R077 – Portrait de Cézanne aux longs cheveux, vers 1865 (FWN397)

Pavel Machotka

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Portrait de Cézanne aux longs cheveux
Vers 1865
R077 – FWN397

Si les portraits en général obligent à arbitrer entre la ressemblance et l’expressivité, dans les oeuvres de jeunesse de Cezanne ce dilemme est souvent résolu en faveur de cette dernière, et dans les autoportraits, en faveur de la mise en scène de son image et de son humeur. Il peut éventuellement emprunter sa lumière à Courbet, et quand sa source est naturelle, comme pour la lumière du ciel, il produit une intensité dramatique cohérente avec son sujet [1]; mais quand il ajoute une vision romantique de lui-même, comme dans Portrait de Cézanne aux longs cheveux, aujourd’hui perdu, la lumière semble trop forcée, trop calculée. Pour produire son effet, la tête sera vue par en dessous, allongée en oblique, et orientée vers l’arrière ; le résultat semble ostensiblement héroïque[2]. On se rappelle le portrait idéalisé de Chopin peint par Delacroix, vu lui aussi par en dessous ; pourtant, dans ce cas le peintre admirait sincèrement le modèle, tandis qu’ici, le regard de Cezanne vers sa propre image dans le miroir exprime un rien de suffisance[3]. On ne saura jamais si l’intensité présente dans la reproduction du tableau en noir et blanc serait adoucie par la couleur, mais on peut penser que l’effet serait minime. A en juger par la couche superficielle des rehauts de lumière, dans lesquels de la peinture fraîche fut déposée sur de la peinture à peine sèche du jour précédent, l’autoportrait fut travaillé pendant quelques jours, Cézanne avait donc estimé qu’il en valait la peine.

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If portraits in general pose a dilemma between likeness and expressiveness, in Cézanne’s early work they will often be resolved in favor of expression, and in self-portraits, on self-image or mood. His lighting may be borrowed from Courbet, and when it is based on a natural source such as a sky-light, may produce a plausible drama that is not out of proportion to its subject; but when a romantic self-view is added, as it is in Portrait de Cézanne aux longs cheveux (now lost), the lighting will seem too forced, too calculated. For effect, the head will be seen from below, elongated obliquely, and cocked backward; the result seems pointedly heroic[4]. One is reminded of Delacroix’s idealized portrait of Chopin, which is also seen from below; yet there the painter looks up at the sitter with genuine admiration rather than, as here, at his own image in the mirror, with a hint of smugness[5]. We will never know whether the drama of the black and white reproduction would be tamed by color, but we are free to think that the effect would be slight. To judge by the overpainting in the highlight areas, in which fresh paint was dragged over paint that had barely dried from the day before, the self-portrait was worked on over a period of days, and seemed to Cézanne worth lavishing some care on.

[1] Comme dans Tête d’homme (R074-FWN396) de 1865.

[2] Steven Platzman, dans son étude récente : Cézanne : The self-portraits, considère aussi les premiers autoportraits comme des moyens de produire un effet délibéré. Tous les interprètes, y compris moi, sont confrontés à la difficulté de décider du type d’effet recherché ; cependant, je pense qu’il exagère quelque peu, quand il voit le regard comme exprimant « détermination et force », et qu’il suggère que même l’apparence hirsute de l’artiste (…) était censée communiquer un message », comme peut-être un certain radicalisme (p.37). Rien ne prouve clairement une intention aussi clairement définie.

[3] Une petite étude pour un autre autoportrait (R116-FWN403), réalisé au couteau dans le style de la série de l’Oncle Dominique, n’est pas moins dramatique.

[4] Steven Platzman, in his recent study Cézanne: The self-portraits, also sees the early self-portraits as vehicles of an intended effect. All interpreters, myself included, face the difficulty of deciding just what effect is intended; however, he goes further than I think justified, and sees the gaze as expressing « determination and strength », and suggests that even the artist’s « hirsute appearance … was intended to communicate some message », such as perhaps a connotation of radicalism (p. 37). There no clear evidence of so well-defined an intention.

[5] A small self-portrait study, R116, in the palette knife style of the Uncle Dominique series is equally dramatic.

Voir aussi :

 

 

 

 

Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.