R302 – Nature morte à la soupière, 1877 (FWN726)
Pavel Machotka
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La Nature morte à la soupière est une toile encore plus importante que Poterie, tasse et fruits sur une nappe blanche. Il faut le dire, la date suggérée, 1877, n’est pas des plus assurées, mais peu importe : le tableau serait original s’il avait été fait quatre ans plus tôt ou huit ans plus tard (ces deux dates extrêmes ont été proposées[1]). Pour la touche, elle diffère des styles connus de toutes ces années, mais elle a au moins une qualité en commun avec les natures mortes de 1877 : le couvercle élargi et légèrement équarri de la soupière. Ce qui est original dans toutes ces années proposées, c’est que la toile consiste par-dessus tout en une série de relations internes, qui sont si remarquables qu’elles nous font presque perdre de vue les objets représentés. Les objets sont traités de façon réaliste et éclairés de façon plausible, certes, mais ils semblent subordonnés à un plus grand dessein. La corbeille est orientée de telle sorte qu’elle reflète les mouvements des oies du tableau ; la soupière est aplatie et se tient immobile sur la table ; et la corbeille et le panier sont séparés par un espace plat qui souligne leurs contours. Tout cela attire l’attention sur la toile plutôt que sur l’espace occupé par les objets. L’espace est construit plutôt qu’il ne vise à créer l’illusion de la réalité : la table fuit vers le haut à droite alors que la corbeille fuit vers le haut à gauche, réalisant ainsi un équilibre plus complet que celui qu’on attendrait des objets ordinaires qui nous entourent.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
[1] Les arguments pour dater ce tableau des années 1873-1874 sont résumés dans Cachin et al., Cézanne, New York: Abrams,1996, p. 143 ; 1877 me semble pourtant toujours la date la plus probable.
Nature morte à la soupière is unquestionably a significant canvas. Admittedly, the suggested date of 1877 is not a firm one, but that matters little: the painting would be original whether it had been done four years earlier or eight years later (both extremes have been proposed). In touch it stands apart from the known styles of all those years, but it does at least share one quality with the 1877 still lives : the broadened and squared-off lip of the soup tureen. What would be original in any of the proposed years is that the canvas is now above all a set of internal relationships, which are so compelling that they almost make us lose sight of the objects. As real and as plausibly lit as the objects are, they seem subordinate to a grander design. The basket is turned so as to mirror the movements of the geese in the picture; the soup tureen flattens out and sits immovably on the table; and the basket and the tureen are separated by a flat space that emphasizes their outlines. All of this calls attention to the canvas rather than to the space the objects inhabit. What space remains is a constructed space rather than an illusionistic one: the table recedes toward the upper right while the basket recedes to the upper left, achieving a formal balance in the picture that we would not find in reality.
Source : Machotka, Cézanne : The Eye and the Mind.
NB: le tableau de Pissarro figurant à gauche sur le mur est également présent à droite dans le portrait de Cezanne peint par Pissarro en 1874 :
Il existe des copies assez amusantes par le déplacement des objets :