CHAPITRE IV — UN LIEU PRIVILÉGIÉ : LE LOUVRE DE CEZANNE, 1860-1870

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Nous avons montré à quel point la fréquentation du Louvre a été vitale pour Cezanne tout au long de sa carrière[1]Cf. Cezanne copisteII – Quand Cezanne parle du Louvre… et Annexe I – Les traces dans la littérature des passages de Cezanne au Louvre.. Lieu par excellence de méditation sur les grands maîtres du passé constituant son Panthéon personnel[2]Cf. Cezanne copiste, III – Les sources artistiques des copies., il s’y livre également à l’essentiel de son activité de copiste[3]Rappelons que sur les 552 œuvres copiées identifiées, 288 sont des copies d’œuvres du Louvre, dont 175 copies de sculptures.. Ceci justifie que l’on consacre un chapitre de cette étude à explorer ces lieux privilégiés, dont l’influence sur Cezanne a été déterminante. Pendant les quarante ans de ce compagnonnage, il n’est guère étonnant de constater que si le Louvre a lui-même beaucoup changé, l’intérêt de Cezanne pour tel ou tel maître, telle ou telle œuvre, telle ou telle salle a également évolué. Les copies réalisées sur place jalonnent ces évolutions. Afin de mieux percevoir leur signification, il est donc utile de tenter de restituer le contexte matériel dans lequel se situaient alors les originaux copiés, tableaux, dessins et sculptures. Pour cela, en suivant le fil chronologique des copies, chacune des salles visitées sera décrite avec l’ensemble des œuvres qui entouraient celles que Cezanne décidait de copier.

C’est donc, lorsque nous examinerons les copies d’œuvres du Louvre, à une plongée dans le passé que nous allons nous livrer, accompagnant Cezanne dans ses pérégrinations et empruntant ses yeux pour voir ce qu’il a vu au long de ses visites dans le musée au fil du temps, et que les innombrables remaniements des contenus de chaque salle ont fait aujourd’hui entièrement disparaître.

Cependant, avant de commencer dans la seconde partie l’examen détaillé des copies et de reconstituer l’aspect des salles où Cezanne s’est arrêté, il est nécessaire pour nous imprégner de l’ambiance du temps de posséder une vision d’ensemble des lieux. Ce chapitre se consacre donc d’abord à une description des bâtiments eux-mêmes tels qu’il a pu alors les admirer en arrivant à Paris en 1861. On peut en effet imaginer, même si Cezanne ne s’est guère exprimé sur ce point, qu’il a été impressionné par la beauté et la majesté de l’ensemble architectural unique qui, né au début des années 1860, a fait du Louvre associé aux Tuileries le plus grand palais du monde au XIXe siècle. Voir le Louvre de l’extérieur dans toute sa splendeur ne pouvait que préparer mentalement le jeune Cezanne débarqué de sa province à apprécier les immenses ressources que ce musée mettait à sa disposition pour parfaire sa culture artistique et trouver son inspiration pour son œuvre propre. Une description globale de ce qu’il pouvait y trouver et de la façon dont fonctionnait cette immense machine, notamment pour les copistes, permettra alors de mieux appréhender comment Cezanne a pu en quelque sorte s’approprier le Louvre au fil du temps.

 

I – 1861 : LA DECOUVERTE DU LOUVRE

Rappelons que durant la dizaine d’années précédant l’arrivée de Cezanne à Paris, le Louvre a connu une profonde métamorphose, tant intérieure qu’extérieure.

  1. Le « Nouveau Louvre » de Napoléon III

En effet, c’est en 1852 que Napoléon III a décidé d’accomplir enfin ce « Grand Projet » dont tous ses prédécesseurs depuis Henri IV avaient rêvé : la réunion complète du château des Tuileries à celui du Louvre pour en faire un ensemble unique autour d’une immense cour. Si Catherine de Médicis puis Henri IV avaient déjà fait édifier la grande galerie bordant la Seine au sud pour faire la jonction entre ces deux palais, et Napoléon Ier un début de galerie symétrique au nord allant du pavillon de Marsan à l’extrémité nord des Tuileries jusqu’au pavillon de Rohan (encore inachevé), il restait tout de même à combler un grand vide de ce côté[4]Napoléon Ier fait aussi édifier l’arc de triomphe du Carroussel à partir de 1806, et raser partiellement en 1811 le vieux quartier datant du Moyen Âge compris entre le Louvre et les Tuileries avec son église Saint-Louis-du-Louvre.. La future cour du Carrousel était elle-même encore occupée par un îlot de maisons.

