Une fraternité d’artistes : les Lettres croisées de Cézanne et de Zola (Gallimard, 2016)

par Henri Mitterand

 

Colloque Cézanne-Zola, Aix-en-Provence, 24 septembre 2016

 

Je tiens d’abord à remercier très vivement Denis Coutagne et la Société Cézanne, pour avoir invité deux spécialistes de Zola à cette journée cézanienne et zolienne. J’y vois le début d’une coopération active entre le Centre de Recherches sur Zola et le Naturalisme, de Paris, et la Société Cézanne, sise à Aix-en-Provence. J’arrive ici avec la conscience de ma témérité, osant parler devant ceux et celles qui connaissent mieux que quiconque la personne et l’œuvre de Paul Cézanne. Je me limiterai à présenter l’édition des Lettres échangées par les deux hommes et à expliquer – trop sommairement – en quoi elle nous permet d’y voir plus clair dans la naissance, le développement, l’évolution et, non pas la rupture, mais la transformation ultime de ce qui fut plus qu’une amitié : une relation fraternelle unique dans l’histoire de la littérature et de l’art en France.

En quoi, aussi, et d’abord, elle nous aide à détruire, par la documentation et l’analyse, les poncifs, les erreurs, les mensonges, les légendes imbéciles et calomnieuses qui ont défiguré cette fraternité, et qui continuent, hélas, à fleurir dans la presse, sur les radios, les écrans, et même dans des ouvrages signés de noms estimables. Les exemples abondent, jusqu’au cours des tout derniers jours. Le plus spectaculaire est une page récente de L’Obs, tout entière traversée par ce titre en capitales démesurées : Cézanne assassiné par Zola. Ayons la charité de ne pas reproduire des pages plus distinguées, mais non moins mensongères.

 

I. La publication des Lettres

 

Jusqu’à cette année, nous ne disposions que d’éditions séparées. D’un côté, l’édition des lettres de Cézanne à différents destinataires procurée par un grand maître des études cézanniennes, John Rewald, et publiée aux éditions Grasset en 1936, avec une réédition en 1978 : incomplète et parfois fautive, au moins pour ce qui concerne les lettres adressées à Zola. De l’autre, la correspondance de Zola, dont l’édition la plus récente est celle des dix volumes publiés sous la direction de Bard H.Bakker aux Presses de l’Université de Montréal et aux Editions du CNRS, de 1978 à 1995, avec un volume de Suppléments en 2011 ; les lettres à Cézanne y sont mêlées à toutes les autres, d’un volume à l’autre et dans l’ordre chronologique.

Cette dispersion rendait difficile la prise en considération d’un dialogue, dans sa durée, ses épisodes marquants, ses contenus et ses tons. En particulier, la confrontation entre la prétendue lettre de rupture, écrite par Cézanne le 4 avril 1886, et toute la série des échanges antérieurs. Elle ne permettait pas non plus d’interpréter avec justesse l’éloignement de Cézanne après son mariage et la mort de son père.

Nous disposons maintenant de 115 lettres, publiées dans l’ordre chronologique des échanges, avec le précieux et radical complément qu’est la lettre de Cézanne à Zola du 9 novembre 1887. Ce ne sont plus deux voix isolées que nous entendons, hors contexte et sans échos mutuels, mais une conversation, qui révèle enfin la matière et les formes d’un vécu solidaire.

Attention, cependant !   Tant de lettres de l’un et de l’autre ont été perdues ! Ce qui nous reste, toute proportion gardée, est comparable à ces ruines qui ont réchappé de lointains accidents de l’histoire, et qui pourtant nous enseignent un savoir sur les demeures et la civilisation dont elles sont les vestiges. De là, la nécessité d’interpréter minutieusement les textes, et de reconstruire, au-delà de ce qui a été écrit, ce qui est seulement présupposable, à la fois dans le mouvement biographique, mais aussi dans l’évolution des caractères et des états d’âme : tout ce qui a gouverné, dans les déterminations et les hasards extérieurs comme dans ceux de la vie intérieure, les formes de l’échange et les phases de la relation.

A cet égard, toutes les correspondances sont déceptives, parce que par définition elles ne font que rompre momentanément et incomplètement une durée qui est celle de l’absence et de l’éloignement, de la distance et du silence. C’est ce que nous ressentons à la lecture de ces Lettres croisées – pour une part seulement, parce que leur contenu, à lui seul, supporte un superbe bouquet de réflexions et de rêveries.

