R220 Petites maisons à Pontoise, près d’Auvers-sur-Oise, vers 1874 (FWN82)
Pavel Machotka
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Quand Cézanne et Pissarro décident de peindre ensemble, et que Cézanne choisit son propre point de vue et sa composition, une comparaison de leurs tableaux fait inévitablement ressortir l’intérêt de Cézanne pour la tension et la structure. Ce disant, je voudrais noter leurs différences, non suggérer – comme d’instinct – que les tensions de l’espace présentes dans un tableau de Cézanne produisent forcément un tableau meilleur. Au contraire, la proximité plus ouverte de Pissarro envers les gens, ou au moins son intérêt plus grand à les intégrer dans ses paysages, peuvent travailler à son avantage ; cela dépend de la façon dont il réussit à les utiliser sur la surface et dans l’espace.
Par exemple, dans Petites Maisons près d’Auvers-sur-Oise de Cézanne et La Récolte de pommes de terre de Pissarro, on a – c’est ce qu’il semble – un contraste entre un simple paysage et une scène narrative, chaleureuse, de paysans ramassant des pommes de terre, mais nous avons aussi deux solutions réfléchies, picturales au problème de l’organisation de l’espace. Les artistes travaillent le même paysage à peu près à la même heure du jour – à la fin de l’après-midi – sans tout à fait travailler côte à côte ou peindre le même jour ; Pissarro se tient plus en arrière et la saison est plus avancée. Cézanne s’intéresse à la question de l’équilibre de la surface : la grande maison, juste à la droite du centre, est ramenée vers la gauche par le peuplier remarquable sur la colline, et devant, les petits arbres inclinés vers la droite sont contrebalancés par les striations des champs vers la gauche. (Ni les striations ni le peuplier n’étaient nécessaires à la composition de Pissarro, mais quant à dire qu’un peintre les inventa ou que l’autre les supprima, on ne peut le faire). Les couleurs sont équilibrées simplement, elles aussi ; une lumière orange / rose compense précisément les verts froids. C’est cet équilibre sans prétention et les touches décisives posées en épaisseur qui font le tableau.
Adapté de Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.