R616 – L’Allée à Chantilly I, 1888 (FWN244)
R615 – L’Allée à Chantilly II, 1888 (FWN245)
R614 – L’Allée à Chantilly III, 1888 (FWN246)

Pavel Machotka

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L'Allée à Chantilly I, 1888 80.7 x 64.8 cm R616 FWN244

L’Allée à Chantilly I, 1888
80.7 x 64.8 cm
R616 FWN244

L'Allée à Chantilly II, 1888 80.7 x 64.8 cm R616 FWN244

L’Allée à Chantilly II, 1888
81 x 65 cm
R615 FWN245

L'Allée à Chantilly III, 1888 82 x 66 cm R614 FWN246

L’Allée à Chantilly III, 1888
82 x 66 cm
R614 FWN246

Cézanne a fait trois tableaux à Chantilly des pistes cavalières qui traversent la forêt. Dans les trois, il regardait directement du milieu du sentier qui s’éloignait, créant une composition verticale, presque symétrique ; le chemin était dans chacun segmenté par les ombres ou interrompu par des barrières de bois. Un cadre si simple – la composition se présentait ainsi toute prête, et déjà parfaitement équilibrée – incita le peintre à se concentrer sur le traitement de la surface, ce qui le conduisit à faire ce bond stylistique en avant : des grappes de touches qui lui permettront d’organiser tout l’espace d’un tableau.

Le premier tableau adapte les touches parallèles en les groupant en grappes, comme les feuilles des chataîgners (qu’elles représentent en effet). Dans la troisième version, la plus développée, L’Allée à Chantilly, III[1], les touches sont détachées l’une de l’autre, abstraites, presque de même taille et forme. Si le tableau témoigne d’une progression stylistique très rapide, il représente aussi la manière de Cézanne de rendre un site d’une structure très indéfinie – il y a un espace vide au bout. Les touches sont minces et posées sans corrections, et cette facture suggère que Cézanne les a choisies dès qu’il a commencé à peindre; c’est-à-dire, ayant développé une nouvelle touche, il voyait le motif dans ses termes. Elles étaient en tout cas chargées de constituer la composition, puisque l’espace vide au bout retirait le seul objet intéressant, le château. Regarder avec patience un moment, ou simplement tenir le tableau devant un miroir, nous indique comment il a choisi les touches : il les a alignées seulement le long du côté gauche du chemin, celui qui est défini nettement. De cette façon, il a construit un espace le long de cette diagonale, doucement, pas à pas, plutôt qu’en se précipitant vers un point particulier. Il a demandé à la touche d’exécuter le même travail que les ombres prononcées qui segmentent le chemin.

En progressant dans cette série, Cézanne se détache de plus en plus des objets et les touches évoluent parallèlement à ce détachement. Tout en maîtrisant sa manière de représenter un espace symétrique en recul, sa touche semble prendre en charge l’organisation de la toile, et cela implique que le motif soit plus simple et exige moins d’attention.

L’évolution ultime du paysage prendra précisément cette voie : le tableau trouvera sa forme de plus en plus dans les éléments qu’il assemble, et paradoxalement ces éléments semblent toujours plus naturellement reliés au sujet du tableau. Les tableaux de Chantilly sont la première étape dans cette direction.

Sources: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre et Cézanne: Landscape into Art, (2014).

 

[1] Il faut intervertir les titres des trois tableaux donnés dans le catalogue raisonné de Rewald ; son L’Allée à Chantilly, I (la nôtre, la plus abstraite) devient le numéro III; son numéro III, le plus réaliste, devient le numéro I.

 

A titre de comparaison, à propos de ce thème :

Photo Pavel Machotka

Camille Pissarro - Allée dans une forêt

Camille Pissarro – Allée dans une forêt

Pierre-Auguste Renoir - L'Allée couverte, 1872

Pierre-Auguste Renoir – L’Allée couverte, 1872

Derain-Chemin en forêt de Fontainebleau, 1926-1927

Derain – Chemin en forêt de Fontainebleau, 1926-1927

Henri Le Sidaner - L'Allée verte

Henri Le Sidaner – L’Allée verte