R053 – Paysage, vers 1865 (FWN20)

Pavel Machotka

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Le style des années 1865-66 est intense et sa vigueur, voire sa véhémence, s’accomplit grâce à une petite touche staccato, posée par à-coups, généralement en pleine pâte, parfois appliquée au couteau, parfois au pinceau. Une touche à ce point marquée et distincte est nouvelle en soi, à la fois pour Cézanne et pour la peinture de l’époque[1], et l’on pourrait même dire qu’elle anticipait la touche parallèle de 1880 avec son rythme et sa cohérence – mais seulement dans ces deux aspects puisque la touche parallèle était plus subtile et plus complexe.

Paysage, vers 1865 22,5x28,2 cm R053 FWN20

Paysage, vers 1865
22,5×28,2 cm
R053 FWN20

Ici, dans la douzaine de paysages peints vers 1865 et dont Paysage fait partie, la touche suggère encore la texture réelle des objets denses (les bosquets, le feuillage et les ondes de l’eau), mais elle révèle aussi un effort pour unifier la surface : la touche granuleuse pour le ciel, nous montre que Cézanne appréhende le site en termes de peinture, plutôt que comme une scène. Il faut le reconnaître, les couleurs sont toujours proches de ce qu’elles sont en réalité, et la composition ne prend pas de risques : l’orange juste sous le centre du tableau[2] qui sert de point d’ancrage à notre regard est conventionnel, bien que parfaitement satisfaisant, et l’arbre massif servant de cadre rappelle Claude Lorrain. Mais plusieurs autres paysages sont inventifs, ceux où Cézanne associe une touche nerveuse à un sujet véhément. Tous les douze portent la marque de l’originalité de cette période intense.

Adapté de Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.

 

[1] En 1865, Courbet et Monet se rapprochaient de lui par la rudesse/le grain de leur surface, mais pas dans ces coups de pinceau détachés avec force. La Côte normande de Courbet, 1865 c., est reproduit dans History of Impressionism de Rewald, p. 129, et la Plage à Saint-Adresse de Monet, 1864-65, p. 110.

Courbet, la Côte normande

Courbet, la Côte normande, vers 1865

Monet - la Plage de Sainte-Adresse, vers 1867

Monet – la Plage de Sainte-Adresse, vers 1867

 

 

 

 

 

 

[2] On devrait résister plus que je ne le fais à la tentation de voir les premiers tableaux à la lumière des plus tardifs, mais je tiens à mettre l’accent sur l’originalité du traitement de la surface par Cézanne. Quant à l’importance du point d’ancrage rouge, pour être convaincu de sa nécessité, mieux vaut le masquer : on se rend alors compte du manque d’équilibre qui affecterait le tableau pour ce qui est des formes et des couleurs.