1er juin
Ouverture de la banque Cezanne et Cabassol, au capital de 100 000 francs, qui apparaît dans Le Cicérone marseillais de 1849 sous la raison sociale « MM. Cesanne [sic] et Cabassol, rue des Cordeliers, 24 ». Elle remplace l’établissement de Félix Alexis, qui demeure le propriétaire des lieux. Joseph Cabassol, commis, puis banquier, habite sur place. La société Cezanne et Cabassol sera prolongée, par acte du 21 septembre 1853, pour une période de dix années comprises entre le 1er octobre 1853 et le 1er octobre 1863. En 1856, elle sera transférée, au 13, rue Boulegon.
Recensements F1 ART 12, 14, 16, 17, 18, 1836, 1845, 1853, 1855, 1857, Archives communales d’Aix-en-Provence. Giraudy, greffier, « Tribunal de commerce d’Aix. Extrait de continuation de société en nom collectif »
Le Mémorial d’Aix, journal politique, littéraire, administratif, commercial, agricole, 17e année, n° 39, dimanche 25 septembre 1853, p. 3.
Coquiot Gustave, Paul Cezanne, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1919, 253 pages, p. 14-16.
« Il aimait l’argent, c’était là un fait positif. Aussi, après s’être séparé de ses associés Martin et Coupin, avait-il eu l’idée de placer son argent chez ses clients. Cela bientôt lui avait donné le goût de la banque. Précisément, la Banque Bargès, la seule qui existât alors à Aix, rue Ancienne-Madeleine, venait de tomber en faillite. Et dans cette banque le père Cezanne avait vite reconnu en la personne du caissier, le sieur Cabassol, un gaillard rusé et madré que Bargès, — d’où sa déconfiture, n’avait jamais voulu écouter. Aussi, sans plus chercher d’histoires, le père Cezanne proposa tout de suite à Cabassol de s’associer avec lui et de fonder une banque au capital de 100.000 francs. Aussitôt dit, aussitôt fait ; et les deux associés s’installèrent rue Boulegon, dans un immeuble qui appartenait à la famille Cabassol.
Les deux compères s’entendirent à merveille ; et l’on s’amuse encore à Aix des deux vieux finauds, Cezanne et Cabassol, qui, toujours l’un s’appuyant sur l’autre, menèrent la banque tant et si bien que lorsqu’ils se séparèrent en 1870, ils avaient tous les deux fait fortune. Et sans nul risque jamais, d’ailleurs ; car un emprunteur douteux se présentait-il ; en sa présence, le père Cezanne disait à son associé : « Qué n’en pensa Cabassoou ? » Et cela signifiait « Refusons le prêt ! » Le père Cezanne connaissait heureusement à un sou près la situation de tout Aix et environs. »
Mack Gerstle, La Vie de Paul Cezanne, Paris, Gallimard, « nrf », collection « Les contemporains vus de près », 2e série, n° 7, 1938, 362 pages, p. 17-18.
« En 1848, l’occasion se présenta : l’unique banque aixoise à l’époque, la banque Bargès, venait de faire faillite ; la route était ouverte à une nouvelle entreprise. Louis-Auguste choisit pour associé l’ancien caissier de la banque, Joseph-Richard-Maximin Cabassol, homme d’affaires tout aussi habile et impitoyable que l’ex-chapelier lui-même. La banque Cezanne et Cabassol fut inaugurée le 1er juin 1848. Suivant les clauses de l’association — les archives du bureau d’enregistrement d’Aix conservent encore le contrat — les deux associés devaient se partager également tous les bénéfices, encore que le capital de cent mille francs fût apporté tout entier par Cezanne, Cabassol ne contribuant que son « industrie » : en d’autres termes, l’expérience financière et les connaissances techniques qui faisaient défaut à Louis-Auguste. Celui-ci recevait de son capital un intérêt de cinq pour cent, et chaque associé pouvait tirer deux mille francs par an pour ses dépenses personnelles.
L’association fut d’abord établie pour une période de cinq ans et trois mois. Mais la nouvelle banque prospéra comme on pouvait s’y attendre avec d’aussi sagaces directeurs, et en 1853 le contrat fut renouvelé. Tout marcha bien jusqu’en 1870, quand l’âge avancé des deux associés amena une dissolution. Les premiers bureaux s’ouvrirent 24, rue des Cordeliers. Plus tard ils se transportèrent dans une maison appartenant à la famille Cabassol, 13, rue Boulegon, à quelques pas de celle où mourut, plus d’un demi-siècle plus tard, Paul Cezanne.