Fig. 1 — 1800-1815 Les travaux réalisés sous Napoléon Ier
( Extrait des plans d’îlots Vasserot, Archives Nationales, Cartes et plans, F/31/73-96 et Baldus.)

 

Fig. 2 – Reconstitution informatique
(Source https://www.louvrebible.org/oeuvre/231/annexes#carousel_listes)

 

Fig. 3 — Horace Vernet, Napoléon passant la garde en revue place du Carrousel -The Wallace Collection[5]On aperçoit au fond l’ébauche de l’aile nord à la construction inachevée : 6 travées sur 14 sont construites, on voit les échafaudages de la 7travée en construction..

A partir du projet de Visconti mené à bien par Lefuel et agréé par Napoléon III, un « Nouveau Louvre » s’édifie de 1852 à 1857.

Fig. 4 — Jean-Baptiste Ange Tissier, L’achèvement du Louvre. L’empereur approuvant les plans présentés par M. Visconti.

Il s’agit en effet de terminer la liaison au nord des Tuileries au Louvre entamée sous Napoléon Ier, puis de doubler sur la moitié de leur longueur les deux côtés nord et sud de la grande cour ainsi créée en adjoignant au Louvre l’aile dite de Richelieu au nord et celle de Denon au sud, avec leurs trois pavillons chacune[6]Voir en Annexe V quelques photos de Baldus prises pendant les travaux.. On fermait ainsi le quadrilatère en dégageant la cour du Carroussel[7]Il y demeurait encore quelques maisons. Haussmann, nommé à la Préfecture de la Seine le 23 juin 1853, et dont ce fut le premier travail, en fit place nette : « Ce fut une grande satisfaction pour moi que de raser tout cela pour mes débuts à Paris » (Georges Poisson, Quand napoléon III bâtissait le grand Louvre, napoleon.org). et en créant entre les deux nouvelles ailes la cour Napoléon, ornée de deux grands parterres arborés.

 

 

Fig. 5 — Édouard Baldus, Plan du Nouveau Louvre par L. Visconti (Getty Museum).

 

Fig. 6 — Le Louvre réuni aux Tuileries (gallica/bnf).

 Les photos prises par Baldus à l’achèvement des travaux des deux nouvelles ailes Richelieu et Denon mettent bien en évidence la radicalité de la transformation du site.

Fig. 7 — Edouard Denis Baldus, Vue d’ensemble du Nouveau Louvre prise des Tuileries, 1858. A gauche, l’aile Richelieu avec ses trois pavillons Turgot, Richelieu et Colbert. A droite le pavillon Mollien situé à l’extrémité ouest de l’aile Denon. Au fond au centre le pavillon Sully, d’où est prise la photo suivante.

 

Fig. 8 — Edouard Denis Baldus La Cour Napoléon vue du pavillon Sully, avec au fond les Tuileries, 1857.

 

Fig. 9 — Charles Fichot, Les Tuileries, le Louvre et la rue de Rivoli, vue panoramique, lithographie, 25 février 1858.

Repérons les diverses parties de cet ensemble monumental :

Fig. 10 — Édouard Denis Baldus, Le Louvre et les Tuileries (d’après les Plans officiels), 1853.

Lorsque Cezanne arrive à Paris en avril 1861, c’est donc un magnifique palais entièrement repensé et mis à neuf qu’il peut découvrir. Lefuel a particulièrement soigné toute la décoration extérieure, garnissant l’ensemble des ailes et pavillons d’une profusion de statues, de bas-reliefs et de frontons (pas loin de 600 en tout) ainsi que de décorations architecturales infiniment variées auxquelles contribuèrent plus de 300 sculpteurs, dont les plus grands noms de l’époque[8]Barye (8 statues), Chaudet (2), Rude (2), Carpeaux (4), Préault (3), Bosio (3), Carrier Belleuse, etc.. Ce n’est pas sans raison que Cezanne écrit à Huot le 4 juin 1861 à propos du Louvre (mais aussi du Luxembourg et de Versailles) qu’il y a vu d’admirable(s) monument(s).

