Cézanne, Pyramide de crânes, huile sur toile, 39 x 46 cm (collection Feichenfeldt, Zurich).

Alain Paire

Peu de gens en ont conscience ou bien souvenir, presque personne n’en parle … Les Aixois et les amateurs d’art ont préféré refouler des événements qui ne sont pas glorieux : l’été de 1961 fut pour l’oeuvre de Cézanne et pour le destin des musées d’Aix-en-Provence une saison dévastatrice ! En ce temps-là, Henry Mouret était maire d’Aix-en-Provence depuis 1945. Son conseiller municipal chargé de la culture, l’avocat Jacques Raffaelli voulait faire du Pavillon de Vendôme un pôle d’attraction majeur pour les touristes et le public du Festival d’art lyrique. Le peintre et lithographe  Léo Marchutz fut le conseiller scientifique de chaque nouvelle exposition. Cette politique de grand prestige semblait pouvoir réussir, Cézanne, Van Gogh et Matisse furent les sujets des premières expositions programmées au Pavillon.

Inaugurée pendant la soirée du 30 juin 1961, une exposition du Pavillon de Vendôme, de nouveau consacrée à Paul Cézanne, interrompit définitivement ce rêve. Un fait-divers tout à fait consternant suscita brusquement une marée montante d’émotions et de reportages : pendant la nuit du samedi 12 août et du dimanche 13 août, vraisemblablement aux alentours de deux ou trois heures du matin, des cambrioleurs avaient été assez agiles pour franchir promptement le mur d’enceinte du jardin du Pavillon de Vendôme.

Pour atteindre l’étage de l’édifice,les malfaiteurs s’étaient servis des grilles du rez-de chaussée. Ils s’étaient hissés jusqu’à la corniche, ils entrèrent dans le monument par la première fenêtre à gauche. Accéder au premier étage de l’ancienne demeure de Louis de Mercoeur n’était pas compliqué, la sécurité garantie par l’institution était parfaitement dérisoire. Il suffisait de décrocher et d’emporter des tableaux sommairement pendus au bout de longues tringles.

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Mme Jacqueline Martial-Salme, dans la pièce du Pavillon de Vendôme où les huit toiles furent volées, cliché studio Henry Ely.

La photographie de Jean Ely est terriblement éloquente. On s’interroge, on se demande vers quoi pouvaient se tendre les mains de la conservatrice du Pavillon de Vendôme. Jacqueline Martial-Salme est curieusement souriante, notre regard s’attarde sur les fleurs de sa robe ou bien sur l’ombre de sa silhouette. Les murs du Pavillon ont été déshabillés, huit toiles du maître d’Aix viennent de disparaître ! Pour se déniaiser, il était malheureusement trop tard. Aucun signal d’alarme ne fut déclenché. Ensommeillé au rez-de-chaussée, le gendarme « doté d’une mitraillette », le gardien de nuit qu’il aurait fallu poster au premier étage, n’avait pas réagi.

Tout semblait calme pendant cette nuit d’été : les visites nocturnes du samedi s’étaient comme de coutume terminées à vingt-trois heures. Rentrée à minuit trente d’une soirée passée chez des amis, la conservatrice du Pavillon ainsi que son mari qui logeaient au second étage, n’avaient rien pu imaginer et n’avaient rien perçu, lorsqu’ils passèrent par le petit escalier dérobé qui leur permettait de rejoindre leur appartement de fonction, sans devoir passer par les pièces du monument. Pas de vitre brisée, aucune porte forcée. Le forfait fut découvert à neuf heures du matin, pendant que les personnes chargées de l’entretien s’occupaient de faire le tour des salles.

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L’arrivée des tableaux au Pavillon, cliché studio Henry Ely.

Il faut tenter de percevoir le contexte et le déroulement d’une exposition programmée dans le sud de la France, au début des années soixante. Il faut imaginer le peu de précaution, les usages et l’amateurisme en vigueur pendant cette époque déja lointaine. Les tableaux avaient été rassemblés le 24 juin, le travail débuta pendant une après-midi de samedi ; une seconde photographie du studio Ely apporte toutes sortes de précisions. Par rapport au monde d’aujourd’hui, l’écart est immense. Quand on songe aux enjeux et aux dangers encourus, on a rétrospectivement le sentiment de baigner dans une atmosphère de complète irréalité.

