Colloque international : « Peut-on parler d’une amitié créative entre Cézanne et Zola? »
Zola accuse par sa plume, Cezanne par son pinceau
Professeur adjoint
Institut de Technologie de Kyoto (Japon)
Spécialiste de l’art français moderne ,en particulier Paul Cezanne.Ses principaux ouvrages:
La Réception de Cezanne au Japon (en japonais, résumé en anglais), éditions Chūō kōron bijutsu shuppan, Tokyo, 2007.
Cezanne-le père de l’art moderne? (en japonais), éditions Sangen’sha, Tokyo, 2019.
Picasso et l’art de l’humanité (en japonais), éditions Sangen’sha, Tokyo, 2020.Ses principaux articles:
“An aspect of Cezanne Reception in Japan – The Formation and Development of “Personalist” Interpretation of Cezanne in the 1920’s” (en anglais), Bigaku (Aesthetics International), Vol. 8, 1998, pp. 79-91.
“Cezanne and Time” (en anglais), XVth International Congress for Aesthetics, 2001 (CD- ROM), Society of Aesthetics International, 2003.
“Recherche sur la réception de Cezanne au Japon et ses perspectives à venir” (en français), Bulletin de la société franco- japonaise d’art et d’archéologie, Nr.27, 2007, pp. 33-44.
“How Paul Cezanne rejected the fini concept” (en anglais), Kyoto Studies in Art History, Nr.2, March 2017, pp. 133-147.
“What Copying Meant to Cezanne” (en anglais), Aesthetics International, Nr. 21, May 2017, pp.111-125./”Cézanne et Jas de Bouffan”,
Les actes du colloque international « Cezanne, Jas de Bouffan Art et Histoire », 21&22 septembre 2019, Salle Maynier d’Oppède, 23 Rue Gaston de Saporta, Aix-en-Provence,
Le site de la Société Paul Cezanne.
Introduction
L’objectif de cet article est de mettre au jour l’œuvre commune pour la formation de la théorie de l’art par Paul Cezanne (1839-1906) et par Émile Zola (1840-1902).
Je tenterai de montrer que l’un peintre, l’autre écrivain, tout en choisissant des chemins différents ont élaboré à travers leurs échanges depuis leur jeunesse une vision commune de l’art, principe que Cezanne a conservé toute sa vie.
Pour le déterminer, il ne s’agit pas d’étudier les analogies entre le monde des romans de Zola et celui de la peinture de Cezanne, comme l’a fait Henri Mitterand[1]Édition établie, présentée et annotée par Henri Mitterand, Paul Cézanne – Émile Zola, Lettres croisées 1858-1887, Gallimard, Paris, 2016, pp. 7-21. ; je me réfèrerai plutôt aux critiques d’art écrites par Zola, à la correspondance entre Cezanne et lui, ainsi qu’à des témoignages de leurs contemporains.
I – La formation d’une théorie de l’art commune à Paul Cezanne et Émile Zola
1) La critique des peintures du Salon par Zola
Zola commence à publier régulièrement à partir du milieu des années 1860 une critique de chaque Salon ; il y développe principalement les éléments suivants :
- La critique contre le manque de tempérament dans les peintures du Salon.
- La critique contre la mise en commerce des peintures du Salon.
- La lutte pour la promotion du naturalisme dans la société des peintres dont le centre est le Salon.
2) Les peintures de Cezanne présentées au Salon
Cezanne, initié par Zola, installé à Paris depuis 1861, commence bientôt à présenter au Salon ses peintures très provocatrices, en tant que peintre opposé au régime. S’il adopte cette posture, cela ne fait aucun doute que c’est non seulement parce qu’il est influencé par ses camarades de l’académie Suisse, par le Groupe des Batignolles dont le chef est Édouart Manet (1832-1883), mais aussi parce qu’il est largement influencé par ses échanges avec Zola au sujet de l’art.
Néanmoins, on n’a jusqu’ici pas encore montré clairement de quelle manière ce partage d’idées a contribué à produire un style pictural particulier chez Cezanne.
Il commence à se présenter au Salon à partir de 1865, et ses peintures de l’époque montrent les caractéristiques suivantes en général :
Il ne peint pas le « joli », la beauté apparente, mais son ressenti, même la laideur. Tout en étant conscient dès le commencement qu’il sera refusé, il continue à se présenter délibérément pour échouer aux sélections, et par là ébranler les canons esthétiques qui se sont insinués dans le Salon. Il provoque ainsi sans cesse le jury du Salon.
3) Exemples de principes communs à Cezanne et Zola : les peintres de Salon « eunuques » selon Zola, et la technique picturale dite « couillarde » de Cezanne
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Zola (les eunuques)
Zola, dans sa critique d’art du Salon de 1866, intitulée Mon Salon, accuse nommément les œuvres des peintres qui le régentent tels que Paul Jacques Aimé Baudry (1828-1886), Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Alexandre Cabanel (1823-1889), Ēdouard Dubufe (1819–1883), François-Henri Nazon (1821-1902), François Bonvin (1817-1887), Ferdinand Roybet (1840-1920), Jean-Louis Hamon (1821–1874), Eugène Fromentin (1820-1876). Pour Zola, ces peintres sont des « eunuques », qui manquent de vie, de tempérament et de vérité, au contraire des peintres d’avant-garde qu’il défend farouchement comme Charles-François Daubigny (1817-1878), Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), Gustave Courbet (1819-1877), Édouard Manet (1832-1883), Camille Pissarro (1830-1903), Claude Monet (1840-1926).
Zola écrit dans sa critique du 11 mai 1866;
“Je suis de mon parti, du parti de la vie et de la vérité, voilà tout.(…)
Peindre des rêves est un jeu d’enfant et de femme ; les hommes ont charge de peindre des réalités. Ils prennent la nature et ils la rendent, ils la rendent vue à travers leurs tempéraments particuliers. Chaque artiste va nous donner ainsi un monde différent, et j’accepterai volontiers tous ces divers mondes, pourvu que chacun d’eux soit l’expression vivante d’un tempérament. (…)
J’avoue que la toile qui m’a le plus longtemps arrêté est la Camille, de M.Monet. C’est là une peinture énergique et vivante. Je venais de parcourir ces salles si froides et si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j’ai aperçu cette jeune femme, traînant sa longue robe et s’enfonçant dans le mur, comme s’il y avait eu un trou. (…)
Je ne connais pas M. Monet, je crois même que jamais auparavant je n’avais regardé attentivement une de ses toiles. Il me semble cependant que je suis un de ses vieux amis. Et cela parce que son tableau me conte toute une histoire d’énergie et de vérité.
Et oui! voilà un tempérament, voilà un homme dans la foule de ces eunuques. Regardez les toiles voisines, et voyez quelle piteuse mine elles font à côté de cette fenêtre ouverte sur la nature. (…)”[2]Émile Zola, Les réalistes du salon, 11 mai 1866 (dans Mon Salon, juillet 1866), Émile Zola, Ēcrits sur l’art, Paris, Gallimard, 1991, pp. 120-125. (caractères en gras par l’auteur)
Il apprécie ainsi Claude Monet (1840-1926) en tant qu’un homme vrai, et critique par contre les peintres du Salon qu’il voit comme des eunuques.
Zola fustige le Salon d’une manière très véhémente et délibérée, comme le montre cette lettre du 4 avril 1867 à son ami Valabrègue :
“Quelques petites nouvelles pour finir: Paul est refusé, Guillemet et refusé, tous sont refusés; le jury, irrité de mon《Salon》, a mis à la porte tous ceux qui marchent dans la nouvelle voie.”
