faite à l’Hôtel Drouot, salle 9 et 10, les 9 et 10 mai, par M Chevallier et MM. Bernheim Jeune et fils.
Cezanne (Paul). 18. Sur la rive. Automne : 1.800. — 19. La Maison au-dessus de la vallée ; 5.100. — 20. Fleurs et fruits : 2.000. — 21. L’Estaque, Toulon : 2.500. — 22. Pommes et cruchon : 600. »

26 mai

Cezanne dépose chez son notaire d’Aix, maître Mouravit, une somme de 25 000 francs représentant le tiers du prix de l’adjudication du Jas de Bouffan.

Déclaration de mutation après décès de Paul Cezanne, 10 décembre 1906, Archives du Centre des impôts d’Aix-en-Provence.

26 mai

Paul Cezanne fils, âgé de 28 ans, « littérateur, domicilié, 31, rue Ballu » à Paris, est le témoin de son ami Louis Guillaume — fils d’Antoine Guillaume, cordonnier, et de Thérèse Davin, l’amie d’Hortense Cezanne — à son mariage avec Valentine Roussel. Sa mère aussi assiste au mariage.

Renseignement communiqué par Raymond Hurtu.

Printemps 1900 (?)

Alors qu’il peint sur le motif dans les environs de Paris, peut-être en forêt de Fontainebkeau, Cezanne rencontre le baron Denys Cochin. Amateur d’art, il possède plusieurs de ses toiles ainsi que des Delacroix. Rewald situe cet épisode à Montgeroult en 1898.

Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, note 2 p. 264.
Vollard Ambroise, Paul Cezanne, Paris, éd. Crès et Cie, 1914, éd. revue et augmentée, 1924, p. 110-112.
Vollard Ambroise, Paul Cezanne, Paris, Les éditions Georges Crès & Cie, 1924 (1re édition, Paris, Galerie A. Vollard, 1914, 187 pages ; 2e édition 1919), 247 pages, p. 149-150 :

« Un des rares bons souvenirs que Cezanne eût gardés de ses rapports avec ses semblables fut sa rencontre avec M. Denys Cochin. Celui-ci se promenait, à cheval, dans les environs de Paris, accompagné de son fils, M. Augustin Cochin, qui s’écria tout à coup : « Papa, regarde Cezanne ! » — « Mais comment sais-tu que c’est Cezanne, ce bonhomme qui peint 1à-bas dans ce champ ? » demanda M. Denys Cochin, qui avait de moins bons yeux que son fils. — « Mais, papa, puisqu’il peint un Cezanne ! » On s’approcha ; et Cezanne, qui ne pouvait supporter d’être dérangé quand il était « sur le motif », fut cette fois, par exception, d’une extrême affabilité. « J’ai vu tout de suite, me disait-il, que c’étaient des gens de la Société. » Mais, malgré l’invitation que lui fit M. Denys Cochin de venir chez lui voir ses Delacroix et ses Cezanne, il ne put jamais se décider à faire cette visite. « Je ne sais pas aller dans le monde ! » protestait-il en me racontant la chose. »

Salmon André, Cezanne, collection « Les Contemporains Œuvres et portraits du XXe siècle », Paris, Librairie Stock, 1923, 31 pages de texte, 16 reproductions, p. 5-8 :

« Par une belle matinée de printemps, dans les premières années de ce siècle, deux brillants cavaliers parcouraient la plaine d’Aix-en-Provence [environs de Paris]. Ils avançaient d’un pas égal, bien droits tous deux sur leurs montures de race, encore que l’un eût du poil blanc et que l’autre n’eût encore qu’un peu plus que du duvet au menton. On les devinait, au seul coup d’œil, hommes du premier rang. Sans doute avaient-ils franchi, à la pointe du jour, l’un de ces hôtels de la vieille ville royale qui n’est plus guère qu’un caravansérail pompeux de chats-fourrés et de pédants ; toques rondes et bonnets carrés.
Devant eux, la plaine. Et dans la plaine, à cet endroit précis que la plaine se couronnait d’un « motif » puissant et le moins « pittoresque » de pins et de mélèzes, un homme, un vieillard, avait planté son chevalet et peignait là. Un homme, ce vieillard, qui eût, sans doute, mieux figuré que devant son chevalet, au jardin de l’hôtel des deux cavaliers. Avec son large yocco et la serpillère bleue à grandes poches des jardiniers, ses vieilles mains ne devaient-elles pas se nouer mieux sur le sécateur que sur la brosse ?
Pourtant, suspendant d’instinct le trot de sa monture, ce fut d’une voix chargée d’autant de respect que d’émotion, que le jeune homme, à la vue du vieillard peignant, s’écria :
— Père, voyez ! Cezanne !
Comme ils n’avaient rien que ralenti leurs chevaux de race, les deux cavaliers s’étaient tout de même approchés, et le père, qui avait les cheveux et la barbe aussi blancs que les cheveux et la barbe du vieux peintre, s’il avait le teint moins fleuri, le père, se plaisant — qui sait ? — à jouer d’une faiblesse des yeux dont l’âge était la cause, répondit au jeune homme par une question :
— Mais comment savez-vous, mon fils, que ce peintre est Cezanne.
C’est alors que le fils fit à son père cette belle réponse, dénonçant à la fois une si rare fraîcheur de sentiment et une si intelligente passion des beaux-arts :
— Père, vous ne voyez donc pas qu’il peint un Cezanne !
Bien content de l’heureuse réponse de son fils, le père alors consentit sans peine à lui laisser voir qu’il avait feint. Le vieillard était M. Denys Cochin, député de Paris, noble champion de la cause catholique et protecteur intelligent de l’art le plus libre. Amateur d’une classe amoindrie de nos jours, au moins dont l’espèce est plus rare ; fils d’un temps où le dernier des marchands en boutique eût rougi de recommander aux passants la « peinture moderne » ainsi que « le meilleur des placements ».
M. Denys Cochin, qui, au surplus, n’avait rien d’un « passant », eût certainement fait jeter hors de chez soi, par sa livrée, un tel bonimenteur. L’hôtel de la rue Barbet-de-Jouy n’était pas, en effet, ouvert à tout le monde. Mais on y accueillait les grands artistes. Cezanne y eût été reçu et traité en hôte de choix, s’il lui avait plu. Son œuvre, austère et radieuse à la fois, y triomphait sur les hauts murs, dominant celles d’une jeunesse hardie. Lors des brimades imbéciles, si basses, qui vinrent compliquer la raisonnable séparation, l’archevêque de Paris trouva en l’hôtel Denys Cochin un somptueux asile. Certes, il y avait alors belle lurette que la valetaille s’était appliquée à effacer sur les murs de l’escalier d’honneur, le Vive la Sociale ! tracé d’une main gamine, et au crayon lithographique, par Bonnard, à l’issue d’un goûter offert par le grand droitier aux meilleurs Indépendants. Si cela fut épargné à Son Éminence, elle dut au moins coucher en un appartement comme tous les autres envahi, jusqu’à l’alcôve, de ces toiles peu faites pour contenter le quartier Saint-Sulpice. Les Cezanne, notamment, abondaient. Pommes de guingois ; fessiers malaisément comparables à ceux des anges ; baignades militaires, que sais-je !
Dès potron-minet, M. Denys Cochin, ne laissant à nul autre ce devoir et cet honneur, vint chanter matines à son hôte. La nuit de Monseigneur avait été satisfaisante. Alors, désignant les Cezanne d’un geste bénin, M. Denys Cochin, bien content, murmura :
— Votre Éminence admettra qu’on, n’en dort pas plus mal.
Le siècle est comme Son Éminence. Après avoir poussé les hauts cris, il commence d’admettre que cette peinture n’empêche ni de dormir, ni, surtout, de se réveiller bien dispos… »

 

Larguier Léo, Le Dimanche avec Paul Cezanne (souvenirs), Paris, L’Édition, 1925, 166 pages, p. 49 :

« On a dit que Paul Cezanne était affligé d’une de ces insurmontables timidités qui rendent presque infirmes ceux qui en sont atteints.
Il m’a raconté, lui-même, qu’un jour, il peignait aux environs de Paris, lorsqu’un cavalier arrêta sa bête à quelques pas de son chevalet. Il essaya d’amorcer une conversation, et, fort intéressé par la toile qu’il voyait, il voulut faire parler le peintre, proposa une visite à son atelier et fut charmant de la façon la plus intelligente.
Il y perdit sa peine. Cezanne ne lui répondit que confusément. Le cavalier repartit en laissant sa carte.
Cezanne me dit :
« C’était le baron Cochin… il s’y connaissait en peinture, et j’ai eu tort de ne pas être aimable. J’aurais trouvé là un appui, moi qui étais déjà un faible… C’est effrayant, la vie !… »

 

1er juin

D’après le livre de stock A de Vollard, Pellerin lui achète une toile de Cezanne pour 2 000 francs sur échange, n° 4141, « La maison fendue — une maison sur la montagne », 80 x 64 cm, achetée 350 francs à Cezanne (La Maison lézardée, FWN294-R760).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

[Juillet]

Gauguin évoque dans une lettre au prince Emmanuel Bibesco la collection qu’il s’était constituée :

« J’ai vu vendre des Claude Monet vers 1875 à raison de 30 Frs et moi-même, j’ai acheté un Renoir 30 Frs. J’ai eu d’ailleurs une collection de tous les impressionnistes que j’ai achetés à très bas prix. Elle est au Danemark chez mon beau-frère le célèbre Brandès qui ne veut la céder à aucun prix. Douze Cezanne parmi eux. »

Lettre de Gauguin, Tahiti, à Emmanuel Bibesco, non datée, [juillet 1900] ; Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis, recueillies et préfacées par Maurice Malingue, Paris, éditions Bernard Grasset, 1946, 348 pages, lettre CLXXIII, p. 296.

10 juillet

Cezanne, qui est à Aix, transmet à Roger Marx des renseignements biographiques pour le catalogue de l’exposition centennale de l’Art français.

« Aix, 10 juillet 1900.
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous adresser les indications que vous avez bien voulu me demander :
Né à Aix en 1839.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée,
Paul Cezanne. »

Lettre de Cezanne à Roger Marx, 10 juillet 1900 ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 272.

Août

Cezanne écrit à Joachim Gasquet :
« Aix, dimanche, août 1900.
Mon cher Gasquet,
Je vous adresse l’article que vous m’avez prêté et que j’ai lu avec grand plaisir. Il met admirablement en lumière les vers que vous avez consacrés à la peinture du tableau agreste que vous avez développé dans vos beaux vers. Et maintenant que vous voilà maître de l’expression de vos sentiments, je pense, moi aussi, que vous arriverez, en donnant une œuvre de cette trempe, à la consécration publique de votre talent.
Veuillez agréer l’expression de mes meilleurs sentiments et mes vœux qui se réaliseront pour votre succès.
Paul Cezanne »

Lettre de Cezanne à Roger Marx, 10 juillet 1900 ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1978, 346 pages, p. 272.