Des oeuvres viennent de la Suisse, de l’Autriche, des Pays-Bas et des Etats-Unis, des procédures de dédouanement et des vérifications se sont déroulées. On aperçoit plusieurs caisses de tableaux qu’on ouvrira à l’extérieur du Pavillon, dans l’ombre du grand tilleul et du petit escalier de pierre proches de la rue de la Molle. Sur cette photographie, pendant ce moment de déballage, il n’y a pas un seul policier qu’on puisse identifier. Sur la droite, on reconnaît Jacqueline Martial-Salme. Quelques hommes en bleu de travail, en short ou bien en marcel s’affairent gentiment, des officiels comme Jacques Raffaelli et Léo Marchutz surveillent l’opération. La légende de ce document mentionne la présence parmi ces personnes de John Rewald, je ne suis pas parvenu à le situer dans ce groupe. D’après d’autres documents qui figurent parmi les archives du Pavillon, on sait que depuis le Louvre, Sylvie Beguin avait accompagné le transport des Joueurs de cartes. Un première toile apparaît, personne n’a pris des gants blancs pour se saisir du cadre. Ce tableau est de ceux qui seront emportés par les voleurs : il s’agit du portrait de Marie, la soeur de Cézanne, une toile de format 55 x 38 cm prêtée par le City Art Museum of St Louis.

Cette exposition Cézanne était programmée jusqu’au 15 août : quelques jours avant le cambriolage, il fut décidé qu’elle serait prolongée jusqu’au 27 de ce mois. Pour l’accueil du public, à côté des ouvertures quotidiennes entre 10 h et 12 h 30 et 15 h / 19 h 30, trois soirs par semaines, il y avait des nocturnes entre vingt-et-une heures et vingt-trois heures. Consultables dans les archives du Pavillon, les comptes terminaux de l’exposition font apparaître des résultats et un budget qu’on peut trouver modestes, quand on songe aux chiffres qu’il faut aligner aujourd’hui pour élaborer de grands expositions muséologiques. On dénombra un total de 23.607 visiteurs, 1.910 catalogues furent vendus, 482 affiches qui reproduisaient l’aquarelle de la Nature morte avec bouteille, sucre et pommes du musée de Vienne furent emportées. Les recettes  furent estimées à 79.352 francs. Un déficit fut enregistré, cette somme ne permettait pas de couvrir les frais d’assurance, le gardiennage, les transports et la préparation de l’exposition, estimés 95.205 francs.

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Paysage avec Tour César, huile sur toile, 1895, 73 x 92 cm,  collection Musuem Boijmans, Van  Buningen.

Quand on consulte la presse locale, Le Provençal et Le Méridional, on découvre en pages intérieures une série d’articles maigrichons, pas toujours accompagnés de photographies : on appréhende le peu d’échos suscités par cette exposition, avant que ne survienne le cambriolage. Dans les pages aixoises ou bien sur « la Une » de ces journaux où  sont par ailleurs légitimement évoqués les décès d’Hemingway (le 3 juillet) et de Louis-Ferdinand Céline (le 5 juillet), le Festival d’Art lyrique est beaucoup mieux traité que Cézanne : on mentionne davantage les personnalités du monde de la musique présentes à Aix pendant le mois de juillet, Teresa Stich Randall, Tereza Berganza et Jean-Pierre Rampal. L’initiative fomentée autour de Cézanne n’était pourtant pas isolée, d’autres événements pouvaient attirer l’attention des visiteurs épris de peinture. Dans une rue de la vieille ville, la librairie-galerie Sources présentait des peintures d’Emile Bernard ; sur le Cours Mirabeau, la galerie Lucien Blanc exposait des tableaux fauves d’Henri Manguin pendant que Tony Spinazzola réunissait des coqs et des peintures d’Edouard Pignon. Au musée Granet, Louis Malbos  avait conçu un ensemble qu’il intitulait De David à Géricault. A quoi pouvait s’ajouter trente kilomètres plus loin, au musée Cantini de Marseille, une autre exposition tout à fait mémorable, consacrée à Edouard Manet : avec une merveilleuse affiche, l’énigmatique portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes.