 

Quelques constats à cet égard. On est frappé par la dissymétrie qui affecte les époques, et qui, par parenthèse, m’a conduit à disposer la suite des lettres en cinq époques, précédées chacune d’une présentation biographique :

  1. Il n’est que deux périodes au cours desquelles a subsisté un nombre conséquent de lettres de chacun d’eux : les toutes premières années du séjour de Zola à Paris, entre 1858 et 1861, alors que Cézanne reste fixé à Aix-en-Provence ; la période qui s’écoule entre 1881 et 1887, alors que Zola sert plus que jamais de conseiller pour Cézanne, dans ses affaires privées.
  1. Le déséquilibre quantitatif est spectaculaire à l’intérieur de l’ensemble de lettres qui nous reste. Les lettres de Zola ne représentent en effet qu’un grand quart des lettres de Cézanne.
  1. Les écarts d’une année à l’autre peuvent paraître surprenants. Deux exemples : en 1860, seize lettres de Zola à Cézanne, aucune de Cézanne à Zola ; en 1878, à       l’inverse, dix-huit lettres de Cézanne à Zola, aucune de Zola à Cézanne.
  1. Certaines années sont totalement muettes de part et d’autre : par exemple les quatre dernières années du Second Empire, de 1867 à 1870. Soulignons aussi le changement de contenus et de rythmes qui coïncide, entre 1871 et 1877, avec l’entrée de Cézanne dans le monde des peintres parisiens et l’accès de Zola aux métiers du journalisme et de la littérature : journalisme politique et chroniques parisiennes à la Cloche, à Paris, de 1870 à 1871, et au Sémaphore de Marseille entre 1871 et 1877, journalisme littéraire à Paris, principalement au Bien Public puis au Voltaire et enfin au Figaro, de 1876 à 1881.

 

Les explications de ces dissymétries sont aisées à avancer. La première tient aux différences de caractères. Zola est foncièrement archiviste, il conserve tout : les copieux dossiers préparatoires de ses romans (qui seront remis plus tard par sa veuve, Alexandrine Zola, à la Bibliothèque Nationale et à la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence) et les innombrables lettres qu’il reçoit (qui sont pour une part archivées à la Bibliothèque Nationale, et pour une autre part conservées par ses descendants). Cézanne, au contraire, n’est pas homme à classer, ni à conserver. De là les pertes massives qui ont affecté sa correspondance. Disons à sa décharge, sur ce plan, que l’alternance annuelle de ses séjours à Paris – en divers domiciles – et en Provence – à Aix, à Marseille, à l’Estaque, à Gardanne – excluait toute mise en ordre et en sécurité des lettres qu’il recevait, y compris celles de Zola.

Deuxième constat, celui-ci expliquant les zones creuses de cette correspondance : les séjours prolongés de Cézanne à Paris ou dans le très proche voisinage. De 1861 à 1878, sauf pour la période troublée de la guerre de 1870 et de la Commune, Zola et Cézanne sont chaque année présents ensemble à Paris pendant plusieurs mois. Ils s’y rencontrent alors fréquemment : chez les Zola, dans les ateliers, les cafés, les expositions. Tout échange de lettres est superflu. De même, lorsque les Zola séjournent à l’Estaque et à Marseille, à l’automne de 1870, en même temps que Cézanne à l’Estaque ou à Aix.

Plus étrange peut toutefois sembler la disparition quasi complète des lettres de Cézanne à Zola entre 1860 et 1865 et entre 1867 et 1876. Car le peintre séjourne en permanence à Aix   en 1860 et jusqu’en avril 1861, puis plusieurs mois par an au cours des années 1865, 1868, 1871, 1874, 1875. En 1860 et 1861, on peut admettre que Zola, par manque de place ou indifférence de jeunesse au destin de ce qui va basculer dans le passé, n’ait pas encore décidé de conserver les lettres qui lui étaient adressées. Mais pour la seconde période, un long silence est peu probable. On peut penser qu’alors chacun des deux se satisfait des périodes de rencontres parisiennes et qu’ils mettent en sommeil leur régime de communications mutuelles en attendant le retour de Cézanne à Paris. Autres explications : la paresse épistolaire de Cézanne et son farouche souci d’indépendance, attestés par une lettre de Zola à l’un de leurs amis aixois, Numa Coste, en date du 14 juin 1866 : « Je prierai Paul de vous écrire, mais je ne vous affirme pas qu’il le fera ».

En tout état de cause, nous disposons désormais d’un nouveau faisceau de documents épistolaires, qui permet aux historiens de la littérature et de l’art, en premier lieu de démentir les inventions et les hypothèses hasardeuses répandues depuis plus d’un siècle, de préciser sur de nombreux points la biographie de l’écrivain et du peintre, et même de reprendre à nouveaux frais l’étude comparée de leur art.

 

II. La Vérité biographique

Comment désigner ces propos qui ont longtemps abusé leur public, trahi les règles éthiques et méthodiques du récit biographique et défiguré l’essai d’interprétation critique ? La dénomination dépendra des cas. Tenons-nous en aux quatre affirmations les plus inacceptables et les plus tenaces.