(Zola à Antony Valabrègue, 4 avril 1867.) [3]Émile Zola Oeuvres Complètes, Le feuilletoniste 1866-1867, Nouveau Monde Éditions, Paris, 2002, p. 710.
Dans une autre critique de 1866, en mettant toujours l’accent sur l’importance du tempérament, et de la personnalité, il écrit :
“J’ai dit:《Ce que je cherche surtout dans un tableau, c’est un homme et non pas un tableau.》 Et encore: 《L’art est composé de deux éléments: la nature, qui est l’élément fixe, et l’homme, qui est l’élément variable; faites vrai, j’applaudis; faites individuel, j’applaudis plus fort. 》 Et encore:《J’ai plus souci de la vie que de l’art.》(…) J’affirmais que la personnalité seule faisait vivre une œuvre, je cherchais des hommes, persuadé que toute toile qui ne contient pas un tempérament, est une toile morte.(…)
J’ai défendu M. Manet, comme je défendrai dans ma vie toute individualité franche qui sera attaquée. Je serai toujours du parti des vaincus. Il y a une lutte évidente entre les tempéraments indomptables et la foule. Je suis pour les tempéraments, et j’attaque la foule. (…)
J’ai blasphémé en affirmant que toute l’histoire artistique est là pour prouver que les tempéraments seuls dominent les âges, et que les toiles qui nous restent sont des toiles vécues et senties. (…)
En un mot, j’ai fait preuve de cruauté, de sottise, d’ignorance, je me suis rendu coupable de sacrilège et d’hérésie, parce que, las de mensonge et de médiocrité, j’ai cherché des hommes dans la foule de ces eunuques.
Et voilà pourquoi je suis condamné !”[4]“Adieux d’un critique d’art”, le 20 mai 1866 (dans Mon Salon, juillet 1866), ”, Émile Zola, op. cit. (Note 2),1991, pp. 133-135.
(caractères en gras par l’auteur)
Pour lui, Baudry, Gérôme, Fromentin, Dubufe et Nazon sont des eunuques, tandis que Charles-François Daubigny (1817-1878), Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) et Camille Pissarro (1830-1903) sont les vrais hommes.
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Cezanne (la peinture couillarde)
A peu près à l’époque de la publication de Mon Salon par Zola, vers 1866, Cezanne exploite une technique qu’il appelle “couillarde”.« Couillard » est un mot inventé qui vient du mot “couille”. Il a par conséquent une connotation de virilité, de vigueur, et de vitalitésexuelle. Cette technique, qui consiste à étaler la peinture sur la toile à l’aide d’un couteau à palette, met l’accent sur la matérialité de la peinture, et permet de transmettre ainsi son sentiment à la matière. C’est une technique brutale et rustre, qui s’oppose radicalement à la technique élégante du Salon, dont les particularités sont le beau trait fluide de contour, et la facture lisse (le fini), lustré comme la surface du marbre, qui effacent parfaitement le caractère de chaque peintre. Il s’agit donc d’une rébellion franche et déterminée contre les valeurs que les peintres du Salon privilégient et partagent comme des canons esthétiques indiscutables[5]Sur la technique couillarde, cf. Ambroise Vollard, Paul Cézanne, Les Ēditions G. Grès et Cie, Paris, 1919( 1ère édition,Galerie A. Vollard, Paris, 1914), p. 30; Gustave Coquiot, Paul Cézanne, Albin Michel Éditeur, Paris, 1919, pp. 62–63; Nina Maria Athanassogolou-Kallmyer, Cézanne and Provence: The Painter in His Culture, The University of Chicago Press, Chicago and London, 2003, pp. 26–28; Jean-Claude Lebensztejn, “Les couilles de Cézanne,” Ētudes cézanniennes, Flammarion, Paris, 2006, pp. 7–24..
Cette technique correspond à ses principes artistiques, qu’ils a confiés à un journaliste, du nom de Stock, à l’occasion du Salon de 1870 :
“- Oui, mon cher monsieur Stock, je peins comme je vois, comme je sens,- et j’ai les sensations très fortes – eux aussi ils sentent et voient comme moi mais ils n’osent pas…ils font de la peinture de salon…Moi, j’ose, M.Stock, j’ose…J’ai le courage de mes opinions…et rira bien qui rira le dernier[6]John Rewald, Un article inédit sur Paul Cézanne en 1870, Arts, 21-27, July, 1954. Je remercie Mr. Auguste Cicchi, un de mes étudiants àl’Institut de Technologie de Kyoto, qui a attiré mon attention sur ces paroles cezanniennes, et à Dr.Mme Noriko Yoshida qui m’a précisé la référence de ce texte par John Rewald..”
Stock rapporte dans son journal Stock Album que deux tableaux de Cezanne exposés au Salon du 1870 ont provoqué une grande agitation. Pour montrer la singularité de Cezanne, il rapporte ses mots cités plus haut, accompagnés d’une image du peintre caricaturé en monstre, entouré de ses œuvres caricaturées également pour accentuer leur bizarrerie.
Cezanne, tout comme Zola, ne voit que mensonge dans les peintures qui remportent du succès au Salon ; il décide de suivre son propre ressenti, en un mot, la vérité. Il ne fait ainsi pas de doute que Cezanne a exploité cette technique dite « couillarde » en adhérant aux idées de Zola et en voulant répondre à ses attentes. On sait en effet que Cezanne a offert à Zola plusieurs toiles exécutées avec cette technique qu’il a inventée à la même époque que la critique d’art de Zola en 1866.
Zola accuse ainsi le Salon par sa plume, Cezanne par son pinceau.
De même que Zola provoque délibérément le jury du Salon de manière à ébranler ses principes et l’inciter à en changer, Cezanne soumet de manière opiniâtre des peintures qui s’opposent aux règles esthétiques du Salon dans le but manifeste d’être refusé, et même de se glorifier de ces refus et du scandale occasionné.
On sait qu’il a été rejeté par le jury successivement en 1865,1866, 1867, 1868, 1869, 1870, 1872, 1876, 1878, 1879,1881, et qu’il a été accepté une seule fois en 1882 grâce à l’appui d’un de ses anciens camarades de l’Académie Suisse, Antoine Guillemet(1841-1918), membre du jury du Salon à l’époque, qui obtint cette faveur des autres membres du jury en prétextant que Cezanne était son élève[7]Cf. Isabelle Cahn, Face ā la critique, Cézanne et Paris (Catalogue d’exposition), du 12 octobre au 26 février 2012, Musée du Luxembourg, Paris, Ēdition de la Rmn-Grand Palais, Paris, 2011, p.206 ; Isabelle Cahn, Chronologie, Cézanne, Cat.d’Exp., Paris , Galeries nationales du Grand Palais, 25 septembre 1995-7 janvier 1996;London, Tate Gallery, 8 février-28 avril 1996 ; Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, 26 mai-18 août 1996, Édition de la Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1995, p. 544.. Une lettre de Cezanne à Camille Pissarro ainsi qu’une lettre d’Antoine-Fortuné Marion à un de leurs amis communs montrent l’intention claire de Cezanne de semer le trouble et le chaos dans le jury, en présentant des œuvres radicales et violentes, à la manière d’un attentat.
A Camille Pissarro le15 mars 1865, Cezanne écrit ;
“(…)J’aurais voulu savoir si vous avez fait, malgré le malheur qui vous est survenu, vos toiles pour le Salon. – Si quelques fois vous vouliez me voir, je vais le matin chez Suisse et le soir chez moi, mais donnez-moi un rendez-vous qui vous soit commode et je m’y rendrai pour vous serrer la main au retour de chez Oller. – Samedi nous irons à la baraque des Champs-Ēlysées porter nos toiles, qui feront rougir l’Institut de rage et de désespoir. J’espère que vous aurez fait quelque beau paysage, je vous serre cordialement la main[8]A Camille Pissarro, Paris, 15 mars 1865, edited by John Rewald, Paul Cézanne, Correspondance, nouvelle édition révisée et augmentée, Éditions Grasset, Paris, 1978, pp. 112-113..”
