On ne peint pas ce qu’on voit ou croit voir, on peint à mille vibrations le coup reçu, à recevoir.

Nicolas de Staël, 1950.

 

Cette étude est dédiée à la mémoire de nos amis trop tôt disparus Pavel Machotka et Alain Mothe, chercheurs et découvreurs infatigables de sites cézanniens ignorés. Le souvenir toujours vivace des heures plaisantes et enrichissantes passées en leur compagnie compte pour nous parmi nos meilleurs moments consacrés à notre passion commune : l’œuvre de Paul Cezanne.

Cette étude est le fruit de la collaboration entre Raymond Hurtu et François Chédeville, déjà féconde par ailleurs avec la réalisation de la biographie d’Hortense Cezanne. Depuis de nombreuses années, Raymond Hurtu, en voisin de la région autrefois si touristique du bord de la Marne, s’est attaché à y repérer les sites dont on se doutait que certaines toiles de Cezanne étaient la transcription, notamment au moyen de cartes postales anciennes permettant de restituer des paysages aujourd’hui disparus. Il a ainsi, le premier, défriché cette région et par ses découvertes nombreuses, a rendu leur lisibilité à des toiles difficiles à interpréter[1]On en trouvera la liste ici., attirant de ce fait l’attention sur ce que Cezanne avait pu y trouver comme nouveaux motifs, lui qui avait déjà parcouru en long et en large toute l’Île-de-France.

Partant de ces recherches, il était intéressant de les resituer dans un contexte élargi aux paysages visités par Cezanne, mais non choisis par le maître comme motifs à peindre, en vue de mieux faire ressortir l’originalité et les particularités de ses choix. C’est ce à quoi s’est attaché François Chédeville en restituant, au moyen de nombreux documents et témoignages écrits, et en rassemblant une base d’images considérable dont cette étude fournit un échantillon, la totalité des paysages traversés par Cezanne lors de ses séjours au bord de la Marne. Ceci l’a conduit à proposer de nouvelles localisations pour des œuvres non encore identifiées, et à mettre en perspective les choix de Cezanne par rapport aux autres peintres et photographes familiers de ces régions autrefois magnifiques, avant que l’urbanisation et l’automobile en fassent des symboles de la modernité dans ce qu’elle a de plus détestable, avec la destruction d’un patrimoine paysager tout à fait exceptionnel et désormais perdu.

Le premier chapitre se propose d’explorer les raisons qui ont pu pousser Cezanne à s’intéresser à cette région, l’influence de son ami Guillaumin semblant être décisive dans ce choix. Le second chapitre expose les conditions matérielles qui lui ont permis concrètement de réaliser son projet d’y aller peindre. Viennent ensuite quatre chapitres qui décrivent les différents itinéraires qu’il a pu emprunter, chacun donnant lieu à l’identification des motifs retenus par Cezanne au cours de ses pérégrinations. Pour chacun de ces chapitres, on recense également diverses œuvres dont ou a des raisons de penser qu’elles ont pu être réalisées sur la Marne, mais dont on n’a pu identifier formellement le motif.

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Références

Références
1 On en trouvera la liste ici.