1.   1891-1896 : les errances de Cezanne

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Le pli a été pris : durant les quinze dernières années du couple de Paul et d’Hortense qui s’ouvrent maintenant, ils vont vivre désormais totalement indépendants l’un de l’autre, qu’ils soient physiquement séparés ou que pour un temps ils cohabitent dans un même appartement ou un même lieu. Cela n’exclut nullement le partage de moments d’intimité, voire la manifestation d’une certaine forme de tendresse mutuelle entre ces deux êtres qui ne se définissent plus fondamentalement l’un par rapport à l’autre, mais dont le compagnonnage dure maintenant depuis plus de vingt ans.

L’ère des conflits aigus est maintenant révolue, et progressivement, grâce au respect par chacun de l’espace de liberté de l’autre, l’apaisement va survenir. La fatigue croissante de Cezanne à partir de 1895 le rend également moins agressif et adoucit son caractère, et il devient progressivement dépendant des soins d’Hortense et de Paul. Leur fils reste entre eux un point de convergence incontournable, lui qui, parvenu à l’âge adulte, continue à vivre chez sa mère ; aussi lorsque Hortense et Paul habitent loin l’un de l’autre se rendent-ils visite assez régulièrement ; ainsi se maintient le lien entre ces trois êtres aux rythmes de vie si différents.

Automne – hiver 1891 : 2, rue des Lions-Saint-Paul

Au retour à Paris au début de l’automne 1891, pour inaugurer le nouveau chapitre de leur vie en train de s’ouvrir, la famille Cezanne, comme d’habitude, emménage dans un nouvel appartement situé dans le quartier du Marais, 2, rue des Lions-Saint-Paul, un lieu chargé d’histoire, environné de beaux hôtels particuliers des XVIIe et XVIIIe siècles[1].]Rien que dans la rue des Lions-Saint-Paul :
Au 3 – Hôtel du XVIIIème siècle, dit des Parlementaires, nom donné jadis aux partisans de la Fronde sous la régence d’Anne d’Autriche.
Au 5 – Ex Hôtel de Moucy.
Au 10 – Hôtel construit en 1642 pour Gaspard de Fieubet. On ne voit cet hôtel que depuis la cour car la façade sur rue est moderne.
Au 11 – Hôtel loué à la marquise de Sévigné de 1645 à 1650. Il demeure de cette époque la porte sur rue et les mansardes sur rue.
Au 12 – Hôtel de type Louis XIII.
Au 14 et 16 – Emplacement de deux maisons du XVIIème siècle.,3
Au 18 – Tourelle d’angle classée.
Cf. http://paristoric.com/index.php/transports-et-voirie/rues/1062-la-rue-des-lions-saint-paul?tmpl=component

Fig. 233. La rue des Lions-Saint-Paul en 1895
Collection privée

Fig. 234. La rue aujourd’hui prise sous le même angle
(Image Google Earth)

 

 

 

 

 

 

Ce gros immeuble (qui se situe entre la rue Beautreillis et la rue du petit Musc) est occupé depuis 1863 par la fabrique et le dépôt de la maison Laroze[2]Cf https://ruebeautreillis.blog/2018/01/14/histoires-dimmeuble-le-2-rue-beautreillis-ou-2-rue-des-lions-saint-paul-fin/, un pharmacien ambitieux et entreprenant expédiant aux pharmacies du monde entier pommades, sirops, granules et lotions jouissant d’une grande célébrité[3]Dans ses souvenirs d’enfance, André Gide se souvient : « au chevet de mon lit, chaque nuit, un verre à demi-plein d’une solution de chloral, plein de petits cristaux d’hydrate, m’attendait. A table, à côté de mon assiette, c’était une bouteille de ‘’sirop Laroze’’, écorces d’oranges amères et bromure de potassium »Cf. Si le grain ne meurt, cité par F. Trépardoux, Médecine et chimie dans l’enfance d’André Gide, Revue d’Histoire de la pharmacie, année 1993, n° 297, p.188-189  http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1993_num_81_297_3724?q

Fig. 235. Publicité Laroze – Dentifrice
Collection privée

Fig. 236. Publicité Laroze – Le fameux sirop
Collection privée

Fig. 237. Publicité Laroze – La pâte pectorale
Collection privée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’immeuble abrite également quelques autres commerces (dont un entrepreneur en colle forte… et vins en gros) et quelques locataires. Il a disparu, remplacé en 1932 par un bâtiment sans âme (bâtiment Gratry) qui abrite la section primaire de l’école Massillon.

Fig. 238. L’école Massillon au 2, rue des Lions-Saint-Paul
(Image Google Earth)

Choisir d’habiter un tel immeuble peut paraître surprenant, d’autant que le logement semble relativement modeste à nouveau[4]Calepins cadastraux D1P4, 1876. Archives de Paris. L’appartement comprend une entrée, un salon, une salle-à-manger, une pièce à feu et cuisine. Il s’agit de la 18e résidence commune du couple et 19erésidence d’Hortense depuis 1870. On ne connaît pas la date exacte du début de bail, mais il est vraisemblable que la famille ne s’est pas d’abord réinstallée Avenue d’Orléans, puisque Cezanne avait eu le projet l’année précédente de fixer Hortense définitivement  à Aix et qu’il avait fait vider l’appartement de ses meubles : il avait donc dû résilier le bail de cet appartement. L’installation dans le Marais facilitera en 1894 les allées et venues journalières de Cezanne vers les bords de la Marne, l’appartement étant situé près de la gare de la Bastille et du débarcadère sur la Seine qui permettaient tous deux au peintre de se rendre sur place, puis d’en revenir dans la journée.. Bis repetita… Hortense depuis vingt ans n’a pratiquement connu que cela, et l’on comprend qu’elle préfère séjourner à l’hôtel dans ces conditions, l’âge venant… On pourrait imaginer qu’il s’agissait d’un choix transitoire, et pourtant Hortense ne quittera cet appartement qu’au printemps 1896, trois ans et demie plus tard, une durée dans un même lieu tout à fait exceptionnelle pour les Cezanne !

