R185 Carrefour de la rue Rémy à Auvers-sur-Oise 1872 (FWN64)
Pavel Machotka
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Dans Carrefour de la rue Rémy à Auvers, la lumière est autant le sujet que les maisons ; elle se reflète avec éclat sur le mur de droite et illumine subtilement tout ce qui est à l’ombre sur la gauche. Une photographie montre de plus grands contrastes que dans le tableau, elle sacrifie soit les taches de lumières soit les ombres, mais les yeux voient les deux, et l’une des premières manières que les Impressionnistes avaient trouvé pour essayer d’être fidèle était de s’assurer que la visibilité était respectée – que l’on ne soit ni aveuglé par la lumière ni incapable de voir dans l’ombre. Cézanne apprend la leçon immédiatement, pour ainsi dire, et l’applique assidûment pendant ces deux ans. Il suit aussi l’exemple de Pissarro pour le naturel de la composition : les paysages de Pissarro tiennent en place, ne luttent pas avec leur cadre, ni ne s’obligent à contenir des tensions internes, et c’est ce que fait rue Rémy. Certes, il ne saurait être pris pour un Pissarro ; ses masses sont plus simples et l’effort vers la stabilité est plus visible (dans la ligne verticale médiane du bas du tableau, par exemple). Par-dessus tout, il montre l’extrême indépendance de Cézanne dans le traitement de la surface, une surface dont les traits ne se détachent jamais, et ne sont pas floconneux, mais s’efforce de souligner l’ordre de l’ensemble. Ici, l’ordre que le peintre formule est celui des toits en pente, qu’il rappelle dans la forme des petites formes de pignons apparaissant dans les murs, les barrières et même dans certains feuillages.
Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.