R811 – Portrait de M. Ambroise Vollard, 1899 (FWN531)

C1194 – Ambroise Vollard, 1899

Pavel Machotka

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Portrait de M. Ambroise Vollard
1899
R811-FWN531

Dans le Portrait d’Ambroise Vollard, un chef-d’œuvre, la pose est naturelle mais la construction est complexe et l’harmonie dominante subtile. Seuls les yeux vides suggèrent la distance psychologique qui est si souvent revendiquée comme cézannienne ; mais il est tout aussi probable qu’ils expriment cette vacuité pour que la composition soit mise en valeur. Le modèle semble assis tout à fait confortablement, bien qu’étrangement haut (il était en fait assis de manière instable sur une chaise posée sur une plateforme, comme lui-même le note[1]) ; il est un peu incliné vers l’arrière, mais pas assez loin pour que cela affecte l’équilibre du tableau. Le personnage est plus fermement inscrit dans la composition que le modèle devait l’être dans son environnement, parce qu’une diagonale l’ancre dans le coin inférieur gauche et remonte à travers la cuisse droite vers le coude gauche. Les yeux vides nous laissent voir plus facilement la descente rythmique des formes en V de la naissance des cheveux de Vollard à travers la barbe, la taille et les genoux, et un autre motif de formes ovales entre le contour incisé du haut de la tête, les oreilles, et les objets ovales dans la fenêtre. Voilà les correspondances que Cézanne a conçues seulement après avoir fait une esquisse préliminaire au crayon.

Ambroise Vollard
1899
C1194

L’esquisse était fidèlement ressemblante, à en juger d’après les photographies et les portraits des autres peintres, et elle le montrait avec une calvitie naissante et grassouillet, mais ni les résonances internes du tableau ni la relation de la figure au décor n’avaient été élaborées à ce stade. Et dans le tableau, Cézanne restaure les cheveux qu’il n’avait plus – à mon avis pour créer les deux ovales aux tempes, qui reflètent les oreilles et les formes dans la fenêtre.

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The portrait of Ambroise Vollard, a masterpiece, is natural in its pose but complex in its construction and subtle in its dominant harmony. Only the vacant eyes suggest the psychological distance that is so often claimed for Cézanne; but it is just as likely that they were left vacant to emphasize the composition. The sitter seems seated quite comfortably, although surprisingly high (he was in fact seated precariously on a chair placed on a platform, as he notes[2]); he leans back a bit, but not far enough to affect the pictorial balance. The figure is more firmly set in the composition than the sitter must have been in reality, because an emphatic diagonal anchors him in the lower left corner and leads up through the right thigh to the left elbow. With the eyes vacant we can more easily see the rhythmical descent of V shapes from Vollard’s hairline through the beard, the waistcoat, and the lap, and another pattern of oval shapes between the incised outline of the top of the head, the ears, and the oval objects in the window. These are correspondences that Cézanne conceived only after doing a preliminary pencil sketch. The sketch was a faithful likeness, to judge from photographs and portraits by other painters, and showed him balding and pudgy, but neither the painting’s internal resonances nor the figure’s relation to the setting had been worked out in it. And in the painting, Cézanne restores hair that was no longer there in order to—I should think—create the two ovals at the temples, which reflect the ears and the shapes in the window.

 

[1] Vollard, Cézanne, p.76

[2] Vollard, Cézanne, p. 76.

Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.