On trouvera ici toute une série de citations qu’Alain Mothe avait mises en réserve pour les analyser plus en profondeur avant de les affecter, si cela se révélait possible, à une date déterminée.

Telles quelles, elles constituent pourtant une mine d’informations toujours utiles, avant qu’un regard critique ultérieur leur confère ou non une valeur probante.

De même, on trouve  ici en vrac des remarques sur l’authenticité ou les pérégrinations de telle ou telle oeuvre.

A la fin, une liste de toutes les sources qu’Alain Mothe comptait encore exploiter, qui donne la mesure du travail qu’il considérait toujours devoir accomplir…

A placer

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 95. « Claude Monet, qu’il admire comme le plus grand peintre vivant et qui touche au sommet de sa gloire, devant moi, un jour, l’appelle presque son maître, lui dit la place immense qu’il tient dans la peinture contemporaine et la renaissance qui va sortir de lui. Il sourit vaguement, lui donne une brusque poignée de main et s’enfonce dans la foule du boulevard, en bougonnant : « Allons travailler » »
Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 95. « À ses soucis d’esprit, ceux du corps s’ajoutent. On dirait qu’au moment où elle lui devient le plus nécessaire, sa belle santé l’abandonne. Sa forte constitution se délabre. Le diabète l’énerve. Il doit suivre un régime. Il n’a pas perdu cependant l’habitude des longues courses à travers Paris qui rompent les jambes et le cerveau, distraient du doute, réduisent l’inquiétude. Les rares jours où il ne travaille pas, il vient flâner au petit soleil de la Seine, le long des quais, bouquine vaguement, se plante sur les ponts, passe des heures à voir couler Paris. Sa plus sereine joie, une fois par semaine, c’est d’aller contempler les Poussins du Louvre, de demeurer tout un après-midi en extase devant Ruth et Booz ou la Grappe de la Terre promise, d’étudier les grands Rubens, le portrait d’Hélène Fourment, le Débarquement de Marie de Médicis. »
Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 99-100. « Un jour, par un après-midi de mistral, où nous venions le surprendre avec mon ami Xavier de Magallon, croyant qu’il ne travaillait pas, nous le trouvâmes trépignant sur la roche, les poings serrés, pleurant de grosses larmes, devant sa toile crevée, emportée par la rafale. Et comme nous courions la ramasser, bousculée dans les buissons de la carrière :

« ― Laissez-la, laissez-la, cria-t-il… J’allais m’exprimer, cette fois… Ça y était, ça y était… Mais ça ne doit pas arriver. Non… Non… Laissez ça… »

Le grand paysage où rayonnait la Sainte-Victoire au-dessus des vallons bleutés, tout frais, tout tendre et radieux, engluait les broussailles où l’enfonçait le vent. Meurtri, griffé, il saignait comme un être. Nous voyions, crevés par la bourrasque, les pans roux de la toile, les marbres rouges, les pins, le mont bijouté, le ciel intense… C’était, confronté à la nature même, un chef-d’œuvre qui l’égalait. Cezanne, les yeux hors de la tête, regardait avec nous. Une colère énorme, une folie, nous ne sûmes quoi l’emporta. Il marcha au tableau, le prit, le lacéra, le jeta sur les roches, à coups de soulier le creva, le piétina. Puis tout contre il s’affaissa, et nous montrant le poing comme si nous étions responsables : « Foutez le camp, mais foutez-moi le camp… » Et cachés dans les pins, nous l’entendîmes pleurer plus d’une heure comme un enfant. »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 102-104. « Malgré la gloire qui venait, et la fortune maintenant, il dédaignait toutes choses. Son fils seul, qu’il adorait, parvenait à lui arracher un sourire. Son régime, le diabète qui s’acharnait lui interdisaient jusqu’aux joies innocentes, au lyrisme du vin. Plus rien n’avait de goût pour lui. Il trouvait confus, maussade tout ce qui naissait sous ses doigts, sur ses toiles. Sachant qu’on commençait à faire argent de tout, et jusqu’à ces lambeaux qu’il méprisait le plus de sa pensée, il déchirait ou brûlait à présent ses ébauches abandonnées, les râclait ou les rayait de coups de couteau. De moins en moins il croyait à son génie. Cette sorte de succès, de mauvais aloi pour lui, ces préparations de bourse aux tableaux autour de son œuvre, l’inquiétaient.

« ― Ils préparent un coup… un mauvais coup », disait-il.

Si on reproduisait une de ses toiles, si l’une d’elles atteignait un bon prix à l’Hôtel Drouot, si on en montrait quelques-unes, à l’étranger, dans quelque significative exposition, à la place d’honneur, il se mettait en colère dès qu’on lui en apportait la nouvelle.

« ― Qu’est-ce que ça prouve, tout ça ? » faisait-il.

Un jour, je le décidai à visiter avec moi, rue Laffitte, une exposition d’ensemble, où une quarantaine de ses toiles étaient accrochées. Le succès était immense. Toute la jeune peinture, tout ce qui compte à Paris s’était brusquement enthousiasmé. Je le lui avais dit ; il avait haussé les épaules. Il entra… Il fit lentement le tour, comme le plus humble des visiteurs. Deux ou trois fois il cligna de l’œil devant un magnifique paysage. Comme honteux, il serra en tremblant la main du marchand de tableaux qui se prodiguait. Il avait visiblement hâte de s’enfuir. Nous sortîmes, et, à peine sur le trottoir : « ― C’est épatant ! Il a tout encadré. »

Une autre fois, je courus lui annoncer, avec mille précautions, que le musée impérial de Berlin venait d’acquérir et d’installer deux de ses plus belles toiles, un paysage acheté jadis chez le père Tanguy par Jacques-Émile Blanche, et une nature morte.

« ― Allez, me répondit-il, ils ne me recevront pas au Salon, pour ça. »

Et ce fut tout.

À quelqu’un qui, le lendemain, lui affirmait :

« ― Vous entrerez au Louvre… »

« ― Le Louvre, répondit-il, oui… N’empêche que tous les jurés sont des cochons. »

Et avec un de ces subits éclats de mémoire et de colère qui le redressaient :

« ― Ceux de 67 ont refusé l’Été de Monet… Alors !… Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse, à moi… Ce sont toujours les mêmes… Des amateurs. De jolis cocos ! » »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 105-106. « C’est sur la terrasse de quelque café du boulevard où il s’était égaré avec moi, devant le flot des passants qui l’amusait un instant, qu’il rêvassait ainsi. Il se levait bien vite. Des camelots l’entouraient, se l’étant signalé les uns aux autres, car il achetait tout, dans sa divine impuissance à peiner deux yeux qui le regardent. Il chargeait les bras de ma femme de paniers de fleurs en papier, de petits singes pelucheux, de pastilles, de jouets.

« ― Donnez ça à des gosses, faisait-il en appelant une voiture… Il faut que les enfants soient heureux. »

Et lui-même parfois jouait comme un enfant, avait des extases naïves où il dissimulait peut-être quelque immense timidité. Je le revois, durant tout un repas, à la maison, où, parmi une quinzaine de personnes, ses plus chauds admirateurs d’alors, il tomba en arrêt devant un timbre de table et ― comme un enfant, oui, vraiment ―, ne cessa de le faire sonner, avec des yeux ravis.

« ― C’est épatant… Je puis récidiver ? » demandait-il.

En un quart d’heure après, oubliant le timbre, la table et nous tous, il eut sur Delacroix une de ces prodigieuses improvisations où il se livrait tout entier.

Mais cette fougue à Paris, à peine née, l’abandonnait. Il retombait aussitôt dans l’inquiétude et le dégoût. Un marasme, une vie grise lui oppressait le cœur. Son labeur devenait plus pénible. Il ne croyait plus à la durée de son œuvre, mais quand même il s’obstinait. Parfois, à bout de souffrance, devant ses yeux les tons, les lignes se brouillaient. Alors il s’asseyait sur sa vieille chaise de paille. De grosses larmes espacées lui coulaient, une à une, sur les mains, qui le faisaient sursauter, le tiraient de son sommeil terrible, où il s’enfonçait, tout éveillé. Lui, si méticuleux toujours pour tout l’attirail de son métier, n’avait même plus la force de se lever pour nettoyer sa palette ou laver ses pinceaux. Et la nuit le surprenait ainsi, immobile, crucifié ― la nuit, la vieillesse, l’impuissance, la mort. »

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 132. « C’était presque toujours le même cocher, Fernand Bajole, qui le conduisait « prendre ses quartiers » aux coins que j’ai déjà nommés, et à Beaurecueil, à Silvacane et au Pont des Trois-Sautets. Mais plus souvent encore au pied de la montagne Sainte Victoire, alpille illustre, d’où, en l’an 102 avant J. C. « des feux allumés à la cime azurée de cette belle masse calcaire et marmoréenne annoncèrent bien loin le triomphe des Romains sur la Barbarie ! »

Sa montagne Sainte-Victoire ! « Là, disait Cezanne, je suis bien, je vois clair ; il y a de l’air ! » »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 106-109. « Sa vie, à cette époque, était réglée comme celle d’un moine. Il se levait avec le jour, le plus souvent allait à la première messe, rentrait, une heure durant ― comme jadis le Tintoret copiant des centaines de fois certaines têtes de Vitellius ― copiait quelque plâtre, l’écorché de Michel-Ange surtout, sous toutes ses faces, tournant autour de lui pour s’assurer de tous les mouvements, au crayon, au pinceau, à l’huile, à l’aquarelle, tantôt le détachant sur le mur gris-bleuté de l’atelier, tantôt au centre d’une sommaire nature morte, et même contre un arrosoir, comme je l’ai vu longtemps dans une chambre du Jas de Bouffan. Car cette habitude lui venait de loin. Ensuite, et selon la saison et le temps, il travaillait à l’œuvre en train, portrait, paysage, nature morte, à l’atelier ou dans les champs. Il feuilletait, cinq minutes, entre les séances d’une heure, une heure un quart, quelque livre, deux ou trois pages de Sainte-Beuve ou de Charles Blanc, le Traité d’Anatomie de Tortebat, tout poussiéreux, vénérable, « de l’Académie des Beaux-Arts, soulignait-il, et du grand siècle ». Son Baudelaire, débroché, en loques, traînait toujours là, à portée de la main. Aux murs une grande gravure, encadrée de noir, le Sardanapale de Delacroix, une photographie, fixée par quatre punaises, des Sirènes de Rubens, et les Romains de la Décadence de Couture. Dans un écrin de velours rouge, à terre, sur la petite table à pinceaux, sur une chaise, mais toujours fermé à clef, la petite toile, richement encadrée, de Delacroix, 1’Agar au désert, dont il a fait une copie. Un mois durant, il piqua aussi au mur les Sabines, « ce David ! » faisait-il, ironique, et, parfois, des dessins de Daumier et de Forain coupés dans les journaux. Mais tout cela ramassé dans un coin, près d’une planche en bois blanc supportant quelques plâtres, les murs, autant dire, étaient comme nus, immenses, peints à la colle, gris-bleu, soulignés d’une ligne bleuâtre à hauteur de cimaise. Pas de meubles. Des toiles s’entassaient le long du soubassement, pêle-mêle. Dans le salon du Jas de Bouffan il avait fait une copie admirable, haute en couleur, vigoureuse, d’un Lancret, une danse dans un parc, et ébauché deux ou trois scènes bibliques, une Madeleine, un homme gigantesque, superbe, vu de dos, appuyé à un rocher, contre un torrent, et, au fond, au-dessus du divan, le portrait de son père et les Quatre Saisons. Ici, plus rien de tel. L’ascétisme, la nudité. Dans sa chambre, rue Boulegon, à la tête de son lit, un dessin de Signorelli, l’homme portant l’autre, du Louvre, la fameuse aquarelle de fleurs de Delacroix acquise de M. Vollard, après la vente Chocquet, et dont il était littéralement fou, et au-dessus de sa commode quelques aquarelles de lui, des marronniers du Jas, une barque sur la Marne, simplement encadrées.

Un soir, le poète Léo Larguier, essayant de reconstituer un de ses poèmes pour le réciter au vieux maître, tenait ses yeux obstinément fixés sur l’aquarelle de la barque, souvenir cher de quelque coin où Cezanne avait dû venir peindre souvent et dont il devait aimer la présence [?] : « ― Emportez-la », dit-il. Il eût tout donné. Que de fois, m’a plus tard raconté son cocher, il lui offrit quelqu’une de ses toiles, la grande nature morte, la corbeille de pêches, notamment, que cet homme hésitait à emporter. Cezanne insistait : « ― En souvenir de moi… Vous avez toujours bien soigné maman…. Plus tard ça vous fera plaisir ». Dans sa salle à manger, un paysage d’Aix, une nature morte. C’était là tout son luxe. Il n’aimait que son travail.

Vers onze heures, il allait à la douche. « ― La messe et la douche, c’est ce qui me tient d’aplomb », me disait-il. Il déjeunait frugalement. À pied parfois, en voiture le plus souvent, il partait ensuite et jusqu’à la nuit il travaillait « au motif ». Des enfants dans la rue l’escortaient, tiraient sa veste, lui jetaient des pierres. Tassé sur les coussins de la voiture, il faisait semblant de dormir. Il pleurait. Un soir d’hiver, il rentrait du motif. Il pleuvait. Les enfants le couvraient de boue. « Il était endormi, m’a raconté le cocher, il roula sous les roues. Je le relevai tout meurtri… » Les voyous le laissèrent depuis. Mais dans son apparent sommeil, vers quel néant plus profond s’était-il peut-être penché, de quel désespoir sous les roues son cocher l’avait-il éveillé ? On pense, malgré soi, à la fin de Balthazar Claës, aux dernières pages de la Recherche de l’absolu… Cezanne atteignait le sien.

Il rentrait à la tombée du jour, dînait à peine, à moins qu’il n’eût Solari, le jeune peintre Camoin ou quelque rare invité avec lui, et se couchait « avec les poules ». Certaines soirées d’hiver en attendant le dîner, il feuilletait sa collection des volumes de Charles Blanc, y lisait l’histoire des peintres et même s’amusait à en copier certaines reproductions, qu’il retransformait lentement. Il partait de là pour songer, méditer, le crayon à la main. »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 110-111. « Il feuilletait Charles Blanc, relisait Stendhal, Goncourt et Vigny. Dans une vieille édition il adorait Racine. Apulée et Virgile faisaient toujours ses délices. C’est Apulée qu’il resavourait dans le texte entre les poses de la Vieille au chapelet [R 808].

Le dimanche, il faisait un brin de toilette, allait à la grand’messe à la basilique, distribuait ses aumônes, une rangée de pauvres le guettant le long de Saint-Sauveur et même ayant fini par s’échelonner de la cathédrale chez lui, pour mieux l’accaparer. Il donnait tout ce qu’il avait. Vers la fin, sa sœur Marie, qu’il craignit toujours, « l’aînée », comme il l’appelait, quoiqu’elle eût deux ans de moins que lui, vieille fille acariâtre et dévote, se crut obligée d’intervenir. C’est elle qui régla avec la femme de ménage qui avait ordre de ne laisser à Cezanne que cinquante centimes sur lui, chaque fois qu’il sortait. Le chapeau à la main, alors, avec la politesse, la mansuétude d’un saint François, il s’excusait auprès du pauvre qui l’abordait. Et tous deux parfois, parmi les piailleries des enfants, au milieu de la rue, ils restaient là, en rougissant.

