R679 – Bouteilles et pêches, vers 1890 (FWN830)
Pavel Machotka
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Même avec les tableaux qui nous troublent par quelque difficulté technique on devrait, à quelques rares exceptions près, essayer de les comprendre visuellement. Bouteille et pêches, avec une partie du motif masquée, en est un exemple. Cézanne a dû rencontrer une difficulté dans le coin inférieur gauche, et il en a repeint une grande partie à l’aide d’un gris plat . Le tableau est inhabituel dans son format carré et la façon dont le format est utilisé : le rassemblement d’objets qui le remplit est lui-même aussi haut qu’il est large. A la fois la hauteur et la largeur sont réalisées sans étirement ; la bouteille transparente s’étend naturellement en bas vers la large serviette, et le tas de pêches (elles-mêmes aussi hautes que larges) forme une masse unique et non une rangée mince horizontale. La bouteille noire relie le haut diaphane de la toile avec le bas et offre de la matière au milieu du tableau.
Restent deux énigmes, il faut le dire : la forme en cœur en bas à droite est indéchiffrable, et la bouteille disparaît sans laisser de traces au sommet. Mais l’une et l’autre peuvent être comprises. La forme en cœur ancre la colonne verticale des bouteilles et elle se trouve sur une ligne imaginaire qui part de la masse des pêches pour longer le couteau ; ainsi elle se tient au point de rencontre des deux lignes. On pourrait imaginer d’autres formes le faisant aussi bien, mais celle-ci se place bien fermement où il le faut. Et le sommet de la bouteille, s’il avait été peint, aurait représenté un point trop intéressant ; notre regard fixé sur lui, même de temps en temps seulement, on aurait été distrait de l’interaction des formes proches du milieu.
Source: Machotka, Cézanne: La Sensation à l’oeuvre.