Colloque international : Peut-on parler d’une amitié créative entre Cezanne et Zola ? (2/12/2018, Kyoto)

Colloque « Cezanne, Jas de Bouffan — art et histoire », 21-22 septembre 2019

De Cezanne à Zola : le partage des lieux

Alain Pagès

Conférence filmée à Aix

Alain Pagès en quelques mots :

Né en 1950, agrégé de lettres classiques, docteur ès lettres, Alain Pagès est professeur émérite à l’université de la Sorbonne nouvelle. Il dirige Les Cahiers naturalistes, revue annuelle consacrée aux études sur Zola et le naturalisme (1 vol. d’environ 400 p.).

Alain Pagès est l’auteur de différents ouvrages qui portent sur l’histoire du mouvement naturaliste ou sur l’engagement de Zola au sein de l’affaire Dreyfus : Le Naturalisme (PUF, « Que sais-je ? », 1989), La Bataille littéraire (Séguier, 1989), Émile Zola, un intellectuel dans l’affaire Dreyfus (Séguier, 1991), Émile Zola. Bilan critique (Nathan, 1993), Guide Émile Zola (Ellipses, 2002, en collaboration avec Owen Morgan), Émile Zola, de « J’accuse » au Panthéon (Ed. Souny, 2008), Une journée dans l’affaire Dreyfus. « J’accuse », 13 janvier 1898 (Perrin, « Tempus », 2011), L’Affaire Dreyfus. Vérités et légendes (Perrin, 2019). — En collaboration avec Brigitte Émile-Zola, il a assuré la publication des lettres inédites adressées par Zola à Jeanne Rozerot (Gallimard, 2004). En 2012, il a édité une anthologie de la Correspondance d’Émile Zola dans la collection Garnier-Flammarion (n°1487). — Il a dirigé, ou codirigé, plusieurs ouvrages collectifs, notamment : Les lieux du réalisme. Pour Philippe Hamon (Presses Sorbonne Nouvelle / Éditions L’Improviste, 2005) ; Zola au Panthéon. L’épilogue de l’affaire Dreyfus (Presses Sorbonne nouvelle, 2010) ; Relire Maupassant. La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit (Classiques Garnier, 2011) ; Genèse & Correspondances. — En 2014, il a publié un ouvrage sur l’histoire des Soirées de Médan, aux éditions Perrin, sous le titre : Zola et le groupe de Médan. Histoire d’un cercle littéraire. Et, avec Brigitte Émile-Zola, il a édité, chez Gallimard, le recueil des lettres inédites de Zola à sa femme Alexandrine (édition réalisée avec la collaboration de C. Grenaud-Tostain, S. Guermès, J.-S. Macke et J.-M. Pottier).

Il est l’auteur de plusieurs études consacrées à l’étude des relations entre Zola et Cezanne : « Les sanglots de Cezanne », dans Impressionnisme et littérature, sous la direction de Gérard Gengembre, Yvan Leclerc et Florence Naugrette, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2012, p. 63-72.

Contenu de l’intervention

 Paul Cezanne dispose du Jas de Bouffan  à partir de 1859. Zola achète une maison à Médan en 1878, où il passe l’essentiel de son temps.  Zola est le premier à parler du « Jas de Bouffan » en 1886 dans son roman L’Œuvre. Cezanne vient à Médan à plusieurs reprises entre 1878 et 1882, y faisant des séjours prolongés. Il ne peint pas la maison de Zola mais le « Château de Médan ».

Alain Pagès compare les deux maisons d’artistes et montre les relations que l’on peut établir entre elles.

N.B. : Le texte qui suit fusionne les deux communications faites lors des deux colloques précités.

Le partage des lieux ? Ou comment Cezanne et Zola ont pu évoquer des lieux dans lesquels s’inscrivait le souvenir de l’autre – ce qui est une autre manière, sans doute plus féconde, de poser la question, sans cesse débattue depuis plus d’un siècle, de l’amitié entre le peintre et le romancier.

Nous évoquerons, dans cette perspective, les maisons auxquelles sont attachés les noms des deux hommes. La maison de Médan, d’abord, que Zola a achetée en 1878, à une trentaine de kilomètres de Paris, et dans laquelle il composa une grande partie de son œuvre. Puis le Jas de Bouffan auquel un magnifique ouvrage collectif vient d’être consacré, sous la direction de Denis Coutagne et François Chédeville[1]Nous rassemblons ici des éléments qui appartiennent aux communications que nous avons faites au colloque d’Aix-en-Provence de septembre 2019 et au colloque de Kyoto du 2 décembre 2018 (« Peut-on parler d’une amitié créative entre Cezanne et Zola ? »). Nous renvoyons également le lecteur à la contribution que nous avons donnée à l’ouvrage collectif sur le Jas de Bouffan. .

 

Les séjours de Cezanne à Médan

La demeure de Médan est située tout près de la Seine, le long de la ligne de chemin de fer Paris – Le Havre. Entre 1879 et 1885, Cezanne y a effectué cinq séjours.