(caractères en gras par l’auteur)
Son ami, Antoine-Fortuné Marion (1846-1900) écrit à Heinrich Morstatt (1844-1925), le 28 mars 1866 :
“Je viens de recevoir une lettre de mes amis à Paris : Cézanne espère n’être pas reçu à l’exposition, et les peintres de sa connaissance lui préparent une ovation(…) [9]Marion à Morstatt, le 28 mars 1866, Alfred H. Barr, Cézanne d’après les lettres de Marion à Morstatt 1865-1868, Gazette des Beaux-Arts, Janvier, 1937, p. 45.. “
Cezanne agit délibérément en ce sens, par conviction, et dans le dessein d’acquérir une réputation dans la société artistique parisienne, et faire connaître largement son nom et son œuvre. Marion rapporte l’observation d’Antony Valabrègue (1844-1900) sur le salon de 1866 à Morstatt, le 12 avril 1866 :
“Paul sera sans doute refusé à l’exposition. Un philistin du jury s’est écrié en voyant mon portrait que c’était peint, non seulement au couteau, mais encore au pistolet. Une série de discussions se sont élevées déjà. Daubigny a prononcé quelques mots de défense. Il a dit qu’il préférait les tableaux chargés de hardiesse aux nullités accueillies à chaque salon. Il n’a pas eu l’avantage[10]Message de Valabrègue transmis par Marion à Morstatt, le 12 avril 1866, Alfred H.Barr, ibid...”
Cezanne réussit ainsi à se forger une réputation d’agitateur et de révolutionnaire, comme l’observe son ami Marion :
“Elle (la peinture réaliste) est, mon cher, plus que jamais loin de réussir vis-à-vis du monde officiel, et décidément Cézanne ne pourra pas de longtemps s’étaler à l’exposition des œuvres officielles et patronnées. Son nom est trop connu déjà et trop d’idées révolutionnaires en art s’attachent à lui pour que les peintres membres du jury faiblissent un seul instant. Et j’admire la persistance et le sang-froid avec lequel Paul m’écrit :《Eh bien! on leur en foutra comme cela dans l’éternité avec encore plus de persistance.》[11]Marion à Morstatt, 27 avril 1868, Alfred H.Barr, ibid., p.48.“
(caractères en gras par l’auteur)
La même année, Cezanne pousse la provocation jusqu’à écrire, et cela par deux fois, au Surintendant des Beaux-Arts, M. de Nieuwerkerke, pour lui demander avec insistance des explications sur son refus au Salon, et le sommer d’exposer les refusés[12]“ À M. de Nieuwerkerke
Surintendant des Beaux-Arts
Paris, 19 avril 1866
Monsieur,
J’ai eu dernièrement l’honneur de vous écrire au sujet de deux toiles que le jury vient de me refuser.
Puisque vous ne m’avez pas encore répondu, je crois devoir insister sur les motifs qui m’ont fait m’adresser à vous. D’ailleurs, comme vous avez certainement reçu ma lettre, je n’ai pas besoin de répéter ici les arguments que j’ai pensé devoir vous soumettre. Je me contente de vous dire de nouveau que je ne puis accepter le jugement illégitime de confrères auxquels je n’ai pas donné moi-même mission de m’apprécier.
Je vous écris donc pour appuyer sur ma demande. Je désire en appeler au public et être exposé quand même. Mon vœu ne me paraît avoir rien d’exorbitant, et, si vous interrogiez tous les peintres qui se trouvent dans ma position, ils vous répondraient tous qu’ils renient le Jury et qu’ils veulent participer d’une façon ou d’une autre à une exposition qui doit être forcément ouverte à tout travailleur sérieux.
Que le Salon des Refusés soit rétabli. Dussé-je m’y retrouver seul, je souhaite ardemment que la foule sache au moins que je ne tiens pas plus à être confondu avec ces messieurs du Jury qu’ils ne paraissent désirer être confondus avec moi.
Je compte, Monsieur, que vous voudrez bien ne pas garder le silence. Il me semble que toute lettre convenable mérite une réponse.
Veuillez agréer, je vous prie, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.
Paul Cézanne
22, rue Beautreillis “
(Edited by John Rewald, op. cit. (Note 8), 1978, pp. 114-115)..
II – L’ œuvre commune de Cezanne et Zola après la naissance de l’impressionnisme.
Cezanne apprend l’esthétique et la technique impressionnistes en travaillant aux côtés de Camille Pissarro à Pontoise et à Auvers-sur-Oise au début des années 1870. Cependant, de concert avec les critiques de Zola sur le Salon, il continue à exécuter des peintures très excessives, dans la continuité de son concept artistique des années 1860. Bien qu’elles acquièrent beaucoup de luminosité par l’influence de la technique impressionniste, ces œuvres tranchent fortement avec l’impressionnisme tant du point de vue thématique que par la technique. Par là, Cezanne garde une attitude dissidente contre l’autorité et l’art académique.
1) Critique du Salon par Zola dans les années 1870.
Dans les années 1870, la plume de Zola accuse les peintres de Salon de plus en plus durement. Il critique sévèrement les peintures d’Alexandre Cabanel (1823-1889), Jean-Léon Gérôme (1824-1904) et William Bouguereau (1825-1905), leur reprochant de manquer de vie, de vivacité, d’être coquettes et sucrées, léchées ; des miniatures, en somme, fabriquées par des artisans.
Dans sa critique d’un tableau de Cabanel, intitulé « Thamar », en 1875, Zola ne voit que médiocrité dans son esthétique féminine et douce qui flatte un large public, ainsi que sa technique soignée à l’excès, qui relève plus de l’artisanat que de l’art [13]“Le genre a envahi la peinture entière. J’ai signalé les tableaux colossaux, mais au fond ce n’est rien autre que le même genre auquel on a simplement donné des dimensions énormes. De même je pourrais prendre les peintres historiques en flagrant délit de concessions, trahissant les principes classiques en vue d’adoucir la sévérité académique et de se concilier les sympathies de la foule.(…)
La principale malice de Cabanel, c’est d’avoir rénové le style académique. A la vieille poupée classique, édentée et chauve, il a fait cadeau de cheveux postiches et de fausses dents. La mégère s’est métamorphosée en une femme séduisante, pommadée et parfumée, la bouche en coeur et les boucles blondes. Le peintre a même poussé un peu loin le rajeunissement. Les corps féminins sur ses toiles sont devenus de crème. (…)
Cet heureux mortel a de tout en modération, et il sait être original avec discrétion. Il ne fait pas partie de ces forcenés qui dépassent la mesure. Il reste toujours convenable, il est toujours classique malgré tout, incapable de scandaliser son public en s’écartant trop violemment de l’idéal conventionnel. Dans une des toiles qu’il expose cette année, l’artiste se confesse tout entier. Cela s’appelle Thamar ; (…)
C’est une composition sans défaut et sans mérite; la médiocrité la plus meutrière parle à travers elle; c’est un art composé de toutes vieilles formules, renouvelées par la main adroite d’un apprenti ouvrier.”(Le Salon de 1875, Émile Zola, op. cit.(Note 2), Paris, Gallimard, 1991, pp. 293-4.) .