Cantini_Manet 


A l’origine de l’exposition Cézanne du Pavillon de Vendôme, il  y avait principalement le musée de Vienne, à cette époque dirigé par Fritz Novotny (1903-1983) qui rédigea la préface du catalogue. Léo Marchutz (1903-1974) était dans Aix la personne la plus compétente et la mieux exercée pour réaliser un accrochage de fine qualité. Les organisateurs n’avaient pas pu faire aussi bien qu’en 1956, lorsque le cinquantenaire de la mort du peintre fut célébré dans les espaces du Pavillon. Du 21 juillet au 15 août 1956, soixante-six tableaux et une vingtaine d’aquarelles avaient été réunis : entre autres, Environs de Gardanne, Les Marroniers du Jas de Bouffan, Pigeonnier à Bellevue, La Citerne dans le parc de Château Noir, La Femme à la cafetière, Le Garçon au gilet rouge, le Portrait de Joachim Gasquet et deux Autoportraits.

Cette fois-ci, en 1961, dix-neuf dessins pour la plupart issus de la collection d’Adrien Chappuis, autant d’aquarelles et vingt-deux tableaux du maître d’Aix avaient été rassemblés. Puisqu’on y rencontrait, comme montré plus bas, une oeuvre de 1866, Pain et gigot  d’agneau, ainsi que la Pyramide de crânes qui ouvre cet article,  j’ose affirmer que rien que pour deux toiles comme ces deux-là, l’exposition était passionnante ! Au rez-de-chaussée du Pavillon – encore une fois, c’était l’endroit où se postait pendant la nuit le gendarme chargé de la sécurité – comme l’indique un article de Jean Leymarie publié le 4 août 1961 dans le Journal de Genève, on avait installé des panneaux qui évoquaient le milieu familial, les amitiés, les modèles et l’évolution de l’artiste ainsi qu’une grande reproduction en noir et blanc de la photographie de Cézanne devant les Baigneuses, l’image prise par Emile Bernard en mars 1904.

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Le portrait du père de Cézanne, une toile que les voleurs n’emportèrent pas. Cliché studio Henry Ely.

Après quoi, on gravissait l’escalier à double révolution du Pavillon de Vendôme. Dans la première pièce, à droite de l’escalier, on trouvait accrochés simultanément le portrait du père de l’artiste lisant l’Evénement ainsi que les tableaux qui furent dérobés. Comme le montre la troisième photographie du studio Ely, les malfaiteurs ne semblent pas avoir été séduits par l’encombrant format du portrait du banquier Louis-Auguste Cézanne : ils le laissèrent au-dessus de la cheminée. Dans une seconde pièce à droite, maintenue dans la pénombre, on découvrait les dessins et les aquarelles de Cézanne.  Ensuite, c’est toujours le récit de Jean Leymarie, « prennent place… quatorze panneaux exceptionnels. Sur le mur latéral s’échelonnent plusieurs motifs du Jas de Bouffan, l’Estaque, de Bellevue, et isolé sur un panneau, près de la porte, le Moulin près de la Couleuvre à Pontoise, venu des galeries de Berlin-est et non revu en France depuis la rétrospective de Paris en 1936 ». Sur les murs transversaux, voici la Vue de Gardanne du musée de Brooklyn et deux esquisses des Baigneurs et des Baigneuses. Entre les deux fenêtres, Léo Marchutz avait installé les Joueurs de cartes, le Portrait de Victor Chocquet assis et les Trois Crânes.

Le désarroi fut grand, on était au bord d’une catastrophe dont le souvenir ne se serait jamais éteint. Parmi les oeuvres emportées par les malfaiteurs, figurait les Joueurs de cartes de la collection du musée du Louvre. A quoi s’ajoutaient des pièces qui n’ont pas de prix : deux oeuvres de jeunesse, Marie Cézanne, la soeur de l’artiste et Nature morte, pain et gigot d’agneau, la Nature morte à la théière qui appartient au musée de Cardiff, ainsi qu’un Paysage avec la Tour César qui sortait rarement d’une collection particulière. Les trois derniers tableaux étaient de grande importance : un paysage, Reflets dans l’eau, ainsi qu’un Paysan assis qui appartenait à un collectionneur privé. Il eut pour compagnon d’infortune la Vanité de la Pyramide de crânes, issue de la collection zurichoise de Marianne Feichenfeldt (une pièce qui voyagea rarement, le n°212 du catalogue de l’exposition Cézanne du Grand Palais de Paris,1996).