Aucun témoignage ne nous est parvenu sur la façon dont la famille passe cette fin d’année 1891.

 1892 – Derniers portraits d’Hortense

Il en est de même pour l’année 1892. Hortense et Paul junior demeurent rue des Lions-Saint-Paul tandis que Cezanne navigue entre l’appartement et ses déplacements dans l’est et le sud-est de la région parisienne. On connaît à peu près sur cette période les errances de Cezanne et les moments où il rejoint sa famille à Paris, ce qui nous permet d’apprécier son degré de proximité concrète avec les siens.

Quelques articles ou plaquettes paraissent, accompagnant la notoriété naissante de Cezanne. Cette année est celle où Vollard découvre chez Tanguy, le marchand de couleurs, les œuvres du peintre qu’il accumule.

Cezanne reprend apparemment ses habitudes de migrations diverses dans la région parisienne, vraisemblablement après  que les froids de l’hiver soient passés : selon Vollard, il habite à Avon et loue un atelier à Fontainebleau[5]Vollard, op. cit., 1914, p. 56–58.  Selon Pierre Lagrange, il aurait loué une chambre à l’auberge de la mère Antony[6]Auberge transformée en « Le Sabot rouge » dans le roman du même nom de Henry Murger en 1860. L’auberge sera démolie en 1887 : c’est donc avant cette date que Cezanne a pu y séjourner. Cf. http://www.apophtegme.com/ALBUM/marlotte.htm : « L’Auberge de la mère Antoni, comme on l’appelait désormais, accueillait une joyeuse colonie d’artistes, peintres, littérateurs et musiciens attirés autant par le village et la forêt que par la gentillesse de la patronne et la modestie de l’addition. » Selon Rewald, 1986, p. 269 : Cézanne aurait même acheté une maison dans le village de Marlotte. On n’a pas retrouvé trace de cette acquisition. Rewald la confond de façon un peu surprenante avec l’achat de La Nicotière par Paul Junior à Bourron-Marlotte en 1922.. de Bourron-Marlotte, où Zola et Renoir (entre 1865 et 1871) ont également séjourné, ainsi que de très nombreux artistes depuis les années 1850. Il travaille aussi à Samois et à Alfort.

Fig. 239. Le cabaret de la mère Antony, 1866[7]« Le cabaret de la Mère Anthony est un de mes tableaux dont j’ai gardé le souvenir le plus agréable. Ce n’est pas que je trouve cette toile particulièrement excitante, mais elle me rappelle tellement l’excellente Mère Anthony et son auberge de Marlotte, la vraie auberge de village ! J’ai pris comme sujet de mon étude la salle commune qui servait également de salle à manger. La vieille femme coiffée d’une marmotte, c’est la mère Anthony en personne ; la superbe fille qui sert à boire était la servante Nana. Le caniche blanc, c’est Toto, qui avait une patte de bois. Je fis poser autour de la table quelques-uns de mes amis, dont Sisley et Le Coeur.  Quant aux motifs qui constituent le fond de mon tableau, je les avais empruntés à des sujets peints à même le mur, qui étaient l’œuvre sans prétention, mais souvent très réussie, des habitués de l’endroit. Moi-même j’y avais dessiné la silhouette de Mürger, (auteur des Scènes de la vie de Bohème) que je reproduisis dans ma toile, en haut à gauche. »Auguste Renoir, in A. Vollard, 1918. Noter le titre du Journal : L’Événement, comme dans le portrait de Louis-Auguste Cézanne par son fils en 1866, où Zola faisait paraître entre avril et mai de la même année ses articles prenant la défense de Manet et Monet.
Nationalmuseum Stockholm

Nous ne savons pas combien de temps il passe dans chacun de ces divers lieux, dont certains sont trop éloignés pour qu’il puisse revenir à Paris le soir. Il semble qu’il ait aussi effectué un ou plusieurs déplacements à Aix : par exemple, Alexis écrit à Zola le 28 janvier : « Je vois de loin en loin Cézanne ». Le 20 septembre est né Louis Conil, 4et dernier enfant de sa sœur Rose. Il est très peu vraisemblable qu’Hortense l’y ait accompagné s’il s’est rendu à Aix à cette occasion. C’est peut-être cependant le cas de Paul junior puisqu’il s’est fait inscrire sur les listes électorales d’Aix en septembre[8]Archives communales d’Aix, K1,1872., en tant qu’étudiant habitant au 9, rue de la Monnaie. Le bail de cet appartement reste en vigueur : il est donc prévu qu’Hortense puisse continuer à y séjourner lors d’éventuels déplacements à Aix – lesquels ne sont donc pas exclus.

