Chapitre VII – 1906-1922 : Madame Paul Cezanne

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1.    L’héritage

1906

La mort de Cezanne déclenche les formalités administratives liées à la succession.

Le 29 octobre le président du tribunal civil d’Aix procède à l’ouverture du testament du peintre, déposé chez Maître Mouravit le 26 septembre 1902, comme nous l’avons vu.

Le 16 novembre, l’acte de notoriété concernant le décès du peintre prend acte du fait que Paul et Hortense ont été mariés sous le régime de la communauté légale de biens, que Paul junior est seul héritier naturel et reconnaît la validité du testament.

Le 20 novembre a lieu la vente par licitation de la part revenant à Hortense sur l’atelier du chemin des Lauves, en faveur de son fils Paul, pour un prix de 2 500 francs.

Le 28 novembre a lieu l’inventaire des biens mobiliers laissés par Paul Cezanne à son domicile de la rue Boulegon. Il consiste en une vingtaine de toiles estimées 5 800 francs, auxquels s’ajoutent 24 500 francs représentant le prix de diverses toiles déclarées vendues par Cezanne de son vivant et par Hortense et Paul junior depuis son décès. Ces 30 300 Francs s’ajoutent en principe à l’actif de la communauté et seront réduits à 30 000 francs dans la déclaration de succession.

Le 8 décembre enfin est dressé l’acte de partage des biens de la communauté, entériné et complété par la déclaration de succession du 10 décembre, qui attribue à Hortense la somme de 223 000 francs et à Paul junior 248 000 francs[1]Rappelons que les 25 000 francs de plus dont il bénéficie correspondent à la quotité disponible qui lui avait été léguée en pleine propriété par le testament de 1902 en sa faveur, cf. Le testament de Cezanne au chapitre 6 ci-dessus..

Il est intéressant de noter que c’est à l’occasion de l’acte de partage qu’Hortense change désormais de signature : de « Hortense Fiquet » par quoi elle signait l’acte de mariage avec Paul de 1886, elle est passée à « Hortense Cézanne » ou « Mme Hortense Cézanne » dans les actes du mois de novembre, pour finalement en décembre signer « Mme Paul Cézanne ». La voilà définitivement devenue l’épouse incontestable et incontestée du peintre…

[2]Noter qu’elle orthographie le nom « Cezanne » avec l’accent aigu sur le e.</p> " data-medium-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-288x300.jpg" data-large-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-984x1024.jpg" decoding="async" class="size-medium wp-image-13294" src="http://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-288x300.jpg" alt="" width="288" height="300" srcset="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-288x300.jpg 288w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-768x799.jpg 768w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-984x1024.jpg 984w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-04-à-22.52.34-1080x1123.jpg 1080w" sizes="(max-width: 288px) 100vw, 288px" />

Fig. 322. Comment Hortense Fiquet devint Madame Paul Cezanne[3]Noter qu’elle orthographie le nom « Cezanne » avec l’accent aigu sur le e.

Il est clair que courant novembre Hortense et Paul ont dû vider l’atelier des Lauves et celui de la rue Boulegon (sans compter les œuvres présentes à Paris ou mises en dépôt chez Vollard) pour éviter les droits de succession afférents[4]Contrairement à leur engagement « de bien et fidèlement représenter tout ce qui à leur connaissance peut dépendre desdites communauté et succession », comme écrit dans l’acte d’inventaire du 28 novembre…, comme le prouvent les ventes qu’ils vont réaliser au début de l’année 1907. Celles-ci sont si importantes que Vollard va s’associer aux Bernheim-Jeune pour les financer : ils rachètent d’abord 17 des tableaux déclarés dans la succession pour un total de 165 000 francs (soit une moyenne de 9 700 francs par tableau, alors que leur valeur moyenne déclarée dans l’acte d’inventaire après décès avait été de 280 francs environ…) Ils rachètent ensuite 187 aquarelles pour 62 000 francs et 14 autres toiles pour 48 000 francs, soit un total de 275 000 francs (environ 1,15 M €). En supposant que la mère et le fils aient partagé ces gains, c’est donc plus de 360 000 francs au total dont disposent chacun Hortense et Paul (1,5 M€ chacun environ), de quoi leur assurer des rentes confortables.

Autant dire qu’ils possèdent désormais des moyens tout à fait considérables, sans commune mesure avec la pension que leur servait Cezanne du temps de son vivant.

On a pu s’étonner de ces ventes à Vollard et aux Bernheim-Jeune, qu’on a interprétées comme une hâte à se débarrasser des œuvres du peintre. Comme l’écrit Rewald : « Il n’est pas impossible que la veuve et le fils de l’artiste aient craint que les prix relativement « élevés » obtenus pour ses œuvres ne puissent se maintenir, et décidé par conséquent de profiter de la modeste vogue posthume du peintre. »[5]Rewald, Cezanne, 1986, p. 142. Une telle interprétation est peu crédible, car il est certain que le fonds d’œuvres récupérées dans les ateliers des Lauves et de la rue Boulegon ou dans l’appartement de Paris excédait très largement la trentaine de tableaux vendus à Vollard[6]Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925, p. 26, raconte que lors de sa visite à l’atelier de la rue Boulegon, « il y avait partout des Cezanne »., vu la négligence de Cezanne abandonnant  ses œuvres n’importe où et sans aucun soin. En outre, Paul junior s’occupait depuis plusieurs années déjà de la commercialisation des tableaux de son père ; il avait pu juger Vollard et constater que celui-ci avait du flair pour anticiper les tendances du marché : s’il achetait si cher, c’est qu’il pensait vendre encore plus cher et qu’il prévoyait une croissance continue de la cote de Cezanne. Quant à Hortense, on l’a vu, tout en ne comprenant pas sa peinture[7]Hortense aurait déclaré à Matisse qui, paralysé par son admiration et sa timidité, n’avait pas osé rencontrer Cezanne de son vivant : « Vous savez, Cezanne ne savait pas ce qu’il faisait. Il ne savait pas comment finir ses tableaux. Renoir et Monet, eux, savaient leur métier de peintre… » (d’aprèsMarie-Alain Couturier, O.P., Se garder libre, Journal 1947-1954, Paris, 1962, p. 116 relatant une conversation avec Matisse, le 23 juin 1951 à Nice). Belle occasion pour Jean de Beucken de charger une fois de plus Hortense en citant ces propos : « Ce fut sa veuve (doit-on s’en étonner ?) qui lui composa la plus triste épitaphe ». Ce qui finit par étonner, c’est cet acharnement envers Hortense de la plupart des critiques et biographes du peintre., elle n’ignorait rien de la notoriété grandissante de son mari dont témoignaient les nombreuses expositions qui lui étaient consacrées ; elle et son fils avaient évidemment constaté la progression constante et de plus en plus assurée de sa cote, encore renforcée par la reconnaissance de sa valeur par les achats de musées étrangers : il n’y avait aucune raison objective d’imaginer qu’il y avait là un feu de paille.

En outre, si tel avait été le cas, comment Paul et Hortense auraient-ils pu conserver par devers eux dans leurs appartements successifs un si grand nombre de tableaux, d’aquarelles et de dessins qui ne seront vendus que bien des années plus tard, et la plupart après la mort d’Hortense, au lieu de s’en débarrasser immédiatement en profitant de l’effet d’aubaine ? Peut-être ont-ils effectivement profité de l’avidité de Vollard à la mort du peintre pour arrondir quelque peu leur pelote, mais sans du tout se démunir de l’essentiel de l’héritage artistique laissé par Cezanne. Léo Larguier raconte ainsi sa surprise en découvrant chez Mme Cezanne de nombreuses toiles du peintre :

« Je me souviens de mon étonnement, un soir où je dînais chez Mme Cezanne qui conservait aux murs de la salle à manger et du salon d’anciennes toiles.
J’en saluai quelques-unes qui m’étaient familières.
Elles dataient probablement de 1898, mais elles étaient semblables à celles sur lesquelles j’avais vu s’acharner le maître d’Aix.
C’était le Cezanne du compotier et des trois pommes, le Cezanne du mont de la Victoire, des natures mortes et des paysages sans empâtements ni reliefs de tons, le Cezanne des jus puissants mais sobres et presque lisses.
A côté de ces compositions, je vis pour la première fois des toiles qui étaient sans doute de l’époque où il peignait  « L’Homme au chapeau de paille » et « La Maison du pendu ».
Je sais que je revins au quartier latin, où j’habitais, enthousiasmé, n’ayant pas dit grand’chose au cours de ce repas excellent, et ayant écouté M. A. Vollard, qui était du dîner, et qui parlait de la façon la plus pittoresque, avec des nonchalances et des cruautés de grand félin… »[8]Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925, p. 158..

