R815 – Sous-bois, 1893-1894 (FWN303)
Pavel Machotka
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On peut imaginer ou bien un défi difficile présenté au peintre par le site de Sous-bois ou bien une attitude plus formelle que d’habitude vers l’organisation de cette grande toile grâce à sa grandeur – 116 cm de hauteur. Le terrain est inégal, d’accord, et il n’y a pas de ligne de sol ou de forme solide oblongue comme une citerne pour ancrer la composition. Mais quelle que soit la touche choisie, elle devait organiser un espace qui ne se pose jamais, et en fait, dont les méandres serpentent irrégulièrement entre deux arbres sinueux. Ayant choisi de travailler sur cette grande toile, Cézanne doit avoir su dès le début que la surface demanderait une touche soigneusement choisie, et sa solution aujourd’hui semble un vrai tour de force. Pour représenter cette végétation, il utilise des touches brèves, soit parallèles, soit posées perpendiculairement aux branches qu’elles touchent, donnant ordre et rythme à la confusion. Pour centrer la composition, il a recours à une invention : un motif irradiant de touches juste au-dessus du centre exact. On pense à la rosace d’une cathédrale gothique, qui occupe le même espace assuré sur la façade, un petit peu au-dessus du centre exact, et donne à la façade son équilibre et son centre[1]. Ici, notre regard est inexorablement attiré vers le centre, peu importe vers quel autre endroit nous voudrions le diriger, et le résultat est un tableau où nous faisons l’expérience de la complexité et de sa résolution en proportion égale. C’est un tableau qui s’impose aisément sur un mur de musée, et de tous les mots impropres pour décrire son effet peut-être devrons-nous nous contenter d’« autorité » ; il ne s’agit pas de l’autorité grave qui a tant impressionné Fry, mais d’une heureuse et joyeuse.
Rewald pense que le tableau fut fait peu avant l’exposition de 1895 organisée par Vollard, où il fut montré, et peut-être aussi tôt que 1893, la date qui à l’époque fut suggérée par le fils de Cézanne. Le tableau est donc très proche de Giverny, et il accuse les différences entre le travail sur le paysage de Cézanne dans le nord et le sud.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
[1] Voir Rudolf Arnheim, The Power of the Center, Berkeley: University of California Press; 1982.