Aussi, bien qu’en 1892 le point d’attache des Cezanne demeure la rue des Lions-Saint-Paul, on peut penser que le peintre n’y a finalement qu’assez peu séjourné durant l’année, laissant Hortense vivre sa vie en toute liberté. Il a pourtant trouvé le temps de peindre les deux derniers portraits à l’huile où son visage est reconnaissable, l’un où elle est saisie dans un moment d’intimité avec ses cheveux lâchés, renouant ainsi avec le tout premier portrait d’elle jeune fille (R230), l’autre à l’inverse où elle assume le rôle de la bourgeoise prête à se rendre en ville avec son chapeau à la mode.

Fig. 240. Madame Cézanne aux cheveux dénoués (R685). Hortense à 42 ans.

Fig. 241. Madame Cézanne au chapeau vert (R700)- Hortense à 42 ans.

Il y a une certaine gravité dans le maintien et le regard un peu las d’Hortense dans ces deux portraits, et le poids de l’âge se devine également dans les deux dessins de son visage que l’on peut dater de la même époque :

Fig. 242 et 243. Madame Cezanne (C0736, CS1891-92) – Hortense à 42 ans.

Ces portraits ne sont plus ceux de la femme encore jeune et quelque peu idéalisée que Cezanne a peinte dans la serre un ou deux ans auparavant (R703), et qu’on ne reverra plus désormais : dans les années qui viennent, Cezanne observera maintenant avec précision la façon dont le visage de son épouse s’orientera vers la cinquantaine, les enjeux relationnels des séances de pose n’étant plus premiers et n’influençant plus que très marginalement l’acuité de son observation.

En effet, les deux portraits où Hortense tourne ses regards vers la gauche expriment l’autonomie de sa vie intérieure par rapport au peintre qu’elle ne regarde plus : elle est perdue dans ses pensées. Pour autant, les deux autres portraits où elle le regarde n’expriment pas davantage la relation franche et directe du peintre et de son modèle qu’on pouvait observer auparavant : dans R700 les yeux sont vides, et dans le dessin CS1891-92 la prise de distance est nette : Hortense se prête au jeu de bonne grâce mais elle ne cherche pas à communiquer. Ce qui est frappant, c’est qu’à partir de ce dernier dessin nous ne reverrons plus le regard d’Hortense posé sur Cezanne pendant les dix ans qui viennent, bien qu’il la dessine encore plus d’une vingtaine de fois durant ce laps de temps.

1893 – Été en Suisse ?

Nous n’en savons guère plus sur la façon dont se passe l’année 1893. Cezanne semble continuer à naviguer entre Aix et la rue des Lions-Saint-Paul, et travailler à nouveau dans la forêt de Fontainebleau.

Une lettre d’Hortense du 3 janvier 1895 récemment découverte indique cependant qu’à l’été 1893 la famille a peut-être passé à nouveau deux mois en Suisse[9]Voir ci-dessous. Ce second séjour en Suisse a cependant peut-être eu lieu l’année suivante., ce qu’on ignorait jusqu’à présent. Comme nous n’avons aucune trace d’un second voyage de Cezanne en Suisse, il est possible et assez vraisemblable qu’Hortense y ait en réalité séjourné seule, ou peut-être accompagnée de Paul junior. Quelle meilleure façon pour elle d’affirmer son autonomie que d’organiser un tel voyage sans son mari ?

 En septembre, Vollard ouvre sa galerie rue Laffitte, et au 15 décembre, Gustave Geffroy publie un article où il fait de Cezanne une sorte de précurseur de l’impressionnisme.

Cette célébrité naissante doit attirer l’attention du fils de l’artiste ainsi que d’Hortense, et commencer à être appréciée par eux.

1894 – Hortense à Barbizon

Comme l’année précédente, il semble que Cezanne alterne les séjours à Aix et en région parisienne (il peint les bords de la Marne), où Paul et Hortense restent à demeure. Paul junior a maintenant 22 ans, et il vit  avec sa mère des rentes servies par son père.

Le 6 février, le père Tanguy meurt. C’était l’unique marchand de Cezanne, ce qui prive celui-ci d’une représentation commerciale à Paris. Une vente des tableaux de Tanguy est organisée ; les œuvres de Cezanne partent à un prix dérisoire, compris entre 45 et 215 francs : pas de quoi laisser de grandes espérances à Hortense et à son fils quant à sa valeur marchande ! Les toiles sont achetées par Vollard, alors encore inconnu en tant que marchand. Il va profiter de la faible valeur des Cezanne pour rafler tout ce qu’il peut sur le marché dans les mois et les années qui suivent.

Le 21 février, Caillebotte meurt à son tour. Il lègue sa collection à l’État. Ce legs où figurent 5 toiles de Cezanne (dont les deux acceptées par le musée du Luxembourg sont estimées 750 francs chacune) va déclencher une polémique qui concourt cependant à la notoriété grandissante du peintre, encore renforcée le 25 mars par la publication d’un long article de Geffroy.

Le 19 mars, la vente Duret offre trois toiles de Cezanne, vendues respectivement 600, 650 et 800 francs : la cote du peintre monte lentement, et Paul junior commence à s’y intéresser : il va bientôt prendre en mains les affaires de son père, comblant le vide laissé par Tanguy.

Pour cette année 1894, on dispose de peu d’éléments pour connaître les moments où Cezanne partage la vie de famille du 2, rue des Lions-Saint-Paul[10]Un visa de la gendarmerie sur son livret militaire atteste de la présence de Paul junior au 2, rue des Lions-Saint-Paul en avril 1894. On se rappelle que Cezanne peut aller et venir entre son appartement et les bords de la Marne dans la journée.. N’en demeurent que quelques dessins d’Hortense qui sont autant de portraits dérobés durant son sommeil – elle ne pose donc plus – et les tout derniers dessins de Paul, qui témoignent malgré tout de la proximité maintenue du peintre avec les siens, malgré ses fréquents déplacements.

