Étude préalable à la restauration des décors papiers peints de la bastide du Jas de Bouffan (Extraits)
Charlotte Kasprzak-Hélène Charbey
Aix-en-Provence
Mai 2019
L’étude en format .pdf :
Etude des papiers peints
Descriptif de l’étude
1. Objectifs et contexte de l’étude
La bastide du Jas de Bouffan est une maison de campagne avec parc et jardin à proximité d’Aix-en-Provence qui a vu se succéder plusieurs familles de la région. Elle était accompagnée d’un vaste domaine agricole jusqu’à la construction en 1960 de la rocade Ouest et l’urbanisation du secteur.
Le père de Paul Cézanne a acheté cette Bastide en 1859 comme résidence secondaire. Paul Cezanne y vit et y travaille pendant près de 40 ans jusqu’en 1899. La Bastide est classée Monument Historique en 2001 et la ville d’Aix-en-Provence a programmé sa restauration et sa mise en valeur afin d’investir les lieux et de les rendre accessibles au public. Des espaces d’exposition temporaires seront aménagés dans les pièces du 1er étage, là où ont été découverts des papiers peints sous les couches de peinture.
Cette étude a été demandée par le maitre d’ouvrage de la ville d’Aix-en-Provence, afin de permettre :
- la réalisation et l’agrandissement de sondages dans chaque pièce pour mettre à jour l’ensemble des décors et les différentes couches de papier peint ;
- la réalisation d’une étude historique du décor avec une étude chronologique et l’établissement de correspondances stylistique ;
- la rédaction d’un avant-projet et d’une synthèse pour la conservation et la restitution des décors présents du temps de Cezanne en détaillant les hypothèses de restauration en fonction de l’état de conservation des papiers peints ;
- une estimation financière des différentes options de restauration.
Le présent document présente un extrait de cette étude et ne constitue pas le dossier complet.
Les photographies générales des pièces nous ont été fournies par Sinopia et sont la propriété du photographe Yves Inchierman. Les plans des espaces ont été tirés du rapport d’étude préalable de la bastide de Bruno Jouve de 2015. Les repères historiques ont été tirés de l’étude historique du domaine de Nathalie Banel de 2015.
2. Glossaire
Décor : nous avons choisi d’utiliser le terme de décor pour désigner le revêtement mural à une époque donnée. Ainsi décor peut faire référence à un papier peint avec sa bordure et son soubassement ou à l’application d’une couche de peinture.
Papier peint : le papier peint est un revêtement mural servant de décor d’ameublement dans une pièce. Le support est composé de papier[1]Aujourd’hui le support peut se composer de matière synthétique.. Les procédés d’application de la couche picturale évoluent avec l’industrie mais sont traditionnellement composés d’une détrempe.
Détrempe : il s’agit d’une peinture dont les pigments sont broyés avec de l’eau, une charge (carbonate de calcium) et liés avec de la colle de peau ou de la gomme arabique.
Lé : le lé (ou Laize) est une largeur de papier peint posé verticalement sur le mur. Il mesure en moyenne entre 45 et 55 cm de large. Les lés à motifs se raccorde entre eux lors de la pose de façon à donner l’illusion d’un ensemble uni.
Bordure : la bordure (ou frise) est une fine bande de papier peint, généralement conçue pour être posée horizontalement sur un mur ou une cloison, soit au niveau du sol, soit du plafond.
Soubassement : le soubassement (ou lambris) est une partie décorative le long du sol qui simule une boiserie. Faite en papier peint dans notre cas, elle mesure généralement entre 40 et 70 cm.
Tapisserie : le papier peint se distingue de la tapisserie qui est un panneau d’étoffe dont le motif est obtenu par tissage et qui est tendu sur les murs.
Papier peint d’apprêt : un papier peint d’apprêt désigne un papier peint de récupération utilisé retourné et collé contre le mur pour que le papier au verso serve de surface d’apprêt à l’application d’une couche de peinture.
Tontisse : la tontisse est l’application, à l’aide de mordant, d’une poudre de laine ou de soie sur le papier. Le rendu est d’aspect duveteux pour imiter tapisseries et riches étoffes.
3. Recherches historiques et documentaires
Notre étude s’est accompagnée d’une recherche documentaire. Voici les principales sources consultées.
- Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), gallica.bnf.fr.
o Le fonds de papiers peints entrés à la Bibliothèque Nationale en application des lois du dépôt légal mises en place pendant le Consulat, soient 2250 échantillons, datés de 1799 à 1803[2]LE BITOUZÉ, Corinne, « Restauration du fonds de papiers peints du département des estampes et de la photographie » Actualités de la Conservation, 1999, p. 2, n°10..On trouve au verso de chaque échantillon le nom du fabricant, le numéro de catalogue et la date de dépôt.
o Le fonds iconographique de la Bibliothèque Forney à Paris, papiers peints de diverses provenances du 18e siècle à aujourd’hui.