 Philippe Cezanne explique également qu’il y avait des raisons psychologiques fortes ayant amené Paul à vider l’atelier et l’appartement de la rue Boulegon : « (…) mon grand père était aussi rancunier, il n’a jamais accepté l’attitude des Aixois vis-à-vis de son père. C’est pourquoi, après son décès, il vida l’appartement de la rue Boulegon ainsi que son atelier des Lauves, emportant ses œuvres bien sûr, mais aussi tous ses meubles, objets familiers, souvenirs : ses livres, la dernière palette encore couverte des couleurs, prête au travail, les boites à aquarelle, le missel, ses lunettes… ainsi que de nombreux objets ayant servi aux natures mortes, ne laissant que peu de choses, de moindre intérêt, puis il ferma l’atelier. Il ne revint jamais à Aix en Provence, hormis pour enterrer dans le caveau familial, deux de ses enfants morts en bas âge, alors qu’il habita à Cagnes sur mer près de Renoir, à Marseille et Toulon[9]Philippe Cezanne, Cezanne vu par ses contemporains, ouvrage à paraître sous l’égide de la Société Paul Cezanne.. »

Après la mort d’Hortense, Paul disposera encore d’une collection extraordinaire de toiles de son père et d’autres artistes :

« La maison Nicot de Marlotte servit d’écrin et de décor aux merveilleuses toiles qui prirent place sur les murs : des Renoir, Cezanne, Delacroix, Monet… un trésor qui fut gardé jour et nuit par cinq bergers allemands !
Il est vrai que les toiles peintes par son père et ses amis impressionnistes commençaient à valoir une fortune, et il y en avait plein la maison attirant les marchands et les collectionneurs du monde entier »[10]http://www.apophtegme.com/ARTS/cezanne.htm, d’aprèsMarie-Claude Roesch-Lalance, Bourron-Marlotte, si les maisons racontaient, Édition Bourron-Marlotte, Association des amis de Bourron-Marlotte, 1986. Selon Philippe Cezanne, il y a dans cette description du trésor familial une certaine exagération,  car en dehors des tableaux de Cezanne, il n’y avait que les deux portraits de Renée (l’épouse de Paul junior) par Renoir et l’aquarelle de Delacroix, mais pas de Monet..

De même Aline Cezanne, la fille de Paul Junior, raconte dans ses souvenirs le soin jaloux apporté par ses parents à leur collection, dont le premier tableau ne sera vendu que 10 ans après la mort d’Hortense, en 1932, pour financer son mariage, et le dernier seulement dans les années 1950…

2.    La vie d’Hortense après la mort de Paul

Après 1906 – De nouvelles conditions de vie pour Hortense

Après la mort de peintre, on sait peu de choses sur la façon dont se déroule la vie d’Hortense, car nous ne disposons plus des nombreux témoignages écrits qui ont accompagné son existence avec Paul.

On peut imaginer qu’après une vie d’intense privation jusqu’à la mort de Louis-Auguste, puis de privation relative jusqu’à celle de Paul, la fortune dont ils disposaient maintenant sans restriction a dû un peu faire tourner la tête d’Hortense et de Paul junior.

Plus question de compter désormais ; il était temps de prendre leur revanche sur la vie passée et ses difficultés sans nombre. Aussi, Hortense peut enfin satisfaire son goût inné pour les belles toilettes : elle s’habille avec élégance et porte des bijoux.

Surtout, elle laisse libre cours à son désir de voyages et de vie à l’hôtel : « sa santé fragile l’amène à séjourner l’été avec une amie[11]Mme Legoupil, qui accompagnait souvent Hortense en voyage après le décès de Paul (Philippe Cezanne). Les Legoupil étaient des amis d’Hortense et de Paul junior, connus de Cezanne qui dans sa lettre à son fils du 25 juillet 1906 écrit : « Donne le bonjour à Monsieur et à Madame Legoupil, dont le bon souvenir me touche et qui sont si gentils pour ta pauvre mère. », dans celle du 3 août 1906 : « Je suis heureux que tu voies Monsieur et Madame Legoupil qui sont sur terre et doivent produire une détente sensible dans ton existence. », dans celle du 26 août : « Bonjour à Monsieur et Madame Legoupil » et encore le 15 octobre 1906 : « A l’occasion, donne le bonjour à Monsieur et Madame Legoupil, qui veulent se souvenir de moi. » en Suisse, à Genève, Lausanne[12]dont elle préfère le climat à celui de Genève, car plus sec, comme elle l’écrit en 1921 à Georges Rivière., Zurich et Lucerne, villes qu’elle connaissait bien et dont elle appréciait le climat. De plus pendant la guerre cela lui permettait de ne pas entendre parler « tudesque », ce qu’elle ne supportait pas. Elle a aussi séjourné à Marseille et à Monaco dans un petit appartement »[13]Informations données par Philippe Cezanne..  Un mot d’Hortense à Mme Pissarro le 6 septembre 1908[14]C.A.S. à Mme Pissarro (à Eragny, par Gisors), Oberhofen, 6 septembre (1908), Carte postale in-12,représentant un panorama des Alpes à Beatenberg ;  au crayon. Lot n° 20 (vendu 319 €), vente Tajan – Manuscrits, Photographies, Livres anciens et modernes, 11/06/2014, Hôtel Drouot, Paris., dans lequel elle s’excuse de ne pas  avoir répondu à sa dernière lettre mais lui promet qu’elle lui écrira « depuis la Suisse allemande dans un très joli coin. Bonjour à Lucien, s’il est toujours avec vous (…) », confirme son attraction pour la Suisse où elle séjourne à cette date dans le canton de Berne. On la retrouve aussi avec Paul à Clacton on Sea, en Angleterre, en septembre 1912[15]Paul envoie de là une carte postale à Marthe Conil le 12 septembre 1912 (Philippe Cezanne)..

Son goût du jeu peut ainsi se satisfaire dans les casinos. Maurice Denis, rendant visite aux Renoir à Cagnes, écrit dans son journal : « 1913. Cagnes. Déjeuné chez Renoir avec les jeunes mariés et la mère Cézanne qui passe son temps à la roulette à Monte-Carlo[16]Maurice Denis, Journal, vol. 2 (1905-1920), Paris, La Colombe, Editions du Vieux Colombier, 1957, p. 150.. »Mais même lorsqu’elle demeure à Paris, elle trouve dans les cartes une distraction dont elle ne se lasse pas, seule (elle fait des réussites) ou en compagnie. Comme en témoigne sa petite-fille Aline Cezanne : « Je l’ai toujours vue taper le carton[17]Interviewpar Laurence Mouillefarine d’Aline Cezanne dans Madame Figaron°15893 du 23 septembre 1995.. ». D’aucuns prétendent que cette passion du jeu lui aurait coûté une grande partie de sa fortune et aurait contribué à la dilapidation de l’héritage laissé par Cezanne ; rien n’est moins sûr. Selon le témoignage de Philippe Cezanne, « elle a vécu jusqu’à sa mort des revenus de son capital qu’elle touchait chaque mois auprès de sa banque. » et il est donc plus que probable qu’à sa mort son fils a hérité de ce capital resté intact[18]Il se peut qu’elle ait cependant vendu quelques-uns des tableaux qui lui appartenaient en propre. et que la disparition de l’héritage du peintre est en partie de son fait comme nous le verrons plus loin. Mais une telle interprétation permet une fois de plus à ses détracteurs de la présenter comme une écervelée incapable de gérer sa vie. Tout se passe comme si, n’ayant pas été une intellectuelle ou une forte femme à la manière d’une Alexandrine Zola, on pouvait la considérer comme indigne de son génie de mari ; elle méritait donc de récolter le mépris des admirateurs posthumes de Paul, épousant complaisamment l’hostilité de sa sœur Marie ou les moqueries des amis du peintre – lesquels prêtaient une oreille accueillante et prenaient pour argent comptant les jérémiades marquées d’un certain cynisme dont Cezanne était coutumier, quand lui prenait l’envie de jouer les victimes et de se faire plaindre…