 

  1. Cezanne découvre le Louvre

Comment Cezanne aborde-t-il le Louvre ? En venant de la rue d’Enfer où l’a installé son père fin avril 1861 et, un mois plus tard, de la rue des Feuillantines, toutes deux situées rive gauche non loin du palais du Luxembourg, Cezanne descend vers la Seine – peut-être s’arrête-t-il en passant devant les étals des bouquinistes – et traverse le pont des Arts.

Fig. 11 — Anonyme, Les bouquinistes quai de Seine, près du pont des Arts.

 

Fig. 12 — Le Pont des Arts face au pavillon des Arts (CPA).

En face de lui se déploie l’imposante aile sud de la Cour Carrée, avec en son centre le Pavillon des Arts par lequel on pénètre dans cette cour intérieure. Ce passage est le plus fréquenté par les visiteurs venant de la rive gauche :

Fig. 13 — Edouard Denis Baldus, La Façade méridionale du Vieux Louvre, le long de la Seine, 1857.

Imaginons le jeune Cezanne découvrant cette imposante façade à l’ordonnance classique : il ne peut qu’être impressionné par la « force tranquille » de cette architecture voulue par Louis XIV, et qui fait écho à toute sa formations scolaire classique éprise de rigueur. Cette impression ne peut qu’être renforcée encore si, à la sortie du pont, il contemple sur sa gauche l’imposante enfilade de la grande galerie du Bord de l’Eau qui s’éloigne vers l’ouest le long de la Seine jusqu’au pavillon de Flore :

Fig. 14 — Les Frères Bisson – Le Louvre face au pont des Arts, du pavilloon de Flore à la Colonnade du Louvre.

S’il se dirige vers la droite avant d’entrer dans le palais, il découvre alors la monumentale colonnade de Perrault avec en son centre le pavillon de Saint-Germain-l’Auxerrois, autrefois entrée principale du Louvre par laquelle il peut également pénétrer dans la Cour carrée.

Fig. 15 — La colonnade de Perrault. (CPA).

 

Fig. 16 — Edouard Denis Baldus, La façade de la Colonnade de Perrault, 1857. Au centre la porte de Saint-Germain-l’Auxerrois.

 

  1. Cezanne dans la Cour carrée

Impressionné, Cezanne ne peut que l’être aussi, passant par le monumental vestibule du pavillon des Arts, en découvrant le bel ordonnancement de la Cour carrée.

Fig. 17 — De Wailly, Vestibule de la Cour carrée du Louvre, gravure vers 1790 (gallica-bnf).

 

Fig. 18 — De droite à gauche, les trois façades de Le Vau, sud, est et nord. À droite le pavillon des Arts, en face le pavillon de Saint-Germain-l’Auxerrois, à gauche le pavillon Marengo.

 

Fig. 19 — Edouard Denis Baldus, La façade nord et le pavillon Marengo1 1854.

Se tournant vers l’ouest, Cezanne ne peut qu’être sensible au choc des styles et des décorations entre les trois façades classiques de Le Vau, à la composition quelque peu austère, et l’ordonnancement, baroque en comparaison, du pavillon de l’Horloge, avec ses deux ailes Renaissance à la décoration surabondante :

Fig. 20 De gauche à droite, ailes sud (pavillon des Arts), ouest (pavillon de l’Horloge avec à gauche l’aile Lescot et à droite l’aile Lemercier) et nord (pavillon Marengo) vus de l’entrée du pavillon Saint-Germain-l’Auxerrois.

 

Fig. 21 — La Cour carrée, estampe 1860 (gallica-bnf).

 

Chaque élément du décor mêlant statues, bas et hauts reliefs sur les trois niveaux des deux ailes du pavillon de l’Horloge avec ses magnifiques cariatides est remarquable par la qualité de sa réalisation et l’équilibre de l’ensemble.

Fig. 22 — Porte de gauche de l’aile Lescot.