Fig. 244 à 247. Cinq portraits d’Hortense à 44 ans (C1015, C1069, C1014, C1016a et b).

On sait ainsi qu’à partir de fin mars[11]Lettre du 26 mars 1894 à Gustave Geffroy., Cezanne se rend dans la journée à Maisons-Alfort, Saint-Maur et Créteil pour peindre les bords de la Marne. Les moyens de transport lui permettent de rentrer le soir à Paris.

Durant l’été, il est vraisemblable qu’il séjourne du côté de Barbizon puisque Hortense y a séjourné en septembre et peut-être auparavant durant tout l’été, et qu’elle n’est revenue à Paris que fin septembre[12]Cf. sa lettre à Mme Chocquet du 5 janvier 1895 qu’on lira ci-dessous : « Je suis restée à Barbison (sic), plus longtemps que ce que je comptais y rester. Et à mon retour fin septembre (…) » Mais si l’on prend à la lettre les mots d’Hortense,  « tout en passant comme l’année dernière deux mois en Suisse », ce séjour se serait situé durant cet été 1894 avant qu’Hortense rejoigne son mari à Barbizon en septembre. Il est cependant possible que la lettre datant du tout début de l’année 1895, l’ « année dernière »fasse plutôt allusion aux vacances de l’année 1893 qu’à l’année 1894 qui vient à peine de se terminer, et c’est donc en 1893 qu’a pu avoir lieu le séjour de deux mois en Suisse. : elle a donc dû l’accompagner, au moins en partie, dans ses pérégrinations dans la région. Ainsi, fin septembre, on retrouve la trace de Cezanne non loin de là à Melun grâce à une lettre savoureuse datée du 21 où il ergote sur le prix des fournitures que lui a vendues un petit marchand local :

« Hier, 20 du ct., j’ai pris chez vous quatre toiles à peindre dont trois de 20 et une de 25. — Les trois premières à 2 fr. 50, celle de 25 à 2 fr. 80. Dont le total serait de 10 fr. 30 et non de 11 fr. 50, comme j’ai payé par erreur.
Je pense que vous voudrez bien m’en tenir compte à mon prochain voyage à Melun »[13]Brouillon de lettre trouvé dans un carnet de dessin..

Comme le dit Jean de Beucken : « Cet homme de cinquante-cinq ans a parfois des avarices dignes de son père. »[14]Jean de Beucken, op. cit., p. 92 L’erreur porte en effet à peine sur l’équivalent de moins de 5 euros…

Du 7 au 30 novembre 1894, Cezanne séjourne à l’hôtel Baudy, à Giverny.

Fig. 248. L’hôtel Baudy à Giverny
Collection privée

Fig. 249. La salle à manger de l’hôtel Baudy
Collection privée

 

 

 

 

 

 

Ce séjour nous vaut une description haute en couleur du mari d’Hortense par une jeune Américaine, Mathilda Lewis, présente à l’hôtel au même moment[15]Matilda Lewis à sa famille, [Novembre 1894], typescript in object file 1955.29.1 of the Yale University Art Gallery, New Haven. :

« Il ressemble à la description d’un méridional par Daudet. Quand je l’ai vu pour la première fois, il me fit l’impression d’une espèce de brigand, avec des yeux larges et rouges à fleur de tête, qui lui donnaient un air féroce, encore augmenté par une barbiche pointue, presque grise, et une façon de parler si violente qu’il faisait littéralement résonner la vaisselle. J’ai découvert par la suite que je m’étais laissé tromper par les apparences car, loin d’être féroce, il a le tempérament le plus doux possible, comme un enfant. […]

« De prime abord ses manières m’ont surprise. Il gratte son assiette de soupe, puis la soulève et fait couler les dernières gouttes dans sa cuillère ; il prend même sa côtelette dans ses doigts, arrachant la viande de l’os. Il mange avec son couteau et, de cet instrument qu’il saisit fermement au début du repas et qu’il ne lâche qu’en se levant de table, il accompagne chaque geste, chaque mouvement de sa main. Pourtant, en dépit de ce mépris total du code des bonnes manières, il fait montre, à notre égard, d’une politesse qu’aucun des autres hommes ici n’aurait eue. Il ne permettra jamais à Louise de le servir avant nous, dans l’ordre dans lequel nous sommes assis à table ; il se montre même déférent envers cette stupide bonne, et il enlève la calotte dont il protège son crâne chauve, dès qu’il entre dans la pièce. […]

« La conversation au déjeuner et au dîner se tourne principalement vers l’art et vers la cuisine. Cézanne est un des artistes les plus libéraux que j’aie jamais vus. Il commence chaque phrase par « Pour moi c’est ainsi », mais il admet que d’autres puissent être tout aussi honnêtes et véridiques envers la nature, selon leurs convictions. Il ne pense pas que tout le monde doive voir de la même manière. »

Le 28 novembre, on célèbre le cinquante-quatrième anniversaire de Monet, en compagnie de Clemenceau, Rodin, Mirbeau et Gustave Geffroy à qui Cezanne apparaît à la fois « timide et violent, émotif à un point extraordinaire »[16]Gustave Geffroy, Claude Monet, 1922. Quelques jours plus tard, Cezanne quitte brusquement Giverny, sans même prévenir Monet, abandonnant à l’hôtel plusieurs toiles inachevées, que finalement Monet emballera et réexpédiera à Paris.

