R324 – Madame Cézanne à la jupe rayée, vers1877 (FWN443)

Pavel Machotka

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Madame Cézanne à la jupe rayée
vers1877
R324-FWN443

Si dans les portraits il y a une tension inhérente entre la ressemblance et les besoins de la toile, avec ce portrait, le conflit a été résolu en faveur de la toile. C’est une résolution que Cézanne devait affirmer, et peut-être exagérer, pour continuer à évoluer. Cela étant, elle n’est pas toujours exagérée ; les rythmes systématiques du Portrait de Victor Chocquet assis animent celui d’Hortense Fiquet avec beaucoup plus de grâce, là où ils sont de plus grande dimension et où la composition selon laquelle ils se développent est plus simple. En d’autres termes, Madame Cézanne à la jupe rayée, transforme une pure idée de surface rythmée en un chef-d’œuvre pleinement accompli. La composition du tableau est peut-être facilitée par le socle sculptural fourni par la jupe volumineuse et sa forme pyramidale. Avec une composition si naturellement installée, le peintre peut se détendre, pour ainsi dire, le personnage se permettre une légère inclinaison d’un côté, et le dos du fauteuil être déformé, pour équilibrer celle-ci, si bien que la masse du dos est à une bonne distance de la tête et se déplace vers la droite. La déformation du fauteuil est à peine perceptible, tant l’équilibre interne est réussi.

La couleur s’impose comme dans le petit portrait de Chocquet : le fauteuil est d’un carmin franc, mais il accompagne le moutarde calme du papier et la variété des verts de la jupe, et ainsi il n’est pas choquant ; même les bleus de la veste se réconcilient avec la couleur rouge, grâce à leurs nombreux verts et moutardes. L’utilisation des couleurs dans ce tableau est un tour de force, et percevoir la subtilité derrière l’éclat visible demande une étude plus attentive, même sur une reproduction. Pour l’évolution de Cézanne cependant, l’importance est dans la conception plate et rythmique[1], qui ne cherche pas l’illusion ; c’est ici, et en si peu de temps, qu’il a pris ses distances avec les Impressionnistes.

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If in portraits there is an inherent tension between likeness and the needs of the canvas, with this portrait it has been resolved in favor of the canvas. It is a resolution that Cézanne had to affirm, and perhaps overdo, in order to evolve further. It is not always overdone, however; the systematic rhythms of the Chocquet portrait animate the portrait of Hortense Fiquet much more gracefully, where they have a larger scale and simpler composition in which to develop. Madame Cézanne à la jupe rayée, in other words, turns the mere idea of a rhythmic surface into a fully realized masterpiece. The picture’s construction is perhaps helped by the sculptural foundation provided by the voluminous skirt, and even more so by its vertical stripes, and it is helped, too, by the body’s simple, pyramidal shape. With the composition so naturally established, the painter can relax, as it were; the figure can be allowed to lean slightly to one side, and the chair back can be distorted, to balance her, so that the mass of the back is well away from the head and moves to the right. This distortion of the chair is barely noticeable, so successful is the internal balance.

The color is as emphatic as in the small Chocquet portrait: the armchair is a frank crimson, but it is placed in the calm company of the mustard wallpaper and the various greens of the skirt, and fails to shock; even the blues of the jacket are reconciled to the red color, thanks to their many subtle greens and mustards. The painting is a tour de force of color use, and to see the subtlety beneath the brilliance, it repays careful study even in the reproduction. For Cézanne’s development, however, the important matter is that the conception is flat and rhythmical[2], with no attempt at illusion; he has moved that far from Impressionism in that short a time.

 

[1] Les ailes du fauteuil, destinées à bercer une tête fatiguée, devraient normalement s’avancer vers le spectateur, mais ici elles sont plates ; et les mains, entrelacées comme dans le tableau de Chocquet, forment un motif semblable aux rayures de la jupe.

[2] The wings of the chair, designed to cradle a tired head, would normally protrude toward the viewer, but here they lie flat; and the hands, interlaced as in the Chocquet picture, form a pattern similar to the stripes of the skirt.

Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.

 

Copie par Juan Gris :

Ce thème a inspiré de nombreux artistes, comme par exemple :

Picasso

Picasso

Raoul Dufy
Portrait de jeune femme assise dans un fauteuil,1931

Louis Valtat
Femme assise dans un jardin, 1925