Colloque international : « Peut-on parler d’une amitié créative entre Cézanne et Zola? »

Présentation

Takanori NAGAÏ

Noriko YOSHIDA

 

Paul Cézanne (1839-1906) et Émile Zola(1840-1902)étaient amis intimes, et parlaient art et littérature depuis leurs années de collège. L’un est, on le sait, un des plus grands peintres français du postimpressionnisme, considéré comme le « père de l’art moderne », et a exercé une grande influence sur la postérité ; l’autre est un romancier français, chef de file du naturalisme, auteur de romans comme L’Assommoir, Nana et Germinal, connu aussi pour son engagement dans l’affaire Dreyfus. Dans la deuxième moitié des années 1860, Zola, jeune critique d’art, a pris passionnément la défense d’Edouard Manet ainsi que celle de futurs impressionnistes comme Monet et Renoir, avec qui il était lié d’amitié.

Mais pendant longtemps, Zola critique d’art a fait l’objet de jugements assez sévères de la part des peintres et des historiens d’art, qui le considéraient comme un homme dénué de sensibilité artistique, incapable de comprendre les arts d’avant-garde. On sait qu’il a adressé des critiques aux impressionnistes en 1879-1880 et surtout que dans son roman L’Œuvre, publié en 1886, le héros Claude Lantier, peintre génial, finit par se suicider devant son propre tableau, incapable de l’achever. John Rewald, grand spécialiste de Cézanne, a affirmé dans sa thèse parue en 1936 que le peintre, déçu par le roman, avait rompu toute relation avec Zola après une courte lettre de remerciement datée du 4 avril 1886, qu’il considère comme une lettre de « rupture ». Cette affirmation n’a cessé d’être répétée dans de nombreuses chronologies et biographies de Cézanne. Elle a été reprise dans le monde entier. De fait, on n’avait jusqu’alors retrouvé aucune lettre adressée de l’un à l’autre après cette date.

Toutefois, un important changement s’est produit en 2013, avec la découverte d’une lettre de Cézanne à Zola datée du 28 novembre 1887, écrite plus d’un an après la prétendue rupture. Il s’agit d’une lettre de remerciement pour l’envoi de La Terre, le volume suivant des Rougon-Macquart, que Cézanne termine ainsi : « Quand tu seras de retour [à Paris] j’irai te voir pour te serrer la main. » Cette lettre prouve que la relation de Cézanne et de Zola n’avait pas été altérée par la publication de L’Œuvre. L’image négative de Zola construite par Rewald et ses successeurs, a conduit à des manques profonds non seulement dans la recherche zolienne mais aussi dans la recherche cézanienne : la relation intime du peintre avec Zola n’a pas suffisamment été prise en compte dans l’étude de la formation artistique de Cézanne.

A la suite de la découverte de cette lettre, les spécialistes de Cézanne et de Zola ont commencé à réévaluer la relation entre les deux artistes. Ce colloque voudrait participer à cette nouvelle direction de la recherche mondiale, en réunissant des chercheurs français et japonais spécialistes aussi bien de Cézanne que de Zola, dans une même salle, pour les faire discuter de leur amitié créative.

Nous tenons enfin à remercier la Fondation franco-japonaise Sasakawa et la Société Japonaise pour la Promotion de la Science[1]No.16K02535. Recherche fondamentale (catégorie C), Noriko Yoshida, « Les interactions entre littérature et peinture aux débuts de l’art moderne ». pour les subvensions accordées à la réalisation de ce colloque. Nos remerciements vont également à la Société japonaise d’histoire de l’art pour son soutien.

Références

Références
1 No.16K02535. Recherche fondamentale (catégorie C), Noriko Yoshida, « Les interactions entre littérature et peinture aux débuts de l’art moderne ».