Il se décida à faire poser l’un d’eux, dans son atelier des Lauves, ce Vieux à la casquette [R ] de la collection Pellerin qui fait le pendant, poignant et magnifique, à la Vieille au chapelet [R 808] de la collection Doucet. C’est dans ces deux toiles, je crois, que toute la foi, la bonté, l’âme profonde de Cezanne s’est exprimée avec le plus d’art conscient, de sincérité directe, d’émotion abandonnée. »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 112-114. « Dans sa bonté, son cœur d’homme sensible est là tout entier comme son cerveau d’artiste souffrant s’est tout entier, et très étrangement, traduit dans l’épisode du mendiant à la casquette.

Il faisait poser le vieillard. Souvent le pauvre, malade, ne venait pas. Alors Cezanne posait lui-même. Il revêtait devant un miroir les sales guenilles. Et un étrange échange ainsi, une substitution mystique, et peut-être voulue, mêla, sur la toile profonde, les traits du vieux mendiant à ceux du vieil artiste, leurs deux vies au confluent du même néant et de la même immortalité. On reconnaît, sous la loqueteuse casquette, un Cezanne désabusé, une lamentable ambition qui va sommeiller enfin au repos gagné dans le dégoût, et en même temps un cœur attendri, un regard de pauvre confiant qui voit venir à lui l’aumône fraternelle du bon riche qui peut-être l’envie. Les verts lugubres, les coulées chaudes et livides à la fois, les empâtements sordides, les vêtements encroûtés, la face ravagée et fiévreuse, toute la toile sur la misère atroce, misère d’un corps robuste que le malheur, la faim ont délabré, misère d’une âme immense que tous ses rêves, son art ont déçue… Ce Vieux à la casquette [R ] est significatif des jours crépusculaires, de l’agonie du peintre. Plus qu’une œuvre, c’est comme un testament moral. C’est là peut-être qu’il faut chercher et méditer le dernier mot que le vieux Cezanne ait dit sur la vie et sur lui-même. De ce corps, de ce visage dégradés, en leur infusant son âme il a tiré, comme Shakespeare, une espèce de roi inconscient dans sa farouche sainteté.

[Jean Colrat retient le récit de Joachim Gasquet : l’« image de Vallier [R 951]Le Marin ou Le Jardiner Vallier vu de face derrière laquelle se tient vraisemblablement un autoportrait confirme le témoignage de Gasquet. Il devient alors troublant de reconnaître derrière cette face émaciée, squelettique, qui ne ressemble pas totalement aux autres portraits du jardinier, l’ultime autoportrait, partiel sans doute et masqué, de Cezanne, qui apparaît presque en momie. » (Colrat Jean, Cezanne : joindre les mains errantes de la nature, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2013, 518 pages, p. 58.)]

Le dimanche, en revenant de la grand-messe, il allait déjeuner chez sa vieille sœur, rendre visite à son autre sœur et à ses petites nièces. Avant les vêpres, il se hasardait parfois à venir au café Clément feuilleter les journaux illustrés. Il faisait ses délices du Rire et restait en contemplation devant les Forains. « ― Il y a du Balzac en lui, et puis, comme c’est dessiné… En voilà un qui n’a pas passé par l’École… Il sait son affaire… Il vous campe un caractère, un vice, une passion, en trois coups, et c’est bête comme chou… C’est la vie qu’on coudoie ici… Voyez. » Parfois, sur un coin de table, sur un bout de papier, il copiait une silhouette, ou bien jetait vingt sous au garçon et emportait le journal.

Il allait aux vêpres. Il suivait les sermons du carême, ceux de l’abbé Tardif notamment, esprit ardent, ouvert, original comme le sien, à qui il rendait quelquefois visite, et qui, un jour, lui donna la joie d’entendre décrire un de ses paysages du haut de la chaire même de Saint-Sauveur. En sortant, il aimait à s’attarder sur la petite place crépusculaire, devant la cathédrale, au pied du monument élevé à Peiresc par son ami Solari, et à y discuter religion et philosophie avec un des maîtres de la Faculté, Georges Dumesnil, dont il prisait infiniment la conversation nourrie et les aperçus ingénieux.

« ― Vous avez eu là un bon maître, me disait-il… Voilà ce qui m’a manqué, voilà ce qui manque aux jeunes peintres qui viennent, un maître, un bon maître, un enseignement parti du cœur, de l’expérience, et plus sensible, plus vivant d’exemple que de théorie dogmatique… Dumesnil met dans tout ce qu’il dit une chaleur, une sorte de regard d’âme qui vous pénètre et qui vous fait penser, comme malgré vous… En peignant le lendemain, je me souviens parfois de ce qu’il m’a dit la veille, et mon travail n’en souffre pas, comme lorsque quelque idée m’obsède à mon chevalet, au contraire… Il est très clair et très cordial, français. Ça revigore de se rappeler, quand la besogne flanche, qu’il y a à côté de vous, dans la même ville, un bougre comme lui penché peut-être au même moment sur son établi. » »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 116. « Un soir, sur les bords de l’Arc, Cezanne était « au motif ». Un brave peintre, un des flambeaux d’Aix, vient à passer. Il s’arrête. Un sourire de pitié le penche vers le pauvre fou qui bariole de verts si crus cette espèce de damier où il se refuse à reconnaître un paysage. Une vague sympathie l’émeut pourtant vers ce vieillard si appliqué. Il lui prend ses pinceaux. Cezanne le regarde, ahuri, consterné.

« ― Passez-moi votre palette… Je vais vous apprendre, moi… Tenez… Tenez. »

Une touche ici, une touche là. Deux ou trois fois, consciencieux, il va contre la branche même vérifier le ton, confronter son vert à celui de la nature. Il revient, plaque, s’emporte, il s’ingénie, il sue, il triomphe. Il se lève, s’éponge d’un mouchoir parfumé : « ― Voilà… »

Mais Cezanne s’est rassis. Il n’a pas dit un mot. Il prend son couteau à palette et lentement, largement, d’un seul coup, il racle le bel arbre avec toutes ses feuilles et même le petit bonhomme que, dans un coup d’inspiration, l’autre, de chic, avait assis à l’ombre du beau tronc. Et lui aussi : « ― Voilà… » dit-il. »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 117-118. « Ses toiles, les plus belles, traînaient à terre, il marchait dessus. Une, pliée en quatre, calait une armoire Il en abandonnait dans les champs, il en laissait pourrir dans les bastidons où les paysans les mettaient à l’abri. Dans son goût fanatique de la perfection, son culte de l’absolu, elles ne représentaient pour lui qu’un moment, quelque élan inexpressif vers la formule qu’il n’intégrerait jamais. Il n’y ajoutait pas plus d’importance qu’un saint à la matérialité de ses bonnes œuvres accomplies pour l’amour de Dieu. Il les oubliait aussitôt, pour s’émouvoir à un labeur plus significatif. Réaliser, comme il disait, il voulait réaliser. Il portait cette idée en lui comme un Pascal celle de son salut. Et jamais ainsi il n’était, ne pouvait être satisfait. Chaque toile atteignait un point de perfection qui pour lui ne marquait qu’une étape, que son esprit toujours en mouvement dépassait aussitôt. Il s’acharnait dès lors sur une autre qui, tant qu’il y travaillait, lui rayonnait tout l’idéal possible. Et c’était toujours la même recherche éperdue, le même tourment mystique. Il fuyait, par excès de scrupule, ces beaux sujets qui l’habitaient, toujours les mêmes ― refaire la Moisson de Poussin, les Joueurs de cartes de Lenain, opposer à l’Apothéose d’Homère, d’Ingres, son Apothéose de Delacroix, et, comme couronnement à cette œuvre, image suprême, les Baigneuses… »
Rewald John, Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 124. « Il trouvait que Zola était « pataud » et il lui reprochait de manquer de finesse et de ne pas assez développer la psychologie de ses personnages. Tout comme Renoir, il avait l’impression que Zola abusait de la description, car son imagination de peintre n’avait pas besoin de tous les détails descriptifs que le romancier aimait amasser, pour pouvoir se représenter un paysage, une rue, une chambre ou un personnage. Cezanne regrettait aussi que le « procédé » se fît trop sentir dans les romans de son ami (3).

(3) Renseignements communiqués par M. Paul Cezanne fils. »

Deffoux Léon, Zavie Émile, Le Groupe de Médan : Émile Zola, Guy de Maupassant, J.-K. Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique, Paul Alexis, suivi de deux essais sur le naturalisme, Paris, Payot & Cie, 1920, 310 pages, p. 92. « Le peintre Cezanne, féru du procédé littéraire cher à Zola et à ses amis, ne manquait pas, lorsqu’on lui présentait un livre nouveau, de demander :

— « Y a-t-il de l’analyse, là-dedans ? » Et il se défendait d’accorder un seul instant d’attention à l’ouvrage qui n’offrait pas un caractère exclusif d’observation directe et nettement analytique de la première page à la dernière. »

Rewald John, Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 125. « » Je n’ai pas besoin d’excitant — avait l’habitude de dire Cezanne — je me remonte moi-même »(1).

(1) Renseignement communiqué par M. Paul Cezanne fils. »

Rewald John, Cezanne et Zola, Paris, éditions A. Sedrowski, 1936, 202 pages, p. 145. « Quand il venait à Paris, Cezanne cherchait à éviter toute rencontre, ne voulant plus voir personne. Paul Signac racontait par exemple, qu’un jour en promenade sur les quais avec Armand Guillaumin ils aperçurent Cezanne qui venait à leur rencontre. Prêts à l’aborder amicalement, ils le virent faisant des gestes qui les suppliaient de passer leur chemin. Stupéfaits et émus, ils passèrent sur l’autre trottoir et s’éloignèrent en silence. […]

Ainsi, Auguste Renoir, très attaché à Cezanne, étant venu à Aix pour aller en compagnie du peintre Albert André voir son ami hésite au dernier moment et finalement renonce à cette visite par crainte — comme il l’expliqua à Albert André — d’une réaction inattendue de la part de Cezanne. Il l’avait perdu de vue depuis plusieurs années, et pour ne pas troubler sa solitude, préféra repartir sans lui avoir parlé(2).

(2) Renseignement communiqué par M. Albert André. »

Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 119. « Il avait beau, transfiguré un soir par l’admiration de quelques ouvriers, dans un cercle anarchiste, bondir vers un contradicteur et s’écrier, superbe : « ― Vous savez bien qu’il n’y a qu’un peintre de vivant, moi ! » Non, non, il ne le croyait pas. Il ne le croyait plus. »
Well, « Société des Amis des Arts », Le Mémorial d’Aix, journal artistique et littéraire, 70e année, n° 23, jeudi 21 mars 1907, p. 1. « Société des Amis des Arts

Samedi, avenue Victor-Hugo, 2, dans son local étincelant de lumières et devant un public de choix, la Société des Amis des Arts inaugurait par une conférence de M. E Aude sur le peintre Cezanne, la série de ses réunions de 1907.

L’érudit conservateur de notre Méjanes conquit son auditoire par sa parole chaude et prenante, le charme et la justesse de ses vues. Ce fut un régal intellectuel de haut goût dont nous espérons avoir l’an prochain une nouvelle édition. Parmi les nombreux auditeurs, se trouvaient M. le Maire d’Aix, le Président de l’Académie et la plus part des notabilités littéraires et artistiques de notre ville. De gracieuses jeunes femmes et jeunes filles soulignaient de discrets applaudissements les mots fins et heureux, les expressions harmonieuses du jeune académicien, la lecture d’une lettre inédite de Zola à son ami d’enfance (une des plus belles sans contredit du maître réaliste).

En résumé belle et bonne soirée. »

Écho, « Tout Aix », Le Mémorial d’Aix, journal artistique et littéraire, 70e année, n° 24, dimanche 24 mars 1907, p. 1. « Ces jours-ci ont été tout consacrés aux arts, et aux belles lettres. Après la conférence si littéraire de M. Aude conservateur de la Méjanes sur Cezanne, […] »
Harris Frank, My Life and Loves, tome IV, Paris, The Obelisk Press Books, Les Éditions du Chêne, 1945, 178, pages, p. 126. Harris Frank, Ma Vie et mes amours, traduit par Madeleine Vernon et H. D. Davray, Paris, Gallimard, collection « nrf », 1960, 540 pages, p. 510. « CHAPTER X

CELEBRITIES OF THE NINETIES.

[…] I got more pleasure from a side of Zola That is almost unknown. I knew that as a young man he had been an art critic of a Paris paper ; I think it was Le Figaro, and he interested me enormously when he talked about the modern schools of painting. He was the first person I ever heard say that Cezanne was one of the greatest masters that ever lived. George Moore praised Manet, Monet and Degas, but said little or nothing about Cezanne, though he was the greatest of the lot, the true head of the School. Zola let out the secret one day when he told me that he had been at school with Cezanne and that when Cezanne came to Paris, he Zola, was almost the first person whom Cezanne called upon and interested in his work.

It is strange that Zola never wrote any book about painting, and when I asked him why he did not, he told me that it was not his art, that he felt as an outsider to it. But his love of painting and of artistic things generally was seen in his house, which was filled with old furniture and quaint decorations.

I cannot help thinking that Zola might have given us a good a book on modern French art as Fromentin gave us on the art of Holland, and such a volume would be, as Thucydides called his book, “a possession for ever”. »

Traduction :

« IV

VII Personnages célèbres vers 1890

[…] Zola me plaisait par un côté de lui-même presque inconnu. Je savais que, dans sa jeunesse, il avait été attaché à un journal parisien comme critique artistique, au Figaro, je crois. Et sa conversation sur les écoles modernes de peinture m’intéressait prodigieusement. Il fut le premier que j’entendis déclarer que Cezanne était un des plus grands peintres qui aient jamais existé, alors que George Moore prônait Manet, Monet et Degas, laissant Cezanne dans l’ombre. Zola me révéla un jour le secret de cette préférence en me racontant qu’il avait été à l’école avec Cezanne et que celui-ci, en débarquant à Paris, s’en fut chez Zola en premier lieu et lui parla de ses toiles.