Hortense mène donc une existence bourgeoise qu’elle partage avec son fils dans leur appartement du 16, rue Duperré. Un des rares portraits photographiques d’Hortense que nous possédions la montre posant, comme autrefois avec Paul, impassible devant l’œil du photographe, une ombre de sourire presque moqueur aux lèvres, avec toujours la même dignité dans le maintien. Hortense ne se laisse pas aller, et elle continue à n’en penser pas moins… Mais à la soixantaine, ses traits se sont alourdis ; peut-être avec la fin des tensions nées de la vie plutôt chaotique menée du vivant de son mari s’est-il produit en elle une sorte de relâchement de cette énergie intérieure que l’on percevait dans ses portraits antérieurs. Plus besoin de se battre désormais : la fatigue de l’âge s’exprime maintenant dans le plissement des paupières, où se lit à la fois une certaine bonté et une sorte de distance intérieure prise sur toutes choses.

Fig. 323. Hortense à la soixantaine (Pierre Gobert)

Toujours aussi sociable, elle continue à voir ses amis et à recevoir à l’occasion ceux de son fils, comme Léo Larguier : « Cette femme que j’ai un peu connue à la fin de sa vie, et qui était une bonne personne (…) »[19]Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925. dit-il d’elle. Elle reste aussi en contact avec Gustave Geffroy[20]Celui-ci écrit en effet dansClaude Monet –  Sa vie, son œuvre, Tome II, Ed. Crès, 1924, p. 69 : « Comment n’aurais-je pas été surpris en apprenant, pendant que j’écris ce livre, qu’un biographe de Cezanne, M. Joachim Gasquet, aujourd’hui disparu comme lui, ait pu affirmer que Cezanne m’avait voué une « haine inexplicable ». Inexplicable en effet ! Monet s’est récrié sur l’invraisemblance de ce trait, et Mme Cezanne aussi. Tous deux affirment au contraire que Cezanne m’avait gardé sa sympathie, et pour moi, je sais que je n’avais rien fait pour la démériter. ». D’ailleurs mère et fils partagent toujours le même appartement. Hortense reste très liée aux Renoir, dont Paul junior devient un des intimes. Et grâce à cette amitié déjà ancienne, elle connaîtra la joie d’être grand-mère.

1912 – Paul junior se marie

En effet, Paul, un bon vivant qui adore les fêtes et la compagnie, après la mort de son père, fréquente assidument la si accueillante famille Renoir et leurs amis. Malgré la différence d’âge qui les sépare, il se lie notamment d’une étroite amitié avec Jean Renoir, le futur cinéaste.

Fig. 324.  Paul en 1912 (Philippe Cezanne)

Il part en vacances chez les Renoir à Essoyes et à Cagnes-sur-Mer, et c’est là qu’il rencontre Renée Rivière, une des filles du critique d’art Georges Rivière que connaissait bien Cezanne. Elle est orpheline de mère et la vieille amie d’Hortense, Aline Renoir (qui a maintenant 54 ans), lui sert de chaperon. Bien que Paul ait déjà 41 ans et pense ne jamais se marier, Aline fait tant et si bien qu’elle les pousse l’un vers l’autre. Comme le dira bien plus tard Aline Cezanne, la fille de Paul : « Papa avait plus de quarante ans, il avait beaucoup bamboché, il était temps de se ranger ! C’est Aline Renoir, encore, célèbre pour ses petits plats, qui donnait des leçons de cuisine à maman. »[21]Interview par Laurence Mouillefarine d’Aline Cezanne dans Madame Figaron°15893 du 23 septembre 1995. C’est donc à Aline Charigot que doivent leur prénom la première fille de Paul et sa petite-fille née de son fils Jean-Pierre.

Le mariage de Paul Cezanne, publiciste, domicilié 16, rue Duperré avec sa mère, et de Renée Célina Rivière, née à Paris le 21 avril 1885 (elle a donc 27 ans, et comme son père et son grand-père, Paul épouse une femme beaucoup plus jeune que lui…), fille de Georges Eugène Rivière et de Marie Augustine Jablonski est donc célébré le 6 janvier 1913 à la mairie du 14arrondissement de Paris. Les témoins de Paul sont « Aline Charigot femme Renoir » (elle l’a épousé en 1890) et « Ambroise Vollard, 46 ans, marchand de tableaux »[22]Dans son testament du 7 décembre 1911, Vollard a nommé Paul Cezanne son exécuteur testamentaire avec pour adresse le 16, rue Duperré.. Les témoins de la mariée sont des amis de son père, qui signe également le registre, contrairement à Hortense (qui n’a pas à autoriser son fils à se marier, ce qui est le cas de Georges Rivière pour sa fille selon le Code Civil). Le mariage religieux a lieu en l’église Notre-Dame de Lorette[23]On peut noter que Paul junior signe l’acte de mariage : « Paul Cézanne », avec l’accent aigu sur le e. Cf. Acte de mariage de Paul Cezanne et Renée Rivière – 6 janvier 1913, in Annexe III, V-3..

Fig. 325.  Paul en 1913, le jour de son mariage (Philippe Cezanne)

Fig. 326.  Paul en 1913, le jour de son mariage (Philippe Cezanne)

 

 

 

 

 

 

 

A l’occasion de ce mariage, Marie Cezanne a écrit à son neveu le 4 décembre 1912 une lettre qui montre qu’Hortense tient désormais pour elle toute sa place dans la famille et que ses relations avec sa belle-sœur se sont finalement normalisées, six ans après le décès de Paul ; il n’est plus question d’exclusion.

Fig. 327. Lettre de Marie Cezanne à Paul à l’occasion de son mariage, pages 1-2 (Philippe Cezanne)

Fig. 328. Lettre de Marie Cezanne à Paul à l’occasion de son mariage, page 3 (Philippe Cezanne)

 

 

 

 

 

 

 

 

«                                                                     Aix, 4 décembre 1912

                                   Mon cher Paul,

 Je suis très heureuse de la nouvelle que m’a apportée ta lettre reçue hier. Ta détermination est très-sage ; et je ne doute pas, d’après ce que tu me dis de ta fiancée ; de son père ; et de l’approbation de Monsieur Renoir que ton choix soit excellent. Je prie dieu de bénir votre union et j’ai la douce espérance que la piété de ta femme t’amènera à devenir un bon chrétien, la seule chose qui te manque à mon avis , pour faire le modèle des époux et des pères ; puisque le Bon Dieu t’a déjà donné de nombreuses qualités naturelles qui font de toi un très-bon garçon.
Ta mère doit être bien contente de ce mariage ; dis-lui combien j’en suis heureuse aussi, et offre lui toutes mes félicitations. Je fais des vœux pour que sa santé s’améliore et que son séjour à Monaco lui apporte le plus de soulagement possible.
Melle Turc[24]Philippe Cezanne : « Elle vivait à la fin de sa vie chez une amie, Mademoiselle Victorine Turc, 10 rue Cardinale, en face de Saint Jean de Malte, et elles suivaient tous les offices de Matines à Vêpres. » à qui j’ai fait part de la grande nouvelle est tout heureuse de vous offrir ses meilleures félicitations à toi et à ta mère.
Ma santé est aussi bonne que possible ; nous avons malgré des temps variables, des journées pendant lesquelles, il y a des heures ensoleillées qui nous permettent à mon amie et à moi de faire une petite promenade fortifiante.
Au revoir, mon cher Paul, reçois avec mes félicitations renouvelées l’expression de mes sentiments dévoués et très affectueux.

