R824 – Trois crânes sur un tapis d’Orient, 1804 (FWN875)
RW611 – Trois Crânes, 1902-1906

Pavel Machotka

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Trois crânes sur un tapis d’Orient, 1804
54.5 x 65 cm
R824 – FWN875

Trois Crânes, 1902-1906
RW611

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans deux versions d’une autre pyramide de crânes, celles-ci placées sur un des tapis familiers et incorporées dans un contexte sensuel, il a supprimé à nouveau le mur visuel qui protège le spectateur du contact involontaire avec le sujet: deux des crânes le regardent directement. Dans l’huile, la base choisie pour la pyramide est le bord fleuri du tapis plutôt que son centre géométrique, et les crânes à présent sont posés sur une rangée opulente de volutes et de fleurs rouge sang, comme pour faire contraster leur sécheresse avec la vie en dessous. Mais il est possible que ce contraste ne soit pas la première intention de Cézanne ; dans la version à l’aquarelle du même arrangement les crânes furent reliés aux fleurs par des traits sinueux, reproduisant les dents irrégulières qui correspondent aux contours ondoyants des fleurs. Cézanne a tiré le meilleur de cette relation, bien entendu, en utilisant une touche ondulante pour donner à toute l’aquarelle une intensité frémissante. Transposer la même conception dans la version à l’huile aurait été difficile techniquement ; le pigment opaque fonctionne en décrivant la surface littéralement plutôt qu’en la suggérant par le contour et l’espace en réserve. En repensant la composition pour la version à l’huile, Cézanne recula un peu pour réintroduire le bord même du tapis, qui apporte une masse triangulaire soutenant la pyramide et attire l’attention vers le dôme du crâne central ; ce crâne est maintenant blanc, grand et pointu. Le tableau devient une trame serrée et architecturale, mais, paradoxalement, au lieu d’éloigner l’attention des crânes, ce changement leur donne la prééminence. Ils ne sont plus parties d’un motif linéaire, ils n’ont plus une expression vide ou une texture crayeuse, mais ce sont des acteurs à part entière. Cézanne en indique deux directement au spectateur et leur donne à chacun une expression qui est à nouveau différente de tous les autres crânes ; ils le regardent droit dans les yeux avec … un reproche ? un rappel de sa propre destinée ? une prière pour n’être pas oublié ? Nous ne le savons pas ; mais il nous est tout de même impossible de les congédier ou éviter leur regard.

 

Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.

NB. On trouve 22 crânes dans l’oeuvre de Cezanne, dont 17 natures mortes (4 dessins, 5 aquarelles et 8 peintures) :

Le thème du crâne dans les natures mortes