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Chapitre II

La figure humaine dans l’ensemble de l’œuvre de Cezanne

Où et comment trouve-t-on la figure humaine dans l’œuvre de Cezanne ? Trois thèmes se présentent spontanément à l’esprit : les portraits, les baigneurs et baigneuses, et diverses scènes de genre comme les scènes de violence, les scènes érotiques et les parties de campagne. Mais il existe bien d’autres thématiques moins fréquentes faisant intervenir la figure humaine, comme les académies, les copies d’œuvres d’autres artistes (peintures et sculptures), etc.

A partir du corpus exhaustif examiné au chapitre précédent, nous extrayons donc un sous-corpus des œuvres faisant intervenir un ou plusieurs personnages, pour servir de base à nos analyses.

Est considérée comme appartenant à ce sous-corpus même la caricature la moins élaborée et réduite à un ou deux traits, dès lors qu’elle est censée représenter un visage ou la silhouette d’un personnage. Cezanne en a commis un certain nombre à la valeur esthétique nulle ou discutable. Mais comme il s’agit déjà d’une représentation de la figure humaine, elle relève de notre champ de recherche, ne serait-ce que parce que faisant nombre, elle signifie au moins que Cezanne a porté son attention sur le sujet représenté. Cela n’exclut évidemment pas le fait que nous devrons cependant tenir compte dans certaines analyses du degré de finition des œuvres, pour ne pas nous livrer à des biais classiques en matière de statistiques : dire que le QI moyen des deux individus donnés est de 100 alors que l’un plafonne à 75 et que l’autre se situe à 125 n’a pas plus de sens que, dans certains cas, de considérer une simple ébauche comme équivalente à un croquis soigneusement élaboré lorsqu’il s’agit d’en tirer des conclusions quant aux intentions de l’auteur.

Dans un souci d’exhaustivité, nous conservons dans notre corpus les 26 dessins de corps sans tête et les 93 dessins purement anatomiques portant sur une partie très limitée du corps[1]épaule (5), bras (21), main (35), doigt (6), jambe (18), pied (8), nez (1), oreille (5). Parmi celles-ci, une étude porte à la fois sur le bras et l’épaule et 5 sur le bras et la main. Seule exception : les 22 études de crânes restent classées dans les natures mortes où se trouve leur place naturelle, mais nous ne nous interdirons pas de les rattacher à l’occasion à telle étude de détail à l’intérieur du corpus de la figure humaine (bien qu’il soit difficile de leur attribuer un sexe…)..

Avant toute analyse de détail, l’objet de ce chapitre est de prendre la mesure de l’importance numérique du thème de la figure humaine par rapport à l’œuvre globale et aux principaux autres thèmes que sont les paysages et les natures mortes.

I.     PLACE DES HUMAINS DANS L’ŒUVRE GLOBALE

1.    Les humains occupent la première place dans l’œuvre de Cezanne

Sur les 4210 images du corpus, on peut distinguer 6 catégories[2]Par souci de clarté dans la suite de ce chapitre et des chapitres suivants, on réserve ce mot de « catégorie » pour les 6 niveaux d’organisation du corpus indiqués ici. Les divers sous-niveaux d’organisation d’une catégorie seront appelés des « thèmes ». Par exemple, dans la catégorie « Humains », on distinguera les thèmes du portrait, de l’étude de nu, etc., voir au chapitre suivant. :

  • 1096 paysages, dont 26 comportent une figure humaine ;
  • 399 natures mortes, dont 24 comportent une figure humaine. Nous incluons dans les natures mortes les 22 représentations du crâne (cf note 30 page précédente) ;
  • 112 dessins représentant des objets isolés (lampe, chaise, vêtement, draperie, etc.). Exceptions : les fruits isolés (rares) sont comptés dans les natures mortes, de même que certains objets isolés placés dans un contexte élargi : table, mur de fond… avec un degré de finition qui en font une étude suffisamment achevée pour mériter le qualificatif de nature morte ;
  • 74 dessins et 1 peinture ayant pour sujet exclusif un ou plusieurs animaux ;
  • 26 dessins dont le sujet n’a pas pu être identifié ;
  • 2552 œuvres mettant en scène des humains, qui constituent la catégorie « Humains » sur laquelle nous allons essentiellement travailler.