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Nature morte, pain et gigot d’agneau, huile sur toile, 1866, 27  x 35 cm, Kunsthauss, Zurich.

D’après les articles de la presse régionale que j’ai pu consulter, pendant l’automne et l’hiver de 1961, tous les propriétaires, excepté le musée du Louvre, avaient été dédommagés par les compagnies d’assurance suisses ou autrichiennes qui furent contraintes de verser d’importantes sommes. Cet argent fut rétrocédé par les musées et les collectionneurs privés, puisqu’au terme de transactions plus ou moins opaques effectuées entre les voleurs, le ministère de la Culture, la police et les compagnies d’assurances, les huit toiles de Cézanne furent restituées, moyennant rançon. Les menaces des bandits s’étaient redoutablement précisées : si l’argent n’était pas versé, les toiles seraient tout simplement détruites. Ces Pieds Nickelés avaient un réel pouvoir de nuisance, le chantage fut efficace, la négociation fut assez féroce, les bribes du récit sont conformes aux scénarios qu’on retrouve dans les films et les romans.

Un coup de téléphone anonyme signala à la Police Judiciaire de l’Archevêché, le lundi 11 avril 1962, le stationnement d’une Peugeot 404 de couleur verte, pas très loin de la Joliette et de la place Marceau, dans le troisième arrondissement de Marseille, en bordure du trottoir du 80 de l’avenue Camille Pelletan. La 404 verte avait été volée quelques jours auparavant, dans la nuit du 3 au 4 avril, à son propriétaire M. Giner qui habitait le 90 de l’avenue des Chartreux. L’immatriculation de la voiture avait été maquillée et modifiée, la glace de la portière gauche était brisée. Les huit tableaux étaient dans l’arrière du véhicule. Ils n’avaient plus de cadre ni de chassis, ils étaient sommairement enfermés dans des classeurs et des cartons d’emballage. La mauvaise farce connaissait un bon dénouement : à quelques égratignures près, les toiles de Cézanne étaient intactes !

Chocquet

Portrait de Victor Chocquet, huile sur toile, 1880, 46 x 38 cm, Columbus Museum of art.

Léo Marchutz dont la demeure permanente était une maison proche de Château Noir, avait été requis à Marseille, quelques jours avant cette restitution. Il fut chargé d’expertiser les tableaux ; il evalua les éventuelles dégradations qu’ils avaient pu subir et s’assura qu’un faux ne s’était pas glissé parmi les oeuvres qui venaient d’être récupérées. Dans un extrait de la correspondance de Marchutz avec son ami l’historien de l’art Albert Chatelet, voici ce qu’on peut lire, le 16 avril 1962 : « L’état des oeuvres est – vu les circonstances parfait. Voilà pour les détails : « la Soeur Marie» – d’après comparaison avec la photo, il ne semble pas que les très nombreuses crevasses se soient élargies, par contre : dans la partie blanche il y a quelques écailles – surtout de vernis avec un peu de matière, et aussi à un autre endroit –  sans importance. La toile de Cardiff : rien – La Tour César : rien – Le Gigot : seule encore sur le châssis : rien – Le paysan assis : une toute petite écaille près du bord gauche et une déchirure de 2 mm. en haut, qui ne touche que la toile blanche – Coupé du châssis  (à l’extérieur) – Comme certaines autres toiles – Je ne saurais indiquer avec certitude, lesquelles, n’ayant pas pris des notes sur place. Les Crânes : coupés du châssis : petite écaille dans la partie la plus claire du crâne d’en haut et des trous de semences dans les bords : elle a dû être clouée au mur – Très bon état – Joueurs de Cartes, coupée du châssis – Rien – Les reflets dans l’eau : là, des éraflures un peu partout, mais qui ne semblent concerner que le vernis, qui doit être récent, et mauvais : du copal, qui craque facilement. J’aurais pensé que cette toile aurait subi le mieux tout les mauvais traitements et voilà que c’est une toile peinte épaissementcomme celle de Cardiff, qui a triomphé ! Je craignais juste pour elle ! « .