 M. Cezanne »

Le 24 décembre 1912, Mme Brémond elle-même écrit à Hortense et à Paul ; l’expression « votre tendre mère » indique à quel point l’hostilité des temps passés est bien révolue.

Fig. 329. Lettre de Mme Brémond à Hortense et Paul à l’occasion de son mariage, page 1 (Philippe Cezanne)

Fig. 330. Lettre de Mme Brémond à Hortense et Paul à l’occasion de son mariage, pages 2-3 (Philippe Cezanne)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«                      Mardi 24 décembre 1912.

                        Madame et Monsieur Paul Cezanne.

Jeudi soir ayant eu le plaisir d’aller voir mademoiselle Cezanne, votre belle sœur et tante, j’ai appris votre prochain mariage. Cela m’a fait bien plaisir, je désire de tout cœur que ce soir pour votre plus bonheur ; ayant toujours été bon fils vous ne pouvez être que bon époux. Cela va être aussi un bien grand bonheur pour madame Cezanne, votre tendre mère. Elle trouvera une charmante compagne dans madame sa belle fille, et bientôt une nouvelle famille dans ses petits enfants.
  Vous allez aussi Monsieur Paul en vous rendant heureux combler les vœux de monsieur votre cher père. Puisse-t-il le jour de votre mariage, sa bénédiction vous donner longtemps bonheur et prospérité.
Je vous transmets aussi les meilleurs vœux de mon mari.
Recevez madame et Monsieur Paul, l’expression de nos meilleurs sentiments

                                                           Marie Bremond. »

1913 – Naissance de Paul, fils de Paul junior

Avec des séjours plus ou moins prolongés dans le midi (Renée écrit à son père Georges Rivière depuis Monaco en mars 1913[25]Information donnée par Philippe Cezanne. ), le couple s’installe à Paris ; auprès d’eux Hortense continue à vivre chez son fils. Cette situation fait que les relations entre belle-fille et belle-mère ne seront, de façon très classique, pas toujours faciles. Et Renée se retrouve immédiatement enceinte.

Le 19 octobre 1913, Hortense a le bonheur de voir naître à Paris son premier petit-fils, à qui l’on donne, filiation oblige, le prénom de Paul[26]ses autres prénoms sont Jean, Georges, Napoléon..

A cette occasion, 15 jours après, sa tante Marie écrit à Paul .

Fig. 331. Lettre de Marie Cezanne à  Paul à l’occasion de la naissance de son fils, page 1
(Philippe Cezanne)

Fig. 332. Lettre de Marie Cezanne à  Paul à l’occasion de la naissance de son fils, page 2
(Philippe Cezanne)

Fig. 333. Lettre de Marie Cezanne à  Paul à l’occasion de la naissance de son fils, page 3
(Philippe Cezanne)

 

 

 

 

 

 

 

 

«                                                         Aix 4 novembre 1913

                         Mon cher Paul,

 J ‘aurais voulu répondre plus tôt à ta bonne lettre qui m’a fait partager vos angoisses ; heureusement passées ; et qui me permet de m’unir à votre joie qui, je l’espère ne sera point troublée.
            Que le Bon Dieu vous bénisse vous tous et le cher petit ange qu’il vous a accordé ; qu’Il le rende bon comme son père, aimable comme sa mère, et que, par dessus tout, il devienne un bon chrétien, plus fervent que son père, ce qui, je crois n’est pas beaucoup dire. Je prie de tout mon cœur pour que mes vœux se réalisent et que la félicité, autant qu’on peut en avoir, en ce monde, soit assise à votre foyer pour de longs jours.
             Le cadeau que je destine à mon cher petit-neveu n’est point encore prêt ; je l’attends tous les jours, et c’est cette attente qui m’a fait retarder ma lettre.
             J’espère que la santé de Renée est toujours bonne, qu’elle peut allaiter ce cher petit sans trop de fatigue. Tu seras bien aimable de me donner le plus que tu pourras des nouvelles de la mère et de l’enfant, tout en y joignant des tiennes et de celles de ta mère. Je désire que cette dernière ne se porte pas trop mal ; la température très douce dont nous jouissons me semble devoir lui être assez favorable. Dis-lui mille amitiés de ma part.
            Melle Turc me charge de vous dire à tous, mille choses aimables
            Au revoir, mon cher Paul, je vous embrasse tous trois bien affectueusement

             Ta tante dévouée

             M. Cezanne»

« Mille amitiés » de la part de Marie pour Hortense : le passé est bien aboli…

15, rue des Batignolles

En octobre 1913[27]Visas de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul junior le 25 octobre 1913 (Philippe Cezanne) : voir Annexe II-IV., on retrouve la famille installée dans un nouvel appartement – une surprise après 9 ans de stabilité au 16, rue Duperré. Peut-être est-ce la naissance du petit qui est la cause de la recherche d’un plus grand appartement, mais on ne sait si ce déménagement précède ou suit la naissance du petit Paul. Quoi qu’il en soit, ils s’installent au 15, rue des Batignolles, dans le 17arrondissement, dans un bel immeuble bourgeois avec balcons en fer forgé donnant sur une place située en face de la mairie du XVIIe (aujourd’hui place Richard Baret)  et tout près des grands bains Tivoli .

Retour dans le quartier habité de 1896 à 1904 au 58, rue des Dames, qui est à une centaine de mètres de cette nouvelle adresse. Hortense décidément se stabilise…

Fig. 334. La rue des Batignolles vers 1905. La photographie est prise exactement devant le n° 15.
Collection privée

Fig. 335. L’ancienne Maire face au n° 15
Collection privée

Fig. 336. 15, rue des Batignolles aujourd’hui
Image Google Earth

1914 – Naissance d’Aline, fille de Paul junior

Pourtant, Renée et Paul partent s’installer en janvier 1914 à La Mignonette à Cagnes-sur-Mer, près des Renoir[28]D’après une lettre de Renée Cezanne à Georges Rivière (Philippe Cezanne).. On ne sait si Hortense les suit, mais c’est vraisemblable.

La guerre est déclarée le 3 août 1914. Paul, qui à 42 ans était déjà affecté dans la réserve, a été envoyé au début de la guerre dans différents services auxiliaires à Marseille, comme l’indique Philippe Cezanne : « Mobilisé, mon grand-père, Paul Cezanne junior, n’a jamais approché le front, en raison de sa forte myopie, et sa famille se déplaça en fonction de ses affectations». D’après le visa de la gendarmerie sur son livret militaire, il est installé à Cagnes le 12 septembre 1914[29]cf. Annexe II-IV, où les Renoir se sont fixés définitivement depuis 1905. Il terminera d’ailleurs en 1917 à Paris mis à la disposition du ministre du commerce.

Le 21 octobre 1914, Renée met au monde à Nice une petite fille, prénommée Aline en hommage à sa « grand-mère » adoptive Aline Renoir. Nouvelle joie pour la famille Cezanne et pour Hortense, mais inquiétude partagée avec les Renoir dont les deux fils Pierre et Jean, engagés, ont été blessés.

Fig. 337. Auguste et Aline Renoir aux Collettes vers 1914
Los Angeles, University of California, Art Library, Jean Renoir collection

1915 – Entre Provence et Paris

Mais quatre mois après la naissance d’Aline, la famille Cezanne a le chagrin de perdre le petit Paul qui meurt à un an et quatre mois le 28 février 1915 à Cagnes-sur-Mer.