Fait étrange ! Zola n’écrivit jamais d’ouvrages sur la peinture, et lorsque je lui en demandai la raison, il me répondit que ce n’était pas là sa partie et qu’il s’y sentait un profane. Mais son amour de la peinture et de l’art en général se révélait pourtant dans sa maison bourrée de décorations bizarres et de meubles anciens. Je regrette que Zola, tout comme Fromentin, ne nous ait pas laissé un livre sur l’art français moderne. »

 

 

Cezanne écrit un brouillon de lettre sur deux pages d’un carnet de dessins :

« Mon[sieur ?] Sauvan [?]
Vous nous avez fait l’honneur de nous —
apprendre votre mariage avec Mlle la comtesse de Gilette de St Joseph,
nous ne saurions vous dire [mots biffés non lus]
les plus vifs sentiments.
Nous avons la [mot non lu] la lettre.
Vous nous apprenez votre mariage avec Mlle la comtesse de Gilette de
St Joseph ; c’est avec les sentiments plus vifs
c’est avec Nous ne saurions vous dire combien nous sommes contents de ce que vous de vous savoir
par
c’est avec les sentiments plus vifs sentiments d’affection
Sentiments d’aff de la plus vive aff reconnaissance que pour le … souvenir
C’est avec la plus gran Nous ne saurions … exprimer notre reconnaissance
Et le pl pour le plaisir et l’honneur que vous nous faites … de nous avoir préservé a votre souvenir
Vous nous permettez de vous
faire toutes nos félicitations pour votre
heureuse union et de vous présenter
… mariage de —
nos vœux les plus vifs et les plus sincères
pour votre bonheur —
aussi nous permettez de vous dire que nous faisons les vœux les plus sincères
pour la prospérité et … bonheur de votre union, et que nous vous …
union
Nous
Et bien que nous n’ayons pas l’honneur
d’être connus par madame Sauvan
vous voudrez bien être auprès d’elle
l’interprète des souhaits que nous faisons, »

(Poursuivre la transcription)

Brouillon de lettre de Cezanne, sur un carnet de dessin ; Schniewind Carl O., Paul Cezanne Sketch Book owned by the Art Institute of Chicago, New York, Curt Valentin, 1951, vol. 1 : texte, 35 pages, p. 23 ; vol. 2 : n. p., premier plat intérieur de la couverture et page I et II, reproduites.

 

 

 

« À Renoir, Cezanne fit observer que, pour réaliser une bonne peinture, « l’angle de l’ombre doit être égal à l’angle de la lumière ». »

Rewald John, Cezanne, Paris, Flammarion, 2011, 1re édition 1986, 285 pages, p. 228.

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 33-34. « Il fut tout de suite pris par la force de réalisation de Manet. « Il crache le ton ! » s’exclamait-il, seulement, à la réflexion, il ajoutait : « Oui, mais il manque d’harmonie et aussi de tempérament. » C’était d’ailleurs bien simple. Cezanne avait divisé la peinture en deux genres : la peinture « bien couillarde » la sienne ; et la peinture qui n’était pas « couillarde », celle des « ôttres ». De cette seconde catégorie était notamment Corot, dont Guillemet lui parlait sans cesse ; à quoi Cezanne répondit un jour : « Ton Corrot, tu ne trouves pas qu’il manque un peu de tempéremmenn ? » Il ajouta : « Je viens de terminer le portrait de Valabrègue (un ami connu chez Zola), le point lumineux sur le nez, c’est le vermillon pur ! » »
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 92. « Un jour, à la bonne heure, on avait pu lire ce commentaire sous une toile de Manet, passée en vente : Manet à la palette : « Manet s’est très peu peint lui-même, au contraire de certains artistes, tels que Rembrandt et Cezanne, qui ont multiplié les portraits d’eux-mêmes. Rembrandt et Cezanne n’étaient pourtant pas précisément ce que l’on pourrait appeler de « jolis hommes » (sic), tandis que Manet avait un physique « très agréable » (re-sic) ». »
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 99-101. « En 1897, Cezanne perdit sa mère. Il n’avait jamais cessé d’entourer de la plus chaude affection celle qui, de son côté, l’avait toujours soutenu. Il suivit, accablé, le convoi, entre son fils et son beau-frère, M. Maxime Conil ; et, durant des mois, il ne travailla point. Sa mère morte, même il ne voulut plus aller au Jas de Bouffan ; de sorte que la vente de cette propriété fut décidée. Et, en décembre 1899, elle fut adjugée pour 75.000 francs à M. Louis Granel.

Ce dernier, ingénieur agronome, parisien, modifia singulièrement la maison d’habitation, jusqu’au jardin, jusqu’à la serre, jusqu’à l’entrée sur la route.

Il ne faut pas, en somme, se figurer l’état actuel du Jas de Bouffan comme étant celui au temps où ce domaine appartenait à la famille Cezanne.

Toutes les rampes en fer forgé, toutes les colonnes, toutes les statues, tous les balcons, jusqu’au cadran solaire, jusqu’à l’ours en pierre et autres sphinx, tout cela fut installé par M. Granel, qui fit bientôt du Jas de Bouffan un véritable musée. Le petit bassin, derrière la maison, où Cezanne avait coutume de laver ses brosses et ses pinceaux, vous le voyez maintenant orné d’une colonne avec un vase votif, — et il y eut ainsi des changements pour à peu près tout.

Quand M. Granel (aujourd’hui décédé) prit possession du domaine, il trouva sur les murs toutes les peintures exécutées par Cezanne et délaissées par lui. Dans le petit atelier, là-haut, des toiles, des dessins gisaient aussi pêle-mêle ; et, ne sachant pas — un ingénieur ! — M. Granel ordonna de tout détruire. On sauva seulement les châssis, parce que c’était du bois ! Alors que le plus débile peintre attache une exceptionnelle valeur au moindre de ses ratés, Cezanne, lui, ne se souciant de rien, avait laissé à l’abandon le patient travail de plusieurs années. Des fétichistes — je veux dire des marchands…. attentifs ont arraché depuis aux murs — et vendent maintenant ce que Cezanne avait dédaigné ! »

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 101. « A l’Estaque, ce faubourg de Marseille, Cezanne vécut aussi de longs mois. Il y allait retrouver sa mère, qui possédait une villa près de l’église. Si, par hasard, il y était seul, c’était la femme d’un pêcheur, la Cadette, qui lui préparait sa cuisine. Il tenait à cette servante, parce qu’elle était impitoyablement sourde — et ne lui parlait que par signes. Il n’aimait point qu’on lui adressât brusquement la parole. »
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 124-125 « Je sais bien qu’à Aix Cezanne donnera le spectacle, que tout le monde alors peut voir, d’un vieillard qui « se laisse aller », et qui « n’a aucun souci de l’opinion publique ». Les Aixois même encore aujourd’hui vous disent volontiers : « Cezanne ! Il avait le regard en dedans ; c’était un bonhomme singulier. Il « ne fréquentait pas ! » Il portait la moustache sale, et le bouc mal tenu. Et il était chauve. Et puis, ceci encore, il avait le nez violet et des yeux rouges qui pleuraient tout le temps ! »

Et ils ajoutent avec non moins d’entrain :

« Et habillé ! À croire qu’il était un pauvre de la ville, alors qu’il était tout de même le fils du banquier Cezanne. Toujours crasseux, une cravate devenue ficelle, une houppelande, l’hiver, de colporteur, et des gros souliers de roulier ; voilà le beau peintre que Paris avait renvoyé à Aix ! »

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 131. « Au motif, un passant s’approchait-il, il s’écriait, furieux : « C’est un rustre ! encore un qui n’y connaît rien ! » et, le passant parti, Cezanne, hors de lui, ajoutait : « C’est un c… ! » »
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 132-140. « Autour d’elle, les terres rouges et les tendres arbres abondent. Quand on aime Cezanne, on a envie de crier devant ce miracle lumineux, coloré, contrasté, qu’il a si parfaitement renouvelé. Et, avec tant de continuité, souvenez-vous. « La Nature, répétait-il, c’est un jeu de patience. Il faut mettre chaque chose, chaque ton à sa place. C’est une boîte de pains à cacheter. Il en faut jouer avec persévérance, les bien accorder tous pour les faire valoir, chanter ! » Et, pour ne pas être pris au dépourvu par les moyens matériels de son « métier », il prenait toujours ses toiles chez la veuve Tacussel, place Saint-Honoré, — et ses châssis chez Gabet, menuisier, établi dans une impasse de la rue Boulegon. « — Mais, enfin, il fallait qu’il fît pourtant partie de la Société des amis des Arts d’Aix ! » pensa un jour un des jeunes amis de Cezanne, M. Jouven, un photographe artiste qui avait alors ses ateliers un peu en dehors de la ville, au Boulevard de l’Armée. Et il décide Cezanne à offrir une toile à la Société en question — et à assister au premier banquet qu’elle organisera.

Cezanne se laisse faire. Sa toile, on l’a mise au-dessus d’une porte ; personne ne la peut voir. Au banquet, il y assiste, d’abord tranquille. Mais, au dessert, le président se met à prôner l’éducation dite classique, et il encense Bouguereau, chef vénéré des Salons officiels. Cezanne, bon Dieu ! se lève d’un coup ; et, tapant du poing sur la table, renversant des bouteilles, il s’écrie : « Il n’y a que Delacroix et Courbet ! Vous êtes tous des c… ! » Et la porte claque. Le lendemain, il dit à Jouven : « Ça y est ! j’ai encore fait des bêtises, je me suis emballé ! Mais, tout de même, ce sont tous des j.-f… vos amis des Arts ! »

Bon homme, d’ailleurs ; ou, plutôt insouciant de tous les Aixois. Il ne dénigrait jamais personne. Il répétait, à propos de n’importe qui : « Il est gentil, hein ? » d’une parole très lente. Mais si on l’agaçait, il dépassait tout. À cette question posée par un bourgeois : « Avec quoi faites-vous vos fonds ? » il répondit : « Avec de la m… ! »

Un de ses amis préférés, c’était un libraire d’Aix, M. Dragon, établi place des Prêcheurs. Il allait souvent causer avec cet homme averti, nourri de substantielles lectures et dont les savants propos le récréaient. Il lui répétait : « A Paris, ils exagèrent ! Je ne suis pas le grand peintre qu’ils disent. Tenez, Monsieur Dragon, les Parisiens sont des imbéciles, et je me suis toujours em… à Paris. Il n’y a pas moyen d’y travailler avec tous les bruits qu’on y entend, et avec tous les gens qui viennent vous déranger ; et puis, ils font toujours de l’esprit, et pour moi, Monsieur Dragon, l’esprit, c’est de la m… ! A Paris, il n’y a que le Louvre ; mais ils ont f… l’Enterrement à Ornans dans un dépotoir ! »

Un autre ami recherché était M. Rougier, le serrurier d’art que j’ai déjà cité, M. Rougier, son voisin de la rue Boulegon. Cezanne souvent l’arrêtait en pleine rue, et il lui formulait alors à terrible voix des théories picturales. Les passants, interloqués, s’arrêtaient, attendant une dispute. « Tenez, Monsieur Rougier, disait Cezanne. Vous voyez cet homme là, devant nous (il montrait un passant), eh bien ! c’est un cylindre, ses bras ne comptent pas ! Villars de Honnecourt, du reste, un ancêtre, a déjà, au treizième siècle, enfermé des personnages dans des armatures géométriques ! » Et il continuait de crier.

D’ailleurs, toutes les discussions artistiques de Cezanne étaient impétueuses. Un de ceux qui essuyèrent aussi le feu de ses paroles, ce fut son vieux camarade aixois, le sculpteur Philippe Solari.

Ce Solari ! Un bonhomme de petite taille, portant des moustaches à la gauloise, et qui vivotait très médiocrement.

Sculpteur sans originalité, il prit part au concours pour un monument à Puget, à édifier à Marseille. Il n’obtint que le second prix. Il se rattrapa en modelant une « République », que les Aixois déclarent d’une « fort belle allure ».

Mais tout cela n’avait point doré l’existence de Solari, qui tenait son atelier à Aix, rue du Louvre [actuelle rue Maréchal-Joffre], dans les communs, une grange à vrai dire, de l’ancien hôtel de Lubières. Ce fut là que (sans rancune contre l’éreintement de l’Œuvre), il convia à déjeuner Mme Zola, venue à Aix pour l’inauguration du buste de son mari. Il la traita en lui offrant des conserves sur une table branlante.

Ce petit homme, resté incurablement bohême, né — et mort à Aix, il y quelques années —, trouvait, le plus naturellement du monde, tous les repas à lui offerts excellents. Aussi Cezanne ne l’invitait-il jamais en vain.

Excellent convive donc, ce Solari ; mais aussi quel joyeux prodigue !

Recevait-il par hasard une somme de cent francs, vite — si c’était le moment — il prenait un permis de chasse, et, pendant huit jours, on ne le voyait plus. Ou, encore, il empruntait des costumes au théâtre, et il modelait des statuettes représentant François Ier, Agnès Sorel, le cardinal de Richelieu ou Marie Stuart, qu’il ne vendait, bien entendu, point !

Il se consolait de cela en tenant férocement à ses chères habitudes.

L’une d’elles consistait à aller tous les matins « se vidanger » chez un de ses amis, logé à quelque distance de son atelier. La promenade facilitait, disait-il, l’opération. C’est, du reste, une coutume provençale, à bien dire : on va « cagar » en dehors de chez soi, dans sa propre bastide ou dans celle de ses amis : cette dernière pratique que suivait Solari. Mais il était, lui, insupportable avec sa manie de bourrer de journaux les cabinets. On le renvoyait alors avec colère ; mais le lendemain il revenait.

Quand il dînait avec Cezanne, rue Boulegon, quelles clameurs affolaient la rue ! Les passants s’arrêtaient, regardaient là-haut, à ce second étage, et ils croyaient à un assassinat. On montait alors dans un grenier, en face, et l’on voyait simplement Solari tout gonflé de son repas, et fumant sa pipette, appuyé sur sa chaise, tandis que Cezanne hurlait sans trêve.

D’autres fois, Cezanne allant peindre au Tholonet, il invitait son ami Solari à venir déjeuner avec lui au restaurant. Voici un de ces billets :

« Mon cher Solari.

« Dimanche si tu es libre et si ça te fait plaisir, viens déjeuner au Tholonet, restaurant Berne. Si tu viens le matin, tu me trouveras vers huit heures auprès de la carrière où tu faisais une étude l’avant-dernière fois que tu vins. »

« Bien cordialement, « Paul Cezanne. »

Solari fit, en effet, de la peinture, se laissant influencer par Cezanne. Il ne devint pas meilleur peintre que sculpteur.

Quelquefois Achille Emperaire, le peintre aixois, était de ces agapes. Rires alors et éclats de voix des trois amis, qui se mettaient, comme on dit dans le Midi, en goguette. Le pauvre Emperaire, le pauvre Achille, encore plus misérable que Solari, n’était pas habitué à une pareille fête. Alors il s’empiffrait et se piquait le nez si bien qu’un jour voulant prendre de l’eau pour se rafraîchir dans le ruisseau du Tholonet, il tomba la tête en avant, sauvé de la noyade tout de même par l’aide pourtant bien faible ce jour-là de Cezanne et de Solari. Après quoi ils s’en retournèrent tous trois vers Aix, cahin-caha, Emperaire tout triste, tandis que Cezanne se reprenait à hurler au nez de Solari. »

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 142-145. « Au fond, Cezanne peu à peu s’épuisait, usé par le travail aussi bien que par le diabète. Et le travail seul le passionnait. Un détail intime que je dois dire ici, parce qu’il montre que Cezanne ne voulait point perdre une minute, une seconde, dès le moment qu’il s’était assis devant son chevalet : il tenait, près de lui, dans la chambre même où il travaillait, un urinal de façon à ne pas avoir à descendre chaque fois, nécessité qui, du fait de sa maladie, était très fréquente. Dans ces conditions, on comprend que livré à lui-même — et, d’ailleurs sur le chapitre de l’hygiène et de la toilette, ne voulant rien entendre —, on comprend que ce bourgeois d’Aix était comme une honte pour la Ville ; et que, au surplus, il était imbécile d’accorder du talent — on disait même déjà du génie — à un tel loqueteux, à un si pauvre hère, muni de rentes, c’était entendu, — mais enfin les Officiels à Paris l’estimaient eux aussi à sa juste valeur ! — pas même décoré, pas même reçu annuellement au Salon ! Et cela, tout de même, c’était la consécration que les peintres, les vrais, refusaient avec mépris à Cezanne.

