R421 – Portrait de Louis Guillaume, 1879-1880 (FWN448)
Pavel Machotka
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Un particulièrement bel exemple de la liberté de Cezanne dans l’utilisation des touches est un portrait de Louis Guillaume, un ami proche de son fils, qui ne montre que des traces les plus rares de la touche parallèle, alors même qu’il a été peint pendant le temps où Cézanne l’utilisait systématiquement dans les natures mortes réalisées devant le même papier peint[1]. C’est un portrait qui manifeste un sens aigu du placement et de la lumière, et une approche affectueuse du visage du modèle. Cézanne l’a situé de telle sorte que le garçon attrape la lumière provenant presque entièrement de l’arrière de l’épaule gauche de Cézanne ; il pose donc dans une petite pièce devant un mur qui à l’évidence s’éloigne vers la gauche. Ce placement, et la vivacité de l’apparence du garçon, mettent l’accent sur le particulier plutôt que le général – un effet que la touche parallèle aurait certainement difficilement rendu. Les besoins d’une composition forte sont satisfaits en sélectionnant deux tiges dans l’assemblage des feuilles pour faire écho au foulard du garçon, et en plaçant le dossier d’une chaise pour le soutenir sur la gauche. Si dans ce tableau Cézanne n’a pas employé la touche parallèle pour préserver l’individualité du sujet, il réitérera dans Pêches, poires et raisin, une nature morte contemporaine, cette fois pour se concentrer sur les problèmes de couleur.
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A particularly beautiful example of Cézanne’s freedom with the brush is a portrait of Louis Guillaume, a close friend of his son, which shows only the barest traces of the parallel touch even though it was painted during the time that Cézanne used it systematically in the still lives done in front of the very same wallpaper[2]. It is a portrait with a strong sense of place and light, and with an affectionate response to the sitter’s face. Cézanne has placed him so that he catches the light nearly fully from behind Cézanne’s own left shoulder; this locates him in a small room in front of a wall that obviously recedes toward the left. That, and the vividness of the boy’s appearance, put the emphasis on the particular rather than the general—something that the parallel touch would certainly have made difficult. The needs of strong composition are met by selecting two stems from the spray of leaves to echo the boy’s kerchief, and indicating the back of a chair to support him on the left. If in this picture Cézanne has pulled back from the systematic touch for the sake of individuality, he will do it again in Pêches, poires et raisin ; a contemporary still life, so that he may pay full attention to problems of color.
[1] Le portrait doit être regroupé avec les natures mortes qui montrent le même éventail de feuilles dans le fond que l’on voit ici. La date à laquelle ce groupe fut peint n’est pas claire : le fut-il à Paris entre la fin de 1876 et le début de 1878, en mars 1879 pendant un bref retour du sud, à Melun entre avril 1879 et mars 1880, ou ensuite à nouveau à Paris ? Ci-dessous, je plaide pour l’année passée à Melun (comme Rewald, qui date le tableau de 1879-1880), mais pour l’instant il suffit de savoir qu’il est contemporain des natures mortes réalisées avec une touche parallèle arrivée à maturité.
[2] See the still lifes R417 – R420, R424 and R427, for example.
Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.
Pour la question de la datation du tableau, on se reportera également à l’article : Le papier peint à motif de feuilles : avant, pendant ou après Melun ?
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