A propos de Gérôme, dans une critique de 1878 de son « Phryné devant l’aréopage » peint en 1861, il lui reproche la monotonie de son travail, qui flatte la bourgeoisie par la vulgarité de son sujet, la minutie de sa technique qui rend un effet poli comme du verre ou comme une glaçure[14]Gérome fait moins impression, mais jouit quand même d’une grande faveur. C’est aussi un classique, un académique, qu’on chargeait d’honneurs et de récompenses ā l’heure où l’on poursuivait Courbet pour le contraindre à payer pour la colonne. L’exposition donne une idée complète de son art. (…) C’est exactement la même industrie que celle des bagnards sculptant des noix de coco; les méthodes étant invariables, les résultats sont toujours pareils. Seulement Gérome a une recette plus bizarre. Les traces de pinceau disparaissent. Les visiteurs admirent ses tableaux comme ils admireraient une portière de carrosse. (…) C’est le triomphe du laque; tous les détails sont minutieusement travaillés puis recouverts pour ainsi dire de verre. Est-ce donc que Gérome émaille ses tableaux comme on émaille les dessins sur porcelaine ? C’est bien possible. Le bourgeois jubilent. Mon Dieu ! Que c’est gentil et que c’est propre !
Pour comble de triomphe, Gérome évite l’ennui prudhommesque de Cabanel. Il raconte des anecdotes. Chacun de ses ouvrages est une historiette, dont plusieurs très piquantes et même risquées. Je dis risquées, mais du meilleur ton cependant-à peine enjouées. Tout le monde se souvient de sa Phryné devant l’Aréopage, une petite figure nue en caramel, que des vieillards dévorent des yeux; le caramel sauvait les apparences. Au Champ-de –Mars nous voyons Les femmes au bain, quelques femmes sans chemise, un divertissement innocent pour les amateurs, ceux qui aiment les tableaux à la loupe. Pour ce qui est des anecdotes en peinture, elles foisonnent.”(“L’école française de peinture en 1878”, Émile Zola, ibid., 1991, pp. 373-4). .
En ce qui concerne Bouguereau, au sujet de sa Pietà, il critique son manque de vitalité, de vigueur, et de vérité, et sa représentation excessivement minutieuse[15]“Je peux nommer Bouguereau, trait d’union entre Cabanel et Gérome, qui cumule le pédantisme du premier et le maniérisme du second. C’est l’apothéose de l’élégance ; un peintre enchanteur qui dessine des créatures célestes, des bonbons sucrés qui fondent sous les regards. Beaucoup de talent, si le talent peut se réduire à l’habileté nécessaire pour accommoder la nature à cette sauce; mais c’est un art sans vigueur, sans vitalité, c’est de la peinture en miniature colossalement et prodigieusement boursouflée et dépouillée de toute vérité.”(“L’école française de peinture en 1878”, Émile Zola, ibid., 1991, p. 375). .
2) Les peintures anti-Salon de Cezanne dans les années 1870
Bien qu’il commence à peindre des paysages aux tonalités plus claires en adhérant au mouvement impressionniste, Cezanne n’en demeure pas moins farouchement hostile aux valeurs esthétiques telles que la beauté idéale et absolue, l’élégance, l’agréable, le sensuel, le joli, le petit, le mignon, etc… des peintres de Salon. Il représente les sujets de la laideur, la violence, l’inquiétude, la souffrance, par la technique de touches violentes, une peinture empâtée et épaisse, tout au contraire du fini du Salon, qui efface soigneusement les touches de la main de l’artiste, ne laissant aucune trace du mouvement physique ni psychique du peintre. Cezanne continue ainsi sa lutte conjointe avec Zola contre l’esthétique du Salon. Pour cela, il est aussi indéniablement influencé par l’esprit provocateur qu’il a hérité de Gustave Courbet (1819-1877), Honoré Daumier (1808-1879), et Ēdouard Manet (1832-1883).
Dans Une moderne Olympia par exemple, Cezanne, en s’appropriant l’image de Manet, la transforme en sa propre image. Il se propose de surpasser Manet sur tous les points, tant sur le sujet que sur la technique, et sur la représentation. Il s’adonne à faire montre de ce qu’il est beaucoup plus avant-gardiste que Manet. On peut y trouver partout manifestement cette ambition. Notamment, à la différence de l’Olympia de Manet, qui regarde droit son client (le spectateur de cette peinture), celle de Cezanne, dépouillée par la servante noire du drap blanc qui seul couvrait son corps nu, est regardée en tant qu’objet de désir cru, sexuel, par un double de Cezanne au premier plan. Tandis que chez Manet, Olympia met son client masculin, présent mais invisible car en dehors du tableau, sous sa domination par son regard intense et son attitude hardie, cette relation de force entre les deux est renversée chez Cezanne. Le client est très violent pour Olympia. Cette agressivité est d’autant plus accentuée que l’Olympia de Cezanne est assise sur un lit blanc, qui fait penser à la Vierge sur un nuage blanc si on la regarde sémiotiquement[16]Cf. Hubert Damisch, Théorie du nuage. Pour une histoire de la peinture, Seuil, Paris, 1972. . L’acte du client, sorte de double de Cezanne, en souillant sa virginité sacrée, atteint à l’extrême. Si Cezanne peint ce tableau, c’est par la suggestion du Dr.Paul Gachet (1828-1909), qu’il fréquentait et chez qui il travaillait à Auvers-sur-Oise, au cours d’une discussion sur divers thèmes artistiques. Paul Gachet fils rapporte comment cela s’est passé chez son père, le Dr. Gachet :
”Le Bon Bock, alors d’actualité bruyante amène, un jour, la conversation sur Manet – un tout nouvel ami du Docteur.
Du Joyeux Buveur on remonte jusqu’ā l’Olympia – la chair et le sang du peintre. La franche admiration de Gachet pique l’amour-propre de Cézanne qui riposte assez vivement que l’invention d’une Olympia, même rénovée, n’est pour lui qu’une bagatelle.
Il veut le prouver.
Et, sur une toile de 10, apparaît presque immédiatement Une moderne Olympia, exceptionnellement enlevée du coup, éblouissante de fraîcheur en dépit d’une période souvent sombre, enfin une Esquisse merveilleuse sur laquelle Gachet met de suite l’embargo, tant il craint de voir Cézanne l’anéantir en voulant la pousser[17]Paul Gachet, Deux amis des impressionnistes Le Docteur Gachet et Murer, Ēdition des musées nationaux, Paris, 1956, pp. 57-58..”
Le Dr Gachet avait compris la volonté de Cézanne de se surpasser en tentant de peindre une nouvelle Olympia, plus excessive que celle de Manet qui avait fait scandale au Salon de 1865, présentée de nouveau dans son exposition particulière en mai 1867, avenue de l’Alma.
C’est en effet le Dr. Gachet qui a nommé l’œuvre de Cézanne Une moderne Olympia[18]Un ami de Cézanne et van Gogh Le Docteur Gachet (Catalogue d’exposition), aux Galeries nationales du Grand Palais du 28 janvier au 26 avril 1999, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1999, p. 87..
Après l’avoir ajoutée à sa collection, il l’a copiée au moins deux fois en tant que peintre, et l’a prêtée volontiers pour la première exposition impressionniste en 1874 chez Nadar, 35, Boulevard Capucines. Cézanne y a présenté trois œuvres : La Maison du Pendu, à Auvers-sur-Oise, Une moderne Olympia, et Paysage à Auvers. Dans le catalogue de cette exposition, le nom du Dr. Gachet est mentionné avec le titre de l’œuvre comme suit : « Une moderne Olympia (esquisse), appartient à M. le Dr.Gachet »[19]Société Anonyme des artistes peintres sculpteurs graveurs etc, Exposition 1874, 35 Boulevard des Capucines, ouverture du 13 avril au 15 mai 1874, de 10h du matin ā 5h et 8 heures à 10 heures du soir, Paris Imprimerie Edmond Baume, 109, Rue de Lafayette, p. 10..