À ce moment nul bourgeois d’Aix n’eût voulu assurément poser devant Cezanne.

Il était tenu à ne rien vendre à Aix, pas plus une nature morte qu’un paysage ; et si, plus tard, après la mort de Cezanne, on a retrouvé à Aix quelques toiles authentiques de lui, ce furent des toiles données ou oubliées par lui chez des gens.

Car, encore quelques années seulement avant sa fin, Cezanne offrait volontiers une ou plusieurs de ses toiles à qui admirait. On promettait de ne jamais se séparer de l’œuvre offerte ; et le tour était joué. Quelques hommes de lettres acquirent des ressources momentanées avec des toiles ainsi subtilisées à Cezanne.

À l’écart, tout à fait à l’écart, soit qu’il fût dans son atelier du Verdon, soit qu’il se trouvât au motif, Cezanne besognait donc. Il n’avait même pas la ressource de la compagnie d’un modèle ; car si les modèles hommes l’agaçaient, à Aix on n’eût pas admis qu’un modèle femme allât poser chez Cezanne, chez un vieillard aussi scandaleux ! Une seule fois, Cezanne fit venir de Marseille une femme, mais ce fut le prétexte d’un tel éclat que, Mlle Marie Cezanne la première intervenant, il dut s’en tenir à cet unique essai. D’ailleurs, il avait été lui-même très mal à l’aise devant cette femme nue ; et ce fut avec une véritable quiétude qu’il eut recours de nouveau à ses Académies dessinées chez Suisse et aux gravures du Magasin pittoresque, les meilleurs et les moins troublants modèles pour peindre ses Baigneuses. »

Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 145. « D’ailleurs, ses anciens amis avaient presque tous quitté Aix ; et quand, par hasard, il rencontrait le peintre Villevielle, l’ancien professeur de dessin au Cours du Musée d’Aix, — alors seulement il s’amendait d’abord ; mais Villevielle restait bourré des plus froides traditions, et bientôt la conversation tournait mal. »
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 157-159. « Tout de même, le fait était là : Cezanne vendait, vers ses dernières années, très cher ses tableaux ; on était venu de Paris à maintes et maintes reprises pour en emporter, et cela au vu et au su du plus borné des Aixois ; alors, comment ces gens-là, pour qui l’argent compte double, laissaient-ils la Commission de leur Musée se désintéresser de Cezanne ?

Je n’arrivais pas à m’en donner une explication raisonnable ; il fallait sans doute interroger Mlle Marie Cezanne.

Un ami m’ayant ménagé une entrevue avec Mlle Marie Cezanne, je me rendis place Saint-Jean, où demeure, en face du Musée, celle qui eut pour Cezanne une affection si dévouée et si attentive.

Il est très malaisé de rendre visite à Mlle Marie Cezanne. « Ces messieurs de Paris » (les marchands), ont trop joué pour elle des rôles de ravageurs, venant rafler jusque dans les coins les plus cachés des toiles de son frère. Elle n’a jamais voulu recevoir l’un d’eux. Très religieuse, ai-je déjà dit, elle tient à suivre tous les offices chaque jour, à écouter son confesseur le P. Desnoyelles ; et, seules, une vieille bonne et une autre vieille fille, nommée Victorine Turc, troublent à peine le silence de la pieuse maison.

J’ai vu, toutes trois ensemble, trois toiles de Cezanne, au-dessus de la cheminée de la salle à manger.

D’abord, une admirable Montagne Sainte-Victoire ; puis une copie d’un tableau, faite par Cezanne fort jeune ; enfin, un troisième tableau quelconque représentant une jeune fille qui contemple un oiseau dans une cage.

J’ai interrogé discrètement Mlle Marie Cezanne. Elle m’a écouté ; elle m’a laissé parler. Clairement, elle n’avait rien à me dire ou elle ne voulait rien me dire sur son frère. Pourtant, comme je me levais pour prendre congé, et comme je m’étonnais du petit nombre de tableaux conservés par elle, elle m’a dit, l’esprit ailleurs : « Oh ! Monsieur, j’ai cette Sainte-Victoire [R 796] parce que mon frère m’a forcée à la prendre, et pour ne pas lui faire de peine !.. Je n’ai jamais rien compris et je ne comprends encore rien à la peinture de mon frère !.. et, cependant, il me répétait assez : Marie, je te dis que je suis le plus grand peintre qui existe ! »

Elle ne l’a pas cru — ni M. Henri Pontier, — les Aixois pas davantage ; — et voilà pourquoi on ne voit pas une seule toile de Cezanne au Musée d’Aix-en-Provence !

Perruchot Henri, La Vie de Cezanne, Paris, librairie Hachette, 432 pages, 1956, p. 102. « L’attirance de Cezanne pour Guillemet est d’un ordre assez différent : Guillemet a le mérite de l’amuser. Ce beau gaillard, de quatre ans son cadet (1), jovial, superficiel, qui a — c’est ce que l’on dit — « le physique d’un spadassin et l’âme sentimentale », est un bon vivant, que les soucis d’argent ne tracassent guère (son père, marchand de vin en gros à Bercy, lui sert une substantielle pension). La verve de Guillemet, ses plaisanteries rabelaisiennes, sa gentillesse de joyeux luron en font l’un des compagnons préférés de Cezanne, qui sort fréquemment avec lui.

(1) Guillemet est né à Chantilly en 1843. »

La mère de Cezanne loue depuis longtemps une petite maison de pêcheurs sur la place de l’Église à l’Estaque, actuellement rue Malleterre.

Mitterand Henri, Zola, tome I : « Sous le regard d’Olympia 1840-1871 », Paris, Fayard, 1999, 943 pages, p. 754.

Perruchot Henri, La Vie de Cezanne, Paris, librairie Hachette, 1956, 432 pages, p. 236. « Louis-Auguste, après s’être retiré des affaires, a en effet transmis sa fortune à ses enfants pour leur éviter ultérieurement des frais de succession. »
Gasquet Joachim, Cezanne, Paris, Les éditions Bernheim-Jeune, 1926 (1re édition 1921), 213 pages de texte, 200 planches, p. 38-41. « Comme Cezanne, dont il [Emperaire] me parla souvent et me rapporta les propos, il est venu mourir à Aix, très vieux, mais croyant toujours à la beauté du monde, à son génie, à son art ; à soixante-dix ans, crevant de faim, mais dans son galetas se pendant encore à un trapèze, une heure par jour, dans une obstination enragée d’« allonger » et de vivre. Il a laissé de très belles sanguines, et chez un gargotier du passage Agard une amazone monticellesque et deux natures mortes, une surtout, hallucinante, tragique, du gibier, un perdreau, un canard près d’un gros bol de sang, et qu’aimait Cezanne au point d’aller parfois manger la ratatouille infâme du restaurant où elles étaient accrochées pour pouvoir les mieux contempler à son aise. Il aurait voulu les acheter, mais n’avait pas osé, me confia-t-il, le jour où, le restaurateur ayant fait faillite, le fonds fut vendu sans que le vieux maître en eût été averti.

Il a peint d’Emperaire un portrait étonnant, la lourde tête du nain se détachant sur les fleurs rouges d’une housse à ramages, les petites jambes, dans le haut fauteuil, ne touchant pas le sol, soutenues par une chaufferette. Roulé dans sa houppelande, l’être grêle sort du bain. Tout décharné, caricatural, exaspéré à la fois et affaissé de vivre, pathétique, ses longues mains pendantes, il tend sa belle face douloureuse, emmanchée, semble-t-il, à quelque armature de volonté tragique ; et au-dessus de lui comme une affiche ironique, une promesse amicale de gloire, Cezanne en grosses lettres d’écriteau a inscrit le nom : Achille Emperaire.

Il en parlait souvent, il ne tarissait pas d’anecdotes sur lui, il le trouvait « très fort ». Un jeudi, Cezanne et moi, nous le rencontrâmes au musée d’Aix et en parcourûmes ensemble les galeries. Rien ne fut plus touchant que de voir Cezanne abordant le petit bonhomme, lui prodiguant les attentions affectueuses, épousant tout de suite ses imaginations de vieillard, ses illusions de nabot illuminé, lui donnant une grande heure de joie à lui faire toucher, vivre comme réalisé, son rêve de maîtrise inconnue et de gloire qui pousse au soleil de la mort.

« ― Il y a du Frenhofer en lui », me souffla-t-il dans l’oreille.

Emperaire était radieux.

Je n’oserais l’affirmer, mais je crois que, plus âgé, plus informé aussi à cette époque, il eut, à l’atelier Suisse, une certaine influence, non sur l’art, mais sur les théories de Cezanne. En tout cas, je lui ai souvent entendu développer, sur les Vénitiens et Rubens notamment, des vues très proches parentes de celles de Cezanne et en des termes presque analogues. Ce qui, par contre, devait indigner Cezanne, il détestait Delacroix qu’il écrasait sous Tintoret, mais il avait sur l’héroïsme naturel des grandes nudités de Titien ou de Giorgione, sur l’aisance princière de Véronèse, sur le ronsardisme de Rubens, des mots qui sûrement ont dû ravir le vieux maître du Jas de Bouffan. Ont-ils couru ensemble le Louvre, en sortant de chez Suisse ? Cezanne, affamé de peinture, voyait tout, églises, musées, salons, expositions. Il y traînait Zola, dont il fit ainsi l’éducation artistique et qui s’en souvint quelques années plus tard, en écrivant ses brochures sur Manet et les Salons. Il adorait aussi galoper dans Paris, se planter sur les ponts, descendre les Champs-Élysées, contempler la Concorde. Il lisait Flaubert, Taine, Stendhal, suivait les Lundis de Sainte-Beuve. Il ignorait encore Courbet, dont le nom, la légende le hantaient, mais dont il n’avait pu contempler une toile, ce Courbet dont il devait dire plus tard : « C’est un objectif. Il a l’image toute faite dans son œil… », mais dont il rêvait alors comme d’un gigantesque révolutionnaire, une sorte d’énorme Renaissant.

Les emportements, les improvisations passionnées, les éclats théoriques auxquels il se livrait avec le fougueux Emperaire étaient tempérés par l’application, l’esprit plus bourgeois, la sagesse de Villevieille. Celui-ci avait épousé une jeune fille charmante, « rose, potelée, enjouée », et le bonheur paisible de l’honnête ménage inclinait parfois Cezanne à rêvasser des joies du foyer. Il se plaisait dans cette atmosphère. Il en garda un souvenir attendri… Lorsque, quarante ans après, il perdit sa mère, c’est Villevieille qu’il fit appeler pour en avoir un dessin pris au chevet de la morte, par un de ces retours mystérieux où il s’efforçait de mettre d’accord sa sensibilité avec certains regrets, de vagues intuitions et ce qu’il appelait le point d’appui de la morale et des principes.

Entre Emperaire, un peu exalté, un peu détraqué, romantique, et Villevieille qui l’apaisait, Zola mettait sa force calme, sa volonté continue, son robuste génie, mais Cezanne maintenant en avait un peu peur. Dans les milieux de peintres on disait, et non sans raison, le tort que la fréquentation de Proudhon portait aux récentes œuvres de Courbet. L’artiste ne doit pas avoir de visées sociales. Son œuvre, pourvu qu’elle soit d’un beau métier, fructifie d’elle-même. Les préoccupations du peintre, si elles sont nourries de méditation et de vie, paraissent toujours assez. Ce n’est pas le choix populaire des sujets qui enseigne le peuple, mais la vérité, l’ordre, le noble agencement des couleurs et des lignes qui, harmonisées, portent avec soi la morale et toute justice… Cezanne se méfiait en Zola du littérateur. Il le vit un peu moins. Il venait d’échouer à l’examen d’admission à l’école des Beaux-Arts. Ses accès de découragement se multiplièrent. Et comme à Aix il rêvait de Paris, à Paris il rêva d’Aix. »

R 307 L’Étang des sœurs à Osny, près de Pontoise

Le titre a été donné par Venturi et repris par Rewald : L’Étang des sœurs, à Osny, près de Pontoise. Osny est un village qui jouxte Pontoise, à l’ouest, traversé par la Viosne, affluent de l’Oise. Une carte postale ancienne du parc du château de Busagny à Osny fait penser au tableau. Une visite des lieux a permis de vérifier que l’identification est plausible. Outre l’étang du château de Busagny, il existe à Osny l’étang du château (appelé aujourd’hui de Grouchy), lui aussi alimenté par la Viosne, mais ses formes géométriques n’évoquent pas le tableau. L’étang du château de Busagny est proche du lieu-dit les Pâtis, à Pontoise, où Cezanne a peint Le Moulin sur la Couleuvre à Pontoise (R 483). J’ai découvert qu’il y a aussi peint Paysage aux Pâtis à Pontoise (R 499), l’aquarelle Arbres encadrant une vue sur le hameau des Pâtis à Pontoise (Ra 80), et qu’il a peint une autre aquarelle à Osny, Arbres et vanne à Osny, près du Moulinard (Ra 94) (titres qui sont de moi). Tous ces lieux sont assez proches du château de Busagny, mais plus éloignés du château. Le parc du château de Busagny était accessible, comme le montrent des œuvres que Pissarro y a réalisées.

Pourquoi le titre du tableau, L’Étang des sœurs ? L’explication est peut-être contenue dans ce qu’écrit l’instituteur d’Osny dans sa monographie du village en 1899 : « Du 17 décembre 1834 jusqu’à ce jour, deux écoles spéciales, une pour les garçons, l’autre pour les filles ont remplacé l’école mixte. L’école des filles fut d’abord privée et confiée aux sœurs de la congrégation de St Paul de Chartres, elle devint ensuite publique et fut dirigée par une institutrice laïque à partir du 1er avril 1885. […] Les sœurs appelées et entretenues par la marquise de Nicolaÿ s’installèrent au hameau des Épicéas, dans un local situé au milieu des bosquets. » (E. Signol, instituteur, Osny, 24 septembre 1899, n. p., Archives départementales du Val-d’Oise). Cette marquise de Nicolaÿ, puis sa fille, était propriétaire du château de Busagny.

Quant à l’origine du titre, de même que l’appartenance initiale du tableau à Pissarro, on peut supposer que ces informations ont été communiquées à Venturi, puis peut-être aussi à Rewald, par Lucien Pissarro, qui connaissait bien Osny, sa famille y ayant vécu du 1er décembre 1882 au 4 avril 1884 (jour du déménagement).

Rougier Elzéard, La Vedette, 29e année, n° 1453, Marseille, 11 février 1905, p. 746. « J’ai la joie de connaître maints impressionnistes : Cezanne, Degas, Manet, Verdilhan, Fortuné, Seyssaud, tous ont leurs attirances particulières, leurs mérites, leurs manies ; tous procèdent directement de la nature, mais aucun d’eux ne me semble l’aimer et la traduire avec la candeur d’Agnelli. »
Solari Jean, « Philippe Solari », Les Cahiers naturalistes, 25e année, n° 53, Paris, éditions Grasset-Fasquelle et Société littéraire des Amis d’Émile Zola, 1979, p. 214-218. « Philippe Solari

Notice biographique

Jean-Baptiste Marie Philippe Solari naquit à Aix-en-Provence le 1er mai 1840. Il était le fils d’Antoine Solari, qui fut cafetier, directeur de cercle, puis commissaire central (après 1870) à Aix-en-Provence. La famille Solari était d’origine italienne. Philippe Solari fut naturalisé français à Paris le 4 novembre 1870.

