Philippe Cezanne
(documents d’Isabelle Cahn, John Rewald, Lydia Harambourg )
La forêt de Fontainebleau,
un thème pictural au XIXeme siècle
Jusqu’au début du XIXeme siècle, il n’était que l’Italie, la campagne romaine et particulièrement les forêts, cascades et falaises autour de Tivoli pour attirer les artiste en quête de paysages. Et si la forêt autour de Paris pouvait remplacer les collines de la campagne romaine. Corot ne revient plus en Italie après 1830…
La forêt de Fontainebleau et les villages alentours ont été colonisés par les artistes depuis 1824. L’accès depuis la Capitale ne posait aucun problème grâce au relais de poste de Chailly-en-bière, arrêt obligatoire de la liaison Paris – Rome de la diligence, puis quelques années plus tard par la mise en service de la ligne de chemin de fer qui desservait Fontainebleau, Montigny ou Moret. Dès cette époque les villages de Barbizon ou Chailly furent occupés par Corot, Millet, Rousseau ou Courbet, ainsi que Daubigny et Diaz qui firent le lien entre l’école de 1830 et les Impressionnistes, initiant Renoir, Monet ou Pissarro à la peinture de plein air. Ils logeaient, la plus part du temps, dans la fameuse auberge Ganne à Barbizon ou celle de madame Lemoine à Chailly. Puis les artistes s’installèrent dans les autres villages de la périphérie de la forêt comme : Moret, Melun, Marlotte, Montigny-sur-Loing, Saint-Mammès.
Lieu de recherche, l’immense forêt avec ses sujets si divers, ses sous-bois profonds, ses clairières ensoleillées et sa nature si riche, inspira plusieurs générations d’artistes. Les Impressionnistes investirent également les villages eux-mêmes, transposant leurs émotions devant les églises, les bords de Seine ou du Loing ou de simples habitations.
Cezanne à Melun (1878-1879)
Le premier séjour connu de Paul Cézanne dans cette région date d’avril 1879, il s’installe à Melun 2 place de la Préfecture, pendant un an, effectuant de brefs passages à Paris ou Médan chez Emile Zola. Ce séjour à Melun dure pratiquement une année.
Lettre à Emile Zola, Melun 23 juin 1879 : Mon cher Emile, Je suis arrivé sans éclaboussures à la gare de Triel, et mon bras agité à travers la portière, quand j’ai passé devant ton castel, doit t’avoir révélé ma présence dans le train que je n’avais pas manqué. (le train traverse la propriété de Zola à Médan)
Le 24 septembre 1879… : Je m’ingénie toujours à trouver ma voie picturale. La nature m’offre les plus grandes difficultés. Mais je ne vais pas trop mal…
Le 27 septembre 1879 : Mon cher Emile, Je te remercie vivement. Envoie-moi à Melun les places. Je ne vais à Paris que le 6 au matin.
(Cézanne a demandé à Zola 3 places pour voir « l’Assommoir » au théâtre)
J’accepte très volontiers ton invitation pour Médan. Surtout pour cette époque où la campagne est vraiment étonnante.-Il semble qu’il y a plus de silence. Voici des sensations que je ne peux exprimer, il vaut mieux les ressentir.
Le 18 décembre 1879 : Mon cher Emile, J’ai reçu tes deux dernières lettres, l’une m’annonçant l’amoncellement de la neige, l’autre le manque complet de dégel. Je le crois sans peine. Sous le rapport du froid, je n’ai rien à t’envier.- mercredi il a fait jusqu’à 25 degrés. Et ce qui est moins drôle encore, c’est que je ne peux me procurer de combustible.
Probablement samedi je n’aurais plus de charbon, et je serais obliger de me réfugier à Paris. C’est un hiver bien épatant. J’ai quelques difficulté à me reporter au mois de juillet par la pensée, le froid vous rappelle trop à la réalité.
du côté de Fontainebleau entre les années 1891 et 1894
De 1891 à 1894, Paul Cézanne effectue de nombreux séjours dans la région lors de ses passages à Paris. Fontainebleau, Avon, Melun, Samois, Marlotte, mais contrairement à ce que pensait John Rewald il n’a jamais acheté de propriété dans ce village. Ce n’est qu’en 1922 que son fils acheta « la Nicotière » à deux pas de « Saint-El » propriété de Jean Renoir. A Marlotte il logeait au Sabot rouge, chez la mère Antoni. Dans son ouvrage sur l’histoire du village de Bourron-Marlotte, madame Marie-Claude Lalance raconte que la villa « Les Glycines » a été louée, au XIX siècle, par de nombreux artistes, en particulier Alfred Sisley. Les derniers propriétaires, aujourd’hui décédés, ont retrouvé dans un tiroir secret d’un secrétaire, un carnet servant à noter des dépenses où figure le nom de Paul Cézanne.
Brouillon de lettre trouvé dans un carnet de dessins : Le 21 septembre 1894 : Hier 20 du ct., j’ai pris chez vous quatre toiles à peindre dont trois de 20 et une de 25 (correspond à des dimensions : 20 = 60 x 73 cms. ; 25 = 65 x 81 cms.) – les trois premières à 2 fr.50, celle de 25 à 2 fr. 80 Dont le total serait de 10 fr. 30 et non de 11 fr. 50, comme j’ai payé par erreur.
Je pense que vous voudrez bien m’en tenir compte à mon prochain voyage à Melun.
du côté de Marlotte en 1898-1899
En 1898, il revient à Fontainebleau et Montigny-sur-Loing où il réalise une aquarelle de l’église du village ainsi qu’une peinture du même sujet. D’après les livres de compte de son marchand A.Vollard, il loge 11 rue Saint-Louis à Fontainebleau. Il reçoit la visite de plusieurs peintres dont celle d’Alfred Hauge dont il fait le portrait et celle de Jozsef Rippl-Ronai qui découvre Cézanne alors qu’il exécute ce portrait. ( Jean Colrat raconte cette double rencontre dan le catalogue Cézanne et Paris (RMN 2011) : un visiteur oublié, p. 150)
Un dernier séjour en 1905
Rien ne permet d’affirmer que Cezanne soit venu en 1904. Rien ne l’exclut non plus. En tout cas il est certain que son dernier séjour date de l’été 1905, où il rejoint sa femme et son fils. Il réside 8 rue de la Coudre à Fontainebleau.
Le 6 juillet 1905 il écrit à un fournisseur : Hier j’ai eu le plaisir de recevoir l’envoi des toiles et couleurs que je vous avait commandées, mais j’attends avec impatience ma boîte que je vous avait prié de me faire raccommoder en y ajoutant une palette avec un trou suffisant pour y passer le pouce.
Œuvres réalisées dans la région de Fontainebleau ou supposées :
Aquarelles : Catalogue Rewald : RW079 –RW099 –RW100 –RW327 –RW369 –RW398 –RW451 –RW453 –RW489 –RW528 –RW529 –RW626 –RW628 –RW631 –RW632.
Peintures : Catalogue Rewald : FWN42-R125, FWN41-R126, FWN132-R375, FWN133-R376, FWN134-R400, FWN135-R401, FWN138-R402, FWN137-R403, FWN140-R404, FWN142-R405, FWN141-R406n FWN143-R407, FWN139-R408, FWN146-R413, FWN145-R414, FWN148-R434, FWN149-R435, FWN144-R436, FWN254-R627, FWN290-R759, FWN323-R775, FWN291-R776, FWN304-R815, FWN328-R832, FWN325-R905, FWN324-R906.