Fig. 1

Fig. 1. Répartition de l’œuvre de Cezanne par catégories

Premières constatations :

  • les deux tiers de la production cezannienne portent sur la figure humaine, ce qui démontre son intérêt dominant pour cette catégorie ;
  • pour une nature morte, on compte près de trois paysages et près de six œuvres représentant des humains. Cela peut surprendre lorsqu’on se rappelle que ce sont surtout ses paysages et ses natures mortes que retiennent le plus souvent les amateurs et le public, exception faite du thème des baigneurs et de quelques portraits, lesquels sont d’ailleurs loin d‘épuiser, comme on le verra, les représentations des humains dans son œuvre.

2.    La part des humains varie en fonction des médias

En réalité, cela n’a rien de surprenant si l’on se rappelle qu’une moyenne trop générale rend invisible une réalité beaucoup plus nuancée. C’est ainsi que si l’on ventile les principales catégories par type de média[3]Dans ce qui suit, par souci de simplicité, on se limitera à la mise en perspective de la catégorie des humains par rapport aux deux autres catégories dominantes, paysages et natures mortes, les autres catégories étant largement minoritaires (6 % du total) et n’ayant quasiment pas d’influence statistique sur la situation du corpus des humains par rapport au corpus global. De même, on ne tient pas toujours compte des 3 eaux-fortes et des 5 lithographies dans les comparaisons portant sur les différents médias, leur nombre très limité n’ayant aucune influence sur les proportions ou les tendances observées., on constate que le sentiment du grand public se retrouve davantage en cohérence avec la répartition des œuvres peintes, qui sont pratiquement les seules auxquelles il a accès ; en peinture en effet, pour une nature morte, on trouve deux paysages et deux toiles peuplées d’humains (dont essentiellement baigneurs et portraits, comme on le verra au chapitre suivant) :

Fig. 2

Fig. 2. Ventilation des différents thèmes selon les types de médias.

Un troisième constat s’impose : les catégories privilégiées par Cezanne varient énormément d’un média à l’autre ; si le dessin privilégie de façon écrasante la figure humaine au détriment du reste, l’aquarelle au contraire se consacre majoritairement au paysage, alors qu’en peinture la nature morte est quelque peu revalorisée, paysages et humains s’équilibrant.

Quatrième constat : par rapport aux deux autres, la catégorie « Humains » est globalement majoritaire à la fois dans les dessins et les peintures, et reste encore en seconde position dans les aquarelles, avant les natures mortes.

Fig. 3

Fig. 3. Ventilation des principaux thèmes par type de médias

Cinquième constat : plus des trois quarts des œuvres contenant des humains sont des dessins. En effet, il y a 5 fois plus de dessins que de peintures et 13 fois plus de dessins que d’aquarelles pour figurer des humains :

Fig. 4

Fig. 4. Ventilation de la catégorie « Humains » selon les médias

II.     LA PART DES HUMAINS DANS L’OEUVRE GLOBALE VARIE BEAUCOUP DANS LE TEMPS

Nous pourrions conclure de ce qui précède que Cezanne s’intéresse avant tout à la figure humaine dans sa production artistique. Mais paradoxalement, la présence numérique écrasante des dessins représentant des humains dans notre corpus doit nous inciter à la prudence. En effet, quand on se rappelle comment l’usage des différents médias varie au cours de sa carrière (cf. Chapitre I), une analyse diachronique de la catégorie « Humains » apparaît indispensable pour prendre la vraie mesure de son intérêt pour Cezanne, compte tenu de la disparition progressive des dessins dans la seconde partie de sa vie, et des biais susceptibles d’être introduits par les carnets de dessins.

La variation dans le temps de la production de paysages, de natures mortes et d’œuvres comportant des humains, tous médias confondus, révèle effectivement que la situation relative de chacune de ces catégories évolue selon les périodes :

Fig. 5

Fig. 5. Évolution de la production par catégories
(en nombre moyen annuel d’œuvres produites)

Ce graphique met en évidence :

  • la croissance de la catégorie « Humains » durant les trois premières périodes, avec un décollement brutal durant la période impressionniste, suivi d’une chute encore plus brutale durant la période 1882-1888, chute qui se ralentit durant la période 1888-1889 mais reprend ensuite durant les dernières années de Cezanne ;
  • l’évolution parallèle (courbes en croissance puis décroissance) de la production de paysages et natures mortes, marquée par une croissance continue sur les quatre premières périodes, puis un ralentissement progressif qui ne nous surprend pas si on se souvient que ce ralentissement est conforme à celui de la production globale de l’artiste mise en évidence au chapitre I (cf. Fig. 2)[4]ralentissement en nombre de tableaux peints et non en surface peinte comme nous l’avons montré au chapitre I en ce qui concerne la peinture.. Notons au passage la croissance particulièrement spectaculaire du nombre de paysages jusqu’à la période 1882-1888 : leur nombre triple entre 1861-1872 et 1872-1882, et croît encore de 50 % sur la période suivante.