1. Gabrielle.

C’est le prénom par lequel se fait appeler d’abord la future Alexandrine Zola. Il est utilisé par les intimes, puis Alexandrine lui préfère l’un de ses deux véritables prénoms vers 1870, au moment de son mariage. Certains biographes, sur son entrée dans la vie de Zola, à partir de la fin de l’année 1864, et par là même de son accueil aux jeunes peintres dont Zola soutenait les vocations, ont brodé l’hypothèse selon laquelle elle aurait été auparavant un de leurs modèles, et même, pour faire bonne mesure, la maîtresse de Cézanne. C’est tout simplement une légende – reprise encore tout récemment dans le film de Danielle Thompson, Cézanne et moi, pour donner quelque attrait érotique et dramatique au scénario. Tout la dément : le séjour de Cézanne à Aix de juillet à décembre 1864 ; son intimité avec Emile et Gabrielle, illustrée par les soirées partagées du jeudi, pendant le premier semestre de 1865, et par les nombreuses invitations ultérieures de Cézanne chez les Zola ; les formules respectueuses par lesquelles, dans ses lettres, Cézanne prie Zola de transmettre son salut à « Madame Zola ».   Comment imaginer que ceux-ci se seraient accommodés d’une pareille équivoque ?

 

2. L’Œuvre.

C’est le titre de L’Obs : « Cézanne assassiné par Zola ». Cet outrage ne fait que reprendre le contre-sens complaisamment répété par la vulgate critique, et, hélas par certains historiens de l’art, sur le roman publié par Zola en 1886 : Cézanne serait le modèle de Claude Lantier, le personnage de peintre méconnu par la critique et le public, et suicidaire. Ce jugement a été réfuté par toutes les études approfondies et compétentes consacrées à L’Œuvre depuis un demi-siècle (au rang desquelles les ouvrages de Patrick Brady[1] et R.-J.Niess[2]). Claude Lantier, selon les moments et les lieux de sa vie fictive, réunit les traits de plusieurs personnages réels différents, depuis longtemps identifiés, parmi lesquels Cézanne ne figure que pour une part – et surtout pas pour les œuvres picturales qui sont prêtées à Claude Lantier, ni, bien entendu, pour son suicide. Nombreux sont au reste avant L’Œuvre des romans de peintres inférieurs à leurs aspirations, à commencer par le personnage du Chef d’œuvre inconnu, de Balzac : le peintre maudit est devenu un cliché du genre. Mais surtout, les plats sophismes enchaînés sur le thème Lantier alias Cézanne ne résistent pas à la lecture des notes préparatoires, non seulement de L’Œuvre, mais aussi et d’abord des toutes premières notes des Rougon-Macquart, qui placent dès 1868 sur la branche fatale de « l’arbre généalogique », celle des Macquart et des Lantier, les quatre types humains porteurs de l’hérédité la plus lourde : le meurtrier, la fille publique, le prêtre, l’artiste, figures mythiques d’un carré terrible de parentés et d’oppositions, la Mort, le Sexe, Dieu et l’Art. Faire de Lantier un double romanesque du seul Cézanne, parce que celui-ci attend encore, en 1886, la reconnaissance du public et des professionnels de la critique d’art, est un contre –sens littéraire absolu, et, pis encore, le matériau d’une psychanalyse de bazar.

 

3. La rupture.

De même, la thèse ressassée selon laquelle Cézanne a rompu avec Zola dès la lecture du roman. Elle croit pouvoir s’appuyer sur la lettre de remerciement du 4 avril 1886, à laquelle on trouve je ne sais quel ton de froideur et de déception. Il suffit de comparer cette lettre aux lettres précédentes de Cézanne, pour constater que le message de remerciement ne se différencie pas, dans son laconisme, de plusieurs accusés de réception antérieurs, jusqu’à l’emploi de formules aussi cérémonieuses et nostalgiques. Et surtout, toutes les interprétations proposées de cette lettre se sont effondrées dans le courant de l’année 2013, à la découverte de la lettre datée de Paris, 28 novembre 1887, par laquelle Cézanne remerciait Zola pour l’envoi de La Terre, et, mieux encore, se proposait de lui rendre visite. Non seulement cette découverte met à mal la vulgate ignorante et/ou hostile, mais elle montre que Zola et Cézanne continuent de s’écrire, et peut-être même à se voir, bien après la publication de L’Œuvre.

 

4. Aux sources de l’erreur : la malveillance.

L’affaire est entendue. Mais les biographes de Zola et surtout ceux de Cézanne devront faire le relevé des mensonges, des erreurs et des influences qui ont pu conduire à la version calomnieuse de la manière dont les deux artistes ont vécu leur relation entre 1886 et la mort de Zola, survenue en 1902.