Les indications fournies par la correspondance du peintre permettent de repérer assez bien la durée de ses séjours : une dizaine de jours en juin 1879 ; un mois et demi, de la mi-juillet à la fin août 1880 ; une semaine au mois d’octobre 1881 ; plus de trois semaines en septembre et octobre 1882 ; et enfin une semaine encore, à la fin du mois de juillet 1885. Comme on le voit, ces séjours ont pu durer assez longtemps : plus d’un mois en 1880 ou en 1882[2]Sur la longueur de ces séjours, voir, par exemple, la lettre de Cezanne à Zola, datée du 19 juin 1880 : « Je ne sais pas trop si des chaleurs vraies viendront, mais dès que je ne te dérangerai pas, écris-moi, j’irai à Médan avec plaisir. Et si tu n’es pas effrayé par le long temps que je risque d’y mettre, je me permettrai de porter une petite toile et d’y faire un motif, le tout si tu n’y vois pas d’inconvénient. » (Paul Cezanne et Émile Zola, Lettres croisées, éd. Henri Mitterand, Paris, Gallimard, 2016, p. 381).

Quelle vision les biographes du peintre donnent-ils de la façon dont Cezanne s’est comporté lors de ces séjours ? D’une manière générale, on le présente comme quelqu’un d’irascible, qui fuit la compagnie de ses hôtes, pour s’isoler et peindre à l’écart. Un fait est souligné : l’habitude prise par Cezanne d’emprunter à Zola sa barque « Nana », ce qui lui permet de s’isoler pour gagner l’île du Platais, située au milieu de la Seine, en face de la maison de son ami. C’est ce qu’indique cette lettre de Cezanne à Zola, datée du 11 juillet 1885 : « Je pars aujourd’hui pour Villennes. Je vais aller à l’auberge. J’irai te voir un instant dès mon arrivée ; je veux te demander si tu ne pourrais me prêter Nana pour peindre, je la rentrerai au bercail après l’étude[3]Lettres croisées, op. cit., p. 413. – Cette barque, à l’arrière de laquelle on a peint le nom de « Nana », a été acquise par Maupassant en juillet 1878, pour le compte de Zola. C’est, comme l’explique Maupassant à Zola, dans une lettre datée du 10 juillet 1878, un « chasse-canard », de cinq mètres de long, pouvant contenir quatre passagers, facile à manier, avec « deux paires d’avirons légers et flexibles » (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, Paris, Perrin, 2014, p. 153-154).. »

Deux anecdotes, liées au cadre de Médan, tendent à montrer le caractère ombrageux de Cezanne.

La première est rapportée par Paul Gauguin[4]Voir Paul Gauguin, Avant et après, Paris, Crès, 1903, p. 231-232., premier propriétaire du tableau Le Château de Médan, qu’il avait acheté dans la boutique du père Tanguy, rue Clauzel, à Paris[5]Voir le catalogue de l’exposition réalisée par Denis Coutagne (dir.), Cezanne et Paris, Paris, Éditions de la Rmn et Grand Palais, 2011, p. 167. … Cezanne se trouve sur la rive de la Seine, en train de peindre. Un passant s’approche. C’est un peintre lui aussi, qui se présente comme un ancien élève de Corot. Observant le tableau en cours d’exécution, il trouve qu’il mérite quelques retouches. Il s’empare aussitôt du pinceau et se met à modifier la toile. Interloqué, Cezanne le laisse d’abord faire, puis il se met en colère. Il reprend son tableau, où il s’empresse de gratter au couteau les modifications qui lui ont été apportées, avant de se débarrasser du gêneur !

La seconde anecdote est relatée par Denise Le Blond, la fille de Zola, dans l’ouvrage de souvenirs qu’elle a consacré à son père[6]Voir Denise Le Blond-Zola, Émile Zola raconté par sa fille, Paris, Fasquelle, 1931, p. 146. – Danièle Thompson a utilisé cette anecdote pour en faire une scène de son film, Cezanne et moi (2016). … Cezanne se trouve, cette fois, dans le jardin de Médan, en train de peindre l’épouse de l’écrivain, Alexandrine, debout près d’une table en train de servir le thé. Survient le peintre Antoine Guillemet, ami de Zola et de Cezanne, qui « interpelle joyeusement son ami ». Cezanne, qui vient d’être dérangé, se fâche, il se met en colère, il brise ses pinceaux, crève sa toile, et part « à grandes enjambées à travers la campagne ». Il n’y aura donc pas de portrait par Cezanne d’Alexandrine à Médan, en train de servir le thé ! La scène peut être datée de juillet 1880, car on sait, par la correspondance de Zola, que le peintre Antoine Guillemet, effectivement, a séjourné à Médan, à cette époque[7]Comme la précédente, cette anecdote place Cezanne en face d’un peintre susceptible de le juger et de remettre en question son travail. – Dans une lettre à Zola, datant du 18 août 1880, Guillemet rappelle le souvenir de sa rencontre avec Cezanne, qui s’est déroulée quelques semaines plus tôt, à Médan, le 14 juillet : « Il n’y a décidément au monde que la vraie amitié », déclare-t-il (voir la Correspondance de Zola, éd. B. Bakker, Montréal-Paris, Presses de l’Université de Montréal / Éditions du CNRS, tome IV [1983], lettre à Guillemet du 22 août 1880, p. 94, n. 1 et 2 ; sur les relations entre Guillemet et Cezanne, voir, par exemple, la lettre de Cezanne à Zola du 19 octobre 1866, Lettres croisées, p. 268-269)..

