R808 – La Vieille au chapelet, vers 1896 (FWN515)

Pavel Machotka

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La Vieille au chapelet
vers 1896
R808-FWN515

Les émotions de Cézanne, ou les émotions qu’il voulait décrire, sont entièrement transparentes dans La Vieille au chapelet. La lourdeur de l’inclinaison du bonnet et des épaules, le triangle du tablier bleu, la concentration vide, obsessionnelle, tout se dirige massivement vers le bas, décrivant et le poids et la consolation de l’âge. Le tableau serait plutôt trop simple dans sa forme et trop didactique dans sa signification, contrairement, par exemple aux dernières peintures du grand âge comme Le Jardinier Vallier vu de face ; Le Marin ou Le Jardinier Vallier ; cependant, son exécution manifeste une réflexion approfondie, il est soigneusement composé et pleinement fini, montrant une construction graduelle de l’épaule gauche vers le haut – en deux, peut-être trois étapes –pour projeter la tête en avant et montrer le personnage comme plus lourdement écrasé.

Quand un tableau est formellement si clair, toute tentative d’interprétation plus littéraire est superflue, pourtant son premier propriétaire, le jeune Gasquet, écrivit que le modèle était une nonne défroquée de soixante-dix ans que Cézanne avait engagée par charité et qu’il avait gardé bien qu’elle fût voleuse ; mais il a aussi écrit que c’est une hallucination indéfinissable qui a donné à Cézanne, en train de la peindre, l’idée d’une couleur venue de Madame Bovary. Ici il faut se méfier de Gasquet ; les deux affirmations pouvaient ne pas être vraies en même temps – probablement aucune ne l’était – et de toute façon elles n’ajoutent rien à notre perception esthétique[1].

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Cézanne’s emotions, or the emotions he intends to portray, are entirely transparent in La Vieille au chapelet. The heavy slope of the bonnet and shoulders, the triangle of blue apron, the vacant, obsessive concentration, all point massively downward, depicting both the burden and consolation of old age. The painting is, if anything, too simple in its form and too didactic in its meaning, unlike, for example, the later images of old age such as Le Jardinier Vallier vu de face ; Le Marin or Le Jardinier Vallier ; yet it is also very deliberate, carefully composed, and fully finished, showing a gradual buildup of the left shoulder upward—in two, possibly three stages—to thrust the head forward and show the figure as more heavily weighed down.

When a painting is formally this clear, any attempts at a further literary interpretation are superfluous, yet its first owner, the young Gasquet, wrote that the model was a defrocked nun of seventy whom Cézanne took in out of charity and kept on even though she stole from him; but he also wrote that when Cézanne painted her he had an indefinable hallucination of a color given off by Flaubert’s Madame Bovary. Here we must distrust Gasquet; both statements could not be true—probably neither one is—and in any case they add nothing to our aesthetic response[2].

 

[1] Voir le récit dans Françoise Cachin et al., Cézanne, p. 408. Le récit cite également la description par Flaubert d’une vieille femme de Madame Bovary, qui convient au tableau très précisément – brouillant davantage les tentatives de faire une interprétation littéraires du tableau.

[2] See the account in Françoise Cachin et al., Cézanne, p. 408. The account also quotes Flaubert’s description of an old woman from Madame Bovary, which fits this painting very closely—further muddling the attempts to create a literary interpretation of the painting.

Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.