R821 – Trois Crânes, 1898-1900 (FWN873)
R822 – Pyramide de crânes, 1898-1900 (FWN874)

Pavel Machotka

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Trois Crânes, 1898-1900
34 x 60 cm
R821 FWN873

Pyramide de crânes, 1898-1900
39 x 46.5 cm
R822 – FWN874

 

 

 

 

 

 

 

 

Etant donné l’art consommé de Cézanne pour peindre les nuances des surfaces, même un simple déploiement de crânes l’un près de l’autre sur un dessus de table, face au même côté, est une expérience esthétique : les boîtes crâniennes, représentant un défi encore plus grand que les pommes – ayant peu de couleur propre – peuvent être modelés avec une attention encore plus fine, changeant de teinte quand la lumière passe sur eux et présentant chaque changement de plan avec la plus extrême clarté. Des différences visibles dans la couleur, la forme des crânes, et par dessus tout le caractère de leur orbite, peuvent être amplifiées – et le peintre nous aura emmenés dans un monde où chaque crâne représente une personne dont il a abrité l’esprit.

Cézanne a peint deux déploiements de cette sorte, l’un de trois crânes en rang et l’autre de quatre disposés en pyramide. La construction pyramidale est la plus élaborée et la plus symbolique. Les crânes ne sont pas à l’étalage, comme dans la version où ils ont l’air d’être sur une étagère, mais ils sont empilés l’un au-dessus de l’autre comme s’ils étaient dans un ossuaire ; la différence de sens est palpable. Si nous les imaginons dans un ossuaire, alors ils semblent négligés et oubliés ; ils semblent porter témoignage de quelque sort innommable. L’un d’eux domine l’ensemble, se tenant droit, la fontanelle alignée sur une verticale impossible, et écartant un autre crâne de son chemin. Leurs orbites sont très différentes les unes des autres, et semblent exprimer un état d’esprit – un crâne semble troublé, un autre implorant, le troisième naïf. Cézanne à l’évidence avait plus d’un crâne à peindre, mais pas assez pour créer les six ou sept expressions différentes des orbites que l’on voit dans les différents tableaux et aquarelles ; il n’y a pas de preuve qu’il en ait eu plus de trois[1]. La signification du tableau était, pour une fois, ni inhérente au sujet ni purement visuelle ; les expressions furent ajoutées de telle sorte que les crânes semblent nous parler. La limite implicite qui nous permet de regarder sans être vu est brisée.

[1] Borély in Doran, Conversations avec Cézanne, Paris: Macula, 1978, p. 22.

NB. On trouve 22 crânes dans l’oeuvre de Cezanne, dont 17 natures mortes (4 dessins, 5 aquarelles et 8 peintures) :

Le thème du crâne dans les natures mortes