R662 – Nature morte, vers 1890 (FWN832)
Pavel Machotka
(Cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Cézanne a utilisé le pot à lait en tout dans cinq toiles, le tournant toujours vers la gauche, et dans quatre d’entre elles, il l’a placé à gauche du centre ; ceci crée une tension, centrifuge, d’où la nécessité d’un élément dirigé vers le haut à droite pour l’équilibrer. La même tension est visible dans une nature morte exceptionnelle, Nature morte, qui commença au centre de la toile et s’acheva là, sans que le reste de la composition ne soit même suggéré ; là, les deux forces obliques sont équilibrées juste au centre, avec deux poires placées très près du pot, indiquant deux directions opposées. Mais, contrairement aux natures mortes qui utilisent ce pot, celle-ci est exceptionnelle à la fois par son point de départ et par sa technique. Elle est peinte sur une toile pour portrait à grain très fin, adaptée à un travail de précision, et Cézanne n’a laissé aucun vide entre les touches. Cela rend le point de départ d’autant plus remarquable : plutôt que d’être le début d’une composition plus grande, elle semble déjà complète – l’image d’un tas indéfinissablement clos, on dirait une foule d’êtres complets en contact intime plutôt que beaucoup de figurants dispersés à travers la scène. Peut-être que ce début particulier allait de pair avec une intention de concentration, les formes étant si proches les unes des autres –, comme si le peintre mettait en scène une anecdote privée, ou trouvait à ses formes quelque sens mal défini qui commençait à l’intéresser. Mais on ne dispose d’aucun mode d’emploi, on ne peut que deviner le propos de Cézanne. Plus tôt, j’ai fait allusion à l’étrange façon avec laquelle la poire est posée au bord du plat, et je ne peux m’empêcher de ressentir que la poire appartient d’une façon narrative à ces formes denses.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
Les pots à lait dans l’oeuvre de Cezanne :
A ne pas confondre avec les pots au lait :