On peut donc constater que l’intérêt de Cezanne pour le thème des humains suit des fluctuations importantes tout au long de sa vie, avec un point culminant durant la période impressionniste suivi d’un reflux important et une tendance à un moindre intérêt durant la seconde partie de sa carrière.

Ceci est confirmé par l’évolution de la part relative de chacun de ces trois thèmes les uns par rapport aux autres :

Fig. 6

Fig. 6. Évolution de la part de la catégorie « Humains » selon les périodes.

Ce graphique confirme la présence continue de la catégorie « Humains » – omniprésent au départ – durant toute la vie du peintre, bien qu’on assiste à son érosion progressive, avec le phénomène particulier des années 1882-1888[5]Ce qui confirme une fois de plus le caractère particulier de cette période dans la vie de Cezanne, déjà mis en évidence au chapitre I. où elle se trouve dépassée par celle des paysages qui prend brusquement la place principale (ce qui se produira également durant la dernière période). Il sera intéressant d’examiner ultérieurement quels types d’œuvres comportant des humains se trouvent subitement occultés durant cette période d’importants changements personnels dans la vie du peintre.

Il sera également intéressant d’examiner avec quels sujets précis (et quels médias) cette catégorie redevient globalement prédominante par rapport aux paysages et aux natures mortes durant les 11 années de la période 1888-1899.

Au passage, on peut noter la tendance inverse de Cezanne à s’intéresser de plus en plus au paysage, surtout durant la dernière période, la croissance progressive des natures mortes étant également à noter, bien qu’elle soit beaucoup plus lente et limitée et demeure constamment minoritaire.

III.     LE DESSIN TIENT UNE PLACE ESSENTIELLE DANS CETTE ÉVOLUTION

L’importance numérique des dessins dans l’évolution de la catégorie « Humains » fait courir un danger de biais dans les analyses précédentes, comme nous l’avons déjà signalé. Pour fiabiliser celles-ci, il convient donc de vérifier que cette importance numérique ne fausse pas la courbe illustrée par la Fig. 5 ci-dessus.

Pour cela, nous allons mettre en parallèle l’évolution de chaque média et sa contribution à la courbe globale en examinant comment le dessin se situe par rapport à la peinture et à l’aquarelle et en vérifiant que les différences de celui-là par rapport à ceux-ci ne peuvent pas être interprétées comme des biais.

1.    Le dessin conditionne l‘évolution de la catégorie des humains

Le graphique suivant reprend la courbe de la production globale d’œuvres liées à la catégorie des humains de la Fig. 5 ci-dessus et met en exergue ses trois composantes par type de médias :

Fig. 7

Fig. 7. Importance des dessins dans la catégorie « Humains »

Il apparaît clairement que l’évolution des dessins (courbe orange) conditionne fortement l’évolution de la catégorie « Humains » (courbe en rouge) dont ils constituent, comme on l’a vu, le média favori. Peintures et aquarelles n’interviennent donc que peu dans cette évolution, et notamment dans la diminution des œuvres à partir de 1888 jusqu’à la fin, qui tient d’abord à la diminution des dessins qui lui sont consacrés.

Le score élevé de 1856-1861 peut être dû à la surreprésentation des dessins en première période du fait de CJ1 et Cj2 (cf. Chapitre I) et nous fait soupçonner un certain « gonflement » de l’importance des humains durant les années 1856-1861 par rapport à ce qu’a pu être la réalité. Cela devra nous rendre prudents dans les analyses de détail impliquant les dessins cette période.

En revanche, la chute du nombre des dessins de la catégorie « Humains » dans la période 1882-1888 est beaucoup plus forte que la réduction du nombre global de dessins tel qu’il apparaît à la Fig. 2 du chapitre I, et ceci est d’autant plus frappant que durant cette période, on constatait à nouveau sur l’ensemble de l’œuvre de Cezanne une certaine surreprésentation des dessins issus de carnets. Cette chute de la catégorie « Humains » en 1882-1888 est donc bien réelle et ne peut être attribuée au seul poids des dessins dans l’œuvre globale du peintre.

On peut vérifier a contrario le rôle du dessin dans l’évolution de la présence des humains dans l’œuvre cézannienne en le comparant à celui des peintures et aquarelles :

Fig. 8

Fig. 8. Évolution de la catégorie « Humains » dans les peintures et aquarelles.