 

Fig. 23 — Baldus, Le pavillon de l’Horloge, 1856

Si l’ensemble du décor sculpté est de Jean Goujon, lorsque Cezanne visite la Cour carrée en 1861, la plupart des statues entourant les portes et celles des niches du second niveau sont installées depuis 1859, mais il reste encore quelques vides à combler comme on le voit sur la photo de Baldus.

Quelques exemples de sculptures :

Fig. 24 à 26 —  Gilles Guérin, Cariatide — Henri Frédéric Iselin, Euripyle, 1860 — Jean Goujon, Archimède.

Par la grande diversité des sujets représentés, cette aile ouest peut déjà faire pressentir à Cezanne l’immense variété des ressources offertes par le Louvre, qui s’est voulu, depuis qu’il accueille les collections artistiques de la France, une véritable encyclopédie des arts de toutes les époques et de tous les lieux. En témoigne dans la pierre le fronton de gauche de l’aile Lemercier sculpté par Jean Moitte, véritable pot-pourri culturel :

Fig. 27 — Un aperçu du programme culturel du Louvre : la Grèce (Thucydide et Hérodote), Rome (Numa Pompilius), L’Egypte ancienne (isis), la Bible (Moïse) et même l’empire Inca (Manco Capac).

  1. Cezanne dans la cour Napoléon et la cour du Carrousel

Bien entendu, on peut imaginer que passant sous le pavillon de l’Horloge, Cezanne a rejoint la Cour Napoléon pour admirer les deux nouvelles ailes de Lefuel, toutes neuves, avec leur splendide conception architecturale rythmée chacune autour d’un pavillon central avec deux pavillons à chaque extrémité, leur galerie couverte et leur avalanche de statues d’hommes célèbres (86 statues des terrasses et 63 groupes allégoriques au sommet des façades). Ces ailes sont symétriquement rattachées à l’aile ouest de la Cour carrée, la partie plus ancienne du Louvre avec en son centre le pavillon de l’Horloge qui prend de ce côté le nom de pavillon Sully (cf. Fig. 10).

Fig. 28 — Edouard Denis Baldus, La cour Napoléon et le pavillon Sully vus de l’aile Turgot, 1852-1857. Entourant le Pavillon Sully, les ailes Henri IV à gauche et Henri II à droite.

Fig. 29 — Aile Richelieu de Turgot (1er plan)  à Colbert (au fond).

Fig. 30 — Baldus, Le pavillon Richelieu (aile nord), 1857.

 

Fig. 31 — Le pavillon Denon (aile sud), 1857.

S’avançant encore, Cezanne parvient à la cour du Carrousel, largement fréquentée par le public jusqu’à la limite du domaine impérial du château des Tuileries, marquée par une grille de séparation qui traverse toute la cour du Carrousel du nord au sud et par l’arc de triomphe érigé par Napoléon Ier en 1806 qui en marque l’entrée. Cezanne a pu y assister aux revues militaires fréquemment conduites en cet endroit depuis lors, ou se mêler aux badauds pour lesquels il y a là un lieu de promenade privilégié par la vue qu’il offre à la fois sur le Louvre et sur les Tuileries.

Fig. 32 — Hippolyte Bellangé, Un jour de revue sous l’empire, 1810

Fig. 33 — J. Schroeder, Arc de Triomphe du Carrousel, 1853.

 

Fig. 34 — A. Rouargue, Place du Carrousel, 1856.

 

Fig. 35 — Affluence sur la Place du Carrousel, vers 1869 (Neurdein Frères)

Fig. 36 — Affluence sur la place du Carrousel (CPA).

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II – A LA DECOUVERTE DES RICHESSES DU LOUVRE

Durant cette promenade à l’extérieur du monument, Cezanne a pu se remplir les yeux de la magnificence des lieux, n’ayant jamais eu l’occasion dans son enfance aixoise d’admirer de si monumentales constructions. C’est là une bonne préparation à ce qui l’attend maintenant au cœur du Musée. Imaginons donc Cezanne pénétrant à l’intérieur du Louvre et découvrant peu à peu l’immensité des ressources d’art mises à sa disposition.