 

11 août

Cezanne écrit à Joachim Gasquet :

« Aix, 11 août 1900.
Mon cher Gasquet,
Je suis malade et ne puis vous aller remercier comme je désirais le faire. J’irai vous serrer la main au plus tôt.
Toutes mes cordialités,
Paul Cezanne »

Lettre de Cezanne à Gasquet, datée « Aix, 11 août 1900 » ; Rewald John, Paul Cezanne, correspondance, Paris, Grasset, 1878, p. 273.

15-16 août

La veuve de Marion vend deux toiles de Cezanne à Vollard : un « portrait d’homme 81 x 65 (100 fr.) », « petite étude, Marine (100 fr.) ».

Registre commercial de Vollard, 14 avril 1900 – 1er août 1902, Paris, musée du Louvre, Bibliothèque centrale et archives des musées nationaux, archives Vollard, MS 421 (4,9), f° 33.
Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 177, p. 140.

17 septembre

D’après le livre de stock A de Vollard, Bauchy lui achète une toile de Cezanne pour 100 francs, n° 3779, 19 x 23 cm, « huile ; les joueurs de boules », acquise de Cezanne pour 285 francs (Les Joueurs de boules, FWN643-TA-R285).

Livre de stock A de Vollard ; Wildenstein Institute.

Vers octobre

Publication du programme du Collège d’esthétique moderne. Les noms de Cezanne et de Zola se trouvent à nouveau réunis parmi ceux des membres du comité du collège, où figurent des écrivains, des philosophes, des savants, des musiciens et des peintres.

Le Blond Maurice, « Collège d’esthétique moderne, ouvert à Paris le 28 janvier 1901 par MM. Saint-Georges de Bouhélien et Maurice Le Blond », Revue universelle, recueil documentaire universel et illustré, n° 47, 23 novembre 1901, p. 1110-1112, Cezanne p. 1110 :

« C’est vers le mois d’octobre 1900 que fut publié le programme du collège d’esthétique. Il excita dans le public un assez vif sentiment fait à la fois de sympathie et de curiosité. I.es idées et les termes en furent discutés aussi bien en France qu’à l’étranger dans plus de deux cents articles de revues et de journaux. De jeunes lettrés, artistes et savants, prenaient l’initiative de cet apostolat d’un nouveau genre, et ils avaient constitué un comité où se trouvaient réunis les noms d’écrivains comme Anatole France, Léon Dierx, Octave Mirbeau, Lucien Descaves, Paul Alexis, Verhaeren, Paul Adam, Émile Zola, Laurent Tailhade ; des critiques d’art comme Arsène Alexandre, Frantz Jourdain ; des musiciens comme Alfred Bruneau et Gustave Charpentier ; des peintres et sculpteurs novateurs comme Claude Monet, Auguste Rodin, Cezanne ; des philosophes et des savants comme Izoulet, Maurice de Fleury, etc.
[…] À quelles nécessités présentes correspondaient la création de cette école de beauté, de ce collège d’esthétique moderne ? En vérité. il ne s’agissait pas de propager et de reprendre, de rajeunir, d’illustrer, d’imposer même quelque théorie d’un siècle passé, qu’elle fût préraphaélite, renaissante ou bien classique il ne s’agissait pas davantage d’ériger et de défendre un système factice et paradoxal. Les fondateurs du collège d’esthétique se souciaient peu de faire œuvre d’anachronisme ou de créer une parlote ésotérique et fermée. Leur ambition avait un caractère beaucoup plus immédiat et plus humain.
« Il importe de découvrir, d’expliquer et d’éclairer les lois fondamentales de l’esthétique moderne, écrivions-nous dans notre programme. Constituer, en un groupe précis la famille des artistes modernes ; les débarrasser des fausses tyrannies, réaliser une société de fraternité et de solidarité, entre les artistes des différents genres, les délivrer autant des sujétions scolastiques que des entraves matérielles, leur montrer quels sont les héros de l’art actuel, coordonner les principes que ceux-ci ont pu appliquer, telle est l’œuvre que veut réaliser le collège d’esthétique moderne. »
On comprendra de quels principes nous allions partir pour entreprendre cette action. Nous pensions que l’esthétique, comme la morale d’ailleurs, dont elle est si proche, n’est nullement une science absolue et immuable, que le plus grand tort de nos académies et de nos écoles des beaux-arts consiste à se l’imaginer et à le prétendre. Les règles du beau, les lois du sublime, en effet, ne sont point des canons éternels, inscrits sur des tables sacrées, existant comme des figures métaphysiques en dehors de l’humanité. Elles varient, au contraire, selon les transformations de nos mœurs, elles subissent les contrecoups de nos révolutions politiques, elles se développent parallèlement à nos institutions sociales, elles se modifient à mesure que les notions des autres sciences se fortifient et s’enrichissent. Ainsi nous nous proposions d’adapter l’art a nos besoins modernes, de faire de l’esthétique une science non plus abstraite et inaccessible, mais usuelle et quotidienne. »

24 octobre

Le fils de Cezanne est à Paris avec sa mère, d’après une carte postale qu’il envoie à sa cousine Marthe Conil :

« Paris. 24 octobre 1900 — Ma chère Marthe, ta tante Hortense et moi, nous quitterons Paris vendredi, 26 du mois courant. Nous partirons, pour aller à Aix, par la ligne du Bourbonnais. Très probablement. Nous nous arrêterons en route, »

Carte postale de Paul Cezanne (fils), « Exposition de 1900 Rive droite de la Seine », à « Mademoiselle Marthe Conil, 20, Rue Emeric David Aix-en-Provence », cachets de la poste : « PARIS […] CLICHY » et « AIX en PROVENCE 25 OCT 00 », communiquée par Philippe Cezanne.

30 octobre

Maurice Fabre écrit à Gustave Fayet :

« Viendras-tu bientôt à Paris ? Nous pourrons ensemble faire quelques explorations autour de Cezanne. »

Lettre de Maurice Fabre, Gasparets, à Gustave Fayet, 30 octobre 1900 ; archives privées, lettre inédite.
Rougeot Magali, Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un artiste collectionneur, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris X Nanterre, École du Louvre, 2011, volume I « Texte », 526 pages, p. 77 et note 289.

Automne

Cezanne rencontre des jeunes écrivains chez Joachim Gasquet : Louis Aurenche (1877-1959 ?) et Edmond Jaloux (Marseille, 19 juin 1879 – Lutry, 22 août 1949). Il les invite rue Boulegon et les rencontre au café Clément, 44, cours Mirabeau.

Rewald John, Cezanne, Geffroy et Gasquet suivi de Souvenirs sur Cezanne de Louis Aurenche et de lettres inédites, Paris, Quatre Chemins-Éditart, 1959, p. 40, 42.
Larguier Léo, En compagnie des vieux peintres, Paris, Albin Michel, 1927, p. 150-166.
Aurenche, dans Rewald John, Cezanne, Geffroy et Gasquet suivi de Souvenirs sur Cezanne de Louis Aurenche et de lettres inédites, Paris, Quatre Chemins-Éditart, 1959, p. 62.

 

Jaloux Edmond, Fumées dans la campagne, Paris, La Renaissance du livre, 1918, 282 pages, p. 107-109 :

« Mais le plus célèbre de tous manque encore à la galerie ; celui-là, c’était Paul Cezanne.
Je voudrais vous le dépeindre tel que je l’ai connu, car son aspect est inoubliable.
Nous étions tous réunis ; on causait ; moi, j’écoutais, sans ouvrir la bouche. Le marquis de la Touloubre fumait sa pipe, et, d’un air narquois, récitait un dicton provençal, le baron de Villemus annonçait la révolution pour le 5 du mois prochain, Sibour, parfois, nous confiait quelque obscure divagation, pleine de spectres et de correspondances avec l’au-delà, l’abbé de Galice raillait ou racontait de savoureuses anecdotes, M. de Guignes m’embrassait et me bourrait de berlingots. On entendait le docteur Paillon finir le récit d’une visite à quelque malade :
— Je lui ai dit : « Mon vieux Roubaud, ne vous laissez pas aller ! Faites bouillir du romarin dans du vin chaud, buvez-m’en une grand’tasse avant de vous coucher, et demain, ouste, allez au poste et tuez-moi votre douzaine de culs-blancs avant le déjeuner! » Cet imbécile ne s’avisait-il pas d’avoir des rhumatismes, tout comme moi, tout comme vous, l’abbé ? Voyez-vous ça ! Un simple paysan ! Je te l’ai vite remis sur pied…
Soudain, la porte s’ouvrait. Quelqu’un entrait avec un air presque exagéré de prudence et de discrétion. Il avait figure de petit bourgeois ou de fermier aisé, finaud, cérémonieux avec cela. Il avait le dos un peu rond, un teint hâlé, marqué de teintes brique, le front nu, des cheveux blancs s’échappant en longues mèches, de petits yeux perçants et fureteurs, un nez bourbonien, un peu rouge, de courtes moustaches tombantes et une barbiche de militaire. Tel, j’ai vu Paul Cezanne à sa première visite, tel je le reverrai toujours. J’entends sa manière de parler, nasillarde, lente, méticuleuse, avec quelque chose de soigneux et de caressant. Je l’écoute discourir sur l’art ou sur la nature, avec subtilité, avec dignité, avec profondeur.
Un jour qu’il déjeunait à la maison, il regarda des abricots et des pêches, disposés dans une jatte et il nous dit :
— Regardez comme la lumière aime tendrement les abricots, elle les prend tout entiers, elle entre dans leur pulpe, elle éclaire tous leurs côtés ! Mais elle est avare envers les pêches, dont elle ne rend lumineuse qu’une moitié.
Il faisait ainsi de petites remarques judicieuses que personne ne semblait avoir faites. Une autre fois, il déclara à Cordouan, tandis que je cheminais auprès d’eux, le long de la rue Cardinale :
— Un artiste, voyez-vous, doit faire son œuvre, comme un amandier fait ses fleurs, comme un escargot fait sa bavé…
Quand il quittait le pavillon de Suffren, Maurice se levait solennellement et me disait :
— Raymond, souviens-toi des paroles de cet homme-là. Plus tard, tu seras fier de l’avoir approché et tu diras avec orgueil : « Moi aussi, je l’ai connu ! »
Souvent, il emmenait mon beau-père travailler avec lui. C’était Cezanne que Maurice imitait maintenant ; il recherchait le secret de sa simple et grande composition, de sa noblesse, de sa naïveté, du sentiment direct qu’il avait des choses. Mais ce que Maurice avait dans la tête, c’étaient mille images de musée qui s’interposaient entre la Nature et lui. Cezanne copiait le monde, Maurice copiait Cezanne. Aussi n’arrivait-il qu’à être terne, incomplet, maladroit.
[…] Janvier 1913-juillet 1914. »