Les mensonges les plus caractérisés sont ceux d’Ambroise Vollard, le galeriste à qui Cézanne doit d’avoir vaincu l’indifférence des marchands et de la critique, et ceux d’Emile Bernard, lui-même peintre et confident de Cézanne. Vollard, rapportant dans son livre de 1914 une visite faite à ce dernier en janvier 1902, attribue à Zola ce propos : « Tout ce qu’écrivait Cézanne était imprévu et original : mais je n’ai pas conservé ses lettres »[3]. Les Lettres croisées dénoncent à elles seules le caractère mensonger de cette assertion.

On ne peut guère se fier davantage aux Souvenirs sur Paul Cézanne d’Emile Bernard[4]. Celui-ci prête à Cézanne un portrait de Zola que les lettres échangées et d’autres propos du peintre, suffisent à démentir : « C’était une intelligence médiocre et un ami détestable (…) Lui-même, au fur et à mesure qu’il établissait sa réputation devenait féroce et semblait me recevoir par complaisance ; si bien que je me dégoûtai de le voir ; et je fus de longues années sans le rechercher »[5].   Or les années en question sont précisément celles où Cézanne se proposait lui-même de venir bavarder avec lui à Médan ou à Paris, et où il sollicitait Zola pour divers services personnels : tels une aide financière à son épouse Hortense, la recherche d’un conseil pour ses problèmes d’héritage et la garde de lettres intimes. Ou bien, en l’occurrence, la mémoire de Cézanne, en présence d’Emile Bernard, est défaillante, ou bien il invente délibérément une fable, ou bien la fable est à mettre au compte d’Emile Bernard – et c’est le plus probable, car Emile Bernard, comme d’autres visiteurs de Cézanne, à l’extrême fin du siècle, ne cachait pas son hostilité à Zola, coupable à ses yeux d’avoir fait libérer Dreyfus, d’avoir soutenu les gouvernements Waldeck-Rousseau et Combes, et d’avoir, je cite, « inauguré la déplorable école à laquelle il a octroyé hyperboliquement le titre de naturaliste »[6].

 

Hélas, ce sont les premiers biographes de Cézanne et historiens de son art qui ont inventé la thèse de la « rupture » et n’ont pas hésité à dévaloriser la contribution de Zola à la critique d’art de son temps. Par ignorance des exigences de la recherche. « Ces matières sont infiniment délicates », écrit Joaquim Gasquet à propos des jugements sur l’art et sur la personnalité des artistes[7]. « Ces matières », de fait, exigent une recherche et un examen scrupuleux des témoignages offerts par les textes et par les conduites. C’est apparemment ce qui a manqué à John Rewald lorsqu’il a caractérisé la lettre du 4 avril 1886 comme une lettre de « rupture », ou encore une « lettre d’aigreur », et lorsqu’il a écrit que Zola s’était désintéressé de la peinture après 1870 : erreur majeure, puisqu’il ne s’est pas passé une seule année, entre 1871et 1881, sans que Zola rende compte dans la presse des Salons annuels ou de telle ou telle exposition de peinture – en privilégiant, bien sûr, les peintres de l’avant-garde « impressionniste », et en particulier Cézanne chaque fois qu’une ou plusieurs toiles de ce dernier apparaissaient – rarement – dans une exposition. – Ce sont les traces de cette même méconnaissance de l’œuvre critique de Zola que l’on détecte dans le livre publié par Henri Perruchot en 1956, La Vie de Cézanne, et dans nombre d’écrits ultérieurs, dont les auteurs ne se sont guère préoccupés de consulter les études consacrées à L’Œuvre, ni les éditions modernes des œuvres critiques et de la Correspondance de Zola.

 

III. Les dernières années

 

Le dernier échange épistolaire connu date donc du 9 novembre 1887, et non pas du 4 avril 1886. Il reste à savoir ce que sont exactement devenues les relations entre les deux amis de 1888 à 1902, date de la mort de Zola. Il semble qu’elles se soient raréfiées, et qu’elles se soient faites indirectes. « Il semble », seulement, car rien ne dit que leur correspondance postale et leurs rencontres se soient absolument éteintes. Et même dans ce cas, il subsiste bon nombre de témoignages, qui montrent que les deux hommes n’ont pas cessé de manifester l’intérêt, voire l’affection, qu’ils se portaient l’un à l’autre. Les biographes devront d’une part en relever minutieusement toutes les traces, et d’autre part tenter d’établir les raisons pour lesquelles cet intérêt mutuel, sans s’évanouir, a changé de modalités.

