R764 – La Meule et citerne en sous-bois, 1892-1894 (FWN292)
Pavel Machotka
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Un style en filigrane anime La Meule et citerne en sous-bois, presque pareil au style du contemporain Sous-bois, mais bien moins formel. Sa touche, plus variée, fait alterner des coups de pinceaux horizontaux et verticaux, réservés pour le centre du tableau (la citerne et les différents rochers disséminés autour) avec d’autres oscillant librement dans les deux directions de diagonales pour rendre le feuillage. La surface est dense, mais pas au sens où cela nous empêcherait de trouver notre chemin : les touches obliques, qui auraient pu compliquer les choses, sont placées parallèlement aux arbres s’évasant vers le haut, ainsi créant une surface cohérente et rythmée.
Le point de départ de la pensée de Cézanne sur les touches doit avoir été la cadence linéaire des arbres – la forme en éventail des huit arbres et les formes sinueuses des petits chênes à mi-distance – et la tache éclatante de soleil sur la citerne.Tous ces détails — visibles même trente ans plus tard — avaient fourni à Cézanne les lignes et volumes de la composition.[1]. Les intrications de la touche de Cézanne étaient réservées à la profusion des feuilles de l’arrière-plan, qui devait être domptée ; et la touche que j’ai décrite à la fois représente la végétation avec cohérence et organise la surface musicalement. Bien sûr c’est l’intensité de la couleur qui nous frappe immédiatement, une débauche de jaunes ici – ce qui est inattendu dans un paysage de bois – et c’est d’autant plus saisissant que les jaune vert du feuillage sont plus proches des jaunes de Naples du chemin et de la citerne. Ce n’est pas un petit risque à prendre, mais Cézanne fait fonctionner cette harmonie en équilibrant les jaunes avec des bleu gris et des violets gris. Envahissant tout le tableau, ils ne définissent pas seulement les ombres de la partie inférieure mais apparaissant aussi au hasard à travers tout le feuillage et les troncs d’arbres. Le tableau est pleinement aussi heureux et positif que Pigeonnier de Bellevue, mais il représente aussi le traitement plus complexe d’un site plus difficile.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
[1] Cf. la photographie de 1927 de Loran dans son Cézanne’s composition, p. 66, et la photographie de Rewald de 1935 photograph dans PPC, vol. 1, p. 464 :
D’autres oeuvres traiteront du même thème dans les dix années suivantes :
- le tableau La citerne dans le parc du Chateau Noir, vers 1900 (R907-FWN336)
- pas moins de cinq aquarelles :