 

Jaloux Edmond, « Souvenirs sur Paul Cezanne », L’Amour de l’art, décembre 1920, n° 8 ; p. 285-286 :

« Souvenirs sur Paul Cezanne
La première fois que j’ai rencontré Cezanne, c’était à Aix-en-Provence, chez mon ami Joachim Gasquet.
Nous achevions de déjeuner dans une salle à manger que je vois encore ; elle était en contrebas de la rue, si bien que les rares passants qui traversaient un moment le cadre des fenêtres nous semblaient démesurés.
J’entends encore la voix de Gasquet dire soudain : — Voici Cezanne !
On était en juillet ; le soleil creusait la rue dans toute sa longueur d’une sorte de tunnel flambant. Mais l’ombre qui venait à son tour de se profiler à nos yeux avait quelque chose de timide, de discret, de furtif. L’instant d’après, la porte s’entr’ouvrait, et un vieil homme entrait.
En voyant des inconnus il fit un geste de recul, comme s’il voulait dire : « Non, non, ne vous dérangez pas, je reviendrai un autre moment… » On eut toutes les peines du monde à le faire entrer, il usa presque d’un cérémonial chinois pour s’asseoir, pour accepter de rester avec nous. Soudain, il s’interrompit dans ses phrases de politesse.
Nous étions au dessert ; il venait de voir sur la table, dans un grand rai de lumière, des pêches, des abricots, disposés dans un plat. Il avança ses deux mains de vieillard dans un geste de ravissement et il dit :
— Voyez comme le soleil aime tendrement les abricots, il les enveloppe tout entiers, il entre dans leur pulpe, il éclaire tous leurs côtés. Regardez au contraire comme il est avare envers les pêches, il ne rend lumineuse qu’une seule de leurs moitiés !
Il dit cela d’une voix précautionneuse, avec un léger tremblement, un accent un peu nasillard et ce je ne sais quoi de méticuleux, de soigné et de puéril que donne souvent à la diction une bouche édentée.
J’étais tout jeune alors, — c’était en 1896 ou 1897, je connaissais mal l’œuvre de Cezanne et seulement des paysages qui m’étonnaient plus alors que je les admirais, mais où je retrouvais du moins quelque chose qui était proprement l’air même de mon pays et la noble cadence de ses horizons. Cependant, cette simple phrase ouvrit tout un monde à mes yeux et avant même de savoir en quoi son œuvre était admirable, je compris que l’homme qui venait de parler ainsi était un grand peintre et qu’il voyait ce que nul ne voit.
Il avait le type, l’accent, les manières d’agir d’un Provençal. En Provence comme en Orient, le sentiment des castes n’est pas très vif, ni ces castes très bien tranchées, Cezanne avait à la fois du petit bourgeois et de l’artisan, avec une décence, une dignité, une fierté simple que l’on trouve difficilement ailleurs dans des classes identiques. La finesse paysanne se mêlait en lui à des manières exagérément polies. Il avait le dos rond, le teint hâlé, marqué de taches brique, le front nu, couleur de cuivre, d’où tombaient des-mèches de cheveux blancs, le nez gros et bourbonien, tournant au pourpre, de petits yeux perçants, fureteurs, inquiets, regardant tout, voyant tout, de courtes moustaches tombantes, une barbiche de militaire du Second Empire. Il portait une jaquette noire, un pantalon tire-bouchonné, un chapeau du type que l’on appelait alors tzarewitck. (L’arrivée triomphale de la flotte russe à Toulon n’était pas très loin.)
J’ai l’impression que tous les portraits que l’on a fait de Cezanne tournent à la caricature. Il m’a paru toujours infiniment moins excentrique, moins outlaw qu’on ne le fait aujourd’hui. Ou bien se méfiait-il à l’excès des Parisiens, et plus spécialement des marchands ? Je crois aussi qu’on l’a mal compris parce qu’il était, je le répète, essentiellement provençal. Beaucoup de phrases ingénues qu’on lui attribue doivent s’entendre dans un sens de moquerie très fine dont l’auditeur aura été dupe. Sa simplicité n’était pas de la naïveté. Il était fort intelligent, admirablement et douloureusement conscient de ses efforts, et très cultivé. Il a cherché toute sa vie le style et savait fort bien où il est. On tend aujourd’hui à le transformer en sauvage, en barbare de génie. C’était le plus classique, le plus volontaire, le plus équilibré des maîtres. Et j’ai toujours trouvé qu’il en donnait lui-même tout à fait l’impression.
Sa conversation était admirable ; il ne parlait presque que de peinture comme il ne pensait qu’à elle ; il abondait en formules larges, riches, savoureuses ou en aperçus techniques, inattendus, savants ingénieux.
Je l’entends aussi s’écrier dans la rue Cardinale, entre la fontaine des Quatre-Dauphins et l’église de Saint-Jean-de-Malte :
— Un artiste, voyez-vous, il n’y a ni gloire, ni ambition qui compte pour lui. Il doit faire son œuvre parce que le bon Dieu le veut, comme un amandier fait sa fleur (il y avait ici une seconde comparaison que j’ai oubliée), comme l’escargot fait sa bave….
Tout ce qu’il disait était de cette qualité, de cette condensation. Hokousaï devait être un vieillard du même genre. Si la sainteté est le sacrifice de toute une vie à un idéal à demi inaccessible, Cezanne aura été un saint. Il n’y a en lui qu’une passion, qu’un devoir : l’amour de son art. Rien d’autre n’existait à ses yeux. Connaître tous les secrets de la Nature et faire une œuvre qui ne double pas la nature, c’est, en effet, quelque chose de surhumain. Il y faut donner toutes ses forces. Je ne crois pas que jamais Cezanne se soit laissé distraire de cette pensée une heure par jour. L’énorme gloire qu’il a aujourd’hui, je crois bien qu’elle lui eût été indifférente. S’il vivait encore, il n’en irait pas moins en pleins champs, avec autant d’orgueil et d’humilité, poursuivre sa maîtresse et sa vieille ennemie. Il me semble que Mallarmé s’acharnant toute sa vie sur un rêve unique de poète, mais aussi de technicien, aura été un esprit comparable à Cezanne ; et les aquarelles de celui-ci, avec leurs réserves de blanc, savamment disposées, me font penser souvent à ces pièces du poète où des blancs analogues donnent tant de grâce légère et de science à de savantes arabesques.
Edmond Jaloux. »

 

Jaloux Edmond, Les Saisons littéraires 1896-1903, Fribourg, éditions de la Librairie de l’Université, 1942, 342 pages, p. 71-76 :

« X
Vue de Cezanne
Ce fut alors que je rencontrai Paul Cezanne. J’étais donc venu à Aix pour y passer mon baccalauréat ; c’était au mois de ma mère et moi, chez Joachim Gasquet. Gasquet habitait alors avec sa femme dans un appartement de la rue des Arts-et-Métiers. On prenait ses repas au rez-de-chaussée. Pendant que nous mangions, quelqu’un passa le long de la fenêtre ouverte et, tout aussitôt, Gasquet se leva avec l’enthousiasme qu’il apportait à la vie quotidienne, vrai trésor de lyrisme et de vitalité, et s’écria : « Voilà Cezanne ! » Il l’appela aussitôt et lui demanda d’entrer, mais Cezanne hésitait beaucoup ; il y eut toute une comédie délicieuse, faite de mines confuses, de réticences, de timidité, avant qu’il se décidât à pénétrer dans la salle à manger. Bien qu’il appartînt à la classe aisée de la ville, ― son père était banquier, ― il avait l’air d’un tout petit bourgeois, gardant encore des habitudes et des façons d’artisan ; il avait un grand front chauve, vaguement cuivré, faisant penser au front de Verlaine, avec de longs cheveux blancs, épars, rejetés en arrière ; le teint marqué de pourpre ; de petits yeux légèrement clignotants ; le nez fort, bourbonien, un peu rouge ; de petites moustaches blanches tombantes et une barbiche comme on en portait sous le Second Empire. Cérémonieux, distant, sous son air de cordialité apprêtée et démonstrative, le geste prudent, l’allure un peu fuyante, il nasillait fortement en parlant et avait gardé le savoureux accent du Midi. Il y avait encore en lui du paysan, mais avec une décence, une dignité, une fierté simple que l’on trouverait difficilement ailleurs que dans le Midi, dans des classes identiques. La finesse terrienne se mêlait chez lui à des formes exagérément polies. Il portait, ce jour-là, une longue jaquette noire, et ce melon un peu carré qu’on appelait alors un Cronstadt ; c’était d’ailleurs le genre de tenue habituelle à la bourgeoisie, en Provence, pendant la canicule.
À peine assis, Cezanne avisa un compotier, à demi garni de pêches et d’abricots. Il le regarda longuement et s’écria :
— Oh ! regardez comme l’abricot aime le soleil ! Il s’en empare tout entier. La pêche, elle, elle se défend, elle ne le prend que la moitié.
Il disait cela en tendant les bras devant lui, en faisait un geste large, avec ses mains ouvertes, comme s’il voulait caresser quelque chose. Et sa voix était d’une tendresse infinie pendant qu’il exprimait cet amour qui faisait sa vie.
Je lui la ai entendu dire, un autre jour, pendant que nous nous promenions avec Gasquet et lui, dans cette rue des Arts-et-Métiers, qu’un homme ne devait se soucier ni de la gloire ni de l’opinion, et il concluait ainsi :
—Voyez-vous, il faut que l’artiste fasse son œuvre, comme l’amandier fait son fruit, comme l’escargot fait sa bave…
Il était fort intelligent, avisé, grand lettré, grand lecteur des classiques, mais méfiant, prudent et même timoré au-delà de toute expression. Deux ou trois ans après, je publiais dans Le Pays de France un roman plein de hardiesses et d’affirmations, qui s’appelait Les Femmes et la Vie. Il disait à Gasquet avec stupeur : « Les jeunes gens d’aujourd’hui sont extraordinaires ! Ce Jaloux avec son roman !… Il l’appelle Les Femmes et la Vie et il parle d’elles… C’est incroyable ! » On dit que, pour ne pas avoir de modèles, il peignait, sur la fin de sa vie, ses figures de femmes d’après des gravures de modes.
Sa timidité était extrême, sa maladresse dans l’action quotidienne sans remède. Mais tout cela était chez lui un instinct de défense. N’ayant au monde d’autre pensée que son art, ne voulant rien donner de son temps et de ses préoccupations à autre chose que son travail, il tremblait de toute incursion dans sa vie. Il avait vis-à-vis de tout cette paresse qui est le secret des grands travailleurs.
Il a donné à son œuvre toute sa vie, comme un Rembrandt, comme un Hokousaï, comme un Turner, un Caspar-David Friedrich, Pour ces hommes-là, rien au monde n’existe que ce désir de s’emparer de la nature, d’en connaître les secrets et les reproduire sur une toile. L’extrême prudence de Cezanne et sa méfiance à l’égard de tous s’expliquaient par le désir que personne ne vînt déranger son unique préoccupation. Le plus extraordinaire est qu’il ait toujours cru trompé, non pas dans le sens de ses recherches, mais dans leur réussite. Zola, en faisant de lui le héros de son roman, l’Œuvre, a tracé l’image d’un raté. Cezanne n’était pas loin de croire qu’il en fût un, soit parce qu’il n’avait pas l’impression de réaliser des chefs-d’œuvre, soit parce que bourgeois provincial, distrait et timoré, il se laissait influencer par la manière de juger des gens de la ville. Il a fait allusion, devant moi, à cet échec profond de sa carrière et il était difficile de le détourner de cette pensée ; il prenait pour flatterie, — donc pour une manœuvre intéressé, — l’expression de la vérité. Cependant son orgueil, par une intime contradiction, était immense ; il savait aussi qu’il avait du génie et qu’il créait une date nouvelle dans l’art 1. Mais cette indépendance, à laquelle il était attaché plus qu’à tout comme artiste, pesait en même temps au fils d’un chapelier enrichi, devenu banquier.
Aucun des portraits qu’on a tracés de lui ne correspond tout à fait, selon moi, à l’idée que je me fais de Cezanne et à l’impression qu’il m’a produite. Ambroise Vollard l’a quelquefois poussé à la caricature et l’a vu plus simple et plus candide qu’il n’était. Cezanne faisait souvent l’ahuri pour se débarrasser des gens. Je ne dirai pas qu’il jouait la comédie, mais j’ai le sentiment qu’il outrait souvent la bizarrerie de ses façons pour sauvegarder sa liberté qu’il sentait toujours en péril. Il était plus malin qu’il ne le paraissait. Joachim Gasquet a écrit sur lui un livre admirable, mais complètement stylisé. Il fait dire à Cezanne, à côté de choses qu’il a vraiment prononcées, des phrases qui appartenaient à Gasquet lui-même. Celui-ci m’a avoué qu’il avait voulu faire de Cezanne ce que Platon a fait de Socrate. Quand on a bien connu Gasquet, on reconnaît les pages où il a respecté la pensée du maître, les endroits où il l’a interprétée et ceux où il s’est exprimé lui-même. Cela restreint beaucoup le nombre des lecteurs capables de distinguer la vérité ; mais la vérité n’est jamais qu’un des éléments de la gloire d’un homme. L’important est que Gasquet ait écrit un ouvrage d’où Cezanne sorte grandi et conforme à la fois à son authenticité et à sa légende. Plus tard, Cezanne se brouilla avec Gasquet. Il était difficile, de conserver longtemps son amitié. Tous les griefs lui étaient bons pour se débarrasser de quelqu’un. La moindre influence, la moindre intimité lui paraissaient dangereuses. On m’a dit que Cezanne rompit avec Gasquet, parce que celui-ci, qui avait acheté quelques-uns des plus beaux tableaux du vieux maître, en avait vendu un ou deux, à une époque où il se trouvait à court d’argent. Mais peut-être est-ce un simple potin. Gasquet lui-même n’aimait pas à s’expliquer sur sa rupture avec Cezanne.