- Le fonds du Département des Papiers peints du Musée des Arts Décoratifs de Paris et sa base de données http://collections.lesartsdecoratifs.fr/papiers-peints, où l’on trouve notamment les catalogues[3]Nous y trouvons uniquement en ligne les années en « 9 ». d’Isidore Leroy, qui a exclusivement produit à 1849 à 1981 des papiers peints fabriqués mécaniquement.
- La base de données du Ministère de la Culture http://www.culture.fr/collections/
- Le site du Musée du Papier peint à Rixheim http://www.museepapierpeint.org/
- Base de données du Victoria & Albert Museum de Londres, https://collections.vam.ac.uk/search
- Base de données de la Wallpaper from Historic New England, https://www.historicnewengland.org/ pour les papiers peints Arts & Crafts.
- Base de données du Mucem : http://www.mucem.org/collections
- Base de données du Musée de Kassel : http://tapeten.museum-kassel.de
- Catalogue en ligne de l’IRPA : http://pp.kikirpa.be/
Catalogues de vente de Maître Olivier Coutau-Bégarie et Maître Thierry de Maigret de 1990 à nos jours, dont les études proposent des ventes spécialisées en papier peint.
Nous n’avons pas trouvé d’éléments de chronologie certifiés et authentiques. Monsieur Philippe de Fabry, ancien directeur du Musée du Papier peint à Rixheim nous a apporté une aide précieuse pour estimer une datation des papier peint et nous le remercions chaleureusement.
La base du Victoria & Albert Museum de Londres et la base MAD nous ont permis d’affiner notre chronologie. La chronologie que nous proposons est seulement vraisemblable, et peut être ajustée suivant les recherches.
4. Repères historiques
Afin d’établir une chronologie claire en regard des différentes familles qui se sont succédé au sein de la bastide, nous avons répertorié les dates clés sur la frise chronologique ci-après.
En rouge sont localisées les périodes de décoration des papiers peints des pièces du 1er étage.
Sondages
A. Moyens mis en œuvre
L’étude in situ s’est déroulée sur quatre jours[4]Du 15 au 18 avril 2019. et a été menée par deux restauratrices d’arts graphiques spécialisées dans la conservation-restauration des papiers peints (Charlotte Kasprzak et Hélène Charbey). L’objectif de ces quatre jours a été de collecter un maximum d’informations et données sur les motifs des papiers peints et des décors. L’accès aux parties hautes a pu se faire au moyen d’un escabeau roulant sécurisé.
B. Réalisation des sondages
A la date de l’étude, les pièces n’ont été que peu touchées par les travaux, à l’exception de la pièce 1.8 où des saignées ont été réalisées dans les murs et les tomettes du sol en partie dégagées.
D’autres pièces du rez-de-chaussée et du 1er étage présentent des vestiges de papier peints sous les couches d’enduits et de peinture, mais ils sont inexploitables et très lacunaires (en particulier parce que ces pièces ont été très remaniées).
2) Mise en œuvre
Des petits sondages stratigraphiques ont été réalisées lors de l’étude de 2015 et d’autres sont en cours par l’entreprise Sinopia.
Les sondages existants ont été élargis afin d’obtenir le maximum d’informations sur la taille du motif et du raccord ainsi que la largeur du lé du papier peint. D’autres sondages ont été réalisés à d’autres endroits afin de reconstituer le décor global de chaque pièce. Les sondages se sont révélées en partie destructifs pour les couches supérieures du XXème siècle afin d’accéder aux couches inférieures.
Les sondages ont pu être réalisés parfois à sec, en glissant une spatule entre les différentes couches, parfois avec un apport d’humidité par pulvérisation, afin de ramollir la colle avant d’insérer une spatule.
La taille des sondages dépend du motif du papier peint ainsi que des informations des couches inférieures, parfois lacunaires, et nécessitant un dégagement aléatoire.
Les papiers peints qui ont été décollés ponctuellement ont été recollés à l’aide d’une colle de méthylcellulose Tylose MH300P en fin de chantier. Le papier peint du mur Nord du couloir de discrétion a été rattaché pour prévenir autant que possible l’arrachage de morceaux de papier peint pendant les travaux.
Certains morceaux de papier complètement déposés ou retrouvés par terre ont été conditionnés dans un carton à dessin et donnés à la ville d’Aix-en-Provence pour conservation avant les travaux de restauration.