Quelques observations à cet égard. Après son mariage avec Hortense Fiquet (le 28 avril 1886) et la mort de son père (le 23 octobre de la même année), Cézanne, établi à Aix-en-Provence, ne vient plus à Paris que rarement et brièvement, le plus souvent avec sa femme, pour s’entendre avec les galeristes et les critiques qui l’ont découvert et commencent à faire connaitre ses œuvres. Au cours de deux de ces séjours, vers 1894 et peut-être en 1895 et 1898, il peint sur les bords de la Marne, à Charentonneau, à Saint-Maur-des-Fossés, et près du Pont de Créteil, dans ces parages où Zola l’avait entrainé trente ans plus tôt[8]. On ne sait s’il a rendu visite une fois ou l’autre à Zola. Ce sont des années où Zola doit gérer difficilement sa situation familiale nouvelle, née de la relation qu’il a nouée en 1888 avec la jeune femme qui deviendra la mère de ses deux enfants, Jeanne Rozerot. Il termine Les Rougon-Macquart et s’attelle successivement à la préparation et à la rédaction des Trois Villes, puis des Quatre Evangiles. Il est président de la Société des Gens de Lettres, il fait l’objet de nombreuses sollicitations, de nombreuses demandes de visites et d’interviews. Il se porte candidat à l’Académie française, en vain. Il voyage à Londres, dans le Midi de la France, en Italie. Il est devenu un des principaux personnages publics du moment. Engagé dans la campagne de révision du procès du capitaine Dreyfus, il devra s’exiler près d’un an en Angleterre. Cézanne, lors de ses propres voyages à Paris, fréquente d’autres cercles, étrangers à ceux de Zola, qui s’est détaché de la société des peintres. Les rencontres ne pouvaient que se raréfier et disparaître. Mais tout cela est à étudier de très près, en songeant que jusqu’à la découverte de la lettre du 9 novembre 1887, on ignorait que Cézanne séjournait à cette date à Paris.

Retiré pour l’essentiel de son temps à Aix, marié, père très attaché à son fils, Paul junior, devenu un rentier aisé grâce à son héritage, il n’a plus besoin du soutien financier et moral de Zola. Il doit compter, à l’inverse sur celui des personnalités, marchands et critiques, qui peuvent le faire enfin apprécier des collectionneurs – et la plupart, à commencer par Vollard, détestent Zola. Il s’est replié sur les disciplines de son travail, fuyant toute interruption quotidienne et toute tentative de fréquentation durable, et ne rencontrant avec quelque plaisir que ses anciens camarades de jeunesse aixoise, Solari, Coste, Emperaire, Henri Gasquet, et son cadet, Paul Alexis. L’altération de sa santé, à partir de 1894, le rend impatient et irritable.

Au surplus, et ce n’est pas le moins important, il a accepté l’emprise morale de sa sœur aînée, Marie Cézanne. Sous l’influence de cette dernière, des prêtres qu’elle lui a présentés, et même de tel de ses visiteurs – notamment Emile Bernard – il s’est converti à la ferveur et à l’observance catholiques. Il ne prête plus grande attention aux batailles de partis et aux ambitions électorales. Mais le climat des tensions fin-de-siècle entre les institutions ecclésiastiques et le pouvoir républicain le conduit à prendre ses distances à l’égard des plus récentes œuvres de Zola, Lourdes et Rome, qui s’interrogent sur les vertus médicales des pèlerinages et l’autorité religieuse et morale de la papauté. A quoi s’ajoutent les effets de sa réinsertion dans une ville, une province, une société, empreintes de nationalisme et d’antisémitisme : dès l’éclatement de ce qui deviendra « l’Affaire Dreyfus », il se rangera dans le camp anti-dreyfusard. Les visiteurs qu’il recevra au cours des années suivantes, Vollard, Emile Bernard, Joachim Gasquet, Maurice Denis, ne cachent pas leur idéologie anti-juive et anti-dreyfusarde : ils n’auront pas grande peine à le désolidariser, sur ce point, de l’auteur de « J’Accuse »… ! ».

La thèse d’une rupture survenue après L’Œuvre est absurde. Mais on ne saurait nier qu’un voile se soit tendu entre les deux hommes, dans la dernière étape de leur parcours. Il s’est peu à peu tissé dans l’éloignement géographique, dans la différence des caractères, des formes de la vie sociale, de la nature et des rythmes du travail, des rêves d’art et de génie. Et aussi des terribles contraintes de la création et de l’accueil public. Sans parler du mouvement naturel du temps et de la vie.

 

Il n’empêche. A ne retenir que les ragots d’Ambroise Vollard et les « souvenirs » douteux d’Emile Bernard, on trahirait à la fois la conscience authentique de Cézanne et les exigences de la recherche. Une interruption de correspondance ne signifie pas nécessairement une « rupture » des liens affectifs. Au contraire, ceux-ci subsisteront, dans les profondeurs de l’état d’âme et de la réflexion, jusqu’à la mort de Zola – et même, au-delà, jusqu’à celle de Cézanne.