On constate que :

  • les peintures et aquarelles accompagnent tout à fait jusqu’à la période impressionniste l’accroissement de la catégorie dû pour l’essentiel aux dessins[6]la première période faisant exception par son score déjà élevé, mais dont nous venons de voir qu’il peut être attribué à la surreprésentation des dessins dans le corpus jusqu’en 1861.. L’intérêt de Cezanne pour la figure humaine a donc effectivement été croissant durant toute la première partie de sa carrière, quel que soit le média ;
  • la période 1882-1886 casse cette tendance générale par une rupture violente non seulement dans la production de dessins, mais aussi de peintures et d’aquarelles, ce qui nous permet finalement d’exclure l’hypothèse d’un biais introduit par les dessins, et confirme une fois de plus le caractère particulier de cette période dans la vie de Cezanne ;
  • la période 1888-1899 marque un renouveau de la catégorie « Humains » dans la peinture, alors qu’elle demeure en légère régression dans les dessins (ce qui était attendu) et les aquarelles : il faudra examiner quels types d’œuvres produisent ce retour aux figures humaines en peinture ;
  • alors que dans les dernières années les humains disparaissent pratiquement des dessins et décroissent dans la peinture, c’est dans l’aquarelle qu’ils maintiennent leur présence ultime.

En conclusion, en dehors de la première période où il est légitime de soupçonner une surreprésentation des dessins dans cette catégorie, les observations faites sur les autres périodes ne mettent jamais en évidence un biais que l’on pourrait attribuer aux dessins et qui pourrait remettre en cause la validité du profil d’évolution des œuvres portant sur les humains mise en évidence dans la Fig. 5.

______________

On pourrait s’en tenir à cet examen du rôle du dessin dans l’évolution de la catégorie « Humains », mais il nous paraît utile d’examiner également comment le dessin se situe par rapport à la peinture et à l’aquarelle dans l’évolution de la production de paysages et de natures mortes, de façon à faire ressortir les originalités éventuelles du traitement des humains par le dessin.

2.    Le dessin influence à la marge l‘évolution de la catégorie « Paysages »

Le graphique suivant reprend la courbe de la production de paysages de la figure 5 et met en exergue ses trois composantes par type de médias :

Fig. 9

Fig. 9. Évolution de la contribution des médias à la catégorie « Paysages »

Les paysages présentent des particularités importantes par rapport à la catégorie des « Humains » :

  • l’évolution se fait régulièrement sur les trois médias dans la phase de croissance continue jusqu’à la fameuse période 1882-1888 qui marque l’apogée des « Paysages », contrairement à la rupture brutale de la catégorie « Humains » à cette époque. L’usage du dessin se singularise ici à la fois par rapport à l’évolution globale de ce média vue au chapitre I et à sa contribution à la catégorie des humains vue ci-dessus, ce qui accentue le caractère significatif du paysage au cours de cette période ;
  • la phase de décroissance dans les deux dernières périodes est assez contrastée selon les médias : si la production de dessins s’effondre (tendance classique déjà rencontrée plusieurs fois), celle des peintures se stabilise à 60 % de son niveau de 1882-1888, alors qu’au contraire la production d’aquarelles se maintient à son niveau le plus haut.

Les points remarquables de la comparaison entre les deux catégories sont donc la substitution partielle durant la période 1882-1886 des paysages aux œuvres comportant des humains, et sur le plan des médias, la prise de relais de l’aquarelle par rapport au dessin dans le traitement de ces deux catégories. Le dessin suit donc ici une évolution qui semble naturelle et ne présente pas de biais particulier qui influerait sur les résultats observés.

3.    Le dessin n’intervient pratiquement pas dans l‘évolution de la catégorie « Natures mortes»

Le graphique suivant reprend la courbe de la production de natures mortes de la Fig. 5 et met en exergue ses trois composantes par type de médias :

Fig. 10

Fig. 10. Évolution de la contribution des médias à la catégorie « Natures mortes »

L’évolution de cette catégorie diffère beaucoup des deux précédentes, même si la courbe de production globale reste proche de celle des paysages :

  • la phase de croissance globale continue qui culmine, comme pour les paysages, en 1882-1888 (et non 1872-1882 comme pour la catégorie « Humains ») résulte de mouvements très différents : si les dessins connaissent une croissance régulière sur les quatre premières périodes, il n’en est pas de même des aquarelles qui s’envolent d’un seul coup en 1882-1888 (alors qu’elles n’étaient que très marginales avant 1882) et deviennent dominantes, ce qui compense l’effondrement des peintures de natures mortes après 1882. Une fois de plus, la période 1882-1888 se distingue des autres ;
  • le rapport entre aquarelles et peintures s’inverse à nouveau entre 1888-1899, les aquarelles de natures mortes connaissant une éclipse partielle alors que les peintures reprennent le dessus, tandis que les dessins poursuivent leur lente décroissance désormais classique ;
  • ultime renversement de situation dans la dernière période, les aquarelles reprenant le dessus sur les peintures de natures mortes et les dessins disparaissant.