Le 17 juillet 1961, la presse s’était déja fait l’écho du vol survenu au musée de l’Annonciade de Saint-Tropez où pas moins de 56 toiles avaient été engouffrées dans une camionnette : des toiles de Bonnard, Camoin, Derain, Matisse, Signac ou Vuillard, un lot rigoureusement énorme qui fut également récupéré. Dans Aix-en-Provence, les inquiétudes et le soulagement des uns et des autres furent considérables, comme en témoigne la correspondance de Marchutz. Depuis le Louvre, la conservatrice chargée du département des peintures, Hélène Adhémar (1911-1998) fut à propos de la restitution des Joueurs de cartes une interlocutrice extrêmement exigeante. Au lieu de méditer sur les infinies qualités du travail plastique de Cézanne, l’attention s’était focalisée sur un fait-divers qui déversait des visions de rapports de force, des combines plus ou moins sordides, des histoires de prix de ventes et de contrats d’assurances, des sarcasmes et du ricanement. Trop d’imprévoyance, beaucoup de brutalité et de vulgarité, un médiocre polar remplaçait la ferveur et la joie qu’on aurait pu éprouver en revoyant des tableaux, au coeur de la lumière qui les avait vus naître …

Leymarie

Télégramme de Jean Leymarie, adressé  à Léo Marchutz. Leymarie évoque le vol des tableaux et le décès de Lionello Venturi.
Pour Léo Marchutz, cette fin de l’été 1961 fut cauchemardesque. Le désastre de ce cambriolage signifiait que ce grand connaisseur de l’oeuvre de Cézanne n’aurait plus jamais l’occasion de devenir le responsable scientifique d’une nouvelle exposition. Une chimère s’était défaite. Quelques semaines auparavant, l’illusion était vivace, un grand rêve l’habitait : pendant que le Festival d’art lyrique rejouait sans qu’on puisse s’en lasser Don Juan ou bien Cosi Fan Tutte, un rendez-vous estival avec la peinture se serait amoureusement perpétué. Surcroît de tristesse, quelques heures après la nouvelle du vol, Léo Marchutz avait eu la douleur d’apprendre le décès de l’un de ses proches amis, l’historien de l’art Lionello Venturi (1885-1961) qui était à cette époque l’auteur du catalogue raisonné de Cézanne. Pour les musées et la Ville d’Aix-en-Provence, le discrédit fut profond, la peine fut lourde. Il faudra attendre les années quatre-vingt, les mesures de décentralisation décidées par Jack Lang et puis, quelques saisons après l’incendie de la Sainte Victoire, les années quatre-vingt-dix pour que le souvenir de Cézanne puisse de nouveau, être dignement célébré dans sa ville natale.

Alain Paire

Sur ce lien, une chronique web-Radio-Zibeline, mardi 3 mars 2014, « Vol au Pavillon de Vendôme ».

Sur cet autre lien, un autre article : Juillet 1953, pour une première fois, Cézanne au musée Granet.

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1955-2015, petite histoire du musée du Pavillon de Vendôme

Devenu propriété de la Ville d’Aix-en-Provence en 1954, le Pavillon de Vendôme abrita pendant ses premières années d’ouverture des expositions de grand prestige. Le cinquantenaire de la mort de Cézanne y fut célébré du 21 juillet au 15 août 1956 : 66 tableaux et une vingtaine d’aquarelles furent réunis. Entre juillet et septembre 1958, on découvrait la collection de Marie Cuttoli qui renfermait des pièces de Braque, Juan Gris et Picasso : ce dernier, des photographies d’Hélène Parmelin en témoignent, visita le Pavillon pendant un matin de septembre qui  coïncidait avec le jour de sa découverte du château de Vauvenargues. Du 3 octobre au 30 novembre 1959, ce fut Van Gogh en Provence, 51 tableaux et 11 dessins évoquaient Arles et Saint-Rémy de Provence : on découvrait des toiles universellement connues comme Le Pont de l’Anglois, Le Zouave, Le café, le soir, La Maison jaune, Le facteur Roulin, Le Semeur, Les Tournesols, et La chaise de Gauguin. Du 9 juillet au 30 août 1960, une exposition fut consacrée à Henri Matisse : Georges Duthuit et les enfants du peintre voulaient que soit rendu un hommage à sa compagne Amélie Matisse qui avait vécu à Aix les dernières années de sa vie, dans un appartement situé tout près de la place Saint-Jean de Malte, en face du Musée Granet.