Les critiques, qui ont écrit les comptes rendus de cette exposition, ont très violemment critiqué Une moderne Olympia de Cézanne, ce à quoi il s’attendait, ainsi que le Dr. Gachet, et qu’ils prirent plutôt avec plaisir.
Parmi eux, Louis Leroy (1812–1885), dont la critique sur l’œuvre de Monet est devenue une des origines du terme Impressionnisme, raconte le choc de Mr. Joseph Vincent devant les œuvres impressionnistes. Joseph Vincent, élève de Bertin, médaillé et décoré sous plusieurs gouvernements, est un personnage fictif, mais représentant d’un certain conservatisme en matière d’esthétique.
A propos de Monet :
”(…) Je jetai un coup d’œil sur l’élève de Bertin : son visage tournait au rouge sombre. Une catastrophe me parut imminente, et il était réservé à M. Monet de lui donner le dernier coup.
– Ah ! Voilà, le voilà ! s’écria-t-il devant le Nr. 98. Je le reconnais le favori de papa Vincent ! Que représente cette toile ? Voyez au livret.
– Impression, soleil levant.
– Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans….Et quelle liberté, quelle aisance dans la facture ! Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là. (…) [20]Louis Leroy, L’exposition des impressionnistes, Le Charivari, 25 avril 1874, p. 80. ».
Il a porté une critique sévère et sarcastique contre cette œuvre ;
”Parlez-moi de la moderne Olympia, à la bonne heure !
Hélas ! allez la voir, celle-là ! Une femme pliée en deux à qui une négresse enlève le dernier voile pour l’offrir dans toute sa laideur aux regards charmés d’un fantoche brun. Vous vous souvenez de l’Olympia, de M. Manet ? Eh bien, c’était un chef-d’œuvre de dessin, de correction, de fini, comparée à celle de Cézanne.
Enfin le vase déborda. Le cerveau classique du père Vincent, attaqué de trop de côtés à la fois, se détraqua complètement. (….) [21]Louis Leroy, ibid., 1874, p. 80.”.
Leroy , tout en le détestant, comprend bien que Cézanne a détruit jusqu’au canon traditionnel que suivait encore Manet, en parvenant à le surpasser. Sa nouvelle Olympia est révolutionnaire par le fait qu’elle impose au public une valeur inédite : la laideur.
Marc de Montifaud (1845-1912), un autre critique d’art, commence sa critique par un résumé du projet impressionniste en les termes suivants :
”Nous voici pour tout de bon en face de rebelles auxquels on sait volontiers gré de leur éloignement pour le chic et le bourgeois[22]Marc de Montifaud, Exposition du Boulevard des Capucines, L’Artiste, mai 1874, p. 307..”
Après s’être moqué de Monet comme suit :
”(…) l’impression de Lever de Soleil est traitée par la main enfantine d’un écolier qui étale pour la première fois des couleurs sur une surface quelconque.(…) [23]Marc de Montifaud, Ibid.,1874, p. 309-310.”.
Il accable durement Une moderne Olympia de Cézanne de critiques très virulentes :
”Le public de dimanche a jugé à propos de ricaner en face de la fantastique figure qui se présente dans un ciel opiacé, à un fumeur d’opium. Cette apparition d’un peu de chair rose et nue que pousse devant lui, dans le nuageux empyrée, une espèce de démon, où s’incube, comme une vision voluptueuse, ce coin de paradis artificiel, a suffoqué les plus braves, il faut le dire, et M. Cézanne n’apparaît plus que comme une espèce de fou, agité en peignant du delirium tremens. L’on a refusé de voir, dans cette création inspirée de Beaudelaire, un rêve, une impression causée par les vapeurs orientales et qu’il fallait rendre sous la bizarre ébauche de l’imagination. L’incohérence n’est-elle pas la nature, le caractère particulier du sommeil laudatif ? Pourquoi chercher une plaisanterie indécente, un motif de scandale, dans l’Olympia? Ce n’est en réalité qu’une des formes extravagantes du haschisch empruntée à l’essaim des songes drolatiques qui doivent encore se cacher dans les coins de l’hôtel Pimodan. Cependant il faut ajouter que, parmi ces interprètes d’un fait psychologique bien connu, il en est deux qui sculpteront dans le marbre, et vingt qui n’auront jamais taillé que des magots.
Aucune audace ne nous fera donc écarquiller les yeux. Mais, pour la question de paysage, M. Cézanne trouvera bon que nous n’allions pas jusqu’à sa Maison du pendu, et son Ētude à Auvers ; là-dessus, nous avouons rester en route[24]Marc de Montifaud, Ibid.,1874,p. 310−311..”
Cezanne est ainsi reconnu par les critiques d’art contemporains comme le plus extrémiste, le plus extravagant des impressionnistes, en rébellion contre les peintures de Salon. A cette époque, Cezanne, en rejetant résolument l’esthétique du Salon basée sur la technique du fini, fait part en 1874 à sa mère de sa conviction d’avoir fait un choix juste, qui lui assura à l’avenir d’être reconnu à sa vraie valeur :
“Je commence à me trouver plus fort que tous ceux qui m’entourent (…). J’ai à travailler toujours, non pas pour arriver au fini, qui fait l’admiration des imbéciles. – Et cette chose que vulgairement on apprécie tant n’est que le fait d’un métier d’ouvrier, et rend toute œuvre qui en résulte inartistique et commune. Je ne dois chercher à compléter que pour le plaisir de faire plus vrai et plus savant. Et croyez bien qu’il y a toujours une heure où l’on s’impose, et on a des admirateurs bien plus fervents, plus convaincus que ceux qui ne sont flattés que par une vaine apparence.”[25]John Rewald, op. cit.(Note 8), 1978, p. 148 : A la mère de l’artiste, [Paris] 26 septembre 1874.
3) Cezanne sollicite le soutien de Zola pour la reconnaissance des Impressionnistes auprès du grand public.
D’ailleurs, il demande à Zola de publier dans le Voltaire une pétition adressée au ministre des Beaux-Arts par Monet et Renoir, qui réclament que leurs œuvres impressionnistes soient mieux placées dans la salle d’exposition du Salon, et de l’accompagner de quelques mots qui appuieraient leur importance et la curiosité qu’ils ont suscitée chez le public[26]“Je t’envoie ci-joint le double d’une lettre que Renoir et Monet vont adresser au ministre des Beaux-Arts, pour protester contre leur mauvais placement et réclamer une exposition pour l’an prochain du groupe des impressionnistes purs. Voici ce qu’il m’est demandé de te prier de faire :
Ce serait de faire passer cette lettre dans le Voltaire, en la faisant précéder ou suivre de quelques mots sur les manifestations antérieures du groupe. Les quelques mots tendraient à démontrer l’importance des impressionnistes et le mouvement de curiosité réel qu’ils ont provoqué.”
(A Émile Zola, [Paris]10 mai 1880, John Rewald, ibid., 1978, p.191.) .
Bien que le texte de Zola rédigé en réponse à sa demande ne l’ait pas complètement satisfait, cet échange montre qu’ils coopéraient encore en l’année 1880, dans une action commune qui visait à apporter une réforme à l’esthétique dominante au Salon.
III – Les divergences entre la théorie de l’art de Cezanne et celle de Zola
Toutefois, à partir des années 1880, leurs idées respectives sur l’art iront en s’éloignant : Zola par sa théorie naturaliste des beaux-arts, et Cezanne par son idée de peinture autonome, ils empruntent des chemins divergents. Si on les considère d’un autre point de vue, cela révèle qu’ils poursuivaient en réalité des qualités artistiques différentes, tout en critiquant conjointement les valeurs du Salon.