Qu’est-ce que le cadre de Médan a apporté à Cezanne ? De toute évidence, Cezanne a beaucoup aimé le paysage aquatique que lui offrait la maison de Zola située près de la Seine et lui permettant de se rendre dans l’île du Platais, un lieu entièrement sauvage à l’époque, sans pratiquement aucune habitation[8]Zola y avait acheté un vaste terrain. En 1880, il a fait installer un chalet, situé en face de sa maison. Cezanne l’a sans doute utilisé comme abri..

Les tableaux qu’il peint à Médan se situent dans la continuité de son œuvre. On peut les relier aux paysages de bords de rivières, d’îles au milieu du fleuve, de villages au bord de l’eau, qu’il a peints à la même époque dans d’autres parties de la région parisienne. Son intérêt pour le château de Médan annonce, par ailleurs, la fascination que va exercer sur lui le Château noir, près du Tholonet, où il va commencer à peindre à partir de 1887.

On peut penser, cependant, que Cezanne ne s’est pas montré aussi farouche qu’on le dit habituellement. À Médan, il pouvait rencontrer plusieurs écrivains, proches de Zola. Il y a retrouvé son vieil ami Paul Alexis, présent en 1880 ou en 1885. Il a fait la connaissance des autres auteurs du groupe des « Soirées de Médan ». Nous le savons grâce à sa correspondance qui donne plusieurs indications à ce sujet[9]Pour cette période (1878-1885), on possède, pour l’essentiel, des lettres de Cezanne qui sont, très souvent, des remerciements adressés par le peintre, en réponse aux envois réguliers que lui fait Zola de ses ouvrages, dès leur parution. Les lettres de Zola, en revanche, sont peu nombreuses. Comme on peut le constater avec l’exemple d’Une page d’amour (Lettres croisées, op. cit., p. 348), les ouvrages que Zola envoie à son ami portent une dédicace. On peut se demander quelles dédicaces se trouvaient sur les exemplaires de L’Œuvre et de La Terre envoyés par Zola en avril 1886 et en novembre 1887, et dont Cezanne accuse réception dans les deux dernières lettres, connues à ce jour, de sa correspondance avec le romancier (Lettres croisées, op. cit., p. 418-419). La célèbre formule de conclusion de la lettre du 4 avril 1886, « sous l’impression des temps écoulés », répondait-elle au texte de la dédicace inscrite par Zola ? Ce n’est pas exclu.. Le recueil des Soirées de Médan date de l’époque de ses premiers séjours. Il a été publié en avril 1880. Dès la parution du livre, on lui en a offert un exemplaire, dédicacé par l’ensemble des six auteurs. Cezanne remercie aussitôt Zola de l’envoi de ce volume qu’il devine, dit-il, « plein d’émanations substantielles et nourrissantes ». Il demande à Zola « d’être l’interprète des sentiments de sympathie artistique qui relient les sensitifs » et de remercier ses confrères de s’être « associés » à lui pour lui offrir le volume[10]Lettre de Cezanne à Zola d’avril 1880, Lettres croisées, op. cit., p. 378-379. – Bien qu’elle ne le dise pas explicitement, cette lettre montre que le volume a été envoyé à Cezanne dédicacé par les six auteurs. Le service de presse de l’ouvrage a été effectué le 12 avril 1880. La lettre de Cezanne, qui mentionne, comme seule indication chronologique, « Samedi 80 », peut sans doute être datée du samedi 17 avril 1880, jour de la parution de l’ouvrage en librairie (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, op. cit., p. 223-226)..

Cezanne découvre les romans de J.-K. Huysmans et de Henry Céard, qu’il lit avec intérêt. Il écrit à Zola, à propos du roman de Céard, Une belle journée, publié en 1881 : « Je pense que Céard aura beaucoup de vogue, parce qu’il me semble que c’est très amusant sans parler des grandes qualités de vues et d’observations renfermées dans son livre[11]Lettre de Cezanne à Zola du 7 mai 1881, Lettres croisées, op. cit., p. 386. ». En octobre 1879, il a beaucoup aimé l’adaptation théâtrale de L’Assommoir représentée au Théâtre de l’Ambigu, grand succès théâtral de Zola à cette époque, qui contribue à la célébrité de l’école naturaliste[12]Voir la lettre de Cezanne à Zola du 9 octobre 1879, Lettres croisées, op. cit., p. 373-374..

Ces faits montrent non pas un individu se mettant à l’écart des autres, fuyant dans la campagne dès qu’on l’aborde, mais un être cultivé, s’intéressant aux œuvres des écrivains qu’il côtoie. Les jugements qu’il exprime dans ses lettres montrent un homme attentif aux autres, et d’une grande bienveillance dans ses appréciations[13]Le 25 février 1880, Cezanne, évoquant tous les ouvrages qu’il a reçus, remercie Zola pour la « collection littéraire » qu’il lui a constituée, ajoutant : « […] j’ai pour un bout de temps à me distraire et occuper mes soirées d’hiver » (Lettres croisées, op. cit., p. 376). .