3) Localisation des sondages
Les sondages ont été localisés pièce par pièce, mur par mur sur les photographies ci-dessous. Pour le couloir, les sondages ont été réalisés le long du mur Nord. Ils n’ont pas été localisés sur photographie car l’exigüité du couloir rend les prises de vues difficiles.
C. Collecte des informations
1) Numérotation des papiers peints
Les différents décors ont été numérotés en fonction de leur localisation dans la pièce (1.5, 1.6, 1.7 ou 1.8) et leur disposition stratigraphique sur le mur par un numéro entre parenthèses. La couche n°1 est celle du premier papier peint collé directement sur le mur, la couche n°2 est collée sur la couche n°1, etc. Pour identifier la bordure ou soubassement liés au décor, on ajoute bd pour bordure et sb pour soubassement.
On obtient ainsi la numérotation suivante : n° 1.6 (1), n°1.6 (2), n°1.6 (3) pour les papiers peints retrouvés dans la pièce 1.6.
Note : nous n’avons pas repris la numérotation de l’étude de Véronique Luquet dans l’étude de Bruno Jouve car nous avons découvert de nouveaux papiers peints qu’il convenait de localiser dans la stratigraphie.
2) Fiches d’identification des papiers peints
Une fiche d’identification de chaque papier peint, illustrée de photographies, a été rédigée et est répertoriée en annexe. Elle comprend les rubriques suivantes :
- les caractéristiques du lé et de la bordure ou soubassement associés (motifs, manufacture, raccord, dimensions, support, impression, etc.) ;
- la localisation, le métrage ;
- l’état de conservation ;
- une documentation historique.
4) 1ères observations chronologiques
Au cours du chantier nous avons pu faire les premières observations suivantes :
- les décors entre les pièces sont assez homogènes (type de bordure, couleurs) ;
- les décors des pièces 1.6 et 1.7 sont posés au-dessus de la plinthe actuelle ;
- les décors antérieurs à 1945 dans la pièce 1.8 sont présents derrière la plinthe ;
- le couloir et la pièce 1.7 étaient une seule et même pièce ;
- certains décors, assez lacunaires en partie basse, suggèrent une réfection des sols et leur conservation partielle durant les travaux avec l’ajout d’une nouvelle bordure ou soubassement après travaux ;
- le plus ancien papier peint retrouvé (pièce 1.7) est antérieur à 1830-1840 et est constitué de papier rabouté (et non d’un papier continu).
Pièce 1.6
A. Description de la pièce
La pièce 1.6 se localise au premier étage à l’angle Sud-Ouest de la maison. Elle contient une cheminée encadrée par deux placards le long du mur Ouest.
B. Identification des décors
Nous identifions quatre décors dans cette pièce (avec un papier peint supplémentaire par rapport à l’étude de 2015).
Le décor le plus ancien 1.6 (1) est présent à l’état de fragment sur le mur Sud. Nous ne savons pas s’il recouvrait les quatre murs de la pièce.
Les deux décors intermédiaires 1.6 (2) et 1.6 (3) de 1870-1880 et 1910-1920 recouvrent les quatre murs de la pièce et sont complets (ils n’ont pas été en partie arrachés lors de la pose des couches postérieures de papier peint) mais très dégradés et lacunaires sur le mur Sud qui a subi un dégât des eaux.
Le dernier décor 1.6 (4) se compose de plusieurs morceaux de papier peint retournés et collés face contre le mur en guise de papier d’apprêt pour recevoir une couche de peinture. L’un de ces papiers d’apprêt – le papier peint à rayures en dégradé dans un camaïeu sépia – est également présent dans la pièce 1.7, laissant supposer un changement de décor simultané dans les deux pièces. Nous avons repéré huit papiers peints, la liste n’étant pas exhaustive :
- des fines rayures en dégradés dans un camaïeu sépia ;
- de larges rayures en une couleur brune sur un papier sans fond ;
- un papier peint imprimé en taille-douce ;
- un papier peint à motifs de croix noir et doré sur fond gris sombre ;
- un bas-lambris en grisaille ;
- un décor brun- jaune en imitation d’une tapisserie ;
- un papier peint à rayures avec fleurettes bleues pour une chambre ;
- un papier peint à motifs en losange.
C. Rapprochement historique et correspondances
1) Décor 1.6 (1)
Nous n’avons ici découvert sur le mur Sud que deux fragments incomplets. Les informations sont donc très partielles. La seule chose certaine est que le papier peint est imprimé à la planche et à la détrempe. Le décor le rapprocherait selon Philippe de Fabry de la campagne de décoration des années 1840, donc réalisée par la famille Truphème.