Zola, en critiquant le Salon, vise à mettre en avant et à défendre les peintures qui réalisent le naturalisme, idéal qu’il manifeste dans sa littérature. Il défend un art et une peinture qui décrivent des personnages dans leur réalité moderne, qui représentent l’expression vivante de leurs sentiments. Cet art idéal est réalisé au travers de la force du tempérament, de la personalité de chaque artiste. De ce point de vue, il apprécie Manet, Jules Bastien–Lepage (1848-1884), Henri Gervex (1852-1929), etc..
Par contre Cezanne, tout en se basant sur ses sensations inspirées par la nature comme il s’y est initié avec l’impressionnisme, se met à négliger la représentation des phénomènes pour tenter de toucher à l’origine même des sensations, de réaliser leur mise en ordre: un ordre autonome, propre au monde pictural, indépendant d’une vision naturelle ou objective de la nature. En bref, c’est l’exploitation d’un monde plastique qu’il enclenche.
Cezanne définit en effet son art comme suit :
“L’art est une harmonie parallèle à la nature – que penser des imbéciles qui vous disent l’artiste est toujours inférieur à la nature[27]A Joachim Gasquet, Tholonet, 26 septembre[1897], John Rewald, ibid., 1978, p.262.
Il s’agit d’un détail qui n’empêche en rien la compréhension de cette ligne, mais il semble qu’il manque dans cette citation le mot « que » ou la ponctuation « : » avant le mot « l’artiste »; après vérification, je note que la transcription de John Rewald est fidèle à l’original de la lettre manuscrite de Cezanne. .”
Le monde plastique est caractérisé par les points suivants :
- Une expression des sensations qui s’affranchit du sens du réel, qui exclut les sentiments humains de la vie courante et du quotidien.
- La recherche de la construction d’une œuvre par des éléments purement picturaux et plastiques, ce qui n’est pas réalisable en littérature, qui doit nécessairement être exprimée par des mots ainsi que par des idées.
Cezanne lui-même distingue très nettement le travail du peintre de celui du littérateur quand il explique leur différence à Ēmile Bernard (1868-1941) :
“Le littérateur s’exprime avec des abstractions, tandis que le peintre concrète, au moyen du dessin et de la couleur, ses sensations, ses perceptions[28] A Émile Bernard, Aix, 26 mai 1904, John Rewald, ibid., 1978, pp. 303.. “
D’ailleurs, il conseille à Bernard de ne pas faire le faux choix de la littérature :
“Il (le peintre) doit redouter l’esprit littéraire qui fait si souvent le peintre s’écarter de sa vraie voie – l’étude concrète de la nature-pour se perdre trop longtemps dans des spéculations intangibles[29]A Émile Bernard, Aix, 12 mai 1904, John Rewald, ibid., 1978, pp. 301-302..”
IV – Une théorie de l’art commune partagée par Cezanne jusqu’à ses dernières années
Malgré ces divergences, Cezanne a continué à croire jusqu’à la fin de sa vie à ses idéaux partagés avec Zola depuis leur jeunesse. On peut le montrer par trois éléments principaux :
1)Le tempérament
2) L’effacement total de l’héritage artistique
3)L’invention d’une peinture nouvelle au travers de la critique contre le Salon
1) Le tempérament
On sait que Zola, en 1866, définit l’art comme suit :
“Une œuvre d’art est un coin de la création vu à travers un tempérament[30]Les réalistes du salon, 11 mai 1866 (Mon Salon, 1866), Émile Zola, op. cit. (Note 2), 1991, p. 125..”
Quant à Cezanne, il insiste en 1904 :
“Avec un petit tempérament on peut être très peintre. On peut faire des choses bien sans être très harmoniste, ni coloriste. Il suffit d’avoir un sens d’art –Et c’est sans doute l’horreur du bourgeois, ce sens-là. Donc les instituts, les pensions, les honneurs ne peuvent être faits que pour les crétins, les farceurs et les drôles. Ne soyez pas critique d’art, faites de la peinture. C’est là le salut[31]A Émile Bernard, Aix, 25 juillet 1904, John Rewald, op. cit.(Note 8), 1978, p. 305..
Il garde, ainsi, même à la fin de sa vie, la conviction que la condition la plus nécessaire et la plus importante pour être artiste est d’avoir du tempérament.
2) L’effacement total de la mémoire artistique
Zola affirme en 1867 que pour produire une œuvre d’art qui ait du tempérament, l’artiste doit oublier tout l’héritages de peintures conservées dans les musées et des règles artistiques qui préexistent à la création :
“Oublier les richesses des musées et les nécessités des prétendues règles, chasser le souvenir des tableaux entassés par les peintres morts ; ne plus voir que la nature face à face, telle qu’elle est ; ne chercher enfin dans les œuvres d’Édouard Manet qu’une traduction de la réalité, particulière à un tempérament, belle d’un intérêt humain[32]Édouard Manet, le 1er janvier 1867, Émile Zola, op. cit.(Note 2), 1991, p. 148..”
Cezanne partage en 1905 cette idée phénoménologique de Zola en énonçant à Bernard ses convictions artistiques:
“Or, la thèse à développer est – quel que soit notre tempérament ou forme de puissance en présence de la nature – de donner l’image de ce que nous voyons, en oubliant tout ce qui apparut avant nous. Ce qui, je crois, doit permettre à l’artiste de donner toute sa personnalité grande ou petite[33]Lettre de Cezanne à Emile Bernard, Aix, 23 octobre 1905, John Rewald, op. cit. (Note 8), 1978, pp. 314-315..”
L’origine de l’art est donc pour lui aussi une expérience pure, un contact virginal avec la nature, comptant simplement sur son tempérament, en effaçant toute sa mémoire à la fois de la nature et des images artistiques. Cette assertion de Cezanne se base sur son observation ainsi que sa réflexion suivantes à propos de son époque :
“Que bien peindre est difficile ! Comment aller sans ambages vers la nature ? Voyez, de cet arbre à nous il y a un espace, une atmosphère, je vous l’accorde ; mais c’est ensuite ce tronc, palpable, résistant, ce corps…Voir comme celui qui vient de naître!…
Aujourd’hui notre vue est un peu lasse, abusée du souvenir de mille images. Et ces musées, les tableaux des musées !…Et les expositions !…Nous ne voyons plus la nature ; nous revoyons les tableaux. Voir l’œuvre de Dieu ! C’est à quoi je m’applique[34]Jules Borély, Cézanne à Aix 1902, Vers et prose, Nr. 27, 1911, p. 112..”
3) L’invention d’une peinture nouvelle au travers de la critique contre le Salon
Zola est mort en 1906. Toutefois même après sa mort, Cezanne n’aura de cesse de dénoncer la corruption des peintures exposées au Salon. Il relève dans sa lettre à Bernard en 1905 que leur infériorité provient de la faiblesse de leur technique :
“Si les Salons officiels restent si inférieurs, la raison est qu’ils ne mettent en œuvre que des procédés plus ou moins étendus. Il vaudrait mieux apporter plus d’émotion personnelle, d’observation et de caractère. (…)
Les vieux culots seuls obstruent notre intelligence, qui a besoin d’être fouettée[35]A Émile Bernard, [Aix,1905] vendredi, John Rewald, op. cit. (Note 8),1978, pp. 313-314..”
Il s’insurge énergiquement contre l’utilisation d’une technique déjà établie, largement répandue donc banale, et encourage à exploiter plutôt des techniques toujours nouvelles. C’est un travail très ardu, mais profondément intellectuel, donc vraiment humain, autrement dit une recherche de la vérité en peinture, comme il a tenté de le raconter un jour à Bernard[36]“Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai.” A Émile Bernard, 23 octobre 1905, John Rewald, ibid., 1978, p. 315..