Camarade dès l’enfance d’Émile Zola et de Paul Cezanne, la situation de ses parents peu fortunés et chargés d’enfants (il eut six sœurs) ne lui permit pas de les suivre au collège d’Aix.

Il suivit néanmoins les cours de l’École des Beaux-Arts de cette ville où il apprit le dessin, le modelage, ainsi que la taille du marbre et des pierres. À l’âge de 18 ans, il obtint le Prix Granet et une bourse lui permit de venir se perfectionner à Paris où il fut l’élève de Jouffroy.

Il exposa au Salon des Artistes Français presque chaque année depuis 1867 jusqu’en 1894, avec quelques absences dues probablement à des séjours qu’il fit en diverses provinces.

Venu se fixer à Paris, il épousa en 1867 une demoiselle Thérèse Strempel, fille d’un petit industriel de Cologne.

Devenu veuf de bonne heure, il en eut cependant deux enfants : une fille et un fils qui devait devenir l’écrivain Émile Solari (1873-1961).

Ses premières figures, beaucoup plus grandes que nature, brisées par lui, faute de place, il erra en quelque sorte suivant les besognes qu’il dut s’infliger pour faire vivre sa famille.

À Versailles, il sculpte près du bassin de Neptune un cygne portant un enfant et travaille à diverses restaurations des motifs du château. De même à Paris au palais du Louvre. Il travaille au nouvel Opéra de Paris, dont un sculpteur Aixois, Chabaud, avait eu l’entreprise. À Lyon, il exécute le buste de Simon Saint-Jean (peintre de fleurs) qui doit se trouver actuellement à la Préfecture du Rhône (ou à l’Hôtel de Ville). Il travaille au Cirque de la ville d’Amiens, au château de Blois, au théâtre de Reims, à celui de Tarascon…

Au hasard de ses déplacements, il fit de très nombreux bustes et médaillons au gré de son désir, charmé par la grâce féminine, empoigné par quelque visage à caractère ou au gré du plaisir qu’il pensait devoir faire à toutes sortes de gens qui le méritaient peu ou prou.

En 1868 il fit à Paris le buste d’Émile Zola alors âgé comme lui de 28 ans et comme lui en pleine force créatrice, ce qu’exprime fortement cette œuvre puissante, une de ses plus belles, sinon peut-être la plus belle.

En 1895, à 55 ans, il regagne Aix et y travaille dix ans. De cette époque date le buste de Peiresc (savant, juriste et érudit aixois du xvie siècle), accepté au concours et érigé devant l’ancienne faculté de Droit sur un piédestal de l’architecte Huot, de Marseille. Ce buste, enlevé en 1942 pour la récupération du bronze, paraissait irrémédiablement perdu. Mais une réplique (ou même l’original, ou un moulage ?) occupe à nouveau la place.

Il mourut à Aix en janvier 1906, trois ans et demi après Zola et neuf mois avant Cezanne.

Il repose au cimetière d’Aix auprès de son père, dont un portrait en bas-relief orne la tombe.

Détails anecdotiques.

Il a été dit, écrit, et on répète encore, qu’au moment de la Commune en 1871, Solari avait participé en compagnie de Courbet au renversement de la colonne Vendôme. C’est entièrement inexact. Philippe Solari était beaucoup trop doux et pacifique pour se livrer à des violences quelconques, même — on pourrait dire surtout — contre des monuments. La vérité est qu’il vit de loin disparaître derrière les toits la statue de Napoléon au moment de la chute de la colonne. Il fut garde national pendant le siège de Paris et c’est tout.

Philippe Solari a été avec Cezanne, Roux et Alexis, témoin au mariage d’Émile Zola. Réciproquement, ce dernier avec Madame Zola ont été parrain et marraine de son fils Émile.

Le personnage de Mahoudeau dans l’Œuvre a bien été en partie inspiré par Philippe Solari, comme par Cezanne celui du peintre Lantier. Bien entendu, le personnage est assez profondément déformé, disons : recréé par le romancier aussi bien dans sa description physique que dans son caractère et son comportement.

Dans l’Œuvre encore, l’épisode de la statue de glaise qui s’écroule, insuffisamment soutenue dans sa grandeur par une armature de fortune, est exact à cette différence près qu’au lieu d’une Bacchante, il s’agissait en réalité d’un Nègre poursuivi par des chiens. C’est le même modèle qui posa d’ailleurs pour Cezanne. Après son écroulement, la statue fut achevée en position couchée, moulée et envoyée au Salon de 1868 sous le titre : Nègre Endormi. Elle y fut remarquée et Albert Wolff la loua dans Le Figaro. L’accident, conté par Joachim Gasquet, aurait eu lieu en présence de Manet, Cezanne et Zola.

On lit dans les notes de travail d’Émile Zola qu’une Louise Solari lui servit de modèle pour créer le personnage émouvant et délicieux de Miette dans La Fortune des Rougon. C’était une des sœurs de Philippe, très jolie et morte jeune.

Le buste de Zola de 1868 a une histoire : terminé en terre glaise très peu de jours avant l’ouverture du Salon de 1868, le temps manquait pour le confier à un mouleur pour en tirer l’épreuve en plâtre. Le temps et sans doute aussi l’argent… Quoiqu’il en soit Solari et Zola se mirent à l’ouvrage, aidés par Cezanne qui se trouvait là et ils firent eux-mêmes le moule et le buste qui se trouve actuellement en la possession du Dr François Zola après avoir toujours été à la place d’honneur chez le romancier, rue de Bruxelles et plus tard sur la cheminée du salon de Madame Zola, rue de Rome. Ces circonstances expliquent le fait que ce plâtre est plein et non creux comme l’aurait fait un mouleur professionnel.

Une très belle photographie en gros plan en existe dont le cliché a été exécuté par Émile Zola lui-même, excellent photographe amateur comme l’on sait. Philippe Solari avait pu assister dans un modeste incognito à l’inauguration de son œuvre, coulée en bronze, sur la tombe d’Émile Zola au cimetière Montmartre en 1904.

Domiciles successifs.

Indépendamment des résidences occasionnelles imposées en province par le hasard de son travail, il habita à Paris aux adresses suivantes : 103, boulevard Montparnasse (1867), 10, rue Perceval (1869), 33, rue d’Enfer (devenue rue Denfert-Rochereau) (1873), probablement vers cette époque rue de Chevreuse, voisin semble-t-il de Cezanne, 33, rue du Château (1881), 14, rue de l’Ouest (1883), 60, boulevard Montparnasse (1887), 59, avenue de Ségur (1892). 11, rue Campagne Première (1894).

Il séjournait chez son fils, 54, rue d’Orsel, Paris, lorsqu’il venait à Paris (par exemple en 1900).

Œuvres connues.

On trouve dans les catalogues de la Société des Artistes Français (quelques années manquent à la collection) les envois suivants :

1867    Bacchante, statue plâtre.

1868    Nègre endormi, st. pl. (sous le nom de Salari).

1869    Baigneuse st. pl.

Portrait de M. ***, médaillon plâtre.

1870    Le Message st. pl.

Portrait de M. H., buste terre cuite.

1873    Portrait de M. Z. buste plâtre (E. Zola).

Portrait de M. Lehmann, buste plâtre.

1874    Portrait de M. L., buste plâtre.

1875    Portrait de M. B., médaillon plâtre.

1881    Statuette, plâtre.

1883    Médaillon, plâtre.

1884    « 92 », plâtre.

1885    Portrait de M. P. S., méd. pl.

1886    Portrait de Mme Louis Gauthier (sa sœur) buste plâtre.

Portrait de M. ***, buste terre cuite.

1887    Portrait de Mme H. buste plâtre.

Portrait de Paul Alexis, méd. pl.

1888    Portrait de l’auteur, méd. pl.

1889    Portrait de M. Caraman de Saint-Maurice, méd. pl.

1890    Portrait de Mlle Laure Mansion, méd. pl.

1892    Enfant riant, buste plâtre.

1894    Arlésienne, méd. pl.

Pour une raison qui n’a pu encore être éclaircie, le buste de Zola de 1868 ne figure pas au catalogue.

En 1871 (dont le catalogue manque aux archives de la Société), Une Tête de Nègre lui valut une médaille d’argent.

Des œuvres achevées et des ébauches innombrables sont dispersées par toute la France. On connaît notamment :

À la Côte Saint-André (Isère), au musée Jongkind, un buste du peintre datant de 1872.

À Lyon, à la Préfecture, un buste de Simon Saint-Jean, peintre.

À Aix, de nombreux plâtres, terres sèches, maquettes, peintures même, dispersées chez des particuliers. Le buste d’Émile Zola de 1868 au parc Jourdan à Aix et un autre d’environ 1900 à la Bibliothèque Méjanes. On voyait devant la Faculté de Droit jusqu’en 1942 le buste de Peyresc (1895), La Fontaine des Quatre Dauphins fut resculptée par lui.

Chez M. Ducros, place Jeanne-d’Arc, une cheminée gothique monumentale portant en bas-relief une évocation des jeux de la Fête-Dieu institués par le roi René.

À Puyricard, devant la maison de maîtres du Domaine Saint-Simon, une fontaine en pierre portant deux enfants et deux dauphins.

A Châteaurenard, une République.

À Eygalières, une fontaine sur une place publique.

À Paris : buste d’Émile Zola (1868) chez le Dr François Zola et au cimetière Montmartre. Buste du même (1873) chez M. Jean Le Blond, petit-fils de Zola. Deux bustes de Cezanne (vers 1904 ou 1905) l’un en plâtre, l’autre très original en terre cuite, divers portraits, médaillons et bas-reliefs, une pendule de marbre portant un Mercure assis (famille Solari).

Au Musée du Louvre (Musée de l’impressionnisme, donation Gachet), un médaillon en plâtre, portrait de l’auteur vers 1871 ou 1872, donné à Cezanne et laissé par lui à Auvers (figure dans une de ses nature mortes).

Au même musée (Orangerie) un buste en plâtre de Cezanne, d’après nature (portrait posé par le sujet).

À Aix au musée Granet, un petit buste de Cezanne en terre cuite dit « Cezanne rêveur… ».

Jean Solari. »

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 79, p. 87. Traduction :

« Dans une déclaration non datée, Maxime Conil, le mari de Rose, la sœur du peintre, a confirmé avoir offert ce tableau [Paysage aux environs d’Aix-en-Provence, R 79] « à mon ami Henri Boissin autour de 1885 ; à cette époque, je n’accordais pas de valeur aux œuvres de mon frère-frère. J’ai trouvé celui-ci abandonné par Cezanne dans une chambre au Jas du Bouffan, avec d’autres tableaux que mon beau-père [Louis-Auguste Cezanne] a détruits après le départ de son fils. » »

Pietà d’après Titien (R 143) : inscription sur le châssis, au dos : « Copie d’apres le Titien par M. Paul Cezanne, ce tableau m’a été donné par M. Murer à Auvers-sur-Oise. Je l’ai fait rentailer [sic]. Rocagel Meniel [?] (S. et O.). ».

Ce tableau n’est pas retenu comme authentique dans le catalogue en ligne de Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman et David Nash.

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne : A Catalogue raisonné, volume I « The Texts », New York, Harry N. Abrams, 1996, 592 pages, notice 143, p. 122.

Voir les Cezanne de la collection de Gauguin que celui-ci a copiés dans ses œuvres.

Ce n’est qu’en 1897, de retour de son séjour à Tahiti, que Gauguin, quand il a eu besoin d’argent pour son traitement à l’hôpital, a chargé le peintre et marchand Chaudet à Paris de vendre le tableau Nature morte au compotier (R 418). Chaudet l’a vendu 600 francs à George Viau, mais Chaudet est mort avant d’avoir versé le paiement complet, alors qu’il devait encore 200 francs.

Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, précédées d’un hommage à Gauguin par Victor Segalen, édition établie et annotée par Mme Joly-Segalen, Paris, Georges Falaize, 1950, 251 pages, nos XXXV, XLVII, LIII, et LXII.

Vollard Ambroise, Souvenirs d’un marchand de tableaux, Paris, éditions Albin Michel, 1937, 447 pages, p. 196. « Vers 1898, quand Gauguin, à Tahiti, avait un si pressant besoin d’argent, son ami Chaudet offrit ce même tableau [R 418] pour six cents francs. Aucun amateur n’en voulut. Enfin quelqu’un se décida mais demanda qu’on lui laissât, par-dessus le marché, le cadre qui était en bois sculpté. »
Vollard Ambroise, Souvenirs d’un marchand de tableaux, Paris, éditions Albin Michel, 1937, 447 pages, p. 143-144. « Autre exemple de l’influence que le titre du tableau peut exercer sur l’amateur.

Je faisais, de Cezanne, une exposition où figurait une toile de plein air représentant des femmes nues, voisinant avec un personnage qu’à son accoutrement on pouvait prendre pour un pâtre [Le Jugement de Pâris (Le Berger amoureux ?), R 457]. La toile avait été placée dans un cadre dont j’avais oublié d’enlever l’ancien cartouche, lequel portait : Diane et Actéon. Dans les comptes rendus de la presse, le tableau fut décrit comme s’il s’agissait réellement du bain de Diane. Un critique d’art vanta même la noblesse d’attitude de la déesse et l’air pudique des vierges qui l’entouraient. Notamment, il admirait le geste de la suivante qui, à l’entrée de la clairière, étendait le bras comme pour dire : « Va-t’en ! » Et il ajoutait : « On reconnaît bien là le geste irrité de la vierge offensée. » Ce tableau plut beaucoup à un de mes clients :

— Si je n’avais pas déjà, me dit-il, une importante Diane au bain de Tassaert, voilà une toile qui prendrait le chemin de mon appartement.

A quelque temps de là, on me demanda, pour une exposition, une Tentation de saint Antoine, de Cezanne. Je l’avais promise, mais ne pus l’envoyer, cette toile entre temps ayant été vendue. J’expédiai, à la place, le prétendu Diane et Actéon, le cadre cette fois ne portant aucune désignation ; mais, comme on attendait une Tentation de saint Antoine, c’est sous ce titre que le tableau promis par moi avait été inscrit au catalogue. De telle sorte qu’une revue décrivit l’œuvre comme s’il s’agissait vraiment d’une Tentation de saint Antoine. Là où on avait loué précédemment l’attitude si noble de Diane, le critique d’art de la revue découvrait le sourire ensorceleur, en même temps que perfide, d’une fille de Satan. Le geste d’indignation de la suivante s’était transformé en invitation séductrice. Le pseudo-Actéon devenait un pathétique saint Antoine.

Le dernier jour de l’exposition, je vis arriver l’amateur qui avait refusé le tableau quand il était baptisé Diane et Actéon. Il tenait à la main la revue dont je viens de parler, et, tout triomphant :

— Je viens d’acheter cette Tentation. C’est d’un réalisme saisissant !

Quand je revis Cezanne, je lui racontai les avatars de son tableau.

