R809 – Portrait de Joachim Gasquet, 1896 (FWN521)

Pavel Machotka

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Portrait de Joachim Gasquet
1896
R809-FWN521

Le portrait du fils d’Henri est moins facile à comprendre que celui de son père (Portrait d’Henri Gasquet). Nous n’y voyons ni la présence vive ni la gravité formelle qui distingue les portraits tardifs. On ne peut objecter que le portrait est inachevé, même s’il l’est effectivement, parce que normalement il est possible de deviner les intentions finales de Cézanne par la composition au stade où il l’a laissée. La difficulté, c’est que rien n’équilibre l’inclinaison forte de la tête et du torse, pas même le revers gauche ou la coupe droite du manteau, dont les bords ont été laissés vierges pour les rendre visibles ; et rien n’indique qu’une élaboration plus avancée changerait les choses. C’est probablement l’œil gauche, singulièrement posé très en dessous de l’emplacement où il aurait dû être, qui est censé compenser l’inclinaison de la tête ; mais Cézanne avait commencé à enlever la peinture en la grattant comme s’il avait changé d’avis.

Une photographie montre le visage de Gasquet symétrique, et il était beau disait-on ; Rewald cite même une description de lui en jeune Dionysos. Je ne peux m’empêcher de ressentir une ambivalence envers le caractère de Gasquet, ici exprimée à la fois dans la composition déséquilibrée et dans la déformation visuelle. Eloquent, dévôt, et partisan farouche du régionalisme provençal – toutes caractéristiques envers lesquelles une part du tempérament de Cézanne se serait senti en affinité – il avait aussi une prose fleurie, voire sans souffle, et son interprétation de la peinture était littéraire et symboliste, ce qui était étranger à Cézanne. Bien que ce portrait fût commencé seulement quelques mois après qu’Henri les eut présentés l’un à l’autre, Cézanne avait déjà montré des signes d’un désir de l’éviter ; et quoique leurs relations se sont poursuivies, y compris avec une visite au Louvre en 1898, les différences entre eux ont dû être évidentes et pour Cézanne pénibles à l’occasion. Peut-être que tout autre chose explique les particularités de ce portrait, mais le malaise demeure.

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The portrait of Henri Gasquet’s son Joachim is less easy to understand than that of his father (Portrait d’Henri Gasquet). We see in it neither the sitter’s vivid presence nor the formal gravity that normally distinguishes Cézanne’s late portraits. It cannot be objected that the portrait is unfinished, although it is, because Cézanne’s ultimate intentions can normally be guessed from where he had left the composition. The difficulty here is that nothing balances the sharp lean of the head and torso, not even the left lapel or the right cut of the coat, whose edges were left white to make them visible; and there is nothing to suggest that further elaboration would have changed matters. Possibly it was the peculiar left eye, which is set far below where it should be, that was intended to redress inclination of the head; but Cézanne had begun to scrape the paint down, as if to change his mind. A photograph shows Gasquet’s face to be symmetrical, and he is said to have been handsome; Rewald even cites a description of him as a young Dionysos. I cannot avoid the sense of some ambivalence about the young Gasquet’s character on Cézanne’s part, here expressed both in the unbalanced composition and in the visual distortion. Although eloquent, devout, and a strong supporter of the provençal regionalism—all of which would have appealed to a part of Cézanne’s character—he was also flowery in his prose, even breathless, and in his interpretation of painting he was literary and symbolist, which was foreign to Cézanne. Although this portrait was begun only a few months after Henri had introduced them, Cézanne had already shown signs of wishing to avoid him; and although their relations continued and even included the visit to the Louvre in 1898, the differences between them must have been obvious and to Cézanne occasionally onerous. Perhaps something else altogether explains the peculiarities of this portrait, but the unease remains.

Source: Machotka, Cézanne: the Eye and the Mind.