En ces années 1879-1880, Cezanne a eu la chance de connaître le Médan de la grande époque, celui de l’apogée des « Soirées de Médan », des disciples groupés autour du maître triomphant. Comme on le voit, il n’a pas été mis à l’écart du cercle de Médan. Il en fait partie. Les mots qu’il emploie dans sa lettre à Zola d’avril 1880 méritent d’être soulignés : il éprouve, à l’égard des amis de Zola, des sentiments de « sympathie artistique » ; il se sent proche de ces écrivains qui sont, comme lui, des « sensitifs[14]L’été 1880, à Médan, représente un moment de grâce. En réunissant dans un même espace Cezanne et les disciples du romancier, il réalise cet idéal d’un cénacle regroupant des artistes d’horizons différents, capables de dialoguer entre eux, auquel Zola rêvait dans sa jeunesse (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, op. cit., p. 34-38). ».

 

Cezanne peintre de Médan

Aux séjours du peintre sont liés plusieurs tableaux et aquarelles, dont le célèbre Château de Médan, réalisé en 1880, la période la plus créatrice. Il existe une véritable série médanienne dans l’œuvre de Cezanne, dont on ne doit pas négliger l’importance. Celle-ci comporte trois peintures à l’huile (FWN 149, 206, 207), une dizaine d’aquarelles (notamment FWN 1055, 1061, 1096, 1244[15]La barque ne permet pas seulement d’accéder à l’île du Platais. Elle représente aussi un lieu de travail. Selon François Chédeville, certaines aquarelles, peintes en septembre 1882, ont été composées sur la Seine, depuis la barque. ), et trois dessins, dont une esquisse montrant l’escalier de la maison de Zola (FWN 1145-TA).

Nous insisterons ici sur deux tableaux, où le village de Médan est visible.

D’abord, Le Château de Médan (FWN 149), reproduit dans la plupart des catalogues de l’œuvre de Cezanne, notamment dans l’ouvrage collectif qui vient d’être publié sur le Jas de Bouffan. Il a été peint en 1880.

Le Chateau de Médan, c.1880
R437-FWN 149

Et ce tableau, intitulé Médan. Château et village (FWN 207), ou encore Médan. Dépendances du château et village. D’après les indications que donnent les différents catalogues de l’œuvre de Cezanne, il aurait été peint en 1885 (lors du dernier séjour de Cezanne à Médan, donc), mais la date est incertaine.

Médan, château et village » c.1885
R542-FWN 207

>Ces deux tableaux montrent la Seine au premier plan, vue depuis l’île du Platais. Cezanne trouvait là, comme nous l’avons dit, la perspective ample dont il avait besoin pour concevoir ses paysages, en même temps que la tranquillité lui permettant de travailler[16]L’anecdote montrant Cezanne rabrouant l’élève de Corot peut être placée en 1879, lors du premier séjour du peintre. Constatant que des gêneurs, comme cet élève de Corot, pouvaient l’empêcher de travailler tranquillement, Cezanne prend la décision, désormais, de traverser la Seine, grâce à la barque « Nana », pour peindre à son aise sur l’île.. D’un séjour à l’autre, Cezanne poursuit ce qu’il avait entrepris précédemment. Il ne modifie pas son idée. Il conserve le même projet : le coteau de Médan, vu depuis l’île située au milieu de la Seine. D’année en année, il poursuit une même œuvre pour exploiter toute la richesse picturale offerte par le site qu’il a choisi.

Que nous montre le tableau le plus célèbre des deux, Le Château de Médan ? Il représente, en fait, deux parties de ce château qui est, en quelque sorte, démembré : sur la gauche, les dépendances du château (dont on voit deux tours) ; et sur la droite, l’aile du bâtiment, datant du xviiie siècle.

Le château lui-même date de la fin du xve siècle. Ses origines remontent à la Renaissance. Cette partie ancienne n’est pas visible sur le tableau. Ce château a été, au xvie siècle, la demeure de Jean Brinon, ami et mécène de Ronsard[17]Aujourd’hui, c’est cette partie Renaissance qui a été conservée par les actuels propriétaires du château, Marion et Jean-Pierre Aubin de Malicorne.. L’aile datant du xviiie siècle a été la résidence de Maeterlinck lorsque le poète s’est installé dans ce château, à partir de 1924. Puis, après la mort de Maeterlinck, en 1949, le bâtiment a abrité, entre 1966 et 1974, l’imprimerie du journal Combat que dirigeait Henry Smadja. Cette aile, tombant en ruines, a été détruite en 1980. Ce que nous montre Cezanne n’existe donc plus aujourd’hui. Mais il est possible d’en retrouver une image grâce à une photographie de Zola… Une photographie qui est absente du Zola photographe publié en 1979 par Massin et François Émile-Zola. Elle a été récemment mise en ligne sur le site du Ministère de la Culture par la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP) qui a acquis, en décembre 2017, la majeure partie de la collection des photographies de Zola[18]La MAP vient de mettre en ligne cette collection qui se compose d’environ 1500 clichés. Le corpus ainsi présenté est bien plus riche que les 480 documents du Zola photographe de Massin et François Émile-Zola (Paris, Denoël, 1979) qui constituaient, jusqu’ici, la base des recherches sur l’œuvre photographique de Zola..