1 Il s’écria à table, un jour de colère : « Vous savez bien qu’il n’y a qu’un peintre au monde et que c’est moi. » Mais le croyait-il ? Il ne faut pas toujours ajouter foi à ces affirmations d’orgueil insensé des Provençaux, qui contrastent avec leur modestie véritable. »

2 novembre – 1er décembre

Première exposition de groupe de Cezanne en Allemagne, galerie Bruno et Paul Cassirer.

D’après les archives Durand-Ruel, la galerie a envoyé le 18 octobre à Berlin, réexpédiés à Paris le 9 janvier 1901, douze tableaux pour l’exposition, dont FWN826-R719 et FWN781-R419 « Pommes » qui a été acheté à Robert de Bonnières le 17 avril 1897, puis vendu à Maurice Fabre pour son ami Gustave Fayet. Les trois derniers tableaux (nos 11-13) ont été achetés, au nom de Cassirer, par Emil Heilbut à Vollard en avril 1900, pour 6 000 francs chacun.

Bien que le catalogue ne recense que treize tableaux, quinze en réalité ont été exposés :

  1. Stilleben, Äpfel [FWN771-R426]
  2. Stilleben [FWN770-R427]
  3. Eine Wiese [FWN180-R506]
  4. Porträt des Herrn C.[Chocquet] [FWN498-R671]
  5. Kleine Häuser in Antwerpen [Auvers] [FWN82-R220]
  6. Die Landstraße [FWN102-R275]
  7. Blumen in einer Vase [FWN733-R316]
  8. Porträt des Herrn C. sitzend [FWN439-R296]
  9. Winkel im Gehölz [FWN107-R312]
  10. Fasching [FWN668-R618]
  11. Sommerlandschaft [FWN211-R545]
  12. Äpfel auf einem Tisch [FWN841-R701]
  13. Harlekin [FWN670-R621]

Hors catalogue, Tulpen [FWN826-R719]

Hors catalogue, Pommes. [FWN781-R419]

À cette occasion, le poète Rainer Maria Rilke découvre la peinture de Cezanne.

Anonyme, préface au catalogue d’exposition, Bruno u. Paul Cassirer, Berlin W. Victoriastrasse, 35, III Jargang, Der Kunst-Ausstellungen, winter 1900/1901, 2, november bis anfang dezember : Paul Cezanne – Louis Corinth – Walter Leistikow – Fritz Klimsch – D. Y. Cameron ; cité par Felchenfeldt Walter, « Zur Rezeptionsgeschichte Cezannes in Deutscland », dans Adriani Götz, Cezanne Gemälde, catalogue d’exposition, Kunsthalle Tübingen, 16 janvier – 2 mai 1993, DuMont, Cologne, 1993, 316 pages, 97 numéros, p. 293-312, citation p. 296, 298 :

« Die Ausstellung eines so unbekannten und seltsamen Malers bedarf einiger orientierender Worte. Nachdem Cezanne, der ein Mitstrebender von Manet und ein Altersgenosse von Claude Monet ist, im Anfang der impressionistischen Bewegung eine Rolle gespielt, verschwand er dann ganz vom Schauplatz. Er blieb seither nur wenigen Amateuren bekannt und weiteren Kreisen blieb sein Name nur geläufig, als Zola ihm, dem Jugendfreunde, seinen berühmten Band Malerkritiken Mon salon widmete. Zuweilen sieht man ihn in der Nähe von Paris, in der Landschaft vor seiner Leinwand sitzend ; er lebt vereinsamt und weicht der Begegnung mit früheren Bekannten aus. Seine Kunst, lange Jahre fast vergessen — Muther nennt seinen Namen nicht —, findet seit einigen Jahren in Frankreich mehr und mehr Freunde, man sieht jetzt jeweilen seine Bilder, der Impressionistensaal der Pariser Weltausstellung enthält einige seiner Landschaften. In Deutschland ist Cezanne völlig unbekannt. Die jetzige Ausstellung ist seine erste. Der kurze Aufsatz, den ihm Huysmans in seiner 1894 erschienenen Kritiksammlung Certains widmete, möge zeigen, wie seine Freunde über seine Vorzüge und seine Fehler denken.
Im vollen Licht, in Schalen von Porzellan oder auf weißen Tischtüchern Birnen und Äpfel, brutal und rauh wie mit einer Kelle gemauert und mit dem Daumen zusammengestrichen, von nahe ein wildes Gemäuer von zinnober und gelb, grün und blau, in der richtigen Entfernung wundervolle reife und saftige Früchte, wie für das Schaufenster von Chvet [Chevet] [großes Obstgeschäft in Paris].
Und bis dahin nie gesehene Wahrheiten thun sich auf, seltsame und doch reale Farbtöne, Flecke von eigentümlicher Richtigkeit, Nuancen der Wäsche, welche durch die Schatten, die die runden Früchte werfen, erzeugt und in einer schönen, blauen Skala aufgelöst werden, das macht aus diesen Bildern gereifte Werke, wenn man an die gewöhnlichen Stilleben zurückdenkt, die sich mit ihren Asphalt-Schatten vor unkenntlichen Hintergründen loslösen.
Dann wieder Freilichtstudien, Versuche, die in den ersten Anfängen stecken bleiben, Skizzen, deren Frische durch Übermalen verdorben ist, kindliche und barbarische Entwürfe und zuguterletzt stupende Entgleisungen : Häuser, die nach einer Seite hängen, wie betrunken ; Früchte in turkelnden [sic] ; Töpfen ; badende Frauen mit wahnsinnigen Linien umrändert, aber — ein Fest für die Augen — hingestrichen mit dem Furor eines Delacroix, doch ohne das Raffinement seiner Anschauung und ohne die Fügsamkeit seiner Hand, wie heulend in einem Rausch wirbelnder Farben auf der allzuschweren Leinwand, die zu bersten droht.
Und schließlich ein Colorist-Entdecker, der mehr als Manet die impressionistische Bewegung beeinflußt hat, ein Künstler mit kranker Netzhaut. der mit der aufs Hôchste gesteigerten Empfindung seiner Augen die Anfänge einer neuen Kunst entdeckte, das ist dieser viel zu sehr vergessene Maler — Cezanne.
Seit dem Jahre 1877, in dem er 16 Bilder gezeigt hatte, hat er nicht mehr ausgestellt. Damals diente die absolute Ehrlichkeit seiner Kunst dazu, den Pöbel für lange zu belustigen. »
Traduction :
« L’exposition d’un peintre aussi inconnu et inhabituel nécessite quelques mots d’introduction. Après avoir joué un rôle au début du mouvement impressionniste, Cezanne, un homme dans la mouvance de Manet et contemporain de Claude Monet, disparut complètement de la scène. Depuis, seuls quelques amateurs d’art l’ont connu, et son nom n’est devenu familier à un cercle plus large qu’après que son ami d’enfance Émile Zola lui eut dédié son célèbre volume sur l’art Mon Salon. Quelquefois, on a pu le voir dans la région parisienne assis dans les champs une toile en face de lui ; il mène une vie solitaire et évite de rencontrer les gens qu’il connaissait. Son art, qui a été presque oublié pendant de nombreuses années — Muther ne le mentionne même pas [Richard Muther (1860-1909), historien d’art allemand, auteur en 1902 de Geschichte der Malerei] — trouve de plus en plus d’amateurs en France, où ses tableaux sont parfois exposés : la salle impressionniste à l’Exposition Universelle de Paris présente quelques-uns de ses paysages. En Allemagne, Cezanne est totalement inconnu. L’exposition actuelle est la première de lui. Le court essai de Huysmans consacré à Cezanne, dans son recueil d’articles sur l’art Certains, publié en 1894, montre comment ses amis ressentent les qualités et les défauts de Cezanne :
« En pleine lumière, dans des compotiers de porcelaine ou sur de blanches nappes, des poires et des pommes brutales, frustes, maçonnées avec une truelle, rebroussées par des roulis de pouce. De près, un hourdage furieux de vermillon et de jaune, de vert et de bleu ; à l’écart, au point, des fruits destinés aux vitrines des Chevet, des fruits pléthoriques et savoureux, enviables.
Et des vérités jusqu’alors omises s’aperçoivent, des tons étranges et réels, des taches d’une authenticité singulière, des nuances de linge, vassales des ombres épandues du tournant des fruits et éparses en des bleutés possibles et charmants qui font de ces toiles des œuvres initiatrices, alors que l’on se réfère aux habituelles natures mortes enlevées en des repoussoirs de bitume, sur d’inintelligibles fonds.
Puis des esquisses de paysages en plein air, des tentatives demeurées dans les limbes, des essais aux fraîcheurs gâtées par des retouches, des ébauches enfantines et barbares, enfin, de désarçonnants déséquilibres : des maisons penchées d’un côté, comme pochardes ; des fruits de guingois dans des poteries saoules ; des baigneuses nues, cernées par des lignes insanes mais emballées, pour la gloire des yeux, avec la fougue d’un Delacroix, sans raffinement de vision et sans doigts fins, fouettées par une fièvre de couleurs gâchées, hurlant, en relief, sur la toile appesantie qui courbe !
En somme, un coloriste révélateur, qui contribua plus que feu Manet au mouvement impressionniste, un artiste aux rétines malades, qui, dans l’aperception exaspérée de sa vue, découvrit les prodromes d’un nouvel art, tel semble pouvoir être résumé, ce peintre trop oublié, M. Cezanne. Il n’a plus exposé depuis l’année 1877, où il exposa, rue Le Pelletier, seize toiles dont la parfaite probité d’art servit à longuement égayer la foule. » »