— Mais il n’y a pas de sujet ; j’ai simplement essayé de rendre certains mouvements… »

Voir John Rewald, « Quelques notes et documents sur Odilon Redon », Gazette des beaux-arts, novembre 1956, p. 96-98 ; Studies in post-impressionnisme, Londres, 1986, p. 229-230.

Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 35. « Cette conversation avait lieu au cours d’une promenade dans les bois de Louveciennes. Tout à coup Renoir, s’arrêtant, me désigne le coteau voisin : « Ces arbres, ce ciel… Je ne connais que trois peintres qui ont pu rendre ça : Claude Lorrain, Corot et Cezanne. » »
Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 103. « C’est à croire que pour plaire, il faut nécessairement être ennuyeux. Quand je vous disais [Renoir, à Vollard] que la France est devenue protestante ! Je crois aussi que le public craint toujours de ne pas en avoir pour son argent. Il veut être assuré que nous avons peiné sur une chose avant qu’il daigne la regarder… Et ces toiles sur lesquelles Cezanne est revenu des deux cents fois, et qui ont l’air d’avoir été faites du coup ! »
Vollard Ambroise, Souvenirs d’un marchand de tableaux, Paris, éditions Albin Michel, 1937, 447 pages, p. 113. « Cezanne, lui aussi, s’intéressait aux « jeunes ». Feuilletant un jour le Parallèlement de Verlaine [achevé d’imprimer le 31 octobre 1900], que Bonnard m’avait illustré :

— De qui est-ce ?… C’est dessiné dans la forme. »

Vollard Ambroise, Souvenirs d’un marchand de tableaux, Paris, éditions Albin Michel, 1937, 447 pages, p. 140-142. « Un jour, chez Paul Alexis, je vis un Effet de neige signé d’un inconnu, quelque chose comme Montillard. Paul Alexis me dit :

— Puisque vous achetez des tableaux, vous devriez prendre celui-là.

— Combien ?

— Deux cent cinquante francs.

— Soit !

Je me disposais à emporter mon acquisition, lorsqu’il m’arrêta.

— Attendez que j’enlève le cadre.

— Mais c’est pour le cadre que je l’achète. Je puis même vous laisser la toile.

— C’est que je tiens au cadre, moi aussi !

— Mais comment avez-vous pu mettre un pareil tableau dans un cadre de prix ?

— Un pareil tableau ? Mais son auteur n’est pas le premier venu. Il a fait partie du groupe des impressionnistes. Il a connu intimement Cezanne, Pissarro…

Il commençait à m’intéresser, ce Montillard. Un homme qui a connu Cezanne, Pissarro, avait peut-être chez lui des tableaux de ces peintres.

— Qu’est-il devenu votre Montillard, demandai-je à Paul Alexis.

— Je crois qu’il habite toujours Gif.

Le lendemain, je me rendis à Gif où je découvris, en effet, le vieil artiste. Je lui dis que j’avais appris, par son ami Paul Alexis, qu’il avait fréquenté des peintres que je connaissais, moi aussi, et dont je possédais des œuvres : Cezanne, Renoir, Guillaumin. Nous échangeâmes quelques propos.

— Vous devez bien avoir, lui dis-je, des toiles de vos amis de jeunesse… Des Pissarro, des Cezanne…

— Certainement ! J’ai des Cezanne, j’ai des Pissarro, j’ai des Vignon. Voulez-vous les voir ?

— Volontiers… Vous ne songez pas à les vendre ?

— Mon Dieu ! oui. Seriez-vous acheteur ?

— Je ne dis pas non.

— Attendez !

Il alla dans la pièce voisine et en rapporta une dizaine de toiles.

— Donnez-moi douze cents francs. Et vous emportez le tout !

Je m’empressai d’accepter.

Au même instant, une voix de femme l’appela. Il passa dans la pièce voisine et j’entendis ces mots :

— Tu as l’argent ?

— J’ai l’argent ; il n’a pas marchandé. C’est bien mieux que la dernière cote…

J’étais fort intrigué. Qu’était-ce, cette cote des tableaux ?

Pendant que Montillard roulait les toiles, je poursuivis la conversation :

— À propos, si vous avez la cote sous la main, je voudrais bien avoir un renseignement pour les Sisley.

Il tira de sa poche un papier imprimé, qui ressemblait à une épreuve de journal et sur lequel on lisait : « Cote des Impressionnistes. Les Renoir sont en recul. Pas de demande sur les Sisley. Quelques Pissarro et un Cezanne offerts en baisse de 10 %. Marché nul sur les Vignon. Marché lourd sur les Monet. »

— Où s’abonne-t-on à cette cote ? demandai-je, au comble de l’étonnement.

— Je n’en sais rien. C’est un vieil ami dans la presse qui me la passe.

Revenu à Paris, j’allai porter mon acquisition chez le rentoileur.

— J’ai trouvé ces tableaux à Gif, lui dis-je.

— A Gif ? Là-bas, j’ai un client… un journaliste. Voilà cinq ou six ans qu’il me parle de tableaux de Cezanne et de Pissarro que possède un de ses amis. « J’ai imaginé un truc, m’a-t-il raconté, pour les avoir, un jour, à bon compte, et je crois que je pourrai bientôt vous les apporter à rentoiler. » Ce serait drôle si c’était justement ceux-là !

Je laisse à penser la tête que dut faire l’astucieux ami lorsque, arrivant avec une cote encore plus décevante que les précédentes, il entendit Montillard lui dire, tout triomphant : « Imaginez-vous qu’un innocent… »

Quelques semaines plus tard je vis, chez un marchand de tableaux, dans un état de grande agitation, quelqu’un qu’on me dit être Aurélien Scholl.

— Qu’avez-vous ? lui demanda-t-on.

— Croiriez-vous qu’un exploiteur vient de dépouiller un vieil artiste de mes amis de tout un lot de Cezanne et de Pissarro ? »

Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 159. « Si positif qu’il fût, M. Havemeyer ne devait pas être à l’abri du coup de foudre.

Un jour que je lui montrais des tableaux :

— Combien ce Cezanne ? fit-il soudain, devant l’Aqueduc aux pins parasols.

— Quinze mille francs.

— Je le prends.

Puis, comme pour expliquer son subit emballement pour ce tableau, se tournant vers sa femme :

— Vous ne trouvez pas que le fond de ce tableau rappelle tout à fait la fresque que nous avons tant admirée à Pompéi ?

Il regarda encore le Cezanne, et il murmura :

— Qu’est-ce qu’il y a donc là-dedans qui vous fait penser à un tas de choses ?… »

Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 171. « — Les moqueries de ses contemporains étaient-elles indifférentes à Manet ? Cezanne, lui, heurté un jour par un passant, s’était écrié : « On ne sait donc pas que je suis Cezanne ! »
Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 172. « — Comment peignait Manet ? J’entends encore Cezanne dire : « Manet, il crache le ton… »
Vollard Ambroise, Renoir, Les Éditions G. Crès & Cie, Paris, 1920, 286 pages, p. 173. « — [Vollard, s’adressant au peintre Charles Troché] Manet, vraiment si dur pour Courbet ! Que pensait-il de ses camarades impressionnistes : Monet, Cezanne, Renoir ?

— [réponse de Charles Toché] Monet seul trouvait grâce devant lui. De Cezanne, il disait que c’était « un maçon qui peignait avec sa truelle ». Quant à Renoir, il le tenait pour un brave homme fourvoyé dans la peinture. »

Cezanne a copié en les interprétant des paysages d’amis peintres vivants : Vue de Louveciennes (R 184), d’après Louveciennes (PDRS 207), de Pissarro ; La Seine au quai d’Austerlitz (connu sous le titre Les Quais de Bercy) (R 293), ainsi que les dessins préparatoires C 350b, C 351c ; une gravure Péniches sur la Seine à Bercy, d’après un tableau de Guillaumin, La Seine au quai d’Austerlitz (connu sous le titre Les Quais de Bercy).

Coquiot Gustave, Degas, Paris, librairie Ollendorff, 1924, 232 pages, p. 5-6. « Ses origines [Degas] ! Quand, quelques années plus tard, il rencontrera Renoir et Cezanne, par exemple, il ne cachera point son mépris pour ces peintres sortis de basse condition. L’un, Renoir, fils d’ouvrier ; l’autre, Cezanne, fils d’un ex-chapelier devenu une sorte de banquier-prêteur à la petite semaine ; et, encore, Cezanne a-t-il reçu une louable instruction ; tandis que Renoir, ce cerveau en jachère, ce mauvais produit d’école communale !… Manet, au contraire, Manet l’étonnera, Manet, ce fils de bourgeois, qui a décidé de « faire de la peinture ». »

« À compte à demi »

« Chez les camarades. Carnet de naissance », Les Annales hebdomadaires illustrées artistiques, satiriques et littéraires de l’Enregistrement, 4e année, n° 46, jeudi 15 novembre 1906, p. 371. « CHEZ LES CAMARADES

CARNET DE NAISSANCE

Nous apprenons avec plaisir la naissance à Pierrelatte (Drôme) d’un beau bébé Marie-Berthe, fille de notre aimable collègue M. Louis Aurenche et de Madame, née Delière.

Tous nos compliments et souhaits, avec risette à la demoiselle. »

Bernheim de Villers Gaston [Gaston Bernheim-Jeune], Un ami de Cezanne, éditions Bernheim-Jeune, Paris, 1954, 38 pages, p. . « Les autres peintres qu’il connaissait avaient eu des succès, lui, aucun. Sa femme prenait ses toiles pour boucher la cheminée pendant l’hiver. Il la regardait avec indifférence et il allait peindre.

Ne sachant plus que faire des toiles qui s’entassaient dans son atelier, il eut l’idée de faire planter dans le mur une tige de fer longue d’un mètre. Quand un tableau était achevé, il l’enfonçait sur cette tige, puis il allait peindre, peindre jusqu’à son dernier soupir.

[…] Bien avant cette époque, j’avais acheté des toiles de Cezanne chez MM. de Bellio et Chocquet, puis quelques-unes à Pissarro par l’entremise de mon ami, Octave Mirbeau.

En 1900, avec mon ami Roger-Marx, Inspecteur des Beaux-Arts, j’organisai la salle des peintures modernes à l’Exposition Centennale. J’aidai ce courageux connaisseur à mettre les Impressionnistes à leur vraie place. Chaque fois que l’on voyait arriver un « officiel », on cachait les toiles. Elles ne furent vues qu’à l’ouverture de l’Exposition. Ce fut un tollé général. »

Voir Denoinville Georges, « Un impressionniste oublié : Édouard Béliard, artiste peintre (1832-1912) », Le Journal des arts, 28 juillet et 4 août 1923, n. p.

François Chédeville :

Sur le site de Valcros : la colline, le plateau et la vallée.

J’ai traité tout ce qui est identifié par rapport à Valcros, plus quelques éléments de la vallée de l’Arc proches de Valcros (comme l’Ensoleillée ou les vues du viaduc depuis le bas de la vallée), et une exception aussi pour le Pilon du Roi (l’image prise à côté de Vasarely)

I – VALCROS

1) Œuvres réalisées sur la colline et le plateau de Valcros, avec vue sur le viaduc dans la plaine de l’Arc et la Montagne Sainte-Victoire :

  1. A) Série R 511 (depuis la colline de Valcros)

– R 511 La Montagne Sainte-Victoire vue au-dessus de Montbriand II 82-85

– R 512 La Montagne Sainte-Victoire vue au-dessus de Montbriand I c82

– C 896 La Montagne Sainte-Victoire vue au-dessus de Montbriand II 82-85

– C 905 La Montagne Sainte-Victoire vue au-dessus de Montbriand I c82

– Ra 239 La Montagne Sainte-Victoire vue au-dessus de Montbriand 83-85

  1. B) R 698 La Montagne Sainte-Victoire vue du bassin au-dessus de Montbriand c90 (depuis la colline de Valcros)
  2. C) Série R 598 – La Bastide Vieille (depuis la colline puis descente vers le plateau)

– R 598 La Montagne Sainte-Victoire au grand pin 86-87

  • Ra 241 La Montagne Sainte-Victoire au grand pin et la Bastide Vieille 86-87

– R 599 La Montagne Sainte-Victoire au grand pin c87

– R 767 La Montagne Sainte-Victoire et la Bastide Vieille 92-95

C 1158 La Montagne Sainte-Victoire et la Bastide Vieille 92-95

Ra 238 La Montagne Sainte-Victoire et la Bastide Vieille c87

  1. D) Série R695 (depuis la colline de Valcros)

R695 La Montagne Sainte-Victoire vue à travers les pins de la colline de Valcros c90

Œuvres apparentées possibles (pas de certitude absolue, mais très vraisemblable) :

  • R 613 Sous-bois c88
  • Ra 233 La Futaie 80-85
  • R 814 Clairière c95
  • R 758 Paysage des environs d’Aix (la plaine de l’Arc) 92-95
  1. E) R 901 La Montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue 00-02
  2. F) Possible, mais pas encore prouvé que c’est depuis le plateau de Valcros (peut-être peint depuis le Devançon ?) :

– R 397 Vers la montagne Sainte-Victoire 78-79

– R 631 La Montagne Sainte-Victoire 88-89 (peut-être depuis le Devançon ?)