Photographie de Zola (MAP – 01k000288)

Quelle correspondance est-il possible d’établir entre le tableau et la photographie ? Comme on le sait, c’est un type de recherche souvent pratiqué par les spécialistes de l’œuvre de Cezanne : John Rewald s’y est beaucoup livré en photographiant systématiquement les lieux des tableaux peints par Cezanne. Le résultat est souvent surprenant, en dépit de la distance temporelle qui sépare les tableaux du peintre et des photographies prises bien des années plus tard. Mais, en tant que témoignage du réel, cette photographie présente un intérêt particulier. D’abord parce qu’elle a été prise par Zola lui-même, et surtout parce qu’elle se rapproche chronologiquement du tableau de Cezanne : elle ne lui postérieure que de dix ans environ, le romancier ayant commencé à pratiquer la photographie en 1895. Elle peut être datée des années 1895-1897. Elle a été faite en hiver, ce qui permet à Zola de montrer un paysage dénudé, sans les feuillages que Cezanne a peints et qui cachent une partie des bâtiments.

Sur cette photographie, on distingue bien les deux éléments peints par Cezanne : à gauche, les deux tours des dépendances (une ferme fortifiée), et à droite, l’aile xviiie siècle, avec les tours du château Renaissance – ce qui subsiste actuellement du château de Médan.

Observons maintenant le second tableau. Son titre ne convient pas véritablement. Pourquoi Médan. Château et village ou Dépendances du château et village ? Il s’agit, en fait, du village. Le château est absent. Cezanne a déplacé son regard vers la partie droite du paysage, et il montre le cœur du village, avec son église. Son tableau semble assez proche de cette autre photographie de Zola, empruntée, elle aussi, à la collection de la MAP :

Photographie de Zola (MAP – 01k001047)

Dans les tours qui semblent se dresser au centre de l’image, on voit non pas une représentation du château, mais le clocher de l’église. Cette église, au centre du village, se trouve, d’ailleurs, tout près de la maison de Zola. Cezanne se rapproche de la maison de Zola, mais il ne l’atteint pas.

Il est temps d’aborder une question essentielle. Pourquoi la maison de Zola ne figure-t-elle sur aucun de ces deux tableaux ? Depuis l’île du Platais, la maison était bien visible. C’est ce que rappellent deux autres photographies de Zola[19]Documents reproduits dans le Zola photographe de Massin et François Émile-Zola, Paris, Denoël, 1979, p. 20..

Sur la première, on voit le village de Médan et la maison de Zola, sur la partie droite de l’image, un peu dissimulée par les arbres, bien que l’on soit encore en hiver :

Photographie de Zola (MAP – 01k001046)

Sur cette seconde photographie, prise depuis l’île du Platais, la maison de Zola se trouve au centre de l’image. La Seine figure au premier plan, comme dans les tableaux de Cezanne :

Photographie de Zola (MAP – 01k0000289)

Gauguin, qui possédait le tableau du Château de Médan, pensait qu’il représentait la maison de Zola. C’est ce qu’il affirme dans ce texte :

« Cezanne peint rutilant paysage, fonds d’outremer, verts pesants, ocres qui chatoient : les arbres s’alignent, les maisons s’entrelacent, laissant cependant voir la maison de son ami Zola aux volets vermillon qu’orangent les chromes qui scintillent sur la chaux des murs. Les véronèses qui pétardent signalent la verdure raffinée du jardin, et en contraste le son grave des orties violacées au premier plan, orchestre le simple poème. C’est à Médan[20]Paul Gauguin, Avant et après, op. cit., p. 231.. »

Il est vrai que les volets rouges attribués par Cezanne au château de Médan n’appartiennent pas vraiment à l’aile xviiie siècle du château. La couleur semble avoir été ajoutée. Ces volets sont étranges. On ne voit qu’une rangée de fenêtres. Ces choix ont pour effet de transformer cette aile de château en simple maison – en maison du village de Médan. Le château, amputé de ses tours Renaissance (qui se trouvent sur la droite et qui ne sont pas représentées par Cezanne), se trouve démembré, déconstruit presque.

Alors, ce château n’est-il pas, au fond, la maison de Zola ? Gauguin aurait-il raison ? Il faut préciser que la maison de Zola, telle que Cezanne l’a connue, en 1879-1885, ne possédait pas les deux tours dont elle se compose aujourd’hui. Seule la tour de droite existait : la tour appelée tour « Nana », au sommet de laquelle l’écrivain avait installé son cabinet de travail. L’autre tour, dite « tour Germinal », ne sera édifiée qu’à partir de la fin de l’année 1885, après le dernier séjour de Cezanne à Médan. Cezanne ne la verra donc jamais.