Pour cela, immergeons-nous dans le Louvre des années 1860-70 tel qu’il se présente à lui. Il faut se souvenir, comme pour l’extérieur du monument, que depuis Napoléon Ier, sous Denon, mais surtout depuis l’avènement de Napoléon III sous l’impulsion du comte de Nieuwerkerke, des travaux très considérables d’aménagement et de décoration de l’intérieur du nouveau Louvre ont été conduits. Par exemple, on a fait venir le jour dans toute la longueur de la Grande Galerie par de vastes verrières pratiqués dans la toiture ; la galerie d’Apollon, qui menaçait ruine, a été splendidement restaurée[9]« Avec son ornementation somptueuse et les objets précieux qui y sont exposés, la galerie d’Apollon est sans rivale en Europe » Pierre Marcy, Guide populaire dans les Musées du Louvre, Paris, Librairie du Petit Journal, 1867. et la décoration du plafond confiée à Delacroix ; la salle des Sept Cheminées et le Salon carré[15] ont été superbement décorés[10]Prosper Mérimée dans la Revue des deux mondes au sujet du Salon Carré tel qu’il se présentait avant 1848 : « Chacun s’est demandé si des Raphaëls et des Titiens (sic) devaient être suspendus sur des murailles mal crépies et s’il était décent d’exposer tant de trésors dans une salle qui, pour la décoration, ressemblait fort à une écurie ! ». Bien entendu, la décoration composée par l’architecte Félix Durban, considérée comme trop chargée, a trouvé ses détracteurs, dénonçant « des intérieurs trop ornés, dont les œuvres d’art, loin de tirer une mise en valeur, (semblent) presque des accessoires » (Henri Verne, Plan d’extension et de regroupement méthodique des collections du musée du Louvre, Paris 1927)., etc.

Fig. 37 — Hubert Robert, La Grande Galerie, vers 1795, au moment de sa première ouverture au public.

Fig. 38 — Thomas Allom, La Grande Galerie,1841, projet d’éclairage.

Les travaux d’aménagement sont toujours en cours lorsque Cezanne pénètre pour la première fois au Louvre en 1861. La plus grande partie sera terminée en 1864, lorsque Cezanne commence à copier au Louvre, mais dès 1861 la somptuosité de ces aménagements n’a pu que l’impressionner fortement, lui qui n’avait connu que le Musée Granet…

Plus remarquable encore, un travail muséographique de fond a été accompli par les conservateurs dirigés par le surintendant des Beaux-Arts, le Comte de Nieuwerkerke, à l’énergie inlassable au service du musée durant tout l’Empire. Les œuvres ont été regroupées en cinq départements, donnant naissance à de nouveaux musées :

  • Le département des antiquités égyptiennes.
  • Le département des Antiques et de la sculpture moderne, avec ses 4 sections :
    • Monuments assyriens , babyloniens , phéniciens, palmyréniens, juifs et arabes ;
    • Monuments grecs, étrusques, romains ;
    • Monuments américains ;
    • Sculpture moderne.
  • Le département du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes, avec en son sein le Musée des Souverains[11]Créé par un décret du 15 février 1852, il expose 430 objets précieux de toutes sortes ayant appartenu aux différents souverains de la France, depuis Pépin le Bref jusqu’à Napoléon II. Il connaît un très grand succès populaire..
  • Le département des peintures, des dessins et de la chalcographie.
  • Le département de la Marine et de l’Ethnographie.

