R158 – Les Marronniers et le bassin du Jas de Bouffan, 1868-1870 ou plus tard (FWN55)
Pavel Machotka
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La plupart des paysages les plus petits de la première décennie, on les voit plus simplement que ceux de taille supérieure comme La Tranchée avec la montagne Sainte-Victoire (R156 FWN 54) ou Le Bac à Bonnières (R096 FWN 42), et l’objectif de Cézanne est beaucoup plus direct. Lorsque nous ressentons la force d’un paysage, elle vient d’un élément bien différent. Dans Les Marronniers et le bassin du Jas de Bouffan, par exemple, la franchise est palpable dans la touche et la composition.
Il est près de midi (Cézanne n’aillait pas souvent peindre en extérieur à cette heure du jour) et le tableau présente des contrastes marqués entre l’ombre et la lumière. Là où l’ombre et la lumière se rencontrent Cézanne perçoit plus qu’un simple passage de l’une à l’autre : il voit une barre horizontale solide qu’il peut caler contre les verticales des arbres. Il en résulte un cadre stable et inébranlable auquel Cézanne oppose un mouvement puissant dans les diagonales prononcées des branches. (En effet, les deux diagonales opposées qui traversent le tableau créent tension et équilibre.) Cette construction est solide, aux contrepoids intelligemment pesés et d’une densité inhabituelle pour le Cézanne du moment. Une touche très ferme la soutient : les feuilles des marronniers forment des blocs carrés et parallèles, tous réalisés en pigment épais comme le reste du tableau. J’avoue cependant rester perplexe devant la masse vague en bas à droite : l’imprécision est rare chez Cézanne[1].
Adapté de Pavel Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.
[1] Mais elle était aussi présente dans le même coin dans La tentation de Saint Antoine.