On peut supposer que cette tour carrée, collée contre la maisonnette d’origine, n’a guère enthousiasmé le peintre : une petite maison, avec, à côté, une grande tour qui semblait l’écraser… Maupassant, dans l’une de ses chroniques, note, d’une manière acerbe, que le spectacle donnait l’impression d’un « nain », voyageant à  côté d’un « géant[21]Maupassant, « Émile Zola », Le Gaulois, 14 janvier 1882 (Chroniques, éd. Henri Mitterand, Paris, Le Livre de poche, « La Pochothèque », 2008, p. 1305). ».

Alors, pourquoi ne pas penser que le tableau du Château de Médan est une réponse à cette vue impossible ? Il résulte d’une sorte de transfert. Il comporte des éléments qui appartiennent à la demeure de Zola : sur la gauche, une tour ou des tours, et sur la droite, une bâtisse. Mais les deux éléments sont pris ailleurs, dans un autre espace, tout proche, cependant. Et ils sont dissociés, inversés.

Le « Château de Médan » est le produit d’un déplacement dans l’espace, d’un regard détourné, porté ailleurs, vers la gauche, et non vers la droite. Recopié dans une autre partie du paysage. C’est le « château de Zola », si l’on veut, à qui le peintre a emprunté l’une de ses tours, cette tour qu’il représente encore, sous la forme d’un clocher, dans le tableau intitulé Médan. Château et village.

 

Le Jas de Bouffan

Zola n’évoque qu’une fois le Jas de Bouffan dans Les Rougon-Macquart : dans le roman L’Œuvre. Il nous donne du Jas de Bouffan la vision étonnante d’une propriété « d’une blancheur de mosquée, au centre de ses vastes terres, pareilles à des mares de sang[22]L’Œuvre, Les Rougon-Macquart, éd. Colette Becker, Paris, R. Laffont, « Bouquins », 1991-1993, t. IV, p. 452.  ».

La vision est indirecte. Il s’agit, en fait, de l’évocation d’un tableau du peintre Claude Lantier, d’une de ces « esquisses » que Sandoz contemple dans l’atelier de son ami Claude, au chapitre II du roman, lorsque les deux anciens camarades de collège évoquent leurs souvenirs de jeunesse. Quand on lit L’Œuvre, on ne sait ce qui justifie la présence de ces « mares de sang » à côté de la blancheur éclatante du bâtiment. Le Jas de Bouffan est réduit à une vision fugitive. Le souvenir le met à distance – point lumineux brillant dans le lointain, au milieu d’une « mare de sang ».

L’explication est fournie dans La Fortune des Rougon, le premier roman du cycle, qui évoque une autre bastide provençale, le Jas-Meiffren, première apparition, en fait, du Jas de Bouffan, mais d’une manière détournée : « Les terres du Jas-Meiffren, plates et sans arbres, s’étendaient sous la lune comme une immense pièce de linge écru ; à une centaine de mètres, l’habitation et les communs habités par le méger faisaient des taches d’un blanc plus éclatant[23]La Fortune des Rougon, Les Rougon-Macquart, éd. citée, t. I, p. 23.. » Dans un autre passage du roman, le paysage s’embrase dans l’éclat du jour finissant : « Le soleil se couchait ; une nappe de rayons obliques coulait sur les terres jaunes du Jas-Meiffren ; les terres flambaient, on eût dit un incendie courant au ras du sol. » L’action du coucher de soleil, dont la description de L’Œuvre faisait l’ellipse, est ici révélée.

À la fin du cycle des Rougon-Macquart, Le Docteur Pascal nous offre la vision d’une dernière bastide provençale, la troisième de la série. Il s’agit de la Souleiade: autrefois « propriété considérable », entourée de « vastes terres » (de « terres rouges », précise le texte), elle est désormais réduite à un seul « corps de bâtiment[24]Le Docteur Pascal, Les Rougon-Macquart, éd. citée, t. V, p. 1118. ».

Ces trois bastides, imaginées à partir du modèle originel du Jas de Bouffan[25]Précisons que les bastides de La Fortune des Rougon et du Docteur Pascal doivent certaines de leurs caractéristiques à d’autres lieux aixois : l’architecture de la Souleiade s’inspire d’une demeure que l’on peut toujours voir aujourd’hui, à Aix-en-Provence, dans le parc Jourdan., sont placées aux points cardinaux du cycle des Rougon-Macquart : à l’origine du cycle (La Fortune des Rougon), dans sa conclusion (Le Docteur Pascal), et dans la référence autobiographique centrale où l’écrivain se met en scène lui-même (L’Œuvre).

La Souleiade du Docteur Pascal renvoie également au décor de la maison de Médan. Au-delà de la terrasse prolongeant la maison, un terrain en pente donne sur la ligne de chemin de fer qui traverse la région, comme le fait la ligne de chemin de fer Paris-Le Havre, à Médan.