Transversal à cette organisation, ses collections extrêmement variées relevant de plusieurs départements, a aussi été installé en 1862 le Musée Napoléon III, qui expose aux yeux du public les extraordinaires collections de l’Empereur, dont la collection Campana achetée en 1862, riche de 12 000 pièces[12]« L’histoire de la collection Campana a été plusieurs fois racontée. Napoléon III, moyennant la somme de
4.360.440 francs, devint possesseur de 646 tableaux, des bijoux, des statues que Campana, directeur du Mont-de-Piété de Rome, avait pu, grâce à sa fonction, acquérir à bon compte. Ce fonds constitua le Musée Napoléon III qui fut exposé au Palais de l’Industrie en 1862. Par le décret de Vichy, du 11 juillet 1862, l’Empereur décida de répartir cette collection entre le Louvre et les Musées de province. Sur 646 tableaux le conservateur des peintures du Louvre, Reiset, en choisit 97 ; l’Académie des
Beaux-Arts, chargée de contrôler l’opération, jugea Reiset trop discret ou trop dédaigneux et ajouta 206 tableaux. Le
Louvre recevait donc plus de 300 tableaux. Soixante-sept 
musées se partagèrent les tableaux restants. On divisa les triptyques, on sépara les pièces de série. En 1872, sur les
 300 tableaux du Louvre, 141 furent à leur tour envoyés en province. On a vivement accusé Reiset de n’avoir pas compris l’intérêt de cette collection qui, groupée, était pour les travailleurs un admirable instrument de travail ; mais il faut dire que, sous l’Empire, la conception que l’on se faisait des musées n’était pas celle d’aujourd’hui. Pour Reiset, comme pour ses contemporains, le Louvre devait conserver uniquement les
 plus grands chefs-d’œuvre de la peinture ; il s’adressait beaucoup plus aux artistes qu’aux historiens. Le souci du document archéologique n’existait pas encore. » Gaston Brière, Histoire des collections de peinture au Musée du Louvre, Paris, Musées Nationaux, Palais du Louvre, 1930.. Tout au long de son règne, celui-ci a aussi fait de très nombreux dons à chacun des départements, dont les collections se sont continûment et considérablement enrichies par une active politique d’accroissement, ainsi que par des dons de particuliers et d’institutions diverses tout à fait conséquents : plus de 20 000 objets d’arts[13]Dont 734 tableaux s’ajoutant aux 10 109 inscrits à l’inventaire de 1852, 1 150 dessins environ s’ajoutant aux 35 000 présents au début du règne, 700 planches gravées en plus des  3900 présentes en 1850, etc., sans compter les 640 peintures et dessins du Musée Napoléon III., sans compter le Musée Napoléon III, se sont ajoutés aux collections du Louvre de 1850 à 1868.

Tout ceci s’est traduit par l’ouverture de nouvelles salles en très grand nombre. Qu’on en juge : « Bien que le nombre des objets d’art envoyés d’Italie et d’Allemagne à la suite des conquêtes de Napoléon Ier fût très-considérable, tous ces objets réunis à ceux faisant antérieurement partie de la Couronne, étaient exposés dans dix-neuf salles du Louvre et surveillés par dix-sept gardiens. Pendant les règnes de Louis XVIII et de Charles X, le nombre des salles ouvertes fut de quarante-quatre, et celui des gardiens de trente-quatre. Sous Louis-Philippe, les collections prirent un grand accroissement ; il fallut quatre-vingt-neuf salles pour les contenir et le personnel des gardiens s’éleva à soixante-sept. Depuis le règne de Napoléon III, le Louvre a été en quelque sorte complètement transformé extérieurement et intérieurement. Cent trente-deux salles sont livrées au public et à l’étude, et cent dix-sept gardiens suffisent à peine au service qu’elles exigent. »[14]Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke,… sur la situation des musées impériaux pendant le règne de S. M. Napoléon III (1853- 1868). Paris, Charles de Mourgues Frères, Imprimeurs des Musées impériaux,1868. Depuis 1857, les Salons annuels se tiennent au palais des Beaux Arts, avenue Montaigne, libérant ainsi les salles autrefois encombrées par des panneaux d’accrochage recouvrant les œuvres en exposition permanente et donc les rendant indisponible durant lesdits Salons.

Fig. 39 — Louis Béroud, Un gardien (1912).

Au sein de chaque département, un énorme travail de présentation et de classification a été accompli. Ainsi, dans le département des peintures, à un accrochage des œuvres d’art dans les galeries faite avant 1848 sans autre méthode que l’identification des peintures par nationalités a succédé une présentation regroupant les œuvres par écoles et par ordre chronologique dans des salles spécifiquement dédiées, en même temps qu’étaient établis des inventaires généraux, des catalogues rigoureux et des notices précises pour chaque œuvre. Célèbres dans toute l’Europe, ces catalogues sont considérés comme des instruments essentiels d’éducation à l’art et à l’histoire de l’art[15]« Les catalogues peuvent être achetés à l’entrée, les écoles italienne et espagnole 2 fr., néerlandaise et allemande 1 fr., française 3 fr., le tout relié 7 fr. 75 ch. Ces catalogues contiennent des renseignements abondants et intéressants sur les tableaux et leur histoire, les artistes et leur biographie, et sont indispensables à ceux qui désirent une connaissance intime de la galerie.(…) Par un arrangement très récemment introduit, les images sont toutes en train d’être munies de cartouches, enregistrant les noms des artistes, les dates de leur naissance et mort, et les descriptions des peintures extraites du catalogue officiel. Cela a déjà été fait dans le Salon Carré et est en cours dans la Galerie italienne. », Pierre Marcy, op. cit.. Ce travail sera constamment poursuivi et amélioré tout au long de l’Empire.