La vérité est simplement une des valeurs fondamentales que Zola considérait comme principale dans sa critique du Salon. En effet, si l’on en croit Ambroise Vollard (1866-1939), marchand d’art qui a découvert le premier l’importance de Cezanne dans les années 1890, Cezanne aurait toujours gardé une profonde hostilité et un sentiment de rivalité envers William Bouguereau qui régentait le Salon àl’époque :
“On a plaisanté beaucoup Cézanne pour son ambition obstinée d’être admis dans les Salons officiels; mais il ne faut pas oublier que sa conviction était que, s’il pouvait jamais glisser dans le Salon de Bouguereau, avec une《toile bien réalisée》, les écailles tomberaient des yeux du public, et qu’on lâcherait Bouguereau pour suivre le grand peintre qu’il se sentait capable de devenir[37]Ambroise Vollard, op.cit.(Note 5), 1919, p.142..”
Conclusion
A partir de ces considérations, je proposerai quelques remarques sur l’amitié créative entre Cezanne et Zola.
1) Dans les années 1860-70, Cezanne, en fréquentant les peintres du Groupe des Batignolles rassemblés autour d’Édouard Manet, en lisant les critiques d’art de Zola, par son amitié intime et ses échanges avec eux sur la théorie de l’art, prend une posture de peintre rebelle, anti-Régime. Il va jusqu’à présenter inlassablement ses œuvres qui violent et récusent les canons du Salon. Il devient le peintre le plus offensif parmi ses camarades, on pourrait même dire qu’il a appliqué trop excessivement son être au milieu parisien d’avant-garde de l’époque.
2) Il est évident qu’apparaît, vers les années 1880, l’éloignement entre Zola et Cezanne dans leurs idées artistiques, et que l’art cezannien devient incompréhensible pour Zola. Toutefois, cela ne remet aucunement en cause sa compétence en tant que critique d’art.
3) La théorie de l’art que Cezanne et Zola ont partagée et nourrie pendant leurs jeunes années, a évolué pour se scinder en deux directions divergentes : celle des beaux-arts et celle de la littérature.
4) Si l’on se concentre sur l’amitié créative entre les deux artistes du point de vue de la recherche sur Cezanne, cette perspective révèle que sa posture d’artiste anti-Académie a joué un rôle important dans la formation et le développement de son art avant-gardiste tout au long de sa vie, son aversion pour les peintures de Salon le poussant à innover et inventer son expression picturale propre.
Nous projetons d’étudier à l’avenir cet aspect novateur de la peinture de Cezanne à travers cette relation dialectique.
Références
↑1 | Édition établie, présentée et annotée par Henri Mitterand, Paul Cézanne – Émile Zola, Lettres croisées 1858-1887, Gallimard, Paris, 2016, pp. 7-21. |
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↑2 | Émile Zola, Les réalistes du salon, 11 mai 1866 (dans Mon Salon, juillet 1866), Émile Zola, Ēcrits sur l’art, Paris, Gallimard, 1991, pp. 120-125. |
↑3 | Émile Zola Oeuvres Complètes, Le feuilletoniste 1866-1867, Nouveau Monde Éditions, Paris, 2002, p. 710. |
↑4 | “Adieux d’un critique d’art”, le 20 mai 1866 (dans Mon Salon, juillet 1866), ”, Émile Zola, op. cit. (Note 2),1991, pp. 133-135. |
↑5 | Sur la technique couillarde, cf. Ambroise Vollard, Paul Cézanne, Les Ēditions G. Grès et Cie, Paris, 1919( 1ère édition,Galerie A. Vollard, Paris, 1914), p. 30; Gustave Coquiot, Paul Cézanne, Albin Michel Éditeur, Paris, 1919, pp. 62–63; Nina Maria Athanassogolou-Kallmyer, Cézanne and Provence: The Painter in His Culture, The University of Chicago Press, Chicago and London, 2003, pp. 26–28; Jean-Claude Lebensztejn, “Les couilles de Cézanne,” Ētudes cézanniennes, Flammarion, Paris, 2006, pp. 7–24. |
↑6 | John Rewald, Un article inédit sur Paul Cézanne en 1870, Arts, 21-27, July, 1954. Je remercie Mr. Auguste Cicchi, un de mes étudiants àl’Institut de Technologie de Kyoto, qui a attiré mon attention sur ces paroles cezanniennes, et à Dr.Mme Noriko Yoshida qui m’a précisé la référence de ce texte par John Rewald. |
↑7 | Cf. Isabelle Cahn, Face ā la critique, Cézanne et Paris (Catalogue d’exposition), du 12 octobre au 26 février 2012, Musée du Luxembourg, Paris, Ēdition de la Rmn-Grand Palais, Paris, 2011, p.206 ; Isabelle Cahn, Chronologie, Cézanne, Cat.d’Exp., Paris , Galeries nationales du Grand Palais, 25 septembre 1995-7 janvier 1996;London, Tate Gallery, 8 février-28 avril 1996 ; Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, 26 mai-18 août 1996, Édition de la Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1995, p. 544. |
↑8 | A Camille Pissarro, Paris, 15 mars 1865, edited by John Rewald, Paul Cézanne, Correspondance, nouvelle édition révisée et augmentée, Éditions Grasset, Paris, 1978, pp. 112-113. |
↑9 | Marion à Morstatt, le 28 mars 1866, Alfred H. Barr, Cézanne d’après les lettres de Marion à Morstatt 1865-1868, Gazette des Beaux-Arts, Janvier, 1937, p. 45. |
↑10 | Message de Valabrègue transmis par Marion à Morstatt, le 12 avril 1866, Alfred H.Barr, ibid.. |
↑11 | Marion à Morstatt, 27 avril 1868, Alfred H.Barr, ibid., p.48. |
↑12 | “ À M. de Nieuwerkerke Surintendant des Beaux-Arts Paris, 19 avril 1866 Monsieur, J’ai eu dernièrement l’honneur de vous écrire au sujet de deux toiles que le jury vient de me refuser. Puisque vous ne m’avez pas encore répondu, je crois devoir insister sur les motifs qui m’ont fait m’adresser à vous. D’ailleurs, comme vous avez certainement reçu ma lettre, je n’ai pas besoin de répéter ici les arguments que j’ai pensé devoir vous soumettre. Je me contente de vous dire de nouveau que je ne puis accepter le jugement illégitime de confrères auxquels je n’ai pas donné moi-même mission de m’apprécier. Je vous écris donc pour appuyer sur ma demande. Je désire en appeler au public et être exposé quand même. Mon vœu ne me paraît avoir rien d’exorbitant, et, si vous interrogiez tous les peintres qui se trouvent dans ma position, ils vous répondraient tous qu’ils renient le Jury et qu’ils veulent participer d’une façon ou d’une autre à une exposition qui doit être forcément ouverte à tout travailleur sérieux. Que le Salon des Refusés soit rétabli. Dussé-je m’y retrouver seul, je souhaite ardemment que la foule sache au moins que je ne tiens pas plus à être confondu avec ces messieurs du Jury qu’ils ne paraissent désirer être confondus avec moi. Je compte, Monsieur, que vous voudrez bien ne pas garder le silence. Il me semble que toute lettre convenable mérite une réponse. Veuillez agréer, je vous prie, l’assurance de mes sentiments les plus distingués. Paul Cézanne 22, rue Beautreillis “ (Edited by John Rewald, op. cit. (Note 8), 1978, pp. 114-115). |