Côté Zola, d’abord. Contrairement à ce qui a pu être asséné dans des essais mal informés il n’a jamais cessé d’observer l’évolution de la peinture. Il a préfacé en 1884 le catalogue de l’exposition des oeuvres de Manet. Il a fait de même pour l’exposition des gravures de Marcellin Desboutin. Il n’est sûrement pas resté indifférent au succès des expositions de Monet en 1893, de Cézanne la même année et de Pissarro en 1896. Il considère seulement sans complaisance, lors des deux Salons de peinture de 1896, les suiveurs qui spéculent sur les leçons de lumière et de couleur des « maîtres », eux-mêmes absents désormais des Salons. De Cézanne, il n’a à peu près rien vu depuis leurs dernières rencontres des années 80, parce que quelques toiles commencent tout juste, après 1890, à être présentées au public. Mais il n’attendra plus longtemps avant de reconnaître chez son « ami », son « frère », la marque du génie, si l’on en croit les paroles autocritiques que Joachim Gasquet recueillera de lui en 1900 lors d’une visite à Médan : « Je commence à mieux comprendre sa peinture, que j’ai toujours goûtée, mais qui m’a échappé longtemps, car je la croyais exaspérée, alors qu’elle est d’une sincérité, d’une vérité incroyable ».

Il passe deux fois à Aix, en septembre 1892 et en novembre 1896, mais trop rapidement pour tenter une visite au domicile de Cézanne Il sait d’ailleurs, par Paul Alexis et Numa Coste, leurs communs amis aixois, qu’il interroge, que Cézanne est pris dans une situation familiale compliquée, entre d’un côté sa femme et son fils et de l’autre sa mère et sa sœur, sans parler de la présence insistante des prêtres. Alexis et Coste lui expliquent aussi, en 1891, que s’il peint tous les jours au Jas de Bouffan, il est « devenu timide et primitif (…), résigné et souffrant » : « Converti, il croit et pratique ». En 1896, selon Coste, il « est très déprimé et en proie souvent à de sombres pensées », bien que ses œuvres aient désormais « dans les ventes un succès auquel il n’était pas accoutumé ». Il a loué un « cabanon » dans la carrière Bibémus, non loin du barrage Zola, et il va y peindre jour après jour. On comprend, après tout, que Zola, traversant Aix, ait hésité à venir remuer avec lui de vieux souvenirs, et se satisfasse du témoignage de ce travail acharné et de cette notoriété enfin affirmée.

Côté Cézanne, également, la mémoire, l’attention, et mieux encore la solidarité, restent intactes. Hors du regard, mais nullement muettes. D’autres visiteurs que Vollard et Bernard ont transcrit des déclarations qui rendent un son tout différent de celles que ces derniers disent avoir entendues. Joachim Gasquet rappelle la méfiance de Cézanne à l’égard des littérateurs qui parlent de peinture : « J’aime beaucoup que Flaubert s’interdise rigoureusement de parler d’un art dont il ignore la technique ». Et il rapporte cette phrase prononcée devant lui par le peintre, lors d’une visite commune au Louvre, à propos de la discrétion de son ami : «  Le mal que Proudhon a fait à Courbet, Zola me l’aurait fait »[9], sous-entendu : « s’il avait parlé de ma peinture »…

Gasquet cite aussi deux jugements de Cézanne qui tiennent carrément de l’éloge, et qu’il fait précéder d’une assurance, comme pour se différencier de ses deux prédécesseurs : « Toutes les fois que je le pourrai, je transcrirai les paroles mêmes de Cézanne. Je n’inventerai rien ». Une première fois, Cézanne a rapproché Zola de Baudelaire – ce n’est pas rien ! –, à propos de la transposition des sensations : « L’odeur toute bleue des pins, qui est âpre au soleil, doit épouser l’odeur verte des prairies qui fraîchissent chaque matin avec l’odeur des pierres, le parfum du marbre lointain de la Sainte-Victoire. Je ne l’ai pas rendu. Il faut le rendre. Et dans les couleurs, sans littérature. Comme le font Baudelaire et Zola qui par la simple juxtaposition des mots embaument mystérieusement tout un vers et toute une phrase »[10]. Et un autre jour, comme pour démentir par avance tous ceux qui imputeront à la publication de L’Œuvre son éloignement, Cézanne s’exclame : « La vie ! La vie ! Je n’avais que ce mot-là à la bouche. Je voulais brûler le Louvre, pauvre couillon ! Il faut aller au Louvre par la nature et revenir à la nature par le Louvre… Mais Zola m’a très bien empoigné quand même dans L’Œuvre, vous ne vous en souvenez peut-être pas, lorsqu’il beugle : « Ah la vie ! la vie ! la sentir et la rendre, dans sa réalité, l’aimer pour elle, y voir la seule beauté vraie, éternelle et changeante… » Pour enfoncer le clou, cette autre phrase citée de mémoire par le peintre : « Ne pas avoir l’idée de l’embellir en la châtrant, comprendre que les prétendues laideurs ne sont que les saillies des caractères, et faire vivre, et faire des hommes, la seule façon d’être Dieu ». Suivie d’un dernier mot prononcé en éclatant de rire : « Oui, c’est assez ça »[11]. La fraternité d’artistes, toujours, par-delà les années.