De retour à Paris, Cezanne loue un atelier près de l’école des Beaux-Arts, rue Bonaparte, où il peint durant le mois de décembre[17]Cf. sa lettre à Mme Chocquet du 5 janvier 1895 ci-dessous. Hortense écrit qu’il s’y est installé fin novembre ; il est plus vraisemblable que cette installation se soit faite à son retour de Giverny début décembre..

Durant cette année, Cezanne aura aussi travaillé à Avon, Barbizon et Mennecy en forêt de Sénart. Comment imaginer alors qu’il a partagé de nombreuses journées avec sa famille au cours de cette année, sauf peut-être durant l’été du côté de Barbizon avec Hortense et Paul junior ?

1895 – Nombreux déplacements de Paul et d’Hortense

Le 3 janvier 1895, Hortense écrit à Madame Victor Chocquet[18]Lettre mise en vente en novembre 2015 par la Librairie de l’Abbaye-Pinault, 27 à 36, rue Bonaparte, Paris (750 €)., veuve depuis presque quatre ans maintenant, pour lui donner quelques nouvelles :

«                                                            Paris 3 janvier 1895

                                      Chère Madame et amie

Je viens me rappeler à votre souvenir et vous envoyer en même temps mes plus affectueux et meilleurs souhaits pour votre santé et celle de votre petite Marie.
Je suis assez souffrante, et ce temps humide me gratifie d’une foule de petites infirmités : mais la plus grave, c’est la grippe, et la poitrine me fait mal, car je tousse difficilement.
Mon mari a loué un atelier près de l’école des Beaux-arts, rue Bonaparte. Il s’y est installé fin novembre.
Paul travaille et étudie.
Je n’ai pu à mon grand regret, vous voir avant votre départ pour Yvetot.
Je suis restée à Barbison (sic), plus longtemps que ce que je comptais y rester. Et à mon retour fin septembre, je suis allée rue Monsigny et n’ai pu vous y rencontrer ; je pensais trouver Marthe et la prier de me dire à quel moment je pourrais vous rencontrer.
Je suis donc retournée plusieurs jours et je n’ai pas été plus heureuse. J’ai supposé que le timbre était dérangé et ne pouvant me faire entendre. Je suis repartie à Barbison.
Pour les panneaux de votre chambre, je vous prie, si vous voulez bien me faire le très grand plaisir de me donner de vos nouvelles, de me faire savoir l’époque où vous pensez venir à Paris, et je prendrai mes dispositions pour vous les apporter.
Nous resterons à Paris assez tard, je pense peut-être jusqu’à la fin juin, car nous devons aller dans le midi à l’automne, tout en passant comme l’année dernière deux mois en Suisse.
Mon mari et mon fils vous prient d’agréer leurs plus respectueux souhaits.
Pour vous, chère Madame et amie, recevez avec mes bons souhaits, l’assurance de ma profonde et sincère amitié et embrassez pour moi, votre petite Marie.

Bien à vous

Hortense Cézanne

Rue des Lions St Paul 2. »

Fig. 250. Vignette reproduisant la 1ère page de la lettre d’Hortense
sur le site internet du vendeur

Cette lettre, qui nous a permis de mieux préciser la suite des événements de 1893 et 1894, confirme la fidélité en amitié d’Hortense et la continuité des liens entre Mme Chocquet et la famille Cezanne. Mme Chocquet, installée à Yvetot depuis la mort de son mari, venait tout de même de temps en temps à Paris rue Monsigny, où Hortense évoque la livraison de panneaux pour sa chambre : s’il s’agit des deux dessus de porte commandés à Cezanne en 1890, on peut donc en déduire que ceux-ci ont été mis en place dans le courant de l’année 1895 seulement, voire plus tard.

Au début de 1895, Cezanne continue à se déplacer régulièrement : en janvier, il  est en famille à Paris et travaille dans son atelier rue Bonaparte, qu’il conservera jusqu’en janvier 1896 ; en févier et mars, il se retrouve à Aix et il peint en compagnie de Renoir ; en avril il est de retour à Paris[19]il va voir Monet le 16 avril selon la lettre qu’il lui écrit de Paris le 14 (veille de Pâques) et Pissarro le rencontre en mai à l’exposition Monet chez Durand-Ruel (Lettre de Camille Pissarro à Lucien Pissarro, 26 mai 1895). où il s’attaque au portrait de Geffroy. Comme ce dernier ne lui donne pas satisfaction, il quitte brusquement la capitale vers le 20 juin pour se réfugier au Jas de Bouffan[20]Il écrit au peintre Oller le 5 juillet depuis le Jas de Bouffan, où il réside « depuis une dizaine de jours ». Il s’occupe de sa vieille mère de 80 ans qui a dû quitter la propriété et habite maintenant au 30, Cours Mirabeau tandis que sa sœur Marie s’est installée 8, rue de la Monnaie. Hortense et son fils restent à Paris, à moins, si l’on en croit la lettre d’Hortense à Mme Chocquet du 3 janvier, que celle-ci ait mis à exécution son projet de quitter Paris fin juin et de passer à nouveau l’été en Suisse[21]Ce qui serait son troisième séjour documenté en Suisse : le premier en 1890, comme nous l’avons vu, et les deux séjours auxquels elle fait allusion dans cette lettre : celui de 1893 ou 1894, selon la façon dont on interprète ici l’expression « l’année dernière », et celui projeté de 1895. (avec Paul junior et peut-être son mari ?), puis de rejoindre Cezanne à l’automne à Aix. Quant à Cezanne, mis à part un aller-retour possible à Paris vers septembre, avec retour à Aix en octobre en compagnie d’Hortense revenue (ou revenus ?) de Suisse, il demeure à Aix les trois derniers mois de l’année et n’en reviendra qu’à l’automne 1896. Cézanne étant désormais seul au Jas de Bouffan, il a pu y accueillir Hortense et son fils pendant les 5 mois qui vont suivre. Il est vraisemblable dans ce cas qu’Hortense, comme elle le fera souvent par la suite, a pu décider de passer l’hiver en Provence, où le climat est plus doux qu’à Paris.