La ligne de chemin de fer qui passe devant la maison du docteur Pascal donne l’impression d’une tranchée, creusée dans le paysage. On pense évidemment au tableau de Cezanne, datant de 1870, La Tranchée de chemin de fer, qui semble comme une illustration de ce passage du roman de Zola :

La Tranchée avec la montagne Sainte-Victoire c70
R156 – FWN 54

Comme le souligne Denis Coutagne, ce tableau est le « premier tableau de paysage véritablement significatif » de Cezanne, sa première représentation de la Sainte-Victoire[26]Denis Coutagne, Cezanne en vérités, Arles, Actes Sud, 2006, p. 408..  La construction d’une ligne de chemin de fer (la ligne de chemin de fer Aix-Rognac qui vient d’être réalisée) fait surgir pour Cezanne la vision de la Sainte-Victoire, comme une antithèse à la tranchée faite dans le sol : la montagne semble issue de la tranchée ; sa masse semble répondre à la plaie creusée dans la terre rouge.

Trouve-t-on une même expérience du paysage chez Zola ? La même façon de concevoir l’association d’éléments a priori contradictoires ? On peut le penser. La ligne du chemin de fer ne l’empêche pas d’acheter sa maison de campagne, en 1878. Elle est acceptée comme le signe d’une modernité qu’il n’est pas question de refuser, mais dans laquelle il faut s’inscrire. Elle fera surgir, autour d’elle, une propriété qui s’édifie au fil des années.

Voici une photographie de Zola, que l’on pourrait intituler « la tranchée de Médan », en correspondance parfaite avec le tableau de Cezanne :

Photographie de Zola (MAP – 01k0001108)

On mesure tout l’intérêt du parallélisme qui peut être établi entre ces tableaux et ces photographies. Entre les deux œuvres, l’une picturale, l’autre photographique, un dialogue esthétique se poursuit, en dépit de l’éloignement qui sépare Zola et Cezanne, à partir de 1887. Sensibles à la géométrie des lieux, les saisissant à travers les oppositions qui les constituent (la terre et l’eau, la tranchée et le coteau, le creux et le plein…), les deux œuvres se rejoignent, en portant sur le réel des regards qui dessinent un paysage idéal où la maison-château, symbolisée par des tours, se dégage d’un milieu terrestre et aquatique. En harmonie avec les forces de la nature, une présence humaine s’y affirme dans un superbe isolement, propice à la création.

 