La plupart des prêts se faisaient à court terme. Tout en menant rondement leurs affaires, les associés ne faisaient pas d’usure. Jamais ils ne dépassèrent le taux d’intérêt légal et ils semblent avoir traité leurs clients aussi justement que le comportaient les règles assez peu sévères de l’époque. Leur réussite était due pour une bonne part au fait qu’ils connaissaient intimement la situation financière de tous les emprunteurs possibles du voisinage. Cela leur permit de distinguer aussitôt le risque bon à courir d’un risque dangereux, et de déterminer, à un sou près, jusqu’où on pouvait se permettre d’aller dans chaque cas particulier. Ils se trompaient rarement. Si Louis-Auguste Cezanne tenait pour insuffisantes les garanties d’un postulant, il avait un moyen simple pour transmettre cette opinion à son collègue. « Et qu’en dites-vous, Cabassol ? » criait-il dans la langue provençale qu’il employait le plus souvent. Alors le rusé Cabassol qui connaissait sa réplique, secouait tristement la tête et répondait : « Non ! »
La création de la banque accrut rapidement la fortune de Louis-Auguste Cezanne. Elle lui procura encore d’autres avantages, sous une forme moins tangible. La situation sociale de l’unique banquier de la ville était beaucoup plus importante que celle d’un simple chapelier et Louis-Auguste se trouva non seulement un des plus riches mais un des plus respectés membres de la société aixoise. Nullement insensible à cette élévation, il en tirait beaucoup de fierté. Ce n’est pas qu’il eût des ambitions sociales ou qu’il souhaitât mener la vie de grand seigneur que sa fortune eût autorisée, malgré ses humbles origines. L’ardeur de sa lutte pour conquérir le succès matériel ne lui laissa pas le temps d’acquérir le goût d’une vie fastueuse. Il était bourgeois dans l’âme et le demeura comme ses enfants après lui. »
30 juillet
« Cezanne, banquier » se présente aux élections municipales d’Aix sur la liste du comité électoral du Mémorial d’Aix, en 22e position sur 27. Il n’est pas élu.
« Aix. Élections municipales », Le Mémorial d’Aix, journal politique, littéraire, administratif, judiciaire, commercial et agricole, 12e année, n° 36, dimanche 30 juillet 1848, p. 1 :
« LISTE DES CANDIDATS AU CONSEIL MUNICIPAL, PRÉSENTÉE PAR LE COMITÉ ÉLECTORAL D’AIX.
Le comité électoral du Mémorial d’Aix s’est efforcé d’opérer dans la liste qu’il avait été chargé de dresser, la fusion des classes et des partis, qui semble être le vœu de tous les bons citoyens. Ayant constamment agi dans le but de procéder à cette fusion, il propose aux suffrages des électeurs la liste suivante, qu’il a arrêtée dans sa séance du 22 juillet :
[…]
24. CEZANNE, banquier. »
« Liste des candidats au Conseil municipal.
Cette liste, donnée dans notre numéro de dimanche dernier a dû être modifiée par la non-acceptation de MM. Cresp, professeur à l’école de droit, et Laurier, entrepreneur de diligences. Les noms de ces deux honorables citoyens ont été remplacés par ceux d’un habitant des Miles et de Puyricard. Il est juste que ces hameaux importants de notre territoire soient représentés dans le sein du Conseil municipal :
[…]
22 CEZANNE, banquier. »
Voir aussi « Aix. Des élections municipales », Le Mémorial d’Aix, journal politique, littéraire, administratif, judiciaire, commercial et agricole, 12e année, n° 37, dimanche 6 août 1848. p. 1.
Rewald John, Cezanne, Paris, Flammarion, 2011, 1re édition 1986, 285 pages, p. 21 :
« Pourtant, le banquier s’intéressait aux affaires publiques. Après la chute de Louis-Philippe, en 1848, il s’était présenté aux élections municipales à Aix, en vingt-deuxième position sur une liste de vingt-sept candidats qui se réclamaient de la « fusion des classes et des partis ». Il avait recueilli trop peu de suffrages pour être élu. »