L’habitude de ces alternances assez rapides de séparations suivies de périodes de cohabitation ou de rencontres est maintenant bien établie. Elle a été vécue sans drame et donc apparaît effectivement comme une bonne solution pour assurer la possibilité d’une vie de famille satisfaisante pour tous. Et la distance entre Hortense qui, à 46 ans, fait preuve d’une vitalité encore intacte malgré ses ennuis de santé, et Cezanne qui, à 57 ans, se définit presque comme un vieillard (« D’ailleurs, je suis comme mort »[22]Lettre du 30 avril 1896 à Joachim Gasquet, très intéressante pour ce qu’elle révèle de la façon dont Cezanne se ressent à cette époque., bien qu’il escalade encore la Sainte-Victoire avec Solari début novembre…) ne peut que conforter leur décision de vivre leur vie indépendamment l’un de l’autre tout en restant en relation.

Fig. 251. Cezanne à 57 ans (R876)

En septembre, en proie à de graves difficultés financières, Maxime Conil vend la propriété de Bellevue : on s’achemine vers la fin de l’indivision et la vente du Jas de Bouffan…

Mais à Paris, les choses bougent : Vollard, le jeune marchand de 28 ans qui cherche à s’établir par un coup d’éclat, a l’idée d’organiser une exposition des œuvres de Cezanne. Pour cela, il suit les conseils de Pissarro et prend contact avec le fils de Cezanne qui commence à se charger de gérer les intérêts de son père et négocie avec le marchand.

En novembre, l’Exposition Cezanne du 39, rue Lafitte rassemble quelque cent cinquante œuvres. La critique est mitigée, mais toute une génération de jeunes artistes y trouve un sujet d’émerveillement qui va désormais aller en s’amplifiant. Pour Paul junior, qui à partir de cette année commence à gérer les affaires de son père à sa demande (remplaçant progressivement Marie, la sœur du peintre, dans cet office), des perspectives intéressantes s’ouvrent par là. Il va servir d’intermédiaire auprès des marchands et des critiques. Pourtant, le moral de Cezanne est au plus bas, bien qu’il se livre à quelques excursions avec Emperaire et Solari au Tholonet ou à la sainte-Victoire. En novembre, il a loué une chambre à Château Noir et peint dans la carrière de Bibémus.

Le 26 décembre 1895, le lendemain de Noël, Henri Guillaume, le frère de Louis, meurt ; il avait à peine 11 ans. Quand elle a appris la nouvelle à Aix, Hortense a dû être profondément touchée par ce décès et partager le chagrin de Thérèse[23]Les Guillaume habitent alors au 131, rue de Vaugirard (15e) cf. acte de décès d’Henri Guillaume aux Archives de Paris..

Janvier – mai 1896 – Tiraillements dans le ménage ?

De janvier à mai 1896, Cezanne est toujours à Aix. Passée la mauvaise saison, Hortense a dû revenir à Paris vers février ou mars. Comment se sont-ils quittés ? Vraisemblablement sans heurt particulier, malgré les quelques bêtises que Cezanne, qui aime se faire plaindre quand il est déprimé, raconte en avril à Coste et dont celui-ci informe ainsi Zola :

« J’ai vu récemment et je vois assez souvent Cezanne et Solari qui sont ici depuis quelque temps. […]Cezanne est très déprimé et en proie souvent à de sombres pensées.
« Il a pourtant quelque satisfaction d’amour-propre et ses œuvres ont dans les ventes un succès auquel il n’était pas accoutumé. Mais sa femme a dû lui faire commettre bien des sottises. Il est obligé d’aller à Paris ou d’en revenir suivant les ordres qu’elle lui donne. Pour avoir la paix il a été contraint de se dépouiller de son avoir et, d’après les confidences qu’il laisse échapper, on n’a dû lui laisser qu’une rente d’une centaine de francs par mois.»[24]Lettre d’avril 1896 de Coste à Zola

Il est évident qu’il n’y a pas la moindre vraisemblance dans ces propos de Cezanne sur son épouse – rapportés, donc amplifiés par Coste dans le sens de ses préjugés contre Hortense, surtout s’adressant à Zola –  ni en ce qui concerne sa rente, sa sœur Marie veillant sur la gestion de sa fortune, ni en ce qui concerne sa supposée soumission aux caprices d’Hortense, dont le moins qu’on puisse dire est qu’on n’en a pas vu la moindre trace dans le passé – il n’a d’ailleurs pas quitté Aix depuis un an – , sauf peut-être lorsqu’il a accepté ce calamiteux voyage en Suisse il y a six ans, qu’il lui a d’ailleurs fait payer en manifestant à l’occasion son mauvais caractère – ce qui, si l’on en croit la lettre d’Hortense de janvier  1895, ne l’a pas empêché d’y retourner une fois et peut-être deux avec elle. Mais Coste, comme Alexis et Zola, n’aime guère Hortense, et Cezanne le sait bien.« Tout cela est méridionalement exagéré. Il y a des tiraillements dans ce ménage qui n’en est pas un — les époux vivant séparés le plus souvent —, et après des scènes où Cezanne tient tête, il cède ensuite »[25]Jean de Beucken, op. cit. p. 97.… ou il ne cède pas ! Ses propos rapportés par Coste indiquent cependant qu’intérieurement, il n’a pas encore entièrement fait la paix avec Hortense.

