Philippe Cezanne

Ce village situé à 75 kilomètres de Paris, au confluent de l’Epte et de la Seine, doit sa célébrité à Monet qui s’y installe en 1883, louant pour sa famille composé de ses deux fils, Jean et Michel, de sa compagne Alice Hoschedé et des six enfants de celle-ci, une maison qu’il achètera par la suite et dont le verger sera transformé en jardin. Il acquiert aussi un terrain, l’Ile-aux-orties, à l’embouchure de l’Epte pour ses yoles, ses canots et son bateau-atelier. En effet, ses motifs préférés de collines, de ciel et d’eau abondent autour de Giverny.

Son jardin dont il dira « c’est mon plus beau chef-d’œuvre » est l’objet de tous ses soins, et, à la fin de sa vie, le sujet suprême de tous ses tableaux.

Du 30 septembre au 28 novembre 1894, Paul Cezanne séjourne  à l’hôtel Baudy à Giverny ou se trouve aussi Mary Cassatt et un  jeune peintre américain, Matilda Lewis, qui laisse de lui un portrait pris sur le vif.

«  Il ressemble à la description d’un méridional par Daudet. Quand je l’ai vu pour la première fois, il me fit l’impression d’une espèce de brigand, avec des yeux larges et rouges à fleur de tête, qui lui donne un air féroce, encore augmenté par une  barbiche pointue, presque grise, et une façon de parler si violente qu’il faisait littéralement résonner la vaisselle. J’ai découvert par la suite que je m’étais laissé tromper par les apparences car, loin d’être féroce, il a un tempérament le plus doux possible, comme un enfant. »

Le 12 novembre, Monet écrivit à Gustave Geffroy pour l’inviter à son anniversaire, et  faire la connaissance de Cezanne. A cette même occasion Cezanne fit aussi la connaissance de Clemenceau, Rodin, et plus tard d’Octave Mirbeau. La poignée de main affectueuse de Rodin l’émut aux larmes. Cezanne était à ce moment là aussi sociable que possible, manifestant sa bonne humeur par des rires et des saillies. Clemenceau trouva dans le peintre un bon public pour ses plaisanteries.

Paysage d'hiver (Giverny) 1894, 65x55cm, NR777, Phildelaphie FinesArts Museum

Paysage d’hiver (Giverny) 1894, 65x55cm, FWN300-R777, Phildelaphie FinesArts Museum

Giverny ( hôtel Baudy), 1894, 65x81cm, NR 778, coll.priv.

Giverny ( hôtel Baudy), 1894, 65x81cm, FWN301-R778, coll.priv.

 

Une autre fois Monet invita Renoir, Sisley ainsi que d’autres amis et dans l’espoir de « remonter » Cezanne, il lui dit à peut près ceci : « Enfin nous nous trouvons tous ensemble, et nous sommes tous heureux de saisir cette occasion pour vous dire combien nous vous aimons et combien nous vous estimons et admirons votre art. » Cezanne posa sur son ami un regard consterné et s’écria : « Vous aussi, vous vous foutez de moi ! » Il repris son manteau et s’en alla. Mais son caractère méfiant repris vite le dessus. Il quitta Giverny si précipitamment qu’il laissa à l’auberge un certain nombre de toiles sur lesquelles il était en train de travailler. Monet en récupéra quelques-unes et les lui fit parvenir.

Plus tard Cezanne écrivit à Monet d’Aix : « Me voilà donc retourné dans le Midi, dont je n’aurais peut-être jamais dû m’éloigner, pour m’élancer à la poursuite chimérique de l’art… Je voudrais vous dire combien j’ai été heureux de l’appui moral que j’ai rencontré auprès de vous et qui me sert de stimulant pour ma peinture ».

Dans une lettre à un ami Monet déplora : « Quel malheur que cet homme n’ai pas eu plus d’appui dans son existence. C’est un véritable artiste et qui en est arrivé à douter de lui par trop. Il a besoin d’être remonté »