R130 Paysage, vers 1867 (FWN46)
R131 La Rue des Saules à Montmartre, 1867-1868 (FWN50)
Pavel Machotka
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Même lorsque la touche est assez cohérente pour qu’on puisse situer un paysage à la fin des années 1860, elle se plie à la forme de ses motifs.
Dans Paysage et La Rue des Saules à Montmartre – deux petits tableaux réalisés avec une touche rapide et fluide, peints à peu près à la même époque et probablement dans la même région– il décrit une colline sauvage dans le premier et l’intersection à l’angle droite de deux rues dans le deuxième. Dans Paysage, la touche plate, chargée, suit les vibrations de la végétation et de la route boueuse ainsi que du ciel menaçant, alors que dans La Rue des Saules elle se redresse pour figurer les façades planes des immeubles. Dans les deux tableaux, ce que l’on voit va vers le haut mais dans La Rue des Saules, elle est exceptionnellement nette et insistante. Cette perspective projette les toits très en oblique et donne un aspect bancal à l’angle où se rencontrent le rez-de-chaussée et la rue. Alors que Paysage est conventionnel dans sa composition, La Rue des Saules prend des risques considérables et l’on soupçonne que Cézanne prend plaisir à défier le spectateur de se laisser entraîner dans cette géométrie désinvolte. Vu le résultat, il a la satisfaction de créer rapidement une profonde dépression, pour l’arrêter tout aussi brutalement par un bâtiment peint avec des touches horizontales et verticales dans des jaunes et noirs contrastés, et qui s’avance, projeté vers l’observateur.
Adapté de Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.