 

On l’aura compris, cette période faste pendant laquelle cette exceptionnelle série d’expositions pouvait s’enchaîner, s’interrompit brusquement. Ce fut un faux départ, ce micro-espace merveilleusement architecturé n’avait pas les moyens de sa grandeur. Suite à ce funeste cambriolage, le Pavillon fut brutalement contraint de réduire sa voilure. Cette nouvelle donne n’empêcha pas la programmation intermittente d’événements de belle qualité. On se souvient par exemple des sculptures de l’aixois Jean Amado qui furent rassemblées dans le jardin du Pavillon, pendant l’été de 1973 avant d’être montrées à l’Ecomusée du Creusot. Une exposition imaginée par Catherine Camboulivés (1950-1995) réunissait pendant l’hiver de 1994 des images gantées de noir d’Yvette Guilbert peintes par Toulouse-Lautrec, Ferdinand Bac et Jules Chéret. L’été de 1999 convoquait en co-production avec le musée de Martigues, une rétrospective des dessins des années trente de l’aixois Gabriel Laurin, Bruno Ely fomenta des expositions consacrées à Jean-Marie Sorgue ou bien à Félix Aublet ainsi qu’à des artistes de Marseille comme Klemenciewicz, Mezzapelle et Surian. Des photographies de Denis Brihat étaient visibles pendant l’automne de 2005, tandis qu’en 2009, on découvrait les portraits en noir et blanc que Jacqueline Picasso avait composés autour de la vie quotidienne de Pablo à Vauvenargues.

L’édifice connut plusieurs directeurs. Jacqueline Martial-Salme eut la responsabilité du musée jusqu’en 1968, Marie-Henriette Krotoff lui succéda :  jusqu’au milieu des années 80, elle bénéficia de l’appartement de fonction du Pavillon qui abrite aujourd’hui des bureaux, on lui doit avec le concours de Jean Cherpin une exposition de 1972 à propos de « L’œuvre gravé de Cézanne » ainsi que des ensembles à propos du cadre de vie aixois au XVII° et  au XVIII° siècle. Avant de devenir le conservateur du musée Granet, Bruno Ely aura dirigé conjointement Vendôme et le musée des Tapisseries, entre 1990 et 2008. Depuis 1961, la sécurité des musées a bien évidemment fait d’immenses progrès, les temps d’aujourd’hui ne sont pourtant pas les temps du risque zéro. Une bien mauvaise étoile continue de tourmenter le destin du Pavillon. Pendant une journée d’ avril 2006, à l’insu de tous, un dessin de Van Loo fut dérobé : l’esquisse avait disparu, son cadre avait été laissé sur place.

Dirigé depuis 2008 par Christel Roy qui assuma  la responsabilité du musée des Tapisseries jusqu’en janvier 2015, le Pavillon de Vendôme continue de frayer sa voie, sans oublier son passé puisqu’une exposition fut consacrée en 2013 au sauveteur et mécène du monument, l’érudit Henri Dobler (1863-1941). La nouvelle identité du Pavillon se construit dans un dialogue avec des créateurs contemporains, le souci permanent est « de tisser des liens ». Des installations d’Isa Barbier et de Sophie Menuet ont marqué les récentes saisons, 18.000 visiteurs furent dénombrés en 2014. Pendant l’été 2015, on découvrait au Pavillon du verre contemporain, de récentes créations du CIRVA de Marseille.

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dimanche 1 mars, parution d’une double page dans La Provence, édition d’Aix.