Par delà la mort aussi. Les larmes disent alors ce qui n’était plus dit par les pages d’une correspondance. Et cela se passe au cœur même du paysage où les deux garçons, voilà tant d’années, et avant tant de luttes avec l’Ange, ont découvert la nature, la beauté, l’émotion, et la création – « la seule façon d’être Dieu »… Le 30 septembre 1902, apprenant la mort brutale de Zola, Cézanne éclate en sanglots et s’enferme dans son atelier seul avec ses souvenirs et l’image de « son ami, son frère ». A quatre ans de là, le 27 mai 1906, malgré l’épuisement il se rend à la Bibliothèque Méjanes, où l’on inaugure un buste d’Emile – « mon cher Emile », disaient les lettres de Paul. Lorsque Numa Coste, bien vieilli lui aussi, évoque les anciens rêves des deux camarades, Cézanne de nouveau s’effondre en pleurs. Il mourra quelques mois plus tard.

 

L’essentiel a survécu, dans l’identité de la quête et l’accord des mémoires. Plus que cela peut-être, et il serait temps maintenant de quitter la fraternité des vies, pour observer la fraternité des œuvres.

On a sûrement trop vite fait de considérer que le « naturalisme » et l’art de Cézanne sont séparés par une cloison étanche. Je ne puis ici que proposer quelques pistes de réflexions, en précisant immédiatement que de toute manière l’art de Zola ne peut se définir dans les termes qui servent à expliciter la notion de « naturalisme ». Oublions donc les mots en –isme, pour concentrer nos regards sur les textes de l’un et sur les tableaux de l’autre : des univers de représentation et de langage qui en fin de compte donnent aux Lettres croisées leur sens le plus profond ; non pas seulement celui d’une camaraderie d’enfance et d’adolescence, prolongée dans toute leur vie d’adultes, mais aussi celui d’un accord des vocations et des choix esthétiques.

« Quand je te parlerai de vive voix, je te demanderai si ton opinion n’est pas, sur la peinture, comme moyen d’expression de la sensation, la même que la mienne ». On ne sait pas ce qu’ils se sont dit, mais ce qui est clair, c’est qu’ils se parlaient, et qu’ils se parlaient d’art : « Si tu m’écris, tu me parleras d’art » (Cézanne à Zola, 4 novembre 1878). Ce sont là quelques rares échos, passés dans les Lettres croisées, qui font penser qu’ils ont tenu, de près et de loin, un dialogue ininterrompu d’artistes sur leur raison d’être et sur les modes de leur faire. Un dialogue fondé sur une esthétique partagée de la  sensation  – mot-clé du langage de l’un et de l’autre. Zola : « Je vois clair, tant que je note les faits, et que je me contente de les exposer, selon ma sensation personnelle »[12] .   Cézanne : « Peindre d’après nature, ce n’est pas copier l’objectif, c’est réaliser ses sensations (…) Tout se résume à ceci : avoir des sensations et lire la Nature »[13].

Cette identité de références – sensation, nature – doit conduire les historiens et les critiques à explorer l’œuvre romanesque et l’œuvre picturale côte à côte, avec des arrêts prolongés sur le texte et sur l’image. La matière ne manquera pas. Ne retenons que trois traits de parenté, qui les réunit dans la profondeur de leur accord – au sens logique et au sens musical du terme. Le premier est l’importance primordiale accordée à l’œil, à la vue, au regard, condition sine qua non du travail de la saisie et de la recréation. « Pour les progrès à réaliser, professe Cézanne, il n’y a que la nature et l’œil s’éduque à son contact. Il devient concentrique à force de regarder et de travailler »[14]. Concentrique dit concentration. Zola ne dit rien d’autre : « Quand j’évoque les objets que j’ai vus, je les revois tels qu’ils sont réellement avec leurs lignes, leurs formes, leurs couleurs, leur sons ; c’est une matérialisation à outrance ; le soleil qui les éclairait m’éblouit presque ; l’odeur me suffoque, les détails s’accrochent à moi et m’empêchent de voir l’ensemble. Aussi pour les ressaisir me faut-il attendre un certain temps »[15]. Chacun des deux aurait pu écrire ce qu’a écrit l’autre. Même pouvoir et même discipline.