Le 6 mars 1915, on les retrouve à Marseille à l’hôtel Beauvau, puis installés au 61, Allée des Capucines jusqu’à fin octobre 1915. Mais ils se rendent souvent à Cagnes-sur-Mer retrouver les Renoir, en particulier peu avant et après le décès d’Aline Renoir qui va bientôt se produire. Quant à Hortense, elle continue de voyager puisque Renée écrit à son père le 19 avril 1915 que sa belle-mère est à Marseille et s’apprête à revenir à Paris avant de repartir pour la Suisse : « Tu verras ma belle-mère, peut-être dimanche, elle part pour Paris vendredi, elle veut aller dans son éternelle Suisse qu’elle trouve si belle. »[30]Philippe Cezanne.. Agacement de la belle-fille envers la belle-mère…

Entretemps Jean Renoir a été de nouveau grièvement blessé et évacué à Gérardmer. Hortense écrit le 24 juin à Aline une lettre qui témoigne des liens d’intimité entre les Cezanne, les Renoir et les Rivière :

Ma Chère Aline,

Je sais par Mr Rivière que ton Jean est à Besançon. Je dois
aller en Savoie ou peut-être en Suisse. Je passerai par Besançon
et j’y resterai quelques jours. J’aurai donc le plaisir de voir
Jean. Je suis heureuse de voir qu’on a pu l’évacuer. Je préfère le
voir à Besançon qu’à Gérardmer. Vous irez sans doute le voir
et qui sait vous trouverez peut-être à vous installer par là, le
pays est joli et plaira certainement à Renoir. Si cela se produit
je m’y établirai moi-même, car je serai heureuse d’être auprès
de vous. Vous devez avoir chaud à Cagnes. Ici nous avons des
alternatives de chaud, temps orageux et raffraichissement de
la température. Je vais passer trois jours à Nantes. Je pense
partir pour Besançon vers le 12 juillet. Je suis Hôtel de la Hte
[Haute] Loire, [Boulevard] Raspail jusqu’à mardi. J’espère que
vous allez bien et que tu es un peu plus rassurée, ma pauvre
Aline. Conserver ses enfants tout est là.

     Au revoir donc, ma bonne amie. Mes meilleurs souvenirs
pour Renoir, un gros baiser pour Claude.

  Je t’embrasse tendrement

              Ta vieille amie

H. Cezanne

   Si tu peux m’envoyer un petit mot pour me dire ce que tu penses faire, tu peux l’adresser [Boulevard] Montparnasse 119, car où que je sois, il me parviendra.

(lettre datée du 24 juin [1915])

Aline s’est bien rendue au chevet de Jean à Gérardmer, mais elle en est revenue malade et elle décède prématurément dans une clinique à Nice à 56 ans le 27 juin des suites de son diabète. Elle n’a donc probablement pas lu la lettre d’Hortense. Pour celle-ci, la mort d’Aline est un rude coup, car c’est une nouvelle fois une amie proche qui disparaît, elles qui se sont connues naguère dans des situations proches, toutes deux compagnes non officielles de leurs futurs époux, et qui n’ont cessé  de se voir ou de correspondre depuis la mort de Cezanne…

D’après cette lettre, Hortense a repris à cette époque ses « éternels » voyages, comme dit Renée : Nantes, Besançon, la Savoie, la Suisse…Peut-être cherche-t-elle à échapper à la tristesse de Renée  et de Paul junior après la mort du petit Paul, peut-être ne veut-elle pas représenter pour eux un poids supplémentaire durant le deuil…et apparemment à son ou ses retours à Paris, elle ne réside pas au 15, rue des Batignolles puisqu’elle prend une chambre d’hôtel, et qu’elle a prévu une adresse d’où on lui réexpédie son courrier – peut-être une amie qui réside au 119, Boulevard Montparnasse et qui connaît tous ses déplacements.

Il se peut pourtant que certains se retrouvent pour les mois d’été à Fontainebleau où ils continuent à louer une maison (on ne sait si Paul est retenu pendant ce temps à Marseille par ses obligations militaires). Cependant, une lettre d’Hortense à Paul datée du 24 juillet 1915 depuis l’hôtel de l’Ecu à Genève nous apprend qu’elle y est arrivée la veille. Elle y fait allusion à des séjours antérieurs .

Fig. 338. Lettre d’Hortense à Paul
(Philippe Cezanne)

«                                              24 juillet 1915

Mon Cher Paul

            Je suis arrivée hier matin à Genève. Je suis descendue à l’Ecu où je suis bien et où il n’y a que des Français et des Anglais ce qui est bon pour moi, car je suis dans un tel état de nervosité que je ne pourrais supporter la langue tudesque.
            Je te pries, si tu désires que je touche tes coupons échus, de m’envoyer la lettre que tu m’envoyais les autres années. Je passerai au Crédit Lyonnais ces jours-ci, dès que j’aurai pris un peu de repos. J’ai une crise d’entérite assez violente (…) »

Le 22 octobre, Renée écrit à son père pour le prévenir que la famille revient à Paris à la fin du mois, en précisant que Paul est aux Collettes pour dire au revoir à Renoir, lequel lui a demandé de rester quelques jours[31]Relaté par Philippe Cezanne.). La famille au complet se retrouve donc au 15, rue des Batignolles, comme en témoigne l’inscription du 26 novembre 1915 sur le livret militaire de Paul((Annexe II-IV.

Une photographie d’Hortense avec la petite Aline et Amélie Conil, fille de Rose Cezanne, la sœur du peintre et cousine de Paul junior, ainsi que Renée, plus tard appelée « mamine » par ses petits-enfants) et a été prise durant l’hiver 1915 à Vincennes où ils se rendent fréquemment, peut-être chez Georges Rivière  :

Fig. 339. Hortense à 65 ans avec sa petite-fille Aline
(Philippe Cezanne)

 Sur cette photo Hortense accuse son âge par rapport à la photo de la Fig. 147. Une sorte de douceur nouvelle s’est inscrite dans ses traits alors qu’elle regarde sa petite-fille, comme une sorte d’apaisement par rapport au quant-à-soi qu’exprimait encore la photo précédente.

Fig. 340. Hortense à 65 ans avec sa petite-fille Aline
(Pierre Gobert)

 Mais pour autant la prise de distance n’est jamais très loin, comme le montre ce second cliché…

1916 – Naissance et mort de Pierre, second fils de Paul junior

En avril 1916, Renée donne naissance à un second fils, prénommé Pierre, mais il ne vivra pas et mourra en mai : nouveau chagrin pour Hortense, son fils et sa bru. Le 18 avril, Vollard écrit à Paul au 15, rue des Batignolles.

1917 – Hortense grand-mère

Une nouvelle photo d’Hortense en 1917 saisie sur le vif montre sa complicité avec Aline, qui a maintenant 3 ans. Elle s’appuie sur sa grand-mère en toute confiance. Penchées l’une vers l’autre, Hortense la protège de sa main gauche avec la même douceur un peu fatiguée dans le regard qu’on lui connaît et son sourire intérieur si caractéristique. Comme le raconte Philippe Cezanne : « Ma tante Aline avait des souvenirs de sa grand-mère qui l’invitait dans sa chambre à partager quelques friandises et à discuter. »

[32]Photo prise à Chaville où la famille se rend également fréquemment durant l’année 1917.<br /> (Pierre Gobert)</p> " data-medium-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42-300x226.jpg" data-large-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42.jpg" decoding="async" loading="lazy" class="size-medium wp-image-13324" src="http://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42-300x226.jpg" alt="" width="300" height="226" srcset="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42-300x226.jpg 300w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42-768x578.jpg 768w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/z-2019-01-05-à-17.57.42.jpg 956w" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" />

Fig. 341. Hortense à 67 ans avec sa petite-fille Aline[33]Photo prise à Chaville où la famille se rend également fréquemment durant l’année 1917.
(Pierre Gobert)

Hortense devait être une grand-mère adorable, et en tout cas très attentive aux siens, car même lorsqu’elle était en voyage en Suisse ou à Monaco, elle se tenait constamment informée de la santé de sa famille et de leurs besoins.