2) Œuvres réalisées sur le plateau de Valcros, avec vue sur la chaîne de l’Étoile et le Pilon du Roi

– R 605 Le Pilon du Roi vu du plateau de Valcros 87-88

– R 399 Le Pilon du Roi vu du chemin de Valcros 78-79

– R526 Le Pilon du Roi vu du plateau de Valcros 87-88

A compléter par :

– R 247 La chaîne de l’Étoile avec le Pilon du Roi (vue vers l’ouest) 85-86

– CS 1890 La Chaîne de l’Étoile avec le Pilon du Roi (vue vers l’est) c90

3) Œuvres réalisées sur le plateau de Valcros, centrées sur les bastides

  1. A) Ra 579 Les Bastides Milon et Barberoux sur le plateau de Valcros 00-06
  2. B) La Bastide La Générale (déjà présente dans la série R 598-R 599) :

– R 398 La Montagne Sainte-Victoire vue du chemin de Valcros 78-79

– C 895 La Montagne Sainte-Victoire vue du chemin de Valcros 83-85

– C 894 La Bastide La Générale sur le plateau de Valcros 82-85

  1. C) Bellevue

– R 377 La Maison de Bellevue 78-79

– R 689 La Maison de Bellevue et pigeonnier 90

– R 690 La Maison de Bellevue et pigeonnier 90-92

– R 691 La Maison de Bellevue c90

– C 124 La Maison de Bellevue 70-73

– C 901 La Maison de Bellevue c85

– C 900 La Maison de Bellevue c85

– Ra 255 La Maison de Bellevue et pigeonnier 85-90

– R 692 Pigeonnier de Bellevue 89-90

– R 693 Pigeonnier de Bellevue c90

– R 694 Pigeonnier de Bellevue c90

– C 767 Pigeonnier de Bellevue 77-80

4) Œuvres réalisées sur le plateau de Valcros (depuis Bellevue), avec vue de la plaine de Valcros

– R 537 Grand pin et terres rouges (vue sur la Bastide Léon) c85

– R 761 Grand pin et terres rouges (vue sur la Bastide Léon) 90-95

– Ra 285 Étude d’arbre (le grand pin) 85-90

– Ra 286 Étude d’arbre (le grand pin) 85-90

– Ra 287 Étude d’arbre (le grand pin) c90

5) Œuvres réalisées dans la plaine de Valcros : La Durane

– R 548 La Bastide La Durane dans la plaine de Valcros I 85-86

– R 549 La Bastide La Durane dans la plaine de Valcros II 85-86

– R 550 La Bastide La Durane dans la plaine de Valcros III c85

– Ra 156 La Bastide La Durane dans la plaine de Valcros 80-83

II – LA VALLÉE DE L’ARC

  1. A) Au bord de la vallée de l’Arc

– R 609 La Bastide L’Ensoleillée près d’Aix 85-87

  1. B) Œuvres réalisées dans la vallée de l’Arc avec vue sur le viaduc et la Montagne Sainte-Victoire

– C 897 La Montagne Sainte-Victoire vue depuis la vallée de l’Arc 83-86

– Ra 242 La Montagne Sainte-Victoire avec viaduc 85-87

Œuvres proches à associer :

  • Ra 284 La Montagne Sainte-Victoire 88-90
  • CS 1890
  • Ra 283 La Montagne Sainte-Victoire c88
  • Ra 280 La Montagne Sainte-Victoire 85-87
  • Ra 281 La Montagne Sainte-Victoire 85-87
  • Ra 282 La Montagne Sainte-Victoire 85-87
  • Ra 279 La Montagne Sainte-Victoire 85-87
  • Ra 240 La Montagne Sainte-Victoire 83-85
  • Ra 326 Le Viaduc 88-92

Identification des photographies d’œuvres de Cezanne dans les Archives Durand-Ruel :

1983 = R 671

6567 = R 623

6760 = R 655

6761 = R 714

9603 = R 221

11318 = R 201 (La Maison du père Lacroix)

Autres numéros de photos non trouvées par Claire :

nos 1372 (Portrait de Cezanne, par Renoir), 1373 (Portrait de Cezanne, par Renoir), 1309 [R 375], 1483 [R 360], 1849, 3558 [R 296], 3399 [R 506], 4229 [R 645], 4783, 5270 [R 531].

Alexis Paul, « Notes sur la vie. Mes anarchistes », Le Journal, quotidien littéraire, artistique et politique, 1re année, n° 51, jeudi 17 novembre 1892, p. 1-2. « NOTES SUR LA VIE

MES ANARCHISTES

— Pendant quatre ans de mon existence, j’ai fréquenté Messieurs les anarchistes. Dans certain bureau de rédaction, j’en voyais venir à chaque instant, je causais volontiers avec eux, et je me suis aventuré dans leurs réunions, j’ai pris des bocks en leur société, je leur ai porté des cigares à Sainte-Pélagie, je crois même en avoir tutoyé. Sans compter que chez Jules Vallès, au Cri du Peuple, j’eus pour ami le plus intime un certain « Trublot » aujourd’hui disparu et enterré, qui s’était campé en anarchiste de la littérature et du théâtre, demandant chaque matin la tête de Sarcey même celle de M. Koning — proposant de dynamiter la « cambuse à Molière », et tout cela en argot, qu’il ne savait pas d’ailleurs et dont il se contentait de donner l’illusion. — Pourquoi alors ne pas raconter mes impressions de voyage au pays de l’anarchie, et ne pas les raconter tranquillement, sans parti pris et. en dehors de toute panique bourgeoise, absolument comme s’il ne venait pas de se produire rue des Bons-Enfants un « événement bien parisien », fin de siècle au possible, et même fin de société.

— Ayant débuté chez M. de Villemessant, et conservé à son endroit une réelle estime professionnelle, Jules Vallès en faisant reparaître le Cri du Peuple, lors de sa rentrée en France, après l’amnistie, avait voulu faire de son journal « un Figaro socialiste ». Réunir dans une même rédaction des anarchistes comme le prince Kropotkine et Élisée Reclus, des marxistes comme Guesde et Lafargue, des possibilistes comme Malon et Brousse, des blanquistes comme Vaillant et Eudes, tel était le programme, — séduisant, mais peu praticable. Guesde répondit bien a l’appel, mais sa présence suffit a éloigner possibilistes, blanquistes et anarchistes de marque. Dame ! ces leaders ne se fussent jamais tolérés les uns les autres. Les trois autres grands embranchements du socialisme furent donc, forcément, représentés par des citoyens de moindre importance. Et encore, « représentés », est-ce bien le mot ? Je vois toujours le pauvre Violard, l’anarchiste en titre de l’équipe, s’arracher les cheveux : « On ne me laisse rien dire… Massard, le secrétaire de la rédaction, est inféodé à Guesde, plus guesdiste que Guesde, et me coupe tout… Ah ! si j’avais la bride sur le cou !… »

Il était exquis, ce Violard. Peu de santé. Arrivait de l’Algérie, où il avait dû passer plusieurs années, pour se réparer les bronches. Un bon journaliste de province, je crois. Mais quel heureux caractère, doux, bien éleve ; serviable : un agneau de l’anarchie. Puis, quand nous causions littérature, il me disait moins de bêtises qne les autres. Depuis, je l’ai absolument perdu de vue : mais s’il ne s’est pas fait casser la tête dans quelque bagarre, obscurément, et que ces lignes lui tombent sous les yeux, qu’il sache que j’aurais un vrai plaisir a lui serrer la main.

Un bon souvenir, d’ailleurs, que ces premiers mois du Cri. Huit ans de moins sur les épaules, d’abord, c’est quelque chose. Puis nous avions une grande affection pour Vallès, qui, malgré son aspect bourru, ses nervosités de malade (il souffrait déjà du diabète dont il est mort), et son socialisme à la Mélingue, était un brave homme et un maître-écrivain.

Le soir, quand, les « formes » » descendues, on causait- en attendant les premiers exemplaires, n’ai-je pas eutendu notre aimable et éminente collaboratrice Séverine, encore inconnue et absolument neuve alors en socialisme, dire à Vallès :

— Mais enfin, là, patron… vous savez ce que vous me promettez depuis quelques jours et vous ne vous exécutez jamais… Si vous m’expliquiez la question sociale ?

— Une autre fois ! grognait le pastron.

Mais pleine d’ardeur et désireuse de s’instruire, la disciple de Vallès insistait :

— Cependant, voyons… Guesde tantôt m’a appris que les socialistes se subdivisaient en marxistes, en possibilistes, et en anarchistes : vous, dites- moi, qu’êtes-vous ?

Alors Vallès, en faisant rouler ses yeux et d’une voix de troisième rôle :

— Parbleu »! je suis anarchiste !!!

— Guesde les détestait, lui, les anarchistes — et les abomine sans doute encore. « Toujours les anarchistes !… disait-il. Il n’y en a. que pour eux. Ils me font suer, tous, avec leur anarchie… Détruire pour détruire, je vous demande un peu : le chaos n’est pas une opinion… Les anarchistes ! la moitié d’entre aux sont des agents provocateurs, des mouchards… et les autres des bourgeois émancipés… Oui, l’anarchie n’est que le socialisme des bourgeois ! »

Vallès mort, son « Figaro socialiste » devint de plus en plus un organe guesdiste. L’infortuné Violard finit par nous quitter, en maudissant l’intraitable Massard… qui, depuis… mais-alors !… Bientôt, il n’y eut plus d’anarchiste dans le journal que le compagnon Trublot, mais en littérature et en art. Alors, trouvant, avec raison, que ce n’était pas suffisant, les compagnons pour de vrai se mirent à nous faire de fréquentes visites… à main armée. Il y en eut de terriblement orageuses. Même, a l’occasion de certain compagnon qu’une sorte de jury d’honneur exécuta comme mouchard, les revolvers furent braqués autour du tapis vert de la table de rédaction, et peu s’en fallut que le sang ne coulât bien avant l’affaire Ballerich.

— Deux ans après, quand la rédaction Guesde, Duc-Quercy, GoulIé, etc., eut rompu avec la direction et tenté sans succès une concurrence, la Voix du Peuple, la nouvelle rédaction du Cri fut possibiliste et toléra un petit anarchiste, mais si peu ! Le compagnon, Devertus connut les mêmes alfres que jadis le compagnon Violard : sa copie fut systématiquement tronquée. Marouck, le nouveau secrétaire de la rédaction, sous une allure doucereuse, était aussi sectaire que Massard. Et l’infortuné compagnon en gémissait dans le gilet de son confident Trublot. Pour se dédommager de ne pouvoir écrire à sa guise, il parlait dans les réunions, et un de ses discours ie fit mettre à Sainte-Pélagie. Je fus à peu près seul (avec Séverine) a aller.l’y voir ; ma visite le toucha aux larmes. Et par reconnaissance, à sa sortie de prison, Devertus me dit, un soir, en rougissant comme une demoiselle :

— Avez-vous payé votre terme ?

— Non, pas encore.

— Eh! bien, il ne faut pas le payer, ni le prochain non plus… Et, quand votre proprio fera le malin, je m’en charge : les compagnons vous déménageront a la cloche de bois.

Inutile d’ajouter que je n’acceptai point. Par honnêteté ? Ce n’est pas très certain. Mais, songez donc : je possède un Renoir, un Pissarro, des Seurat’, des Luces, des Signac, des Perrault, un Vignon, un Dubois Pillet, des Cezanne — des anarchistes de la peinture, quoi ! — Plus souvent que je les eusse confiés a de pareils déménageurs !

— La vérité vraie est que sans pour cela vouloir réhabiliter l’anarchie — les divers compagnons que j’ai approchés (et ceux-là étaient des vrais, c’est-à-dire nullement des mouchards, mais des sincères, qui ont fait de longs mois de prison pour avoir voulu, propager leurs doctrines) je les ai trouvés tout aussi passionnés que les autres socialistes, mais moins étroits d’idées, plus humains » dans le sens large du mot, moins « sur l’œil », moins ocibrageusement autoritaires. Oui, c’est une sensation que m’a fait éprouver, à la longue, la fréquentation des socialistes ; mais, comme elle est en moi très nette, je voudrais l’exprimer très clairement. Ainsi, voilà Guesde, — et je le choisis, lui ; non seulement parce que c’est un orateur de premier ordre et une des lumières du parti, mais encore parce qu’en lui, sous l’illuminé qui, froidement, d’un trait de plume, décréterait, s’il le fallait, la chute de cent mille têtes, il y a un tendre père de famille et un camarade bien élevé, affable, d’un commerce très sûr, avec lequel j’ai conservé d’excellents rapports… Eh ! bien, si, par impossible, Guesde arrivait jamais au pouvoir, je vous jure qu’il ne ferait pas bon vivre sous sa coupe. Ah ! mais non ! La France cesserait d’être habitable. Une large gamelle où l’on mangerait (peut-être ?) deux fois par jour, à heure fixe, mais en crevant d’ennui. Tandis qu’avec les anarchistes, tout aussi idéologues, plus dangereux en apparence, mais moins autoritaires et laissant une part large a la liberté individuelle, il y aurait encore moyen de s’entendre, à la rigueur, — marmite à part !

— Quelques mois après, un samedi soir, vers dix heures, tout en haut de la rue Ravignan, au sommet de la Butte-Montmartre, le hasard me fit entrer dans l’atelier d’un peintre inconnu, où une vingtaine de jeunes gens et deux ou trois bas-bleus d’un âge mûr étaient assis en rangs d’oignon, sur des planches. « La Butte », Société d’encouragement et d’émulation littéraires, était en séance. À tour de rôle, ces jeunes gens, n’ayant ni journal, ni éditeur pour répandre leurs élucubrations, venaient s’asseoir devant une petite table, et, à la lueur de deux bougies fichées dans un goulot de bouteille, lisaient leur prose ou récitaient leurs vers — le tout sans intérêt, enfantin, d’une banalité consternante. À la fin de chaque morceau, les deux bas-bleus, avec un enthousiasme à froid, donnaient le signal des applaudissements.

Après une demi-douzaine de ces épreuves, m’ennuyant par trop, je m’étais déjà levé pour filer à l’anglaise, me promettant bien de ne plus revenir aux samedis de la « Butte », lorsqu’un grand jeune homme mince, imberbe et rose comme une jeune fille, prit place a son tour entre les deux bougies et se mit à lire timidemènfc une nouvelle, de sa voix blanche, douce comme uns flûte voilée. Dès la troisième phrase, étonné,, sous le charme, je ne songeai plus à partir. Sa nouvelle était tout simplement exquise, d’observation fine et de bonhomie spirituelle, avec un comique de pince-sans-rire, une sorte de naïveté malicieuse. Oh ! les délicieux détails,, n’ayant d’abord l’air de rien — que l’auteur murmurait en voilant davantage sa voix et en fermant les yeux comme pour les éteindre encore — mais qui, à l’a réflexion, ouvraient de larges fenêtres sur la bêtise générale, sur la vanité, la couardise, l’étourderie, sur un tas de faiblesses, qui sont comme les verrues et boutons du caractère.

Ce jeune homme, au talent si personnel, s’appelait : Malato. Il avait d’autres cordes à son arc, car, à mon grand étonnement, il écrivit plus tard, dans les loisirs du « Pavillon des Princes », un -gros bouquin de doctrine anarchiste. Combien je préfère sa première manière !

Malato fut un peu cause que je me laissai bombarder « président de la, Butte (sic) ! » Et, quinze jours après, ces messieurs, m’ayant demandé si je n’aurais pas dans mes cartons un acte inédit, je leur -fis répéter Mademoiselle Pomme, farce réaliste en un acte, de feu Duranty et de votre serviteur. La pièce était lue quand, par Arthur Byl et Jules Vidal, je fis la connaissance de l’employé du Gaz, Antoine, qui préparait la première soirée d’essai du Théâtre-Libre. Antoine monta un soir rue Ravignan, à la demande générale nous déclama quelque chose (la Bénédiction, de François Coppée), puis assista à notre répétition, me demanda la pièce pour son spectacle, et, comme le temps pressait, l’interprétation aussi. De sorte que, chose dont on ne s’était jamais douté, cette Mademoiselle Pomme (en fait la première pièce du Théâtre-Libre) fut jouée par des anarchistes, sous des pseudonymes et à la va-coïpme-je-te-pousse. Pour comble de malheur, — pauvre Duranty. même mort, tu n’eus jamais de chance ! — MM. Henry Fouquier et Lapommeraye, les deux seuls critiques qui assistèrent à la première représentation d’Antoine, n’arrivèrent que vers neuf heures, quand Mademoiselle Pomme était déjà « jouée ». N’importe, Malato, le compagnon Malato, fut exquis, lui, au moins, dans le rôle de Fiacre, pour lequel la nature semblait l’avoir conformé tout exprès. Et, en fermant les yeux, je l’entends encore, a la scène VII, soupirer divinement de sa voix douce : « J’ai mon idéal, moi !… Une toute petite femme… qui ne dirait rien… qui ne remuerait pas… qui resterait sur sa chaise à broder. Et encore ? non : « ça met partout des bouts de fil !… »

— Six ans après. Malgré les horreurs inutiles de la propagande par le fait, je ne puis me défendre — tout au fond de moi d’un certain faible à l’égard des anarchistes. Eh ! nous tous, qui tenons une plume, romanciers, journalistes, auteurs dramatiques, à quoi bon mettre du noir sur du blanc, si nos pièces, nos livres, nos articles, ne contiennent une charge de dynamite ? Personnellement, mon unique peur est toujours de n’en pas mettre assez. Vive l’anarchie intellectuelle ! « Il faut trouer le ciel et refaire le monde! » écrivait aussi Vallès. C’est nous qui y arriverons, avec le temps, chaque génération ajoutant sa pierre à l’édifice commun, — tandis que nos frères trop pressés, et désertant la pensée pour laction coléreuse, n’arrivent à rien, et font de la sotte besogne.