 

Revue de presse :

« Kleine Kunstchronik », Berliner Tageblatt, 1er novembre 1900, n° 556 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 335 :

« Die Kunstausstellung von Bruno und Paul Cassirer,Viktoriastraße, eröffnet am Freitag eine neue Ausstellung. Sie wird zunächst eine Sammlung von 14 Werken des Franzosen Paul Cezanne enthalten, des Zeitgenossen und Mitstrebenden von Manet und Freundes Zolas. Es ist die erste Ausstellung seiner Werke in Deutschland. »
Traduction :
« Une nouvelle exposition d’art de Bruno et Paul Cassirer s’est ouverte vendredi, Victoriastraße. Elle contient tout d’abord une collection de 14 œuvres du Français Paul Cezanne, contemporain du défunt Manet et ami de Zola. C’est la première exposition de son œuvre en Allemagne. »

 

Stahl Fritz, « Im Salon Cassirer », Berliner Tageblatt, n° 569, 8 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ».
Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 336 :

« Über den Franzosen Cezanne lasse ich seinen Freund Huysmans sprechen, aus dessen Äußerungen der Katalog einiges citirt. Huysmans lobt ihn. Dabei kommen folgende Wendungen vor: « brutal und rauh, wie mit einer Kelle gemauert und mit dem Daumen zusammengestrichenn », und: « kindliche und barbarische Entwürfe und zuguteterlezt stupende Entgleisungen », und: « ein Künstler mit kranker Netzhaut ». Das finde ich alles auch, nur von der Schönheit, die er darin oder trotzdem entdeckt, konnte ich nichts entdecken. »
Traduction :
« À propos du Français Cezanne, je laisserai parler son ami Huysmans, en reprenant quelques extraits de sa citation dans le catalogue. Huysmans l’a loué. Les expressions suivantes apparaissent : « un artiste aux rétines malades » ; « brutales, frustes, maçonnées avec une truelle, rebroussées par des roulis de pouce », et « des ébauches enfantines et barbares, enfin, de désarçonnants déséquilibres ». Je trouve que tout est bien, tout simplement par la beauté qu’il a néanmoins découverte, je ne pouvais rien voir. »

 

Bie Oscar, « Hier und dort », Berliner Börsen-Courier, n° 530, 11 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ».
Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 337, 339-340 :

« Paul Cezanne aus Paris, von dem die Nationalgalerie bereits ein Werk besitzt, stellt sich hier zum ersten Mal in breiterer Form vor: Stilleben, Landschaften, auch Portraits. Die Stilleben sind gut, die Portraits scheiden ihrer geringen technischen Qualitäten wegen aus, die Landschaften bilden den eigentlichen Stamm. Cezanne ist ein Freund und Genosse der modernen Pariser impressionistischen Meister, ein stiller und schüchterner Mensch, Autodidakt, wahrscheinlich sehr unglücklich. Man sagt, daß er stark auf die impressionistische Schule gewirkt habe. Solche Fälle kommen vor. Man kann in der Technik zurück sein, und doch befruchtend wirken. Man hat es mehr innen. Cezanne bleibt in seiner Technik bei den Anfängen stehen. Die bekannten ersten Klippen, Luftabtönung, Entwickelung des Vordergrundes, hat er noch nicht umschifft. Zwei Landschaften, ein Sommer und die Antwerpener Häuser, zeigen den lebendigen Colorismus, den jeder fein Empfindende besitzt. Aber die Unfahigkeit, sich auszudrücken, und die vielen Zeichenfehler treten doch immer wieder hervor und stören das Einvernehmen. In Paris hingen auf der Weltausstellung einige Sachen von Cezanne, die meiner Erinnerung nach etwas freundlicher stimmten. Jedenfalls ist es verdienstlich von der Cassirer’schen Kunsthandlung, uns diesen Mann, über den große Schriftsteller sich sehr aufregten, vorgestellt zu haben. Es ist mindestens ein seelisch interessantes Phänomen. »
Traduction :
« Paul Cezanne, de Paris, dont la Galerie nationale a acquis une œuvre, est exposé ici pour la première fois sous une forme plus large : des natures mortes, des paysages, et des portraits aussi. Les natures mortes sont intéressantes, les portraits de faible qualité technique, les paysages constituent le principal. Cezanne est un ami et contemporain des maîtres impressionnistes parisiens modernes, un homme calme et timide, un autodidacte, probablement très malheureux. On sait qu’il a été très marqué par l’école impressionniste. C’était avant. Vous pouvez être de retour dans l’art, et pourtant semble fructueuse. Il a plus à l’intérieur. Cezanne reste dans sa technique à un stade précoce. Les falaises d’abord connus, Luftabtönung, développement de premier plan, il n’a pas fait le tour.. Deux paysages, un été et les maisons Anvers [sic] montrent l’Colorismus de vie que possède chaque bien sensible. Mais l’incapacité à exprimer eux-mêmes, et les nombreuses erreurs caractères se produisent, mais conserve de surfaçage et de troubler l’accord. A Paris, accroché sur l’Exposition universelle expose quelques choses de Cezanne, qui ont voté selon ma mémoire un peu plus conviviales. Quoi qu’il en soit, l’initiative du marchand d’art Cassirer est méritoire, nous avons cet homme est très en colère sur les grands écrivains imaginaires. Au moins est-il un phénomène intéressant psychologiquement. »

 

Rosenhagen Hans, « Ausstellung bei Bruno und Paul Cassirer », Tägliche Rundschau, n° 266, 12 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 340-341 :

« Im Salon Cassirer glaubt man an die Zukunft des Impressionismus und sucht dem Publikum Gefühl für dessen Bedeutung beizubringen, indem man ihm die Werke der wichtigsten Vertreter desselben vorführt, so jetzt 13 Bilder von Paul Cezanne, der von den Nachfolgern Manets einer der talentvollsten ist. Man kommt dem Künstler nicht leicht nahe; denn er macht dem Tagesgeschmack nicht das geringste Zugeständnis und überläßt es dem Beschauer seiner Bilder, sich mit den Fehlern und Gewaltsamkeiten derselben auseinanderzusetzen. Aber Cezanne ist ein geborener Maler, der der farbenreichen Natur neue Wahrheiten abgesehen hat. Man empfand das nirgends lebhafter, als in diesem Jahre in Paris, wo im Saale der Impressionisten in den Centennale zwei Landschaften des Künstlers zwischen all den herrlichen Schöpfungen von Monet, Sisley, Pissarro durch die Wucht und Wahrheit der Farbe und eine ebenso breite wie wirksame Malerei dem Besucher förmlich ins Auge schlugen. Der Künstler arbeitet nur mit groben Farbenwerten, deutet die Formen scheinbar nur an, erreicht aber eine Wirkung von so überzeugender Wahrheit, daß man, in einiger Entfernung von den Bildern stehend, glaubt, unmittelbar in die Natur zu sehen. Das gilt in dieser Ausstellung besonders von einigen Landschaften, unter denen die « Kleinen Häuser von Antwerpen », der « Winkel im Gehölz » wohl die schönsten sind, die man sehen kann. Die Einfachheit der Mittel ist schlagend. Danach sind die Apfelstilleben und der Tulpenstrunk sehr charakteristisch für Cezannes Art. Daß man jemand, der sich über auffallende Verzeichnungen nicht fortsetzen kann, begreiflich zu machen vermag, wieviel köstliche malerische Einzelheiten in den Figurenbildern des Künstlers, « Fasching » mit dem den schwarzroten Harlekin neckenden weißen Pierrot vor dem grau-gelbgrün geblümten Vorhang und in dem Bildnis des sitzenden Herrn stecken, scheint höchst fraglich. Zunächst bleiben solche Leistungen wohl nur Kunst für Künstler. »
Traduction :

 

« Der Kunstsalon von Bruno u. Paul Cassirer », Deutscher Reichsanzeiger, n° 271, 13 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 342, 344:

« Der Kunstsalon von Bruno u. Paul Cassirer (Viktoriastraße 35) hat in seiner November-Ausstellung einen französischen Maler zu Ehren gebracht, der bislang in Deutschland noch völlig unbekannt war, obwohl er bereits in der impressionistischen Bewegung der sechziger und siebziger Jahre eine nicht unbedeutende Rolle gespielt hat: Paul Cezanne. […] Und er verdient solche Beachtung, wenngleich es kühn wäre, ihn den Hauptmeistern der französischen Freilichtmalerei, wie Manet und Degas, ohne Vorbehalt zur Seite zu stellen. Seine Art zu sehen und zu malen hat etwas Kindlich-Naives; zeichnerische Fehler und Unmöglichkeiten finden sich namentlich in den figürlichen Darstellungen nicht selten. Ebenso oft überrascht er aber in seinen Stilleben und Landschaften durch einen Farbengeschmack, eine Sicherheit der Beobachtung und Selbständigkeit des Blicks, die seine Arbeiten in die erste Reihe des Trompe-l’œil-Impressionismus rücken. In koloristischer Beziehung stehen seine Malereien dem modernen Gefühl näher als selbst die Manet’s, und, was seine Erscheinung besonders sympathisch macht, das ist die unbeirrte Ehrlichkeit, die sich in keinem Pinselzuge verleugnet. Drei Landschaften: ein Waldinterieur, eine Antwerpener Vedute und die in den lichten Tönen Pissarro’s gehaltene «Landstraße», dürften unter den ausgestellten Bildern wohl am meisten Eindruck machen. Aber auch einige Stilleben verdienen bei aller Unbeholfenheit des Arrangements aufrichtige Bewunderung. »
Traduction :
« Le Salon d’art de Bruno et Paul Cassirer (Viktoriastraße 35) a mis à l’honneur en novembre un peintre français, qui était encore inconnu en Allemagne, mais il a joué un rôle important déjà dans le mouvement impressionniste des années soixante et soixante-dix: Paul Cezanne. […] Et il mérite une telle attention, mais il serait hardi de faire les principaux maîtres de la peinture de plein-air français comme Manet et Degas, sans réserve de côté. Sa façon de voir et de peindre a quelque chose puérilement naïve; erreurs de dessin et d’impossibilités se trouvent surtout dans les représentations figuratives souvent. Mais tout aussi souvent, il surprit dans ses natures mortes et des paysages par un goût de la couleur, une surveillance de la sécurité et de l’indépendance du regard qui a mis son travail dans la première rangée de la trompe l’oeil impressionnisme. En relation coloriste ses peintures sont l’ambiance moderne plus proche que même le Manet, et qui fait son apparition très sympathique, qui est l’honnêteté inébranlable que lui-même nie en aucun brosses cours. Trois paysages: un intérieur de forêt, un Vedute Anvers et dans les tons clairs tenue, «route» de Pissarro, devrait probablement faire le plus impression parmi les tableaux exposés. Mais quelques natures mortes méritent admiration sincère pour tous maladresse des arrangements. »

 

M. O. [Max Osborn], « Kunstsalon Cassirer », National-Zeitung, n° 634, 17 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 345, 347. Transcrire (traduire) :

« Paul Cezanne. Dieser Künstler ist, was der Unkundige vor seinen Bildern leicht zu glauben geneigt sein könnte, heute nichts weniger als ein jugendlicher Stürmer und Dränger. Er hat bereits vor drei Jahrzehnten mit Manet und den Seinen Schulter an Schulter für die neue Farbenanschauung gekämpft, ist ein Jugend­freund Zolas und steht jetzt etwa im sechzigsten Altersjahre. […] Doch schon vor über zwanzig Jahren hat er sich in die Einsamkeit zurückgezogen und blieb verschollen, bis ihn vor Kurzem die Liebhaber und die Snobs in Paris wieder an die Offentlichkeit zogen. Bei uns hat man sich bisher gar nicht mit ihm beschäftigt, obwohl wir in der Nationalgalerie eine seiner Landschaften besitzen. […]
Was bei seinen Bildern zuerst auffällt, ist der für einen Franzosen überraschende Mangel an Eleganz. Cezanne ist schwer und umständlich, und seine ― man weiß nicht, soll man sagen: treuherzige oder raffinirte ― Ungeschicklichkeit artet oft in Härte aus. Aber er hat einen erstaunlichen Sinn für farbige Wirkungen, für die verborgensten koloristischen Geheimnisse seiner Objekte. Seine Stillleben mit der absichtlichen Vernachlässigung aller kompositionellen Geschlossenheit, mit den grell hingestrichenen grün-rothen Äpfeln und den unglaublichen Zeichenfehlern erscheinen dem ersten Blick roh, ja geradezu kindisch. Sieht man aber genauer zu, so findet man in der Behandlung der schreiend bunten Früchte, der weißen Fläche des Tischtuches und der Schatten und Reflexe, die diese unterbrechen, eine außerordentlich reiche Fülle malerischen Wissens und Könnens niedergelegt. Bei den Landschaften und Figurenbildern ergeht es dem Beschauer nicht anders. Überall ein gewaltsamer, geschmackloser Vortrag, überall « stüpende Entgleisungen », wie sie auch Huysmans, einer von Cezannes wärmsten Verehrern zugeben muß, und doch überall ein so feiner lnstinkt für die Farbe, daß sich das Auge, fast wider Willen, gefesselt fühlt. Die intressanteste dieser merkwürdigen Arbeiten ist ein Bild, « Fasching » betitelt. Man sieht einen Harlekin in rothdunkelblau karirtem Kostüm und einen Pierrot in weißem Anzug durch eine bunte Portière schreiten. Man weiß nicht recht, was man aus den Gesellen machen soll. Sie sehen beide ein wenig angetrunken aus, der Harlekin streckt sich dabei übermäßig in die Höhe, der Pierrot hält sich an ihm fest und schleicht gebückt hinterher; man meint etwas von der glückseligen Unbewußtheit des Rausches in ihnen zu entdecken. Dann auf einmal scheinen die Köpfe plötzlich aus Holz gemacht zu sein, und man glaubt, ein paar Figuren aus dem Personal eines Kasperletheaters vor sich zu haben. Aber die Erwägungen darüber, welche von diesen Auffassungen wohl die größere Wahrscheinlichkeit für sich hat, treten zurück, wenn man die malerische Behandlung der Kostüme und der Portière, die koloristische Harmonie der Tonwerthe und den Reiz der Linien betrachtet, in denen das Ganze aufgebaut ist. Hier ist wirklich feine und echte Kunst zu finden. Dennoch läßt Cezanne kalt. In seiner eigenthümlichen Mischung von unkultivirter Derbheit und dekadentem Raffinement bleibt er doch nur ein « Augenthier ». Er ist für uns ein Phänomen, für dessen anregende Bekanntschaft wir dankbar sind, aber er versetzt nur unsern Sehnerv, nicht unsere Sinne, geschweige denn unsere Seele in Schwingung. Niemand, der sich mit ihm beschäftigt, wird ihm seine Wirkung bestreiten, aber diese Wir­ kungen sind im Wesentlichen optische und kaum mehr ästhetische. »

 

P., « Herbstausstellungen in Berlin », Neue preußische Zeitung, n° 542, 18 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 348-349:

« Hier sind Bilder Paul Cezannes ausgestellt, eines Mitstrebenden Manets und Altersgenossen Claude Monets. Zwei Landschaften mögen gelten — man kann sich der Farben freuen und das übrige übersehen, aber Bilder wie diese « Portrait » und selbst diese « Stilleben » sind trotz aller leuchtenden Töne einfach Gestammel. Dieser Maler kann offenbar überhaupt nicht zeichnen, er spielt eine tragische Figur, denn ihm ward wohl die Sehnsucht zum Licht, aber die Schwingen zum Fliegen blieben ihm versagt. Und wenn man eine solche tragische Figur so anspruchsvoll ans Licht zerrt, dann wirkt sie leicht lächerlich. Die dem Kataloge beigefügte Erläuterung oder Entschuldigung schließt: « Seit dem Jahre 1877, in dem er 16 Bilder gezeigt hatte, hat er nicht mehr ausgestellt. Damals diente die absolute Ehrlichkeit seiner Kunst dazu, den Pöbel für lange zu belustigen ». Man braucht durchaus nicht zum « Pöbel » zu gehören, um derartige Pinseleien komisch zu finden. »
Traduction :
« Les tableaux de Paul Cezanne sont exposés, un Manet Mitstrebenden et les contemporains de Claude Monet. Deux paysages peuvent demander — vous pourrez profiter des couleurs et le belvédère de repos, mais des images comme celles-ci, « Portrait » et même que la « Nature morte », en dépit de tous les tons rougeoyants sont tout simplement bancals. Ce peintre ne peut évidemment pas dessiner, il joue un personnage tragique, car il était probablement le désir de la lumière, mais les ailes pour voler lui ont été refusées. Et si on tire une telle figure tragique aussi exigeant à la lumière, alors il a un peu ridicule. Les catalogues de l’explication ni excuse joint ferme: « Depuis l’année 1877, où il avait montré 16 tableaux, il n’a plus exposé. À l’époque, l’honnêteté absolue de son art a servi pour amuser la foule pour longtemps ». Un besoin aucun moyen d’appartenir à la « mafia » de trouver de tels domaines brosser drôle. »

 

« Aus den Kunstausstellungen II », Staatsbürger-Zeitung, n° 545, 20 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 351:

« Cezanne, von dem man — ohne übrigens dabei etwas verloren zu haben — bisher in Deutschland noch gar nichts gehört hat, ist eine wunderliche Erscheinung. Seine Kunst erscheint bald wie unreifes Gestammel, bald wie blasierte Virtuosität, aber immer ist sie krankhaft. Nur ganz selten läßt die Unmittelbarkeit in der Wiedergabe eines Eindruckes erkennen, daß man es hier doch mit einer künstlerischen Persönlichkeit zu thun hat. In der richtigen Erkenntnis, daß das Publikum mit diesen 13 Versuchen ohne Erläuterungen gar nichts anzufangen wissen würde, hat die Ausstellungsleitung ihrem Bilderverzeichnis einige Angaben über Cezanne beigefügt. Man erfährt daraus, daß er als Mitstreber von Manet und als Altersgenosse von Claude Monet im Anfang der impressionistischen Bewegung eine Rolle spielte, daß er seitdem (1877) ganz von der Bildfläche verschwunden ist und in seiner Heimat, Paris, das Leben eines sonderbaren Heiligen führt, und daß er « ein Künstler mit kranker Netzhaut » ist, « der mit der auf’s höchste gesteigerten Empfindung seiner Augen die Anfänge einer neuen Kunst entdeckte. » — Die kranke Netzhaut unterschreibe ich, die Entdeckung der Anfänge einer neuen Kunst nicht, oder höchstens doch mit der Einschränkung, daß er eben in den Anfängen dieser neuen Kunst — des Impressionismus — stecken geblieben ist. Immerhin ist diese Ausstellung kunstgeschichtlich nicht ganz ohne Interesse. »
Traduction :
« Cezanne, dont l’un — d’avoir perdu quelque chose sans le chemin — n’a encore rien entendu en Allemagne, est un phénomène étrange. Son art apparaît dès immature balbutiant dès que la virtuosité béat, mais toujours il est morbide. Seulement rarement l’immédiateté à jouer une impression peut reconnaître que vous avez à faire, mais ici avec une personnalité artistique. Sauriez dans la bonne prise de conscience que le public avec ces 13 expériences sans explications pour commencer quoi que ce soit, la direction du salon a annexé à son répertoire d’images des informations sur Cezanne. Nous apprenons par le fait qu’il a joué en tant Mitstreber de Manet et un contemporain de Claude Monet dans le début du mouvement impressionniste, un rôle qu’il a depuis (1877) a complètement disparu de la scène et dans sa maison, à Paris, la vie d’un queers saints, et qu’il «un artiste ayant une rétine malade « est », qui a découvert les débuts d’un nouvel art avec le plus haut sur la sensation qui se accrue de ses yeux. » — La rétine malade je signe, la découverte des origines d’un art nouveau est pas, ou tout au plus, mais avec la restriction qu’il vient dans les premiers jours de ce nouvel art — est coincé — l’impressionnisme. Après tout, cette exposition est l’histoire de l’art pas sans intérêt. »