Le dessin n’a donc pas d’influence déterminante sur la production de natures mortes, si ce n’est pour accentuer la pente des phases de croissance et de décroissance, l’essentiel du débat se situant ici entre peintures et aquarelles. Il n’y a donc apparemment pas de biais repérable dans les résultats observés qui pourraient lui être dûs.

4.    Tableau récapitulatif des principales observations faites

Profitant de l’ensemble des observations ci-dessus dont la finalité était de vérifier que le dessin ne remettait pas en cause la validité des analyse du point II du présent chapitre, on peut faire figurer dans le tableau suivant la synthèse de l’ensemble des mouvements de croissance-décroissance observés :

Fig. 11

Fig. 11. Dynamiques différentes des trois principales catégories
selon les périodes et les médias

 

CONCLUSION

Une fois précisées nos réserves concernant la représentativité de notre corpus entre 1856 et 1861 du fait de l’importance peut-être excessive des dessins durant cette période, nous pouvons admettre les conclusions suivantes :

  • la représentation des humains est largement privilégiée par Cezanne en nombre d’œuvres produites sur l’ensemble de sa carrière ;
  • les humains occupent la grande majorité des dessins, une courte majorité des peintures, mais restent secondaires dans les aquarelles ;
  • les humains connaissent une phase de croissance nette dans tous les médias durant la première moitié de la carrière du peintre, suivie d’une phase de décroissance brutale en 1882-1888, ici aussi dans tous les médias, décroissance qui se poursuit après 1888 mais de façon différenciée selon les médias ;
  • les diverses catégories, paysages, humains et natures mortes, bien qu’ayant en commun un cycle croissance – décroissance du début à la fin de la vie artistique de Cezanne, présentent des rythmes d’évolution propres dépendant de l’usage différencié par chacune du dessin, de la peinture ou de l’aquarelle. Les observations faites ici ouvrent la voie à une recherche des causes de ces différences dans l’usage de ses médias par Cezanne ;
  • la période 1882-1888 apparaît bien comme une période singulière dans les pratiques de Cezanne, en rupture à la fois avec les tendances du passé et celles des périodes suivantes, qu’il s’agisse du choix de ses sujets ou de ses médias privilégiés. Elle méritera un examen approfondi.

 

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Références

Références
1 épaule (5), bras (21), main (35), doigt (6), jambe (18), pied (8), nez (1), oreille (5). Parmi celles-ci, une étude porte à la fois sur le bras et l’épaule et 5 sur le bras et la main. Seule exception : les 22 études de crânes restent classées dans les natures mortes où se trouve leur place naturelle, mais nous ne nous interdirons pas de les rattacher à l’occasion à telle étude de détail à l’intérieur du corpus de la figure humaine (bien qu’il soit difficile de leur attribuer un sexe…).
2 Par souci de clarté dans la suite de ce chapitre et des chapitres suivants, on réserve ce mot de « catégorie » pour les 6 niveaux d’organisation du corpus indiqués ici. Les divers sous-niveaux d’organisation d’une catégorie seront appelés des « thèmes ». Par exemple, dans la catégorie « Humains », on distinguera les thèmes du portrait, de l’étude de nu, etc., voir au chapitre suivant.
3 Dans ce qui suit, par souci de simplicité, on se limitera à la mise en perspective de la catégorie des humains par rapport aux deux autres catégories dominantes, paysages et natures mortes, les autres catégories étant largement minoritaires (6 % du total) et n’ayant quasiment pas d’influence statistique sur la situation du corpus des humains par rapport au corpus global. De même, on ne tient pas toujours compte des 3 eaux-fortes et des 5 lithographies dans les comparaisons portant sur les différents médias, leur nombre très limité n’ayant aucune influence sur les proportions ou les tendances observées.
4 ralentissement en nombre de tableaux peints et non en surface peinte comme nous l’avons montré au chapitre I en ce qui concerne la peinture.
5 Ce qui confirme une fois de plus le caractère particulier de cette période dans la vie de Cezanne, déjà mis en évidence au chapitre I.
6 la première période faisant exception par son score déjà élevé, mais dont nous venons de voir qu’il peut être attribué à la surreprésentation des dessins dans le corpus jusqu’en 1861.