R136 – La Pendule noire, 1869-1870 (FWN708)

Pavel Machotka

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La Pendule noire, 1869-1870
54 x 74 cm
R136 – FWN708

Si l’on peut qualifier de magistrales trois natures mortes des années de jeunesse de Cézanne (Pain et gigot d’agneau, Sucrier, poires et tasse bleue et la présente Pendule noire), c’est La Pendule noire qui est un chef-d’oeuvre incontestable. Si parfaitement et simplement construit qu’on peut le saisir immédiatement, tout besoin d’explications est éliminé. Sa base massive – la nappe amidonnée qui ressemble à un piédestal de marbre –, ses formes disposées le long de l’horizontale médiane, ses verticales et horizontales calmes, tout cela est intuitivement grave et monumental. Les ondulations de la partie repliée de la nappe, les replis de la coquille supérieure et les entailles du bord du vase en verre, nous renvoient à l’univers de la décoration, de la délicatesse et du mouvement. Les lèvres rouges du coquillage – à la couleur si juste dans la composition et en diagonale – insistent presque trop et font pencher la balance vers des formes organiques ; elles perturbent le regard analytique et suscitent des pensées désagréables d’incorporation, orale ou sexuelle. Pourtant sans elles, le tableau serait sans vie et notre regard s’accrocherait au visage sans expression de l’horloge.

C’est peut-être l’une des réussites exceptionnelles du tableau que son symbolisme soit bridé par la force de la composition. Dans son désir évident de transformer la nature morte en une anecdote, Cézanne se devait de supprimer toutes indications référentielles. Dans le tableau tel qu’il est, le risque est présent avec le coquillage, mais à mon avis le peintre s’en tire en lui faisant jouer un rôle formel si important : celui d’alléger la solide structure et de nous rappeler que nous voyons un tableau conçu autant avec des couleurs qu’avec des contours et des objets. Pour en démontrer l’importance, il suffit de cacher la coquille avec son pouce.

Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.

 

Of the three highly original still lifes of Cézanne’s early years (R80, R93, and the present painting), La Pendule noire is the most masterly. So perfectly and simply constructed is it that it can be grasped right away, eliminating any need for explanation. Its massive base—the starched tablecloth that seems like a marble pedestal—its disposition of forms along the horizontal midline, its calm verticals and horizontals, are all intuitively grave and monumental. Undulations in the folded-over corner of the cloth and the wrinkled back of the shell, and wedges cut into the rim of the glass vase, return us to decoration, delicacy, and movement. The red lips of the shell—so formally right in color and in diagonal movement—nearly overdo it and tip the balance too insistently toward organic forms; they disturb the analytic gaze and provoke uncomfortable thoughts of incorporation, oral or sexual. Yet without them the painting would be lifeless, and our gaze would be held by the clock’s blank face.

It is perhaps one of the painting’s triumphs that its symbolism is held in check so well by the strength of the composition. One might wish to see symbolism of time in the forceful but handless clock, but a simpler, more visual explanation is more likely: any diagonal position of the hands would clash with the geometry of the composition, and any position such as 3 o’clock would suggest too precise a time. As it is, he runs a risk with the shell, but I believe that he steps back from it safely: if we hide it from our view, life disappears from the painting and we see only its black and white armature. The shell’s contortions and red color were indispensable.

 

Source : Machotka, Cézanne : The Eye and the Mind.