Printemps 1896 : 58, rue des Dames

Il se peut aussi que ses plaintes relativement aux finances du ménage soient en lien avec  le fait que depuis leur retour à Paris au début du printemps 1896, Hortense et Paul junior ont décidé de déménager une nouvelle fois. Mais cette fois-ci, au 3étage du n° 58 de la rue des Dames[26]Atteste de ce déménagement le visa de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul en avril 1896 (Philippe Cezanne). La rue des Dames est une rue très longue (850 mètres). Elle débute à l’avenue de Clichy et court parallèlement au Boulevard des Batignolles. dans le quartier des Batignolles, Hortense va occuper un appartement confortable dans un immeuble bourgeois, composé d’une antichambre, d’un salon, d’une salle à manger, d’une cuisine, d’un couloir, d’un bureau, d’une salle de bains et de deux chambres avec cheminées[27]Archives de Paris, registre cadastral, D1P4, 1876. C’est la 19résidence commune du couple et la 20résidence d’Hortense depuis 1870..

Fig. 252. La rue des Dames au croisement de la rue Boursault
Collection privée

Fig. 253. Le site aujourd’hui
(Image Google Earth)

Fig. 254. Le 58, rue des Dames
(Image Google Earth)

Il semble bien que ce soit la première fois qu’elle habite un appartement sinon luxueux, du moins de très bon niveau. Cela dit, le quartier est assez bigarré, mêlant échoppes, marchés populaires et immeubles somptueux. Cela devait convenir à Hortense, elle qui se plaisait dans la compagnie des petites gens dont elle est issue, mais assoiffée maintenant de rattraper toutes ses années de misère en jouissant pleinement du confort de vie procuré par l’argent. C’est peut-être pour cela que finalement elle n’y restera que jusqu’à la fin de l’année, comme nous le verrons.

Fig. 255 Jour de marché rue des Dames
Collection privée

Comme Cezanne n’est pas revenu à Paris, il est vraisemblable qu’elle s’est chargée elle-même de choisir cet appartement et qu’elle a mis son mari devant le fait accompli, d’où ses récriminations et peut-être le mouvement d’humeur dont Coste a été témoin.