                             PAUL ALEXIS. »

Imbourg Pierre, « Cezanne et ses logis… à Paris », Beaux-Arts, n° 316, 20 janvier 1939, p. 3. « 2, rue des Lions-Saint-Paul

Cezanne y fut en 1892. Mais au numéro 2 s’élève aujourd’hui un immense bâtiment en ciment armé.

En 1894, le peintre émigre passage du Lac [Dulac], puis rue Bonaparte [à partir de la fin novembre 1894].

En 1896, il est à Montmartre, « à une portée de fusil du Sacré-Cœur »… Nous n’en avons pas trouvé davantage.

73, rue Saint-Lazare

En 1897, il descend jusqu’à la place de la Trinité, 73, rue Saint-Lazare, d’où l’on a une vue splendide sur la place de la Trinité, et toute la hauteur Montmartroise. Des compagnies d’assurances occupent l’immeuble aujourd’hui. »

Marion, de son côté, avait acquis une certaine notoriété lui aussi. Le 31 mars 1867, un journal parisien reproduisait une information du Mémorial d’Aix : « Un certain M. Marion, attaché à la Faculté des sciences de Marseille, vient de trouver sur la colline des Pauvres, tout près d’Aix, dans une espèce de caverne, une statue des hommes de l’âge de pierre où il a reconnu un gisement assez considérable de silex taillés pour haches, couteaux et flèches. »

Etablir un fichier du catalogue Warman Feichenfeldt.

Archives Vollard, d’après Pratt Jonathan Pascoe, « Les comptes de Vollard » :

  • Registre des ventes, MS 421 (4,2)

42 pages, du 20 juin 1894 au 3 novembre 1897, en ordre chronologique,

nom de l’acheteur (parfois avec son adresse), artiste, technique, titre de l’œuvre et prix payé, y compris les échanges, mais pas les achats

  • Registre de caisse, MS 421 (4,3)

163 pages, du 20 juin 1894 à juin 1900, en ordre chronologique

achats, dépenses et ventes, probablement à la date où les paiements étaient effectués ou reçus, paiements échelonnés consignés au fur et à mesure

  • Mouvement des tableaux, MS 421 (4,4)
  • Registre des entrées et sorties (livre de stock A), de juin 1904 à décembre 1907

801 entrées, numérotées de 3301 à 4122 non datées, suivi de 16 entrées avec des dates,

Wildenstein Institute

  • Livre de stock B, MS 421 (4,5), de juin 1904 à décembre 1907, entrées numérotées de 3301 à 4560
  • Livre de stock C, de mars 1918 à 1922, numéros d’inventaire de 74016 à 7609
  • Inventaire, numéros 1 à 5745

Wildenstein Institute

Feilchenfeldt Walter, Warman Jayne et Nash David, The Paintings of Paul Cezanne. An online catalogue raisonnéhttp ://www.cezannecatalogue.com/exhibitions/.

Tableaux non retenus dans le catalogue en ligne de Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman, David Nash :

Paysage R 42,

Sous-bois R 56,

Crâne et bouilloire R 81,

Paysage R 84,

Pietà, d’après Titien R 143,

Pot de grès, verre, fruits et couteau R 203 (Gachet)

Nature morte au vase dit d’Urbino R 204 (Gachet)

La Faïence italienne R 205 (Gachet)

Oiseaux morts R 206 (Gachet)

Pommes et verre R 208 (Gachet)

Nature morte au médaillon de Solari R 211 (Gachet)

Tasse, verre et fruits, II R 320,

Tasse, verre et fruits, III R 321,

Trois pommes R 355,

Paysage des environs d’Aix R 884A

Le catalogue FWN rejette certains tableaux qui étaient catalogués par Rewald sans donner d’explication. La plupart sont passés par Gachet. Ce choix est vraisemblablement celui de Feilchenfeldt qui avait déjà donné ses explications en 1996, dans des commentaires  ajoutés au catalogue Rewald. Pour Feilchenfeldt, Gachet est un faussaire (opinion que partage Alain Mothe). Aujourd’hui, il ajoute quelques autres tableaux, presque tous connus seulement en noir et blanc et ne provenant pas de Gachet,  apparus tardivement et en tenant compte de l’article de Reff : « Book Reviews : The Paintings of Paul Cezanne, A Catalogue Raisonné », The Burlington Magazine, n° 1136, volume CXXXIX, novembre 1997, p. 798-802, pour rejeter R143 et R884A. Mais cette mise en cause d’autres tableaux de Gachet ou autres n’est pas générale lorsqu’ils appartiennent à de grands musées, excepté R206, qui appartient au Fogg Art Museum.

Le coup de Rondest, pour R 226, Gachet l’a aussi joué avec Murer (d’après Feilchenfedt lui-même, pour R 143).

Landais ne croit pas en l’authenticité de R 193 La Maison du docteur Gachet à Auvers-sur-Oise, ni de l’aquarelle Ra 486 Portrait de l’artiste.

Lettre de Pissarro, Eragny par Gisors, Eure, à Geffroy, 4 mars 1892 ; Bailly-Herzberg Janine (éd.), Correspondance de Camille Pissarro, tome 3, « 1891-1894 », Paris, éditions du Valhermeil, 1988, 581 pages, n° 763, p. 205.

Bailly-Herzberg Janine (éd.), Correspondance de Camille Pissarro, tome 5, « 1899-1903 », Saint-Ouen-l’Aumône, éditions du Valhermeil, 1991, 465 pages, p. 392.

Météo quotidienne à Paris, dans Le Journal,

http ://gallica.bnf.fr/ark :/12148/cb34473289x/date.r=gustave+AND+geffroy+.langFR

Au moins les œuvres suivantes de Cezanne ont appartenu à Pissarro :

Peintures à l’huile : R 179, 123, 114 ?, 162, 196, 197, 311, 307, 484, 313 ?, 371, 250, 309, 504 ?, 494, 3845, 446, 455, 302, 577 ?

Rewald John, The Paintings of Paul Cezanne. A Catalogue raisonné, en collaboration avec Walter Feilchenfeldt et Jayne Warman, volume I The Texts, New York, Harry N. Abrams, Inc., Publishers, 1996, 592 pages, 955 numéros, p. 577-578.

Aquarelles : Ra 20, 38.

John Rewald, Les Aquarelles de Cezanne, catalogue raisonné, p. 483.

Dessins : C 143, 159, 181, 201, 202, 203, 204, 298, 300, 301, 758.

Chappuis Adrien, The Drawings of Paul Cezanne, A Catalogue raisonné, 2 volumes, New York Graphic Society, Greenwich, 1973.

Léonce Bénédite, conservateur du Luxembourg, racontera, au sujet de Portier, que « C’était un petit homme que l’on voyait toujours courant avec des toiles sous le bras et ces toiles étaient des Corot, surtout des Corot d’Italie qui ne se vendaient pas encoretrès bien, des Sisley, des Pissarro ou des Guillaumin, quelques Mancini, un peintre italien qui fit de belles figures et ne les vendait pas, des Cezanne quelquefois et aussi des Van Gogh qui habitait dans sa maison, rue Pigalle, et dont le frère était vendeur chez Goupil. C’était une belle figure, il aimait la peinture et était d’une intégrité parfaite. Très modeste, il s’effaçait partout. Il se contentait dans ses affaires d’un gain médiocre et il rendit service à beaucoup d’artistes qui lui conservèrent leur amitié jusqu’à sa mort. »

Sophie Monneret, L’Impressionnisme et son époque, notice sur Portier. Sans doute d’après Bénédite Léonce, Albert Lebourg, Paris, éditions des galeries Georges Petit, 1923, 412 pages. À voir, j’ai.

Gimpel René, Journal d’un collectionneur marchand de tableaux, préface de Jean Guéhenno, Paris, Calmann-Lévy, 1963, 500 pages, p. 189-190. « 14 juin 1921 — Caro-Delvaille et la peinture moderne […]

Caro me montre sur des Cezanne de belles couleurs, puis des noirs incompréhensibles, des trous comme il dit, des trous que des maîtres irréprochablement grands ne feraient pas. Je demande à Caro comment il explique des manques de perspective. « C’était un incomplet, répondit-il, Vollard l’a bien décrit dans son livre. J’ai connu Cezanne, il venait au Salon, il avait l’air d’un petit vieux de province, affreusement bourgeois. Élie Faure m’a raconté des histoires inouïes de lui : son fermier à la campagne lui dit : « J’ai une fille très bien, vous devriez la peindre. — Amenez-la-moi. » Le père vient avec elle et celle-ci, physiquement précoce, est la fille aux beaux tétons. Cezanne est pris d’un tremblement nerveux, se précipite vers son cellier dont la porte est fermée, mais par terre traîne une hache dont il se saisit, il brise la porte et s’enfonce dans le noir. Autre histoire d’Élie Faure : Cezanne, toujours à la campagne, avait un cocher auquel il disait : « Allons par ici. » Le cocher répondait : « Aujourd’hui, non, je veux aller par là. » Et il conduisait le peintre où cela lui plaisait. »

Caro termine ainsi : « Mais c’était un homme plein d’humilité, il est venu à son heure, il était nécessaire qu’il vînt ; il a apporté sa pierre ; son école ne vaudra pas plus qu’aucune autre école n’a valu, mais le rayonnement de l’homme sera grand. Il a eu du génie sans le savoir. »

Mme Gasquet raconta à Gerstle Mack comment Cezanne, devenu vieux, lui demandait de jouer au piano les ouvertures à’Obêron ou du Freischutz, Mais géné­ralement, avant qu’elle ait pu les terminer, son auditeur s’endormait, de sorte qu’elle était obligée de jouer fortissimo les derniers accords afin de le réveiller et de le sauver d’embarras.

Barr, lettres de Marion à Morstatt

À voir :

Mémoire de maîtrise de Marie-Anne Duperrey Bourdier, Francisco Oller peintre portoricain (1833-1917), Paris IV, octobre 1984.

Paul Alexis, « Aux peintres et sculpteurs », L’Avenir national, 5 mai 1873, p. 2.

Silvestre Armand, « Chronique des beaux-arts : Une Société coopérative », L’Opinion nationale, janvier 1874.

L’Evénement, sur la Société anonyme coopérative, janvier 1874, d’après la lettre de Monet du 27 janvier 1874.

Bernex G., « Solari », Méditerranée, septembre 1911.

Aurenche L., « Lettre », Tablettes d’Avignon et de Provence, décembre 1932.

Camoin C., « Lettres », Les Soirées de Paris, 1904, n° 2.

Gasquet Joachim, « Cezanne à l’atelier », L’Amour de l’art, octobre 1921, p. 330-335 (j’ai).

Gasquet, « Cezanne aux mendicants », Feuillets d’art, recueil de littérature et d’art contemporain, I, n° 4, 1921, p. 19-20, 42.

Le Goaziou Alain, Le Père Tanguy, 1951.

Maglione André, Monticelli intime, de 1871 à sa mort, Marseille, imprimerie Barlatier, 1903, 14 pages.

Nicollas V., Achille Emperaire, 1953.

Giniès Louis, « Une curieuse figure aixoise. Le menuisier H. Cauvet », Le Feu, juillet 1932, p. 143-144

Provence Marcel, « Cezanne chrétien », La Revue des lettres, décembre 1924.

Jourdain Francis, « À propos d’un peintre difficile », Arts de Francerevue mensuelle des arts plastiques, n° 5, 1946.

Candide [Joseph Ravaisou], Le National, 30 décembre 1906.

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Authié, Le Corsaire, 25 avril 1872.

Vente, Sotheby’s, Londres, 1er décembre 1982, n° 8, illustré pour R 79 (je crois l’avoir).

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Champsaur Félicien, « Nina de Villars », L’Événement, 25 juillet 1884.

L’Événement, 19 juillet 1881.

« Cezanne a habité 15, quai d’Anjou », Beaux-Arts. Le Journal des arts, n° 291, 29 juillet 1938.

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Le Blond-Zola Maurice, « Zola et Cezanne », L’Ordre, 7 avril 1939, p. 125-126.

Guyon-Verax (Xavier Roux ?), « L’exposition Cezanne », Le Journal des artistes, 14 janvier 1900.

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Asselin Henry, Le Chroniqueur mondain, 26 octobre 1905.

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Mauclair Camille, « La peinture et la sculpture au Salon d’automne », L’Art décoratif, n° 87, décembre 1905, p. 225-228, Cezanne p. 228 et 232.

Mauclair Camille, « La jeune peinture française et ses critiques », La Revue, XXXIV, 15 décembre 1905.

Lancien P., « Réflexions sur le Salon d’automne », La Rénovation esthétique, novembre 1905, p. 21.

Lettre de Redon à Dries Bonger, 18 décembre 1905 ; Lettres d’Odilon Redon 1878-1916 publiées par sa famille, préface de Marius-Ary Leblond, Paris, Bruxelles, librairie nationale d’art et d’histoire G. van Oest & Cie, 1923, 143 pages, p. 69-70.

Veber Pierre, New York Herald, 5 octobre 1906

De Bettex, La République française, 5 octobre 1906

Charles Étienne, La Liberté, 7 octobre 1906

Journal de Monaco, 30 octobre 1906

Le Soleil, 25 octobre 1906

Ferry René-Marc, L’Éclair, 25 octobre 1906

Le Soleil, 25 octobre 1906

Royère Jean, « Sur Paul Cezanne », La Phalange, 15 novembre 1906, p. 375-382.

Fülep Lajos, Müvészet [Art]15 juin 1907 (repris dans de Tolnay Charles, « Acta historiæ artium Academiæ Scientiarum Hungaricæ, Budapest, tome XX, fascicules 1-2, 1974, p. 103-124, p. 108, 115.

de Beaumont Jean, Les Tablettes marseillaises, 28 octobre 1906.

Fagus, La Revue des beaux-arts, 11 novembre 1906

Bulletin de l’art ancien et moderne, 3 novembre 1906

Journal de Monaco, 30 octobre 1906

Candide [Joseph Ravaisou], Le National, 28 octobre 1906.

Candide [Joseph Ravaisou], Le National, 30 décembre 1906.

Mauclair Camille, « La crise de la laideur en peinture », Revue, 15 décembre 1906.

Catalogue du Salon des Artistes français, 1895, sur Oller, El Velorio (The Wake), n° 43 du catalogue de l’exposition.

Catalogue du salon des refusés 1875, sur Oller.

Mauclair Camille, « Notes sur la vente Duret », Journal des artistes, 1er avril 1894, p. 521-522.

Poursuivre la suppression des ; dans les références à partir de p. 436, 1874.

Vérifier Zola Émile, Correspondance. Lettres de Jeunesse, Paris, Bibliothèque-Charpentier.

Transcrire Zola Émile, « Causerie », La Tribune, 28 juin 1868.