2) Décor 1.6 (2)
Le décor 1.6 (2) selon la stratigraphie correspond à l’occupation de la maison par la famille Cezanne. Ce papier peint est à motifs répétitifs de fleurs au naturel jetées avec un large raccord sauté. Ce type de papier peint fut très en vogue pendant cette période et ultérieurement.

N° 343, Gouache datée de 1895 -1896 provenant des Archives de la Société Française de Papiers peints « ESSEF Décors Muraux », Catalogue de ventes, Me F.Hadivillier-Cacheux commissaire- priseur, Beauvais 24 Mars 2007.
Selon Philippe de Fabry, la bordure pourrait être plus tardive, ce qui laisse supposer une deuxième campagne de rénovation à l’occasion d’une réfection des sols par exemple.
3) Décor 1.6 (3)
Le papier peint 1.6 (3) est facilement datable puisqu’il est de style Art Déco, donc postérieur à 1900.

Manufacture W. Campbell & Co. (Manufacturer).
Ce papier peint, découvert dans une maison de la Nouvelle Angleterre, est daté de 1910. Il est proche de notre papier peint aux fines rayures étroites, au motif stylisé et au coloris clair.
Source : https://www.historicnewengland.org/explore/collecti ons-access/gusn/177949/
D. Étude chronologique
Dans cette pièce les quatre décors sont assez représentatifs des familles qui se sont succédé dans la Bastide. La famille Cezanne aurait fait poser le décor « fleur au naturel ». Cependant le style un peu plus tardif de la bordure, sa localisation au-dessus de la plinthe et la présence d’une couche de peinture recouvrant les plinthes et débordant sur le mur (derrière les bordures) soulèvent trois hypothèses :
- la plinthe a été posée en même temps que le papier peint par la famille Cezanne et la bordure est finalement contemporaine du papier peint ;
- la plinthe a été posée à la fin du XIXème siècle par la famille Cezanne ;
- la plinthe a été posée au tout début du XXème par Louis Granel avec une bordure ancienne (date de fabrication antérieure à la date de pose) afin de conserver l’harmonie de la pièce.
Si les plinthes des pièces 1.6 et 1.7 sont identiques et contemporaines (en particulier celle du mur Nord jouxtant le couloir de discrétion et dont le papier peint date de 1870-1880), alors il est plus que probable que les plinthes aient été posées par la famille Cézanne à la fin du XIXème siècle ou par Louis Granel dès son installation et la pose d’une nouvelle bordure et soubassement pour le papier peint 1.6 (2).
Le décor 1.6 (3) a pu être posé par Louis Granel avant son décés.
L’application des couches de peinture du décor 1.6 (4) dépendent de la datation des photographies d’archives de la famille Granel/Corsy qui montrent les murs peints en blanc[5]Voir photographie de la pièce 1.8 dans le rapport d’Etude de Nathalie Banel.. Ces photographies sont datées du début du XXème siècle mais il paraît raisonnable de penser que l’application de la peinture ait été faite après la mort de Louis Granel.
E. Etat de conservation
Dans cette pièce le mur Sud et l’angle Sud-Est sont très dégradés par un ancien dégât des eaux : les couches de papier peint se sont décollées et les sels du mur ont favorisé sa décomposition.
Sur les autres mur Ouest, Nord et Sud (à l’exeption de l’angle Sud-Est) les deux couches intermédiaires de papier peint sont complètes. Cependant la couche de papier peint d’apprêt, étant collé couche picturale contre couche picturale sur le papier peint de 1910-1920, ce dernier peut être difficilement dégagé tout en rendant le motif visible.
F. Propositions de restitution et d’intervention
1) Destination de la pièce
Cette pièce est destinée à devenir un espace d’exposition temporaire et les murs Nord et Est exploités pour recevoir des œuvres.
2) Proposition d’intervention
Le décor le plus représentatif de cette pièce est le décor posé par la famille Cezanne « fleur au naturel » de 1870- 1880. Ensuite nos hypothèses de restitution ont été déterminées selon les éléments suivants :
- l’état de dégradation du mur Sud ;
- le possible dégagement de la couche de 1870-1880 suite à nos tests de sondage ;
- la présence ou non d’une paroi d’exposition sur les murs Nord et Est.
Au regard de ces différents éléments nous proposons :
(note 6 : Il faut cependant demander conseil à un spécialiste peintre en bâtiment.
Synthèse des décors
A. Epoque Truphème : avant 1859
Le papier le plus ancien est daté d’avant 1830. Il est constitué de plusieurs papiers raboutés[6]Le papier continu va remplacer progressivement le papier rabouté dans les années 1830.. Trois autres décors dans chaque pièce sont datés de 1840-1850.