1918 – 30, rue de Miromesnil

Au 30 juin 1918, Hortense et Paul ont déménagé une nouvelle fois pour s’installer au n° 30 de la rue de Miromesnil dans le 8arrondissement, à deux pas de l’Elysée et du Boulevard Haussmann[34]26eet dernier appartement d’Hortense… Leur présente à cette adresse est attestée par le visa de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul le 10 janvier 1919 (Philippe Cezanne).  Cf. Annexe II-IV. L’appartement doit être plus vaste pour accueillir la famille ainsi agrandie. L’immeuble est d’ailleurs un des plus luxueux de la rue, avec son porche impressionnant et ses grands balcons aux rambardes de fer forgé très travaillées. Les Renoir habitent le même immeuble, deux étages plus haut : c’est peut-être ce qui explique cet ultime déménagement…

Fig. 342. La rue de Miromesnil
Collection privée

Fig. 343. Le n° 30, rue de Miromesnil (immeuble de gauche)
Image Google Earth

Fig. 344. L’immeuble vu d’en bas
Image Google Earth

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En juillet 1918, Renée et sa sœur Hélène  (qui a épousé Edmond Renoir, un neveu du peintre) sont à Hacqueville, où Paul, bénéficiant d’une permission, les rejoint entre le 25 et le 29. Puis elles se rendent en septembre à Granville, où le 12 octobre Renée met au monde un troisième fils, que l’on prénomme Jean-Pierre, et qui vivra. La nouvelle a sans aucun doute empli de joie Paul et Hortense, qui ne sont pas présents.

Hortense est revenue de Monaco vers le 15 juillet, et elle est repartie le 24 pour Fontainebleau où elle loge à l’hôtel du Cadran Bleu.

1919 – Mort de Renoir

Le 3 décembre 1919, 4 ans après Aline, c’est Pierre-Auguste Renoir qui décède à son tour à Cagnes-sur-Mer ; pour Hortense, un des derniers liens qui la rattachait à son passé avec Paul se rompt ainsi. La nouvelle génération est maintenant aux commandes.

1921 – Mort de Marie Cezanne

Hortense, qui ne cesse de voyager, écrit à Georges Rivière qu’elle préfère Lausanne à Genève car le climat y est plus sec.

Un nouveau décès intervient dans la famille Cezanne : celui de Marie, la sœur du peintre, enterrée en juin 1921 à Aix-en-Provence[35]Philippe Cezanne : « Elle a été enterrée en juin 1921 à Aix-en-Provence dans le caveau de la famille Turc» à sa demande, selon Rewald, car son amie l’y avait précédé.. Paul junior, qui avait toujours été son neveu préféré, hérite de la moitié de sa fortune et de la Sainte-Victoire qu’elle possédait (R796). Quant à Hortense, elle vient juste de partir en Suisse où elle arrive le 9 juin à Genève. Elle en partira le 30 septembre par Vallorbe, comme en témoigne le verso de son passeport délivré le 25 mai 1921 :

Fig. 345. Passeport d’Hortense – recto (Philippe Cezanne)

Fig. 346. Passeport d’Hortense – verso (Philippe Cezanne)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La photo d’identité nous dévoile une Hortense bien vieillie, peut-être marquée par la maladie, les cheveux courts, mais le regard toujours aussi énergique.

Fig. 347. Photo d’identité d’Hortense à 71 ans
(Philippe Cezanne)

Le 24 décembre 1921, Marcel Provence achète à Paul Cezanne fils « l’atelier des Lauves »  pour 9 000 francs[36]Après la mort de Marcel Provence, la menace d’un rachat par des promoteurs immobiliers convainquit quelques admirateurs américains de Cezanne emmenés par John Rewald  d’en faire l’acquisition en 1954 et de remettre l’atelier à la municipalité d’Aix.

1922 – Mort d’Hortense

Le 31 janvier, Hortense, Paul et Renée Cezanne assistent au mariage de Claude Renoir (dit Coco) et Paulette Dupré aux Collettes, la maison des Renoir à Cagnes sur Mer. Leurs témoins sont Paul Cezanne, publiciste, et Pierre Renoir, artiste dramatique. Sur la photo commémorant l’événement, Hortense occupe la place d’honneur, celle qui aurait dû être occupée par Aline Renoir.  On y voit également Paul (coiffé d’une chéchia) avec Jean-Pierre sur ses genoux, son épouse Renée « chahutée » par Albert André, un membre à part entière de la famille (ami intime d’Auguste et de Pierre Renoir, second « père » de Jean et parrain de Coco), et Aline tout près de sa grand-mère assise à côté des mariés.

Fig. 348. Le mariage de Coco Renoir
(Pierre Gobert)

Hortense semble ici regarder dans la direction de son fils.

Fig. 349. Le mariage de Coco Renoir
(Pierre Gobert)

 Cette seconde photographie est la dernière où figure Hortense. Elle est très émouvante, car Hortense y apparaît fort lasse, les yeux clos, loin déjà de toute cette jeunesse exubérante qui l’entoure, elle si proche de sa fin :

Fig. 350. Hortense au mariage de Coco Renoir le 31 janvier 1922

En effet, sa vie s’achève quatre mois plus tard, le 3 mai 1922,en son domicile du 30, rue de Miromesnil[37]Acte de décès d’Hortense Fiquet, épouse de Paul Cézanne, le 3 mai 1922 à Paris (8e), 30, rue de Miromesnil. Archives de Paris, mairie du 8e, acte 10 73. Cf. Annexe III, III-3.. Elle a 72 ans.

Fig. 351. Le Mémorial d’Aix, 28 mai 1922

Elle est inhumée le 6 mai au cimetière du Père Lachaise[38]90e division – 9e rangée – 32e tombe (Bureau de la conservation du cimetière).Dans la même tombe seront inhumés son fils Paul (1872-1947), mort à 75 ans, et ses arrière-petites-filles Françoise Gobert (1933-1934) etCatherine Cezanne((1942-1991).

Fig. 352. La tombe d’Hortense et de Paul junior au Père Lachaise
Photographie Raymond Hurtu

Fig. 353. Inscription d’Hortense au Père Lachaise
Photographie Raymond Hurtu

Fig. 354. Inscription de Paul au Père Lachaise
Photographie Raymond Hurtu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Selon sa pierre tombale, la voilà donc « Mme Paul Cezanne » pour l’éternité, n’en déplaise à ceux qui persistent à lui dénier ce titre et continuent aujourd’hui encore à ne la nommer que par son patronyme de jeune fille, considérant, comme autrefois Marie, la sœur de Paul, que ce mariage n’était qu’une mésalliance et qu’Hortense n’était pas digne de Paul…

À titre de réparation, nous déposerons sur sa tombe quelques vers de Baudelaire, poète chéri de son époux :

La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,

Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,

Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.


Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs…

                                Charles Baudelaire,Les fleurs du Mal[39]Pièce LXIX dans l’édition de 1857, pièce C dans l’édition de 1861.
Variante : « Les morts, les pauvres morts, ont d’étranges douleurs. » Il y a finalement quelque chose d’étrange dans toutes ces appréciations négatives dont sa mémoire a été recouverte à plaisir avec une telle désinvolture par tant de critiques. Appréciations qui ont pourtant été épargnées à Mme Renoir et à Mme Monet, malgré la similitude des origines et des destins : Hortense la Franc-comtoise, Aline Charigot la Champenoise (née à Essoyes dans l’Aube) et Julie Velley la Bourguignonne (née à Grançay-sur-Ource en Côte d’Or) sont issues d’un même terroir, toutes trois d’origine paysanne, toutes trois ayant vécu dans l’ombre d’un grand peintre, servantes, épouses et modèles…

*     *
*

3.    Paul junior après Hortense

C’est aussi en mai 1922 que Jean Renoir achète la propriété de Saint El à Bourron-Marlotte et qu’il pousse Paul junior à acheter une propriété voisine, la Nicotière.