 

Vollmar H., « Ausstellung bei Cassirer », Norddeutsche Allgemeine Zeitung, n° 274, 23 novembre 1900 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 353-354:

« Der vierte neue Gast im Salon Cassirer ist der französische Impressionist Paul Cezanne, welcher vor Jahrzehnten schon Schulter an Schulter mit Manet, Monet, Renoir und Anderen den Kampf für eine neue Anschauung von gemaltem Licht, Farbe und Luft aufnahm. In der Jahrhundert-Ausstellung der französischen Kunst waren von Cezanne drei Werke zu finden, von denen das lichterfüllte Bild, in dem er seinen landlichen Garten in vollem Blüthenschmuck schilderte, liebenswürdiger als alles hier Vorhandene war. Daß aber Cezanne, trotz Allem, großen Einfluß auf die jüngere Generation gehabt hat, erkennt selbst der aufmerksam seine Malereien betrachtende Laie. In seiner fleckigen, stellenweis leblosen Art, Menschen, Landschaft, Früchte darzustellen, hat Cezanne auf den ersten Blick durchaus nichts Anziehendes. Aber zwischen diesen Geschmacklosigkeiten verbirgt sich eine Fülle der feinsten Farbempfindung, die sich in echt malerischer Behandlung der Einzelheiten und überraschenden Wirkungen von Licht und Luft kundgiebt.
Daß die Herren Cassirer seit dem Bestehen ihres Salons bemüht sind, den Berliner Kunstfreunden die Bekanntschaft der französischen Impressionisten Manet, Monet, Degas, Pissarro, Cezanne etc. etc. zu vermitteln, ist dankenswerth; denn nur kleine Kreise haben früher durch Gurlitt und die alljährlichen Sonderausstellungen des berühmten Pariser Kunsthändlers Durand-Ruel im Kaiserhof diese interessante Seite des französischen Kunstschaffens der Gegenwart kennen gelernt. Daß auf unsere deutsche Freilichtmalerei noch von Westen her starker Einfluß ausgeübt wird, ist ebenso wenig zu bestreiten, wie die Thatsache, daß der jetzt sechzigjährige Paul Cezanne neben Manet in Frankreich als der Vorkämpfer einer modernen Farbenanschauung gilt. »
Traduction :
« Le quatrième nouvel invité dans le salon Cassirer est l’impressionniste français Paul Cezanne, qui a pris la lutte pour une nouvelle vision de la peinture lumière, la couleur et des décennies d’air il ya épaules avec Manet, Monet, Renoir et autres frottement. Dans le siècle-exposition d’art français étaient de Cezanne à trouver trois œuvres, dont l’image lumineuse, dans laquelle il décrit en pleine Blüthenschmuck ses jardins rurales, aimables que tout était disponible ici. Mais que Cezanne, malgré une grande influence sur la jeune génération a eu, détecte même l’attention de ses peintures profane contemplative. Dans son taché, Ici et inanimée nature, les gens, paysage, représentent les fruits, Cezanne a à première vue tout à fait rien d’attrayant. Mais entre ces tastelessness recèle une richesse de la meilleure perception des couleurs, l’kundgiebt dans le traitement pictural réel des détails et des effets surprenants de la lumière et de l’air.
Que MM Cassirer entreprise depuis la création de son salon de donner les amateurs d’art de Berlin la connaissance du Manet impressionnistes français, Monet, Degas, Pissarro, Cezanne, etc., etc., est dankenswerth; parce que seuls les petits cercles ont appris plus tôt par Gurlitt et les expositions annuelles de la célèbre marchand d’art parisien Durand-Ruel connaît dans Kaiserhof cette page intéressante de la création artistique française de notre temps. Que notre peinture de plein air allemande ni de l’occident a exercé une forte influence, est aussi peu à contester, comme le fait que les soixante ans de l’entreprise Paul Cezanne aux côtés de Manet en France que le champion d’une conception moderne de la couleur applique. »

 

P. W. [Warncke], « Sammlungen und Ausstellungen », Kunstchronik N. F., 12e année, n° 7, 29 novembre 1900, p. 105-107. ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 356-357. Transcrire (traduire).

« Einer allerdings aus älterer Zeit ist auch hier vertreten, ein noch lebender Mitkämpfer von Manet und den Seinen, der Franzose Paul Cezanne. Im Katalog ist seinen Arbeiten eine kurze Einleitung vorausgeschickt, und das allerdings mit vollstem Recht. Es wird darin ein Passus aus einem Essay Huysmans’ citirt, der von warmer Verehrung des Malers diktirt ist. Aber diese Anpreisung genügt doch nicht, um derartige Sudeleien genießbar zu machen. In der That: die « Landstraße », und der « Winkel im Gehölz » sind nicht ohne farbenperspektivische Reize, und selbst in den geschmack- und kunstlosen Porträts und Harlekinbildern wie besonders den Stilleben offenbart sich ohne Zweifel ein starkes Farbengefühl, ein malerischer Blick. Aber immer noch muß man Kunst von Können herleiten, das bloße Gefühl, « die absolute Ehrlichkeit » thut es denn doch nicht. Darum verdienen diese von tollen Verzeichnungen wimmelnden Farbenergüsse nicht den Namen ernst zu nehmender Kunstwerke. »
Traduction :

 

Jessen Jarno, « Von den Berliner Ausstellungen », Die Kunst-Halle, 6e année, n° 5, 5 décembre 1900, p. 72-73 ; cité dans Echte Bernhard, Feilchenfeldt Walter, avec la participation de Cordioli Petra, Kunstsalon Cassirer, tome 1 « « Das beste aus aller Welt zeigen. ». Die Ausstellungen 1898-1901 », Wädenswil (Suisse), Nimbus, Kunst und Bücher, 2011, 502 pages, p. 358. Transcrire (traduire).

« Der Katalog der neuen Ausstellung druckt in der Vorrede einen Dithyrambus Huysmans’ auf das verkannte Genie Cezanne ab. Es findet sich zufälligerweise auch die Bezeichnung von dem « Künstler mit der kranken Netzhaut » darin. Diese Stelle wollte uns angesichts vieler seiner Arbeiten nicht aus dem Gedächtnis weichen. Besonders als Menschen-Darsteller leistet Cezanne hier Schlimmes. Seine Pierrots sind ohne jeden Witz, sie haben den Beruf des Leichenbitters entschieden verfehlt. Das Porträt eines Herrn zeigt ein völlig schief und unproportioniert gerathenes Menschenantlitz, während die geschwollene Hand auf Wassersucht deutet. Bäume in « Antwerpen » sind durch eine Methode des Farbtupfens in Kakteen umgewandelt, es wird dem Norden keck eine südliche Flora angedichtet. Für Aufspürung derartiger Eigenthümlichkeiten bieten die Bilder Cezannes ein weites Feld. Es sei ihm zugestanden, daß Früchte und Blumen zuweilen besser gelingen, obgleich sie gewöhnlich zu schwer erscheinen. Im Kolorit betont er eine Art blaüliches Weiß, das verhängnißvoll an zu stark mit Berliner Blau behandelte Wäsche erinnert. »
Traduction :

 

« Aus Berliner Kunstsalons », Die Kunst für Alle, XVIe année 1900-1901, n° 8, 15 janvier 1901, p. 193-195, p. 193 :

« AUS BERLINER
KUNSTSALONS
hr. Unterden Künstlern, deren Verdienste um die Entwicklung des impressionistischen Prinzips in der französischen Malerei nicht hoch genug geschätzt werden können, ist Paul Cezanne einer der bedeutendsten ; aber die Zeit scheint für die Erkenntnis seiner Verdienste als Maler und als Vorkämpfer immer noch nicht reif. Die dreizehn Bilder von ihm, die Bruno & Paul Cassirer in ihrem Salon vorführen, entzücken zwar die Kenner, die in Cezanne den grössten Maler unter den Nachfolgern Manets sehen, werden aber vom Publikum, das sich an einigen Gewaltsamkeiten in der Zeichnung seiner Figurenbilder stösst, rundweg abgelehnt. Und doch ist Cezanne ein ganzer Künstler. Wie wunderbar wahr und schön ist die Farbe seiner Landschaften, wie grossartig diese breite impressionistische Malerei, wie fein klingen die stärksten Töne auf seinen Landschaften, seinen Harlekinbildern, den Aepfelstilleben, in der Vase mit Tulpen zusammen ! »
Traduction :
« SALONS D’ART DE BERLIN
hr. Parmi les artistes dont les contributions à l’élaboration du principe impressionniste de la peinture française ne peuvent pas être sous-estimées, Paul Cezanne est l’un des plus importants ; mais le temps ne semble pas encore mûr pour la reconnaissance de ses services en tant que peintre et maître. Les treize tableaux de lui exposés dans le salon de Bruno et Paul Cassirer suscitent en effet le plaisir des connaisseurs qui voient en Cezanne le plus grand peintre parmi les adeptes de Manet, mais pas dans le public qui voit certains actes de violence dans le dessin de ses tableaux de figures, catégoriquement refusés. Et pourtant, Cezanne est un artiste complet. Comme la couleur de ses paysages est merveilleusement vraie et belle, à quel point cette vaste peinture impressionniste sonne bien ensemble, de même que les tons les plus forts de ses paysages, ses tableaux d’arlequin, sa nature morte du vase avec des tulipes [R 719] ! »

 

P. W. [Paul Warncke], « Sammlungen und Ausstellungen », Kunstchronik, 1900-1901, 12e année, 29 novembre 1900, p. 105-106 ; cité par Felchenfeldt Walter, « Zur Rezeptionsgeschichte Cezannes in Deutschland », dans Adriani Götz, Cezanne Gemälde, catalogue d’exposition, Kunsthalle Tübingen, 16 janvier – 2 mai 1993, DuMont, Cologne, 1993, 316 pages, 97 numéros, p. 293-312, citation p. 299 :