B. Epoque Cezanne : 1859-1899
Le père de Paul Cezanne achète la Bastide du Jas de Bouffan en 1859. L’installation de la famille de Cezanne s’accompagne forcément d’un rafraîchissement des pièces de vie car il faut s’imaginer que les papiers peints des années 1840-1850 déjà en place ont dû s’altérer et s’abîmer avec le temps. Les décors sont datés de 1870-1880.
La présence du décor 1.7 (3) jaune safran sur le mur jouxtant le couloir et datant difficilement d’avant 1860 d’après Philippe De Fabry laisse supposer que la création du couloir a été faite par la famille Cezanne. La première bordure tontisse de ce décor aurait été appliquée lors de la pose de ce papier peint. La deuxième bordure effet tapisserie et le soubassement, typique de la fin du XIXème siècle, ainsi que la présence des papiers peints au-dessus des plinthes des pièces 1.6 et 1.7 laissent supposer qu’il y a eu un deuxième remaniement du décor (et un remaniement des sols). Mais du temps de Cezanne ou de Louis Granel ?
La datation et le style des bordures qui peuvent être produits jusque dans les années 1890 laisse envisager un remaniement des sols avant la mort du père de Cezanne. Mais nous pouvons également émettre l’hypothèse qu’autour de 1900, Louis Granel, s’il a su se procurer des échantillons plus anciens de papier peint, ait pu poser ces nouvelles bordures lors de la réfection du chauffage tout en conservant les lés de papier peint. En effet une date de fabrication n’est pas une date de pose et cette dernière peut avoir lieu des années plus tard.
La présence du papier peint Arts & Crafts dans la pièce 1.8 est assez surprenante et atypique. Les premiers papiers peints anglais de style Arts & Crafts apparaissent au
milieu des années 1880 et perdurent en France jusqu’au début du XXème siècle. Le père de Paul Cezanne décédant en 1886, cela parait peu probable que le fils redécore
cette pièce avec un papier peint de style anglais, même pour Renoir qui séjourna en 1888 dans la Bastide, et qui témoigne d’une « avarice noire dans la maison ». A moins que ce ne soit pour éclaircir la pièce, rendue très sombre par le décor 1.8 (2) ?
On peut alors supposer que ce papier peint ait été posé par Louis Granel assez rapidement dès son installation en 1899 pour contrebalancer le papier peint sous-jacent très sombre, ce qui n’était pas le cas dans les autres pièces. Le mouvement Arts & Crafts étant très en vogue pendant une courte période mais totalement démodé, 10 ans plus tard, on peut expliquer un remaniement général du décor des 3 pièces dans un style beaucoup plus discret et composé de larges bandes festonnées en partie supérieure et d’une bordure étroite dans la partie inférieure, appelée en France « combinaison ». Cette disposition est fréquente dans le premier quart du 20e siècle.
D. Epoque Corsy : après 1917
La reprise de la maison par le fils et le petit-fils de Louis Granel se traduit par une reprise totale du décor en choisissant de repeindre les pièces[7]En émettant l’hypothèse que les images d’archives datent d’après 1917.. Des papiers peints de réemploi ou des journaux ont été collés sur les bordures et les fissures afin de rendre opaque à la peinture le motif sous-jacent.
L’ensemble de ces papiers peints est une source documentaire intéressante. En effet, ces papiers peints datent de la seconde moitié du XIXème siècle et pourraient être des fins de rouleaux de papiers peints inutilisés dans la maison et remisés au grenier, pour d’éventuelles réparations de décors en place ou pour le tapissage de placards. Nous n’avons cependant pas retrouvé de décors connus du Jas de Bouffan et visibles sur les peintures de Cézanne. Lors des futurs traitements de restauration il ne faut pas détruire ces couches de papier peint.
E. Tableau synoptique général
Références
↑1 | Aujourd’hui le support peut se composer de matière synthétique. |
---|---|
↑2 | LE BITOUZÉ, Corinne, « Restauration du fonds de papiers peints du département des estampes et de la photographie » Actualités de la Conservation, 1999, p. 2, n°10. |
↑3 | Nous y trouvons uniquement en ligne les années en « 9 ». |
↑4 | Du 15 au 18 avril 2019. |
↑5 | Voir photographie de la pièce 1.8 dans le rapport d’Etude de Nathalie Banel. |
↑6 | Le papier continu va remplacer progressivement le papier rabouté dans les années 1830. |
↑7 | En émettant l’hypothèse que les images d’archives datent d’après 1917. |