Fig. 355. La Nicotière
Sophie Lalance

Fig. 356. La Nicotière
Municipalité de Bourron-Marlotte

 

 

 

 

 

 

 

Hortense ne l’aura donc pas connue, pas plus que la disparition des héritages de Louis Auguste et du peintre qu’on lui attribue couramment ainsi qu’à son fils Paul. En réalité, cette fortune diminue très progressivement, et à la mort de Paul junior elle demeurera encore tout à fait considérable, d’autant que la cote des tableaux s’est envolée : on ne peut donc rendre Hortense responsable d’une prétendue dilapidation des biens de la famille.

Quant à Paul, il est vrai qu’il est un piètre gestionnaire et qu’il mène grand train : « Quant aux invités dont Jean Renoir et ses amis venus de Saint-El, de Giverny, de Paris et d’ailleurs, ils n’oublieront jamais l’accueil exubérant et fastueux du maître de maison, qui, durant de nombreuses années, tint table ouverte pour ses amis et les amis de ses amis. »[40]http://www.apophtegme.com/ARTS/cezanne.htm

Fig. 357. Paul Cezanne et Ambroise Vollard à la Nicotière
(Pierre Gobert)

« Paul Cezanne voulait que la vie à la Nicotière soit une fête perpétuelle, il aimait le billard, les boules de pétanque, les feux d’artifice et faisait livrer le porto en tonneaux ! Il adorait se déguiser et jouer à cache-cache. Tout le monde y participait. Il est vrai que cette maison s’y prêtait, tant il y avait de bâtiments, d’escaliers, de couloirs… Un jour que « Tonton Paul » avait trouvé une cachette à l’intérieur d’une cheminée, la cloche de l’entrée retentit: un couple de touristes américains désiraient rencontrer le fils de Cezanne. Ils virent arriver un ramoneur, noir des pieds à la tête, qui leur cria: « Le fils… c’est moi ! »»[41]Marie-Claude Roesch-Lalance, Bourron-Marlotte, si les maisons racontaient, Édition : Bourron-Marlotte : Association des amis de Bourron-Marlotte , 1986

Paul est aussi d’une grande générosité avec ses amis ; c’est ainsi que toute sa vie il soutiendra  et donnera l’hospitalité à Louis Guillaume[42]Philippe Cezanne., son vieux camarade de jeux du temps où tous deux étaient enfants et pauvres…

Selon Aline, la fille de Paul, « Nous vivions six mois à Paris, six mois à Bourron-Marlotte, près de Fontainebleau. À chaque semestre, branle-bas de combat! Nous décrochions tous les toiles pour les transporter d’une maison à l’autre. Papa s’asseyait auprès du chauffeur et ne les quittait pas des yeux. … Notre intérieur regorgeait de toiles. »Quant à sa mère Renée, elle disait toujours :« Jamais un tableau ne sortira de cette maison ! »

[43]cf. Richard W. Murphy, Cézanne et son temps1839-1906, editions Time-Life page 171, Mlle Thérèse Bonney (Wide World)<br /> Thérèse Bonney : photographe américaine décédée à Paris en 1978<br /> Wide World Photos : studio photographique américain qui avait une antenne à Paris</p> " data-medium-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/1930-Trois-générations-198x300.jpg" data-large-file="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/1930-Trois-générations.jpg" decoding="async" loading="lazy" class="size-medium wp-image-13343" src="http://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/1930-Trois-générations-198x300.jpg" alt="" width="198" height="300" srcset="https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/1930-Trois-générations-198x300.jpg 198w, https://www.societe-cezanne.fr/wp-content/uploads/2019/01/1930-Trois-générations.jpg 349w" sizes="(max-width: 198px) 100vw, 198px" />

Fig. 358. Trois générations de Cezanne[44]cf. Richard W. Murphy, Cézanne et son temps1839-1906, editions Time-Life page 171, Mlle Thérèse Bonney (Wide World)
Thérèse Bonney : photographe américaine décédée à Paris en 1978
Wide World Photos : studio photographique américain qui avait une antenne à Paris

Pourtant, « 1932 : Aline a dix-huit ans et se marie. C’est là que tout a commencé. La mariée sera la plus belle des mariées, c’est décidé. Alors on n’hésite pas, pour ça on vend le plus beau de la collection : une nature morte aux pommes et poires. La presse l’annonce à grand tapage : 1 500 000 francs ! Mais, quelles noces ! Robe de Lanvin, somptueuse, la traîne est assez longue pour faire le tour de Saint-Honoré-d’Eylau. Orchestre de Noirs – « papa avait découvert le jazz à Pigalle ». Invitations lancées auprès du Tout-Paris : « Maman en adressa même à des célébrités que nous ne connaissions pas. Ils sont tous venus ! » Qui ne se serait pas pressé chez les héritiers Cezanne ? Le défilé des félicitations s’échelonna sur deux heures. Événement inoubliable. Et pour cause : un premier tableau envolé, le pli tragique était pris. Fête après fête, « les tantes » partirent à leur tour. »[45]Madame Figaro n°15893 du 23 septembre 1995.

Fig. 359. Paul Cezanne fils devant la nature morte vendue pour le mariage d’Aline

Fig. 360. Le mariage d’Aline Cezanne en 1932 avec B.  Gobert
(Pierre Gobert)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est vrai aussi que Paul se trouve parfois gêné et fait appel à Vollard à telle ou telle occasion, lequel lui fera même cadeau d’une avance importante qu’il lui avait demandée, « expliquant qu’il avait gagné suffisamment d’argent avec les œuvres de Cezanne pour être en mesure de donner au fils de l’artiste ce dont il avait besoin »[46]Rewald, op. cit. Il faut noter aussi que Vollard avait désigné Paul comme son exécuteur testamentaire dans son testament du 7 décembre 1911 (relaté par Philippe Cezanne), indice probant de l’amitié qui liait ces deux hommes.

Mais en 1947, à la mort de Paul, de nombreuses œuvres du peintre sont encore en possession de la famille, tableaux, aquarelles et dessins, représentant une fortune qui mettra plus de 10 ans à peu à peu s’évanouir, notamment du fait de la mauvaise gestion de Renée…

