Colloque “Cezanne, Jas de Bouffan — art et histoire”, 21-22 septembre 2019

Au seuil de la modernité picturale

Jean Arrouye

Conférence filmée

Jean Arrouye en quelques mots

Jean Arrouye est professeur émérite de l’université d’Aix-Marseille, spécialiste de la photographie.
Agrégé de lettres et professeur à l’université de Provence, à l’Ecole Nationale de la photographie d’Arles et en Tunisie.
Il est spécialiste de sémiologie de l’image, travaille principalement sur la peinture et la photographie, ainsi que sur les relations entre textes et images.
Il a créé, avec l’éditeur Muntaner, la collection Iconotextes dont chaque volume est consacré à l’étude d’une œuvre artistique, analysée par cinq à sept spécialistes de disciplines différentes (critique d’art, historien, conservateur de musée, psychanalyste, sociologue, etc.).

Le contenu de son intervention

Dans nombre de paysages de Cézanne, dont les premiers ou les plus notables, tels La Tranchée de chemin de fer ou L’Allée des marronniers en hiver, furent peints au Jas de Bouffan, le bas du tableau est occupé par une sorte de bandeau qui court d’un côté à l’autre sans qu’y soit représenté aucun objet ni notée aucune particularité topographique. Cette partie de l’œuvre se différencie nettement du reste par son organisation chromatique ou l’insistance sur la facture. Même s’il est parfois possible de supputer, par implication contextuelle, qu’il s’agit d’une étendue herbeuse ou d’un chemin, le plus souvent l’impression produite est celle d’une zone abstraite qui échappe aux lois de la perspective. Par sa situation au bas du tableau et son extension d’un bord à l’autre ce bandeau prend figure de seuil, doublement : du monde qui se découvre dans la profondeur illusoire qu’institue le peintre, du tableau dont celui-ci organise la cohérence de proche en proche à partir de cette assise.

            Or, dans ses toiles,  Cézanne ne cesse de faire des infidélités à la perspective ainsi que de restreindre la profondeur apparente et, dans sa correspondance, il ne parle pas de beauté, notion subjective, mais d’« harmonie », qui résulte de « rapports » établis par le peintre. Il apparaît donc que les « seuils » de ces paysages sont l’analogue des légendes des cartes de géographie : ils énoncent, picturalement, les choix esthétiques du peintre et présentent les moyens —  couleurs dominantes, recours aux réserves, modalités de la facture, etc… —  auxquels il recourt préférentiellement dans l’œuvre concernée pour atteindre cette harmonie. Ainsi ces seuils assurent exemplairement le passage d’une peinture mimétique qui tire sa légitimité de la ressemblance des œuvres à leur modèle à une peinture interprétative dont la séduction tient aux libertés que le peintre s’accorde.

La communication s’appuiera sur l’analyse d’œuvres dont les reproductions seront projetées.

(le texte de la conférence est à venir)