Références

Références
1 Nous rassemblons ici des éléments qui appartiennent aux communications que nous avons faites au colloque d’Aix-en-Provence de septembre 2019 et au colloque de Kyoto du 2 décembre 2018 (« Peut-on parler d’une amitié créative entre Cezanne et Zola ? »). Nous renvoyons également le lecteur à la contribution que nous avons donnée à l’ouvrage collectif sur le Jas de Bouffan.
2 Sur la longueur de ces séjours, voir, par exemple, la lettre de Cezanne à Zola, datée du 19 juin 1880 : « Je ne sais pas trop si des chaleurs vraies viendront, mais dès que je ne te dérangerai pas, écris-moi, j’irai à Médan avec plaisir. Et si tu n’es pas effrayé par le long temps que je risque d’y mettre, je me permettrai de porter une petite toile et d’y faire un motif, le tout si tu n’y vois pas d’inconvénient. » (Paul Cezanne et Émile Zola, Lettres croisées, éd. Henri Mitterand, Paris, Gallimard, 2016, p. 381).
3 Lettres croisées, op. cit., p. 413. – Cette barque, à l’arrière de laquelle on a peint le nom de « Nana », a été acquise par Maupassant en juillet 1878, pour le compte de Zola. C’est, comme l’explique Maupassant à Zola, dans une lettre datée du 10 juillet 1878, un « chasse-canard », de cinq mètres de long, pouvant contenir quatre passagers, facile à manier, avec « deux paires d’avirons légers et flexibles » (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, Paris, Perrin, 2014, p. 153-154).
4 Voir Paul Gauguin, Avant et après, Paris, Crès, 1903, p. 231-232.
5 Voir le catalogue de l’exposition réalisée par Denis Coutagne (dir.), Cezanne et Paris, Paris, Éditions de la Rmn et Grand Palais, 2011, p. 167.
6 Voir Denise Le Blond-Zola, Émile Zola raconté par sa fille, Paris, Fasquelle, 1931, p. 146. – Danièle Thompson a utilisé cette anecdote pour en faire une scène de son film, Cezanne et moi (2016).
7 Comme la précédente, cette anecdote place Cezanne en face d’un peintre susceptible de le juger et de remettre en question son travail. – Dans une lettre à Zola, datant du 18 août 1880, Guillemet rappelle le souvenir de sa rencontre avec Cezanne, qui s’est déroulée quelques semaines plus tôt, à Médan, le 14 juillet : « Il n’y a décidément au monde que la vraie amitié », déclare-t-il (voir la Correspondance de Zola, éd. B. Bakker, Montréal-Paris, Presses de l’Université de Montréal / Éditions du CNRS, tome IV [1983], lettre à Guillemet du 22 août 1880, p. 94, n. 1 et 2 ; sur les relations entre Guillemet et Cezanne, voir, par exemple, la lettre de Cezanne à Zola du 19 octobre 1866, Lettres croisées, p. 268-269).
8 Zola y avait acheté un vaste terrain. En 1880, il a fait installer un chalet, situé en face de sa maison. Cezanne l’a sans doute utilisé comme abri.
9 Pour cette période (1878-1885), on possède, pour l’essentiel, des lettres de Cezanne qui sont, très souvent, des remerciements adressés par le peintre, en réponse aux envois réguliers que lui fait Zola de ses ouvrages, dès leur parution. Les lettres de Zola, en revanche, sont peu nombreuses. Comme on peut le constater avec l’exemple d’Une page d’amour (Lettres croisées, op. cit., p. 348), les ouvrages que Zola envoie à son ami portent une dédicace. On peut se demander quelles dédicaces se trouvaient sur les exemplaires de L’Œuvre et de La Terre envoyés par Zola en avril 1886 et en novembre 1887, et dont Cezanne accuse réception dans les deux dernières lettres, connues à ce jour, de sa correspondance avec le romancier (Lettres croisées, op. cit., p. 418-419). La célèbre formule de conclusion de la lettre du 4 avril 1886, « sous l’impression des temps écoulés », répondait-elle au texte de la dédicace inscrite par Zola ? Ce n’est pas exclu.
10 Lettre de Cezanne à Zola d’avril 1880, Lettres croisées, op. cit., p. 378-379. – Bien qu’elle ne le dise pas explicitement, cette lettre montre que le volume a été envoyé à Cezanne dédicacé par les six auteurs. Le service de presse de l’ouvrage a été effectué le 12 avril 1880. La lettre de Cezanne, qui mentionne, comme seule indication chronologique, « Samedi 80 », peut sans doute être datée du samedi 17 avril 1880, jour de la parution de l’ouvrage en librairie (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, op. cit., p. 223-226).
11 Lettre de Cezanne à Zola du 7 mai 1881, Lettres croisées, op. cit., p. 386.
12 Voir la lettre de Cezanne à Zola du 9 octobre 1879, Lettres croisées, op. cit., p. 373-374.
13 Le 25 février 1880, Cezanne, évoquant tous les ouvrages qu’il a reçus, remercie Zola pour la « collection littéraire » qu’il lui a constituée, ajoutant : « […] j’ai pour un bout de temps à me distraire et occuper mes soirées d’hiver » (Lettres croisées, op. cit., p. 376).
14 L’été 1880, à Médan, représente un moment de grâce. En réunissant dans un même espace Cezanne et les disciples du romancier, il réalise cet idéal d’un cénacle regroupant des artistes d’horizons différents, capables de dialoguer entre eux, auquel Zola rêvait dans sa jeunesse (voir Alain Pagès, Zola et le groupe de Médan, op. cit., p. 34-38).
15 La barque ne permet pas seulement d’accéder à l’île du Platais. Elle représente aussi un lieu de travail. Selon François Chédeville, certaines aquarelles, peintes en septembre 1882, ont été composées sur la Seine, depuis la barque.
16 L’anecdote montrant Cezanne rabrouant l’élève de Corot peut être placée en 1879, lors du premier séjour du peintre. Constatant que des gêneurs, comme cet élève de Corot, pouvaient l’empêcher de travailler tranquillement, Cezanne prend la décision, désormais, de traverser la Seine, grâce à la barque « Nana », pour peindre à son aise sur l’île.
17 Aujourd’hui, c’est cette partie Renaissance qui a été conservée par les actuels propriétaires du château, Marion et Jean-Pierre Aubin de Malicorne.
18 La MAP vient de mettre en ligne cette collection qui se compose d’environ 1500 clichés. Le corpus ainsi présenté est bien plus riche que les 480 documents du Zola photographe de Massin et François Émile-Zola (Paris, Denoël, 1979) qui constituaient, jusqu’ici, la base des recherches sur l’œuvre photographique de Zola.
19 Documents reproduits dans le Zola photographe de Massin et François Émile-Zola, Paris, Denoël, 1979, p. 20.
20 Paul Gauguin, Avant et après, op. cit., p. 231.
21 Maupassant, « Émile Zola », Le Gaulois, 14 janvier 1882 (Chroniques, éd. Henri Mitterand, Paris, Le Livre de poche, « La Pochothèque », 2008, p. 1305).
22 L’Œuvre, Les Rougon-Macquart, éd. Colette Becker, Paris, R. Laffont, « Bouquins », 1991-1993, t. IV, p. 452.
23 La Fortune des Rougon, Les Rougon-Macquart, éd. citée, t. I, p. 23.
24 Le Docteur Pascal, Les Rougon-Macquart, éd. citée, t. V, p. 1118.
25 Précisons que les bastides de La Fortune des Rougon et du Docteur Pascal doivent certaines de leurs caractéristiques à d’autres lieux aixois : l’architecture de la Souleiade s’inspire d’une demeure que l’on peut toujours voir aujourd’hui, à Aix-en-Provence, dans le parc Jourdan.
26 Denis Coutagne, Cezanne en vérités, Arles, Actes Sud, 2006, p. 408.