*     *
*

Suite

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Références

Références
1 Rappelons que les 25 000 francs de plus dont il bénéficie correspondent à la quotité disponible qui lui avait été léguée en pleine propriété par le testament de 1902 en sa faveur, cf. Le testament de Cezanne au chapitre 6 ci-dessus.
2, 3 Noter qu’elle orthographie le nom « Cezanne » avec l’accent aigu sur le e.
4 Contrairement à leur engagement « de bien et fidèlement représenter tout ce qui à leur connaissance peut dépendre desdites communauté et succession », comme écrit dans l’acte d’inventaire du 28 novembre…
5 Rewald, Cezanne, 1986, p. 142
6 Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925, p. 26, raconte que lors de sa visite à l’atelier de la rue Boulegon, « il y avait partout des Cezanne ».
7 Hortense aurait déclaré à Matisse qui, paralysé par son admiration et sa timidité, n’avait pas osé rencontrer Cezanne de son vivant : « Vous savez, Cezanne ne savait pas ce qu’il faisait. Il ne savait pas comment finir ses tableaux. Renoir et Monet, eux, savaient leur métier de peintre… » (d’aprèsMarie-Alain Couturier, O.P., Se garder libre, Journal 1947-1954, Paris, 1962, p. 116 relatant une conversation avec Matisse, le 23 juin 1951 à Nice). Belle occasion pour Jean de Beucken de charger une fois de plus Hortense en citant ces propos : « Ce fut sa veuve (doit-on s’en étonner ?) qui lui composa la plus triste épitaphe ». Ce qui finit par étonner, c’est cet acharnement envers Hortense de la plupart des critiques et biographes du peintre.
8 Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925, p. 158.
9 Philippe Cezanne, Cezanne vu par ses contemporains, ouvrage à paraître sous l’égide de la Société Paul Cezanne.
10 http://www.apophtegme.com/ARTS/cezanne.htm, d’aprèsMarie-Claude Roesch-Lalance, Bourron-Marlotte, si les maisons racontaient, Édition Bourron-Marlotte, Association des amis de Bourron-Marlotte, 1986. Selon Philippe Cezanne, il y a dans cette description du trésor familial une certaine exagération,  car en dehors des tableaux de Cezanne, il n’y avait que les deux portraits de Renée (l’épouse de Paul junior) par Renoir et l’aquarelle de Delacroix, mais pas de Monet.
11 Mme Legoupil, qui accompagnait souvent Hortense en voyage après le décès de Paul (Philippe Cezanne). Les Legoupil étaient des amis d’Hortense et de Paul junior, connus de Cezanne qui dans sa lettre à son fils du 25 juillet 1906 écrit : « Donne le bonjour à Monsieur et à Madame Legoupil, dont le bon souvenir me touche et qui sont si gentils pour ta pauvre mère. », dans celle du 3 août 1906 : « Je suis heureux que tu voies Monsieur et Madame Legoupil qui sont sur terre et doivent produire une détente sensible dans ton existence. », dans celle du 26 août : « Bonjour à Monsieur et Madame Legoupil » et encore le 15 octobre 1906 : « A l’occasion, donne le bonjour à Monsieur et Madame Legoupil, qui veulent se souvenir de moi. »
12 dont elle préfère le climat à celui de Genève, car plus sec, comme elle l’écrit en 1921 à Georges Rivière.
13 Informations données par Philippe Cezanne.
14 C.A.S. à Mme Pissarro (à Eragny, par Gisors), Oberhofen, 6 septembre (1908), Carte postale in-12,représentant un panorama des Alpes à Beatenberg ;  au crayon. Lot n° 20 (vendu 319 €), vente Tajan – Manuscrits, Photographies, Livres anciens et modernes, 11/06/2014, Hôtel Drouot, Paris.
15 Paul envoie de là une carte postale à Marthe Conil le 12 septembre 1912 (Philippe Cezanne).
16 Maurice Denis, Journal, vol. 2 (1905-1920), Paris, La Colombe, Editions du Vieux Colombier, 1957, p. 150.
17 Interviewpar Laurence Mouillefarine d’Aline Cezanne dans Madame Figaron°15893 du 23 septembre 1995.
18 Il se peut qu’elle ait cependant vendu quelques-uns des tableaux qui lui appartenaient en propre.
19 Léo Larguier, Le Dimanche avec Paul Cezanne, L’Édition, Paris 1925.
20 Celui-ci écrit en effet dansClaude Monet –  Sa vie, son œuvre, Tome II, Ed. Crès, 1924, p. 69 : « Comment n’aurais-je pas été surpris en apprenant, pendant que j’écris ce livre, qu’un biographe de Cezanne, M. Joachim Gasquet, aujourd’hui disparu comme lui, ait pu affirmer que Cezanne m’avait voué une « haine inexplicable ». Inexplicable en effet ! Monet s’est récrié sur l’invraisemblance de ce trait, et Mme Cezanne aussi. Tous deux affirment au contraire que Cezanne m’avait gardé sa sympathie, et pour moi, je sais que je n’avais rien fait pour la démériter. »
21 Interview par Laurence Mouillefarine d’Aline Cezanne dans Madame Figaron°15893 du 23 septembre 1995. C’est donc à Aline Charigot que doivent leur prénom la première fille de Paul et sa petite-fille née de son fils Jean-Pierre.
22 Dans son testament du 7 décembre 1911, Vollard a nommé Paul Cezanne son exécuteur testamentaire avec pour adresse le 16, rue Duperré.
23 On peut noter que Paul junior signe l’acte de mariage : « Paul Cézanne », avec l’accent aigu sur le e. Cf. Acte de mariage de Paul Cezanne et Renée Rivière – 6 janvier 1913, in Annexe III, V-3.
24 Philippe Cezanne : « Elle vivait à la fin de sa vie chez une amie, Mademoiselle Victorine Turc, 10 rue Cardinale, en face de Saint Jean de Malte, et elles suivaient tous les offices de Matines à Vêpres. »
25 Information donnée par Philippe Cezanne.
26 ses autres prénoms sont Jean, Georges, Napoléon.
27 Visas de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul junior le 25 octobre 1913 (Philippe Cezanne) : voir Annexe II-IV.
28 D’après une lettre de Renée Cezanne à Georges Rivière (Philippe Cezanne).
29 cf. Annexe II-IV
30, 42 Philippe Cezanne.
31 Relaté par Philippe Cezanne.). La famille au complet se retrouve donc au 15, rue des Batignolles, comme en témoigne l’inscription du 26 novembre 1915 sur le livret militaire de Paul((Annexe II-IV
32, 33 Photo prise à Chaville où la famille se rend également fréquemment durant l’année 1917.
34 26eet dernier appartement d’Hortense… Leur présente à cette adresse est attestée par le visa de la gendarmerie sur le livret militaire de Paul le 10 janvier 1919 (Philippe Cezanne).  Cf. Annexe II-IV
35 Philippe Cezanne : « Elle a été enterrée en juin 1921 à Aix-en-Provence dans le caveau de la famille Turc» à sa demande, selon Rewald, car son amie l’y avait précédé.
36 Après la mort de Marcel Provence, la menace d’un rachat par des promoteurs immobiliers convainquit quelques admirateurs américains de Cezanne emmenés par John Rewald  d’en faire l’acquisition en 1954 et de remettre l’atelier à la municipalité d’Aix.
37 Acte de décès d’Hortense Fiquet, épouse de Paul Cézanne, le 3 mai 1922 à Paris (8e), 30, rue de Miromesnil. Archives de Paris, mairie du 8e, acte 10 73. Cf. Annexe III, III-3.
38 90e division – 9e rangée – 32e tombe (Bureau de la conservation du cimetière).Dans la même tombe seront inhumés son fils Paul (1872-1947), mort à 75 ans, et ses arrière-petites-filles Françoise Gobert (1933-1934) etCatherine Cezanne((1942-1991).
39 Pièce LXIX dans l’édition de 1857, pièce C dans l’édition de 1861.
Variante : « Les morts, les pauvres morts, ont d’étranges douleurs. » Il y a finalement quelque chose d’étrange dans toutes ces appréciations négatives dont sa mémoire a été recouverte à plaisir avec une telle désinvolture par tant de critiques. Appréciations qui ont pourtant été épargnées à Mme Renoir et à Mme Monet, malgré la similitude des origines et des destins : Hortense la Franc-comtoise, Aline Charigot la Champenoise (née à Essoyes dans l’Aube) et Julie Velley la Bourguignonne (née à Grançay-sur-Ource en Côte d’Or) sont issues d’un même terroir, toutes trois d’origine paysanne, toutes trois ayant vécu dans l’ombre d’un grand peintre, servantes, épouses et modèles…
40 http://www.apophtegme.com/ARTS/cezanne.htm
41 Marie-Claude Roesch-Lalance, Bourron-Marlotte, si les maisons racontaient, Édition : Bourron-Marlotte : Association des amis de Bourron-Marlotte , 1986
43 cf. Richard W. Murphy, Cézanne et son temps1839-1906, editions Time-Life page 171, Mlle Thérèse Bonney (Wide World)<br /> Thérèse Bonney : photographe américaine décédée à Paris en 1978<br /> Wide World Photos : studio photographique américain qui avait une antenne à Paris
44 cf. Richard W. Murphy, Cézanne et son temps1839-1906, editions Time-Life page 171, Mlle Thérèse Bonney (Wide World)
Thérèse Bonney : photographe américaine décédée à Paris en 1978
Wide World Photos : studio photographique américain qui avait une antenne à Paris
45 Madame Figaro n°15893 du 23 septembre 1995.
46 Rewald, op. cit. Il faut noter aussi que Vollard avait désigné Paul comme son exécuteur testamentaire dans son testament du 7 décembre 1911 (relaté par Philippe Cezanne), indice probant de l’amitié qui liait ces deux hommes.