La deuxième règle qui leur est commune est celle de la composition, c’est-à-dire celle de l’agencement médité, calculé, des motifs et des formes, des perspectives et des plans, des lumières, des couleurs et des ombres, d’où naissent la perception et les rendu des rapports internes, des correspondances, et de leur vérité. Cézanne en a fait sa théorie et son guide, répétés à tous ses visiteurs : « Pour l’artiste, voir, c’est concevoir, et concevoir, c’est composer ». Par « les contours et les plans », par « les contrastes et les rapports de tons ». Voilà la saisie cézannienne de la « nature », dans tous les genres : « Peindre, ce n’est pas copier servilement l’objectif : c’est saisir une harmonie entre des rapports nombreux, c’est les transposer dans une gamme à soi en les développant suivant une logique neuve et originale »[16]. Il parle de la peinture comme un compositeur parlerait de la musique. – Or, c’est bien aussi ce que fait Zola quand il parle de ses livres : « Avez-vous remarqué comment je compose mes livres (…) Mes livres sont des labyrinthes où vous trouveriez (…) des lieux ouverts, des lieux secrets, des corridors sombres, des salles éclairées. Ce sont des monuments : en un mot, ils sont composés »[17]. Mots identiques, conception analogue. Lorsque Cézanne porte toute son attention aux « rapports de tons », Zola joue des « harmonies » obtenues par le retour des phrases. « N’est-ce pas le meilleur moyen de donner un son à la signification muette des choses ». Et pour être bien entendu : « Il est certain que je suis un poète et que mes œuvres sont bâties comme de grandes symphonies musicales »[18].

Ne craignons donc pas de réunir Zola et Cézanne pour un même attachement au travail des formes, à la vérité primordiale des correspondances. Mais ne les tirons pas pour autant du côté d’un souci serein et exclusif « des rapports justes », de la « logique », de l’« harmonie », qui serait un salut de principe à l’esthétique classique – même si Cézanne révère Poussin. Car ils se rapprochent aussi par un troisième trait : une même mémoire à la fois romantique et baroque, une même vision fantasmée, contrastée, contradictoire, parfois dramatique, parfois burlesque, du monde naturel et humain. C’est elle qui les a conduits souvent à mêler à un jeu ordonné, harmonique, de motifs et d’arrangements, son inverse : la représentation en elle-même chaotique d’un chaos. C’est bien une marque dans Les Rougon-Macquart, qui sont parcourus par toutes sortes de transes et de fureurs, bien au-delà, ou en-deçà, d’une représentation mesurée du visible. Serait-il hasardeux de proposer un rapprochement entre cette violence, contenue ou libérée, de la facture romanesque, et l’inspiration assombrie, terrifiée et terrifiante, ou sinistrement carnavalesque, du premier Cézanne, celui de Lot et ses filles, de la barque de Dante, du meurtre, de l’autopsie, de la tentation de Saint-Antoine, de l’orgie, de la moderne Olympia ? Ce n’est d’ailleurs pas seulement affaire de thèmes : le rapprochement pourra aussi affecter des périodes ultérieures du travail de Cézanne, si l’on examine en même temps les lignes et les teintes du tableau pictural et le phrasé du texte romanesque. De ce côté-ci, parfois, un tohu-bohu de mots, de cadrages et d’éclairages, une accumulation d’images et de bruits, une orchestration calculée qui étourdit et fascine le lecteur. De l’autre, une explosion de traits, de touches, de hachures colorées, qui immerge le contemplateur dans le paysage, ou désoriente son optique devant une nature morte qui bascule hors des lois de la perspective.

Il conviendra de pousser plus loin, sans négliger ses limites, cet examen comparatif d’une proximité qui s’est engagée au-delà des circonstances privées de la vie. Il semble que ce soit déjà tout cela qui miroite entre les pages des Lettres croisées.

 

[1] . Patrick Brady, « L’Œuvre », d’Emile Zola, Genève, Droz, 1968.

[2] . Robert Niess, Cézanne et Manet. A study of « L’Œuvre », University of Michigan Press, 1968.

[3] . Ambroise Vollard, Paul Cézanne, Paris, 1914.

[4] .Emile Bernard, Souvenirs sur Paul Cézanne, Paris, R.-G.Michel, 1925. Repris partiellement dans Conversations avec Paul Cézanne, édition présentée par P.- M. Doran, Paris, Macula, 1978 (textes d’Emile Bernard, Joachim Gasquet, Maurice Denis, Gustave Geffroy, R.-Rivière, Ambroise Vollard, etc).

[6] .                  Ibid.

[7] .                  In Conversations

[8] . Voir Denis Coutagne et Raymond Hurtu, « Paysages des années 1888-1895 », in Cézanne et Paris, Paris, Editions de la RMN Grand Palais, 2011.

[9] . Joachim Gasquet, Conversations avec Cézanne, p. 128.

[10] . Ibid., p. 110.

[11] . Ibid., p.116.

[12] . Lettre à Edouard Béliard, 9 avril 1875. Correspondance , Presses de Montréal et Editions du CNRS, t.II.

[13] . Cité par Emile Bernard, in Conversations avec Cézanne, p. 36-37

[14] . A Emile Bernard, 25 juillet 1904, in Conversations…, p. 43.

[15] . Le Figaro, 1er décembre 1892.

[16] . Notes recueilles par Léo Larguier, in Conversations…, p.17.

[17] Le Journal, 20 août 1894.

[18] . Lettre à Giuseppe Giacosa, 28 décembre 1882.