« Einer allerdings aus älterer Zeit ist auch hier vertreten, ein noch lebender Mitkämpfer von Manet und den Seinen, der Franzose Paul Cezanne. Im Katalog ist seinen Arbeiten eine kurze Einleitung voraufgeschickt und das allerdings mit vollem Recht. Es wird daraus ein Passus aus einem Essay Huysmans citiert, der von warmer Verehrung des Künstlers diktiert ist. — Aber diese Anpreisung genügt doch nicht, um derartige Sudeleien genießbar zu machen. In der That : Die Landstraße, der Winkel im Gehölz sind nicht ohne farbenperspektivische Reize, und selbst in den geschmack- und kunstlosen Porträts und Harlekinbildern wie besonders den Stilleben offenbart sich ohne Zweifel ein starkes Farbengefühl, ein malerischer Blick. Aber immer noch muß man Kunst von Können herleiten, das bloße Gefühl allein, die absolute Ehrlichkeit thut es denn doch nicht. Darum verdienen diese von tollen Verzeichnungen wimmelnden Farbenergüsse nicht den Namen ernst zu nehmender Kunstwerke. »
Traduction :
« Un artiste représenté ici, mais de l’ancienne génération, est le Français Paul Cezanne, un camarade de l’époque de Manet et ses amis. Dans le catalogue il y a une brève introduction sur son œuvre, qui est très nécessaire. Un extrait d’un essai de Huysmans est cité, dicté par la plus vive admiration pour l’artiste. Mais une telle recommandation n’est pas suffisante pour nous faire apprécier ce genre de barbouillage. En fait, Route de campagne et Sous-bois ne sont pas sans charme, du point de vue de la couleur, ni même les portraits d’Arlequin, de mauvais goût et dépourvus d’art, et surtout les natures mortes, qui révèlent une sensation évidente de la couleur — un regard pictural. Mais l’art doit encore dériver d’une compétence. Un sentiment simple et une intégrité absolue ne suffisent pas. C’est pourquoi ces intentions colorées grouillant de distorsions folles ne peuvent pas être considérées comme des œuvres d’art sérieuses. »

 

H. R. [Hans Rosenhagen], « Aus den Berliner Kunstsalons », Die Kunst, XVIe année, n° 7, 1900-1901, 9 janvier 1901, p. 193 ; cité par Felchenfeldt Walter, « Zur Rezeptionsgeschichte Cézannes in Deutscland », dans Adriani Götz, Cezanne Gemälde, catalogue d’exposition, Kunsthalle Tübingen, 16 janvier – 2 mai 1993, DuMont, Cologne, 1993, 316 pages, 97 numéros, p. 293-312, p. 299 :

« Unter den Künstlern, deren Verdienste um die Entwicklung des impressionistischen Prinzips in der französischen Malerei nicht hoch genug geschätzt werden können, ist Paul Cezanne einer der bedeutendsten ; aber die Zeit scheint für die Erkenntnis seiner Verdienste als Maler und aïs Vorkämpfer immer noch nicht reif. Die dreizehn Bilder von ihm, die Bruno und Paul Cassirer in ihrem Salon vorführen, entzücken zwar die Kenner, die in Cezanne den größten Maler unter den Nachfolgern Manets sehen, werden aber vom Publikum, das sich an einigen Gewaltsamkeiten in der Zeichnung seiner Figurenbilder stößt, rundweg abgelehnt. Und doch ist Cezanne ein ganzer Künstler. Wie wunderbar wahr und schön ist die Farbe seiner Landschaften, wie großartig diese breite impressionistische Malerei, wie fein klingen die stärksten Töne auf seinen Landschaften, seinen Harlekinbildern, den Äpfelstilleben, in der Vase mit Tulpen zusamment ! »
Traduction :
« Parmi les artistes dont la contribution au développement du principe impressionniste dans la peinture française ne peut pas être surestimée, Paul Cezanne est l’un des plus importants. Mais il semblerait que le moment n’est pas encore venu pour la reconnaissance de ses mérites en tant que peintre et précurseur. Les treize tableaux de lui que Bruno et Paul Cassirer exposent dans leur galerie ravissent les connaisseurs, qui voient en Cezanne le plus grand peintre après Manet. Le public, cependant, repoussé par la violence dans les lignes de ses figures, le rejette catégoriquement. Et pourtant, Cezanne est un artiste complet. Comme les couleurs de ses paysages sont merveilleusement belles et vraies, comme sa manière de peinture impressionniste est superbe, comme les tons forts harmonisent subtilement ses paysages, ses tableaux d’Arlequin, les natures mortes de pommes [R 419] et un Vase avec Tulipes [R 719] ! »

 

Lettre de Rilke, Paris 6e, 29 rue Cassette, à sa femme Clara, 10 octobre 1907 (traduite de l’allemand) ; Rilke Rainer Maria, Lettres sur Cezanne, (traduites de l’allemand et présentées par Philippe Jaccottet), Paris, éditions du Seuil, 1991, 88 pages, p. 44 :

« À vrai dire, dans deux ou trois Cezanne bien choisis on peut voir tous ses tableaux, et nous aurions sûrement pu déjà ici ou là, chez Cassirer par exemple, pénétrer aussi loin dans son œuvre que je m’y vois parvenir maintenant. »

4 novembre

Maurice Fabre écrit à Gustave Fayet :

« Es-tu satisfait de ton Cezanne ? Ce sont là des choses dont on ne se dégoûte pas. Le mois prochain il y aura une exposition Cezanne chez Bernheim [non identifiée]. Ne viendras-tu pas à cette occasion ? »

Lettre de Maurice Fabre à Gustave Fayet, dimanche [4 novembre 1900] ; archives privées, lettre inédite ; Rougeot Magali, Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un artiste collectionneur, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris X Nanterre, École du Louvre, 2011, volume I « Texte », 526 pages, p. 94 et note 354.

5 novembre

Maurice Fabre écrit à Gustave Fayet :

« Je n’ai pas bien présent à l’œil le portrait de Cezanne dont tu me parles [Portrait de l’artiste au bonnet blanc, FWN464R510] ; il s’est portraituré si souvent, et j’ai vu en effet des portraits fort beaux de lui et de sa femme aussi ; ce dernier, inouï, chez ce cochon de juif de Hessel, l’associé de Bernheim ; et dire que c’est moi qui l’ai poussé à acheter Cezanne. Il en a 25 maintenant. Inutile de te dire que je verrai tes richesses artistiques avec joie. »

Lettre de Maurice Fabre, Gasparets, à Gustave Fayet, 5 novembre 1900 ; archives privées, lettre inédite ; Rougeot Magali, Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un artiste collectionneur, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris X Nanterre, École du Louvre, 2011, volume I « Texte », 526 pages, p. 95 et note 347.

18 novembre

Maurice Fabre écrit à Gustave Fayet :

« J’ai vu le portrait de Cezanne, dont tu m’as parlé [Portrait de l’artiste au bonnet blanc, FWN464-R510], et je ne le connaissais pas. Il est magnifique. […] Puissance et délicatesse, Gravité et Force, vie intérieure et réalisation matérielle, tout y est. […] Le paysage bleu, que tu as remarqué, est magnifique aussi, mais à n’en prendre je prendrai, moi, le portrait. Sur Cezanne j’ai de plus en plus de certitudes. C’est le peintre le plus fort, le plus simple, le plus solide, le plus sain, de nos temps agités. A Bordeaux un marchand avec un accent et de gestes italiens, me disait qu’un jour les Boudin se vendraient aussi cher que les Corot. Oui, lui répondis-je, mais ils retomberont un jour à 50 frs, tandis qu’on n’a pas encore commencé à comprendre Corot. On n’a pas encore, non plus, commencé à comprendre Cezanne. La prochaine exposition que préparent les Bernheim [non identifiée] y aidera-t-elle ? Dans tous les cas, elle ne fera pas baisser les prix. »

Lettre de Maurice Fabre à Gustave Fayet, 18 novembre 1900 ; archives privées, lettre inédite ; Rougeot Magali, Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un artiste collectionneur, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris X Nanterre, École du Louvre, 2011, volume I « Texte », 526 pages, p. 30-31, 95, et notes 109, 348.

Fayet achètera en 1901 à Vollard le Portrait de l’artiste au bonnet blanc  pour 4 500 francs.

Bacou Roseline (petite-fille de Fayet), « Gustave Fayet collectionneur », Cahiers de l’afpap, Association française pour la protection des archives privées, n°  II, 2008, 2010, p. 49-66, p. 63.

1er décembre

Lettre de Georges-Daniel de Monfreid à Gauguin :

« J’espère, la semaine prochaine, aller à Béziers, qui est près d’ici et y voir Fayet, dont l’enthousiasme est à son comble. Vos deux toiles, qu’il sait apprécier à leur vraie valeur artistique, font admirablement bien dans sa collection, entre un magnifique Cezanne et un Degas. »

Lettre de Geo[rges] Daniel de Monfreid, Saint-Clément par Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales), à Gauguin, 1er décembre 1900 ; Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, précédées d’un hommage à Gauguin par Victor Segalen, édition établie et annotée par Mme Joly-Segalen, Paris, Georges Falaize, 1950, 251 pages, « Notes » p. 215.

22 décembre

Gustave Fayet écrit à George-Daniel de Monfreid :

« N’irez-vous pas à Paris en janvier ? Je compte y aller passer une dizaine de jours. Savez-vous que Bernheim organise pour le 15 janvier une exposition de Cezanne [non identifiée] ? Si les Bernheim s’ajoutent à Vollard pour faire monter les prix, adieu les Cezanne. Nous nous contenterons d’aller les voir chez les Camondo et Cie. J’en ai heureusement un et on veut le classer parmi les beaux. »

Lettre de Gustave Fayet, Béziers, à George-Daniel de Monfreid, 22 décembre 1900 ; Saint-Germain-en-Laye, archives du musée du Prieuré-Maurice-Denis.
Rougeot Magali, Gustave Fayet (1865-1925). Itinéraire d’un artiste collectionneur, thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paris X Nanterre, École du Louvre, 2011, volume I « Texte », 526 pages, p. 97-98 et note 356.

Courant de l’année

Maurice Denis réalise son Hommage à Cezanne, qui montre la nature morte de Cezanne Nature morte au compotier (FWN780-R418). Sans doute a-t-il été autorisé à la copier par son propriétaire George Viau.

Étienne Bricon publie un livre qui mentionne Cezanne.

Bricon Étienne, Psychologie d’Art. Les Maîtres de la fin du XIXe siècle, Puvis de Chavannes, M. Roll, M. Henner, M. Falguière et M. Carrière, M. Helleu, les impressionnistes, les autres, Paris, Société française d’éditions d’art L.-Henry May, 1900, 338 pages, Cezanne p. 302.

« A côté de M. Claude Monet, voici Sisley, le peintre du Loing, l’amateur obstiné de l’atmosphère, — qui a « vu » l’église de Moret comme M. Monet la cathédrale de Rouen, — et M. Pissarro : Sisley, plus léger, plus vaporeux, plus amoureux de l’air avec l’éclairement de ses Régates de Monsley ou la coloration de sa Cour de ferme ; M. Pissarro, plus solide, plus amoureux de la terre avec la luxuriance de vie de sa Moisson. Puis, à côté d’eux, voici M. Cezanne, vaillant ébaucheur, tourmenté sans cesse des beautés qu’il perçoit. Et l’on sent, dans cette recherche commune de la nature par sa notation directe, que chaque œuvre impressionniste, malgré l’absence de transformation psychique, garde cependant une personnalité distincte qui est déterminée par la particularité des sens de chacun. »