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Références

Références
1 .]Rien que dans la rue des Lions-Saint-Paul :
Au 3 – Hôtel du XVIIIème siècle, dit des Parlementaires, nom donné jadis aux partisans de la Fronde sous la régence d’Anne d’Autriche.
Au 5 – Ex Hôtel de Moucy.
Au 10 – Hôtel construit en 1642 pour Gaspard de Fieubet. On ne voit cet hôtel que depuis la cour car la façade sur rue est moderne.
Au 11 – Hôtel loué à la marquise de Sévigné de 1645 à 1650. Il demeure de cette époque la porte sur rue et les mansardes sur rue.
Au 12 – Hôtel de type Louis XIII.
Au 14 et 16 – Emplacement de deux maisons du XVIIème siècle.,3
Au 18 – Tourelle d’angle classée.
Cf. http://paristoric.com/index.php/transports-et-voirie/rues/1062-la-rue-des-lions-saint-paul?tmpl=component
2 Cf https://ruebeautreillis.blog/2018/01/14/histoires-dimmeuble-le-2-rue-beautreillis-ou-2-rue-des-lions-saint-paul-fin/
3 Dans ses souvenirs d’enfance, André Gide se souvient : « au chevet de mon lit, chaque nuit, un verre à demi-plein d’une solution de chloral, plein de petits cristaux d’hydrate, m’attendait. A table, à côté de mon assiette, c’était une bouteille de ‘’sirop Laroze’’, écorces d’oranges amères et bromure de potassium »Cf. Si le grain ne meurt, cité par F. Trépardoux, Médecine et chimie dans l’enfance d’André Gide, Revue d’Histoire de la pharmacie, année 1993, n° 297, p.188-189  http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1993_num_81_297_3724?q
4 Calepins cadastraux D1P4, 1876. Archives de Paris. L’appartement comprend une entrée, un salon, une salle-à-manger, une pièce à feu et cuisine. Il s’agit de la 18e résidence commune du couple et 19erésidence d’Hortense depuis 1870. On ne connaît pas la date exacte du début de bail, mais il est vraisemblable que la famille ne s’est pas d’abord réinstallée Avenue d’Orléans, puisque Cezanne avait eu le projet l’année précédente de fixer Hortense définitivement  à Aix et qu’il avait fait vider l’appartement de ses meubles : il avait donc dû résilier le bail de cet appartement. L’installation dans le Marais facilitera en 1894 les allées et venues journalières de Cezanne vers les bords de la Marne, l’appartement étant situé près de la gare de la Bastille et du débarcadère sur la Seine qui permettaient tous deux au peintre de se rendre sur place, puis d’en revenir dans la journée.
5 Vollard, op. cit., 1914, p. 56–58
6 Auberge transformée en « Le Sabot rouge » dans le roman du même nom de Henry Murger en 1860. L’auberge sera démolie en 1887 : c’est donc avant cette date que Cezanne a pu y séjourner. Cf. http://www.apophtegme.com/ALBUM/marlotte.htm : « L’Auberge de la mère Antoni, comme on l’appelait désormais, accueillait une joyeuse colonie d’artistes, peintres, littérateurs et musiciens attirés autant par le village et la forêt que par la gentillesse de la patronne et la modestie de l’addition. » Selon Rewald, 1986, p. 269 : Cézanne aurait même acheté une maison dans le village de Marlotte. On n’a pas retrouvé trace de cette acquisition. Rewald la confond de façon un peu surprenante avec l’achat de La Nicotière par Paul Junior à Bourron-Marlotte en 1922..
7 « Le cabaret de la Mère Anthony est un de mes tableaux dont j’ai gardé le souvenir le plus agréable. Ce n’est pas que je trouve cette toile particulièrement excitante, mais elle me rappelle tellement l’excellente Mère Anthony et son auberge de Marlotte, la vraie auberge de village ! J’ai pris comme sujet de mon étude la salle commune qui servait également de salle à manger. La vieille femme coiffée d’une marmotte, c’est la mère Anthony en personne ; la superbe fille qui sert à boire était la servante Nana. Le caniche blanc, c’est Toto, qui avait une patte de bois. Je fis poser autour de la table quelques-uns de mes amis, dont Sisley et Le Coeur.  Quant aux motifs qui constituent le fond de mon tableau, je les avais empruntés à des sujets peints à même le mur, qui étaient l’œuvre sans prétention, mais souvent très réussie, des habitués de l’endroit. Moi-même j’y avais dessiné la silhouette de Mürger, (auteur des Scènes de la vie de Bohème) que je reproduisis dans ma toile, en haut à gauche. »Auguste Renoir, in A. Vollard, 1918. Noter le titre du Journal : L’Événement, comme dans le portrait de Louis-Auguste Cézanne par son fils en 1866, où Zola faisait paraître entre avril et mai de la même année ses articles prenant la défense de Manet et Monet.
8 Archives communales d’Aix, K1,1872.
9 Voir ci-dessous. Ce second séjour en Suisse a cependant peut-être eu lieu l’année suivante.
10 Un visa de la gendarmerie sur son livret militaire atteste de la présence de Paul junior au 2, rue des Lions-Saint-Paul en avril 1894. On se rappelle que Cezanne peut aller et venir entre son appartement et les bords de la Marne dans la journée.
11 Lettre du 26 mars 1894 à Gustave Geffroy.
12 Cf. sa lettre à Mme Chocquet du 5 janvier 1895 qu’on lira ci-dessous : « Je suis restée à Barbison (sic), plus longtemps que ce que je comptais y rester. Et à mon retour fin septembre (…) » Mais si l’on prend à la lettre les mots d’Hortense,  « tout en passant comme l’année dernière deux mois en Suisse », ce séjour se serait situé durant cet été 1894 avant qu’Hortense rejoigne son mari à Barbizon en septembre. Il est cependant possible que la lettre datant du tout début de l’année 1895, l’ « année dernière »fasse plutôt allusion aux vacances de l’année 1893 qu’à l’année 1894 qui vient à peine de se terminer, et c’est donc en 1893 qu’a pu avoir lieu le séjour de deux mois en Suisse.
13 Brouillon de lettre trouvé dans un carnet de dessin.
14 Jean de Beucken, op. cit., p. 92
15 Matilda Lewis à sa famille, [Novembre 1894], typescript in object file 1955.29.1 of the Yale University Art Gallery, New Haven.
16 Gustave Geffroy, Claude Monet, 1922
17 Cf. sa lettre à Mme Chocquet du 5 janvier 1895 ci-dessous. Hortense écrit qu’il s’y est installé fin novembre ; il est plus vraisemblable que cette installation se soit faite à son retour de Giverny début décembre.
18 Lettre mise en vente en novembre 2015 par la Librairie de l’Abbaye-Pinault, 27 à 36, rue Bonaparte, Paris (750 €).
19 il va voir Monet le 16 avril selon la lettre qu’il lui écrit de Paris le 14 (veille de Pâques) et Pissarro le rencontre en mai à l’exposition Monet chez Durand-Ruel (Lettre de Camille Pissarro à Lucien Pissarro, 26 mai 1895).
20 Il écrit au peintre Oller le 5 juillet depuis le Jas de Bouffan, où il réside « depuis une dizaine de jours »
21 Ce qui serait son troisième séjour documenté en Suisse : le premier en 1890, comme nous l’avons vu, et les deux séjours auxquels elle fait allusion dans cette lettre : celui de 1893 ou 1894, selon la façon dont on interprète ici l’expression « l’année dernière », et celui projeté de 1895.
22 Lettre du 30 avril 1896 à Joachim Gasquet, très intéressante pour ce qu’elle révèle de la façon dont Cezanne se ressent à cette époque.
23 Les Guillaume habitent alors au 131, rue de Vaugirard (15e) cf. acte de décès d’Henri Guillaume aux Archives de Paris.
24 Lettre d’avril 1896 de Coste à Zola
25 Jean de Beucken, op. cit. p. 97.
26 Atteste de ce déménagement le visa de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul en avril 1896 (Philippe Cezanne). La rue des Dames est une rue très longue (850 mètres). Elle débute à l’avenue de Clichy et court parallèlement au Boulevard des Batignolles.
27 Archives de Paris, registre cadastral, D1P4, 1876. C’est la 19résidence commune du couple et la 20résidence d’Hortense depuis 1870.