R695 – La Montagne Sainte-Victoire avec viaduc, vue depuis la colline de Valcros, vers 1890 (FWN265)

Pavel Machotka

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La Montagne Sainte-Victoire avec viaduc, vue depuis la colline de Valcros, vers 1890 91 x 72 cm R695 FWN265

La Montagne Sainte-Victoire avec viaduc, vue depuis la colline de Valcros, vers 1890
91 x 72 cm
R695 FWN265

Certains tableaux nous montrent le savoir-faire juste comme le peintre l’aurait voulu, directement et immédiatement. Dans le tableau  La Montagne Ste-Victoire avec viaduc, par exemple, la grande complexité et l’attention minutieuse portée à la surface parlent pour elles-mêmes et nous laissent suivre les essais de Cézanne pour unifier la composition, clarifier l’espace et guider notre regard. Nous pouvons imaginer son point de départ. Un peu à gauche de là où il a peint les deux versions de La Montagne Sainte-Victoire au grand pin, il voyait la montagne et le viaduc[1] à travers un groupe d’arbres au bord de la propriété de Bellevue. Certains fourrés étaient au soleil, alors que d’autres dans l’ombre, mais ils étaient tous assez proches pour être dans un seul plan et morceler le profil de la montagne. Le site n’est pas différent d’autres vues lointaines aperçues à travers les arbres, mais dans ce tableau la montagne requiert un déplacement d’accent : normalement c’est elle le sujet principal, ou tout au moins elle est vue en entier, alors qu’ici elle est secondaire. Le défi constitue alors de peindre un tableau unifié dans lequel les deux plans seront en interaction très étroite et égale, sans sacrifier l’un ou l’autre.

Faire que le tableau fonctionne comme il le souhaitait a peut-être représenté un labeur considérable, mais le résultat est splendide. La partie qui retient le plus notre attention est la bande comprise entre le viaduc et le haut de la montagne ; c’est la partie qui semble avoir coûté le plus d’effort. Sur le feuillage est ajouté du bleu clair, pour le simplifier ; les troncs et les branches sont interrompues ici et là, pour empêcher l’impression d’encombrement ou prolonger une ligne de la composition ; et une partie du sommet de la montagne n’est pas peinte pour éviter l’intersection inélégante avec l’arbre sombre. A sa place des marrons très clairs, qui ne représentent rien en particulier, sont peints autour du tronc et des branches de l’arbre noir, et ainsi s’ouvre l’espace et un contraste fascinant est créé. C’est le point où Cézanne nous demande de concentrer notre regard. Ayant fait cela, il a perdu la montagne, pour ainsi dire, mais, comme en compensation, il nous offre une réplique de son profil avec la tache jaune à quatre côtés juste en dessous ; et ensuite, si nous avons envie de suivre les masses informes de brun jaune qui traversent le bas du tableau, on peut retrouver l’essentiel du profil montagneux, le col à sa droite, et la pente qui s’élève en douceur vers le bord droit .

Le tout est magnifiquement tricoté et puis à nouveau défait, pour nous donner un espace rythmique, un espace encombré et clair parfois, qui rend ce que Cézanne voulait montrer de la texture et de la substance. On nous présente une toile qui a l’air de décrire les arbres mais en fait, elle ne lâche jamais la montagne cachée ; indirectement, certains éléments nous en rappelle l’essence et la forme.

Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.

[1] C’est un viaduc, non un acqueduc, le même dans La Montagne Sainte-Victoire au grand pin et dans les autres tableaux peints depuis Valcros.

Le site aujourd'hui

Le site aujourd’hui

Photo Didier Bonfort 2013

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