R202 La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise c73 (FWN81)
Pavel Machotka
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A un niveau manifeste La Maison du pendu est une image de sérénité rurale, à un autre niveau c’est une œuvre au fini remarquable et à la composition soigneusement étudiée. Un V étroit en plein centre nous maintient bien en place à l’intérieur du cadre, juste au-dessus d’un plongeon abrupt de la route qui mène en bas vers la cour de devant ; là, l’espace est encombré, et en levant les yeux on le voit s’ouvrir sur une vue d’autres maisons au loin et enfin d’un ciel clair, que nous accueillons comme un répit nécessaire. Malgré tout, on reste à l’intérieur du V parce qu’il est jonché de toits noirs et de cheminées rouges ; c’est aussi une sorte de renversement d’accent, non sans similitude avec le mur blanc éclatant de La Maison du Père Lacroix. La pente incurvée de la route elle-même aurait pu avoir résonné comme une note discordante dans une toile pleine de lignes droites, mais Cézanne la voyait dans le contexte des ondulations du chaume autour de la fenêtre verticale étroite située sous le toit de la grange, et il en fit un élément naturel de sa composition. Sa touche est à nouveau cohérente, et une fois encore nouvelle : son pinceau entraîne du pigment à peine sec de la veille, ce qui produit une accumulation nacrée qui uniformise toute la surface. (C’est un effet qu’il obtient naturellement dans certaines parties d’autres toiles, peut-être le résultat d’une impatience ; ici, cependant, il est le produit d’une cohérence disciplinée.) On imagine que ces succès formels sont ceux qui plaisaient à Cézanne lui-même, parce qu’il exposa le tableau trois fois, à la première exposition impressionniste, puis à nouveau en 1889 et 1890 ; ce paysage est en tout cas l’un des chefs-d’œuvre des années 1872-74.
Adapté de Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.