↑13 | “Le genre a envahi la peinture entière. J’ai signalé les tableaux colossaux, mais au fond ce n’est rien autre que le même genre auquel on a simplement donné des dimensions énormes. De même je pourrais prendre les peintres historiques en flagrant délit de concessions, trahissant les principes classiques en vue d’adoucir la sévérité académique et de se concilier les sympathies de la foule.(…) La principale malice de Cabanel, c’est d’avoir rénové le style académique. A la vieille poupée classique, édentée et chauve, il a fait cadeau de cheveux postiches et de fausses dents. La mégère s’est métamorphosée en une femme séduisante, pommadée et parfumée, la bouche en coeur et les boucles blondes. Le peintre a même poussé un peu loin le rajeunissement. Les corps féminins sur ses toiles sont devenus de crème. (…) Cet heureux mortel a de tout en modération, et il sait être original avec discrétion. Il ne fait pas partie de ces forcenés qui dépassent la mesure. Il reste toujours convenable, il est toujours classique malgré tout, incapable de scandaliser son public en s’écartant trop violemment de l’idéal conventionnel. Dans une des toiles qu’il expose cette année, l’artiste se confesse tout entier. Cela s’appelle Thamar ; (…) C’est une composition sans défaut et sans mérite; la médiocrité la plus meutrière parle à travers elle; c’est un art composé de toutes vieilles formules, renouvelées par la main adroite d’un apprenti ouvrier.”(Le Salon de 1875, Émile Zola, op. cit.(Note 2), Paris, Gallimard, 1991, pp. 293-4.) |
↑14 | Gérome fait moins impression, mais jouit quand même d’une grande faveur. C’est aussi un classique, un académique, qu’on chargeait d’honneurs et de récompenses ā l’heure où l’on poursuivait Courbet pour le contraindre à payer pour la colonne. L’exposition donne une idée complète de son art. (…) C’est exactement la même industrie que celle des bagnards sculptant des noix de coco; les méthodes étant invariables, les résultats sont toujours pareils. Seulement Gérome a une recette plus bizarre. Les traces de pinceau disparaissent. Les visiteurs admirent ses tableaux comme ils admireraient une portière de carrosse. (…) C’est le triomphe du laque; tous les détails sont minutieusement travaillés puis recouverts pour ainsi dire de verre. Est-ce donc que Gérome émaille ses tableaux comme on émaille les dessins sur porcelaine ? C’est bien possible. Le bourgeois jubilent. Mon Dieu ! Que c’est gentil et que c’est propre ! Pour comble de triomphe, Gérome évite l’ennui prudhommesque de Cabanel. Il raconte des anecdotes. Chacun de ses ouvrages est une historiette, dont plusieurs très piquantes et même risquées. Je dis risquées, mais du meilleur ton cependant-à peine enjouées. Tout le monde se souvient de sa Phryné devant l’Aréopage, une petite figure nue en caramel, que des vieillards dévorent des yeux; le caramel sauvait les apparences. Au Champ-de –Mars nous voyons Les femmes au bain, quelques femmes sans chemise, un divertissement innocent pour les amateurs, ceux qui aiment les tableaux à la loupe. Pour ce qui est des anecdotes en peinture, elles foisonnent.”(“L’école française de peinture en 1878”, Émile Zola, ibid., 1991, pp. 373-4). |
↑15 | “Je peux nommer Bouguereau, trait d’union entre Cabanel et Gérome, qui cumule le pédantisme du premier et le maniérisme du second. C’est l’apothéose de l’élégance ; un peintre enchanteur qui dessine des créatures célestes, des bonbons sucrés qui fondent sous les regards. Beaucoup de talent, si le talent peut se réduire à l’habileté nécessaire pour accommoder la nature à cette sauce; mais c’est un art sans vigueur, sans vitalité, c’est de la peinture en miniature colossalement et prodigieusement boursouflée et dépouillée de toute vérité.”(“L’école française de peinture en 1878”, Émile Zola, ibid., 1991, p. 375). |
↑16 | Cf. Hubert Damisch, Théorie du nuage. Pour une histoire de la peinture, Seuil, Paris, 1972. |
↑17 | Paul Gachet, Deux amis des impressionnistes Le Docteur Gachet et Murer, Ēdition des musées nationaux, Paris, 1956, pp. 57-58. |
↑18 | Un ami de Cézanne et van Gogh Le Docteur Gachet (Catalogue d’exposition), aux Galeries nationales du Grand Palais du 28 janvier au 26 avril 1999, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1999, p. 87. |
↑19 | Société Anonyme des artistes peintres sculpteurs graveurs etc, Exposition 1874, 35 Boulevard des Capucines, ouverture du 13 avril au 15 mai 1874, de 10h du matin ā 5h et 8 heures à 10 heures du soir, Paris Imprimerie Edmond Baume, 109, Rue de Lafayette, p. 10. |
↑20 | Louis Leroy, L’exposition des impressionnistes, Le Charivari, 25 avril 1874, p. 80. |
↑21 | Louis Leroy, ibid., 1874, p. 80. |
↑22 | Marc de Montifaud, Exposition du Boulevard des Capucines, L’Artiste, mai 1874, p. 307. |
↑23 | Marc de Montifaud, Ibid.,1874, p. 309-310. |
↑24 | Marc de Montifaud, Ibid.,1874,p. 310−311. |
↑25 | John Rewald, op. cit.(Note 8), 1978, p. 148 : A la mère de l’artiste, [Paris] 26 septembre 1874. |
↑26 | “Je t’envoie ci-joint le double d’une lettre que Renoir et Monet vont adresser au ministre des Beaux-Arts, pour protester contre leur mauvais placement et réclamer une exposition pour l’an prochain du groupe des impressionnistes purs. Voici ce qu’il m’est demandé de te prier de faire : Ce serait de faire passer cette lettre dans le Voltaire, en la faisant précéder ou suivre de quelques mots sur les manifestations antérieures du groupe. Les quelques mots tendraient à démontrer l’importance des impressionnistes et le mouvement de curiosité réel qu’ils ont provoqué.” (A Émile Zola, [Paris]10 mai 1880, John Rewald, ibid., 1978, p.191.) |
↑27 | A Joachim Gasquet, Tholonet, 26 septembre[1897], John Rewald, ibid., 1978, p.262. Il s’agit d’un détail qui n’empêche en rien la compréhension de cette ligne, mais il semble qu’il manque dans cette citation le mot « que » ou la ponctuation « : » avant le mot « l’artiste »; après vérification, je note que la transcription de John Rewald est fidèle à l’original de la lettre manuscrite de Cezanne. |
↑28 | A Émile Bernard, Aix, 26 mai 1904, John Rewald, ibid., 1978, pp. 303. |
↑29 | A Émile Bernard, Aix, 12 mai 1904, John Rewald, ibid., 1978, pp. 301-302. |
↑30 | Les réalistes du salon, 11 mai 1866 (Mon Salon, 1866), Émile Zola, op. cit. (Note 2), 1991, p. 125. |
↑31 | A Émile Bernard, Aix, 25 juillet 1904, John Rewald, op. cit.(Note 8), 1978, p. 305. |
↑32 | Édouard Manet, le 1er janvier 1867, Émile Zola, op. cit.(Note 2), 1991, p. 148. |
↑33 | Lettre de Cezanne à Emile Bernard, Aix, 23 octobre 1905, John Rewald, op. cit. (Note 8), 1978, pp. 314-315. |
↑34 | Jules Borély, Cézanne à Aix 1902, Vers et prose, Nr. 27, 1911, p. 112. |
↑35 | A Émile Bernard, [Aix,1905] vendredi, John Rewald, op. cit. (Note 8),1978, pp. 313-314. |
↑36 | “Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai.” A Émile Bernard, 23 octobre 1905, John Rewald, ibid., 1978, p. 315. |
↑37 | Ambroise Vollard, op.cit.(Note 5), 1919, p.142. |