R430 – Carafe, boîte à lait, bol et orange, 1879-1880 (FWN768)
Pavel Machotka
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C’est toujours devant le même papier peint que Cézanne, impatient de nouvelles compositions et d’harmonies de couleurs originales, peint six natures mortes avec une boîte à lait noire. Certaines n’ont que moins de lumière, d’autres doivent aller jusqu’à incorporer la couleur noire du bol. Carafe, boîte à lait, bol et orange, se trouve parmi ces dernières. Disons-le, l’éventail final des couleurs aurait pu être restreint par la gamme limitée des objets choisis, mais il n’aurait été aussi limité qu’à ce stade d’inachèvement, et des éléments du tableau indiquent que les couleurs auraient évolué davantage. C’est Emile Bernard qui nous l’a rapporté, Cézanne lui avait recommandé de partir de couleurs presque neutres pour ensuite « monter la gamme »[1] ; et l’on constate que Cézanne avait justement commencé à monter la gamme avec le vert clair à l’intérieur du bol. On peut deviner les autres possibilités : étant donné l’axe principal complémentaire de marron orange à vert bleu, imaginons qu’il élève leur saturation en peignant le fruit plus orange et en créant une interaction plus dense de verts et de gris bleu, et qu’il mette un peu d’orange dans le marron de la table et un peu de vert dans la boîte de lait. Un soupçon de vert pourrait apparaître dans le motif à feuille du papier peint, et la nappe serait peut-être subtilement modelée de gris bleu, vert bleu et marron orange. La composition, foncée, ascétique et dense, aurait pu être raffermie par une meilleure élaboration du motif à feuille, et mieux harmonisée en portant les reflets du bol vert et de l’orange sur la surface de la boîte à lait.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
[1] Pour Cézanne, les premiers tons devaient être menés progressivement vers une plus grande saturation, tout en les maintenant en harmonie étroite pendant le processus. Bernard, « Souvenirs sur Paul Cézanne, » in P. M. Doran, Conversations avec Cézanne, p. 73.