Ainsi s’accomplit le vœu de la Convention, qui en créant le musée du Louvre en 1793 voulait qu’il devînt « un sanctuaire où les peuples s’élèveront par la connaissance de la beauté » Cet objectif moral est alors fortement affirmé : il s’agit de « répandre dans toutes les classes de la société́ le goût du bien par la contemplation du beau. »[16]Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke, op. cit. Belle illusion romantique, mais faisant partie des poncifs obligés du XIXe siècle.

Mais surtout, le projet du musée est de devenir une encyclopédie la plus exhaustive possible de toutes les formes d’arts plastiques, permettant de suivre le développement de chaque art depuis les origines : toutes les écoles et toutes les époques doivent être représentées. Bien entendu, des lacunes subsistent, qui seront peu à peu et parfois inégalement comblées[17]Par exemple en matière de primitifs italiens et français, ce qui n’a pas favorisé l’intérêt que Cezanne aurait pu porter à ces artistes, qu’il n’apprécie guère : « du coloriage de missel » selon le propos rapporté par Gasquet, cf. chapitre II., mais incontestablement, dès les années 1860, le Louvre est la plus vaste, la plus belle galerie de l’Europe. Comme l’écrit le Comte de Nieuwerkerke : « Nous n’hésitons pas à dire que ce musée est le premier du monde. (…) Aucun ne présente un ensemble aussi complet des productions de toutes les écoles et de tous les temps. Les salles et les galeries du palais de François Ier et de Henri II (sont devenues) le palais de Raphaël, de Titien, de Rubens et du Poussin. »[18]apport de M. le comte de Nieuwerkerke, op. cit.

Ceci est d’autant plus vrai que très concrètement, de grands efforts ont été accomplis pour permettre la plus large fréquentation possible de tous les publics – lequel est au rendez-vous, le musée ne désemplit pas. Comme le rappelle encore le Comte de Nieuwerkerke : « Ma première pensée sera toujours de concilier ces deux termes du problème d’une bonne direction : prendre le plus grand soin des ouvrages d’art, et faire aux amateurs, aux artistes, au grand public désireux de s’instruire, la part la plus large qu’il soit permis de leur faire sans péril pour les œuvres, objet de leur admiration et de leurs études. »[19]Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke, op. cit.

Sous son impulsion, les conditions d’entrée au musée en vigueur jusqu’en 1850, assez sévères[20]Fréquentation libre uniquement le dimanche, et pour être admis les jours de semaine (sauf le lundi, jour de fermeture) nécessité de présenter une carte d’artiste ou d’élève d’un professeur connu, et un passeport pour les étrangers, obligation de déposer cannes, parapluies et ombrelles avant de visiter les salles…, ont toutes été levées. Tous les publics sont désormais admis à visiter librement les salles de leur choix tous les jours de 10 heures à 16 heures. Seuls les copistes doivent déposer une demande écrite pour obtenir l’autorisation de copier telle toile (ou telle gravure au cabinet des estampes quand elle n’est pas en exposition). Ces copies peuvent se faire de 8 heures ou 9 heures du matin (selon la saison) jusqu’à 16 heures le soir[21]Dès sa création, le musée du Louvre permet aux artistes de copier dans les galeries : il suffit de s’inscrire sur un registre pour y être autorisé. Assez rapidement cependant, le nombre croissant de demandes oblige l’administration à émettre quelques règles —notamment de discipline, rappelant le caractère turbulent des « rapins » — et à instaurer des contraintes nouvelles : les artistes doivent présenter la recommandation d’un maître — dès 1864, celui-ci doit être médaillé — ou d’une école, et doivent inscrire le nom de l’œuvre copiée ; pour les tableaux les plus prisés, l’administration impose une durée limitée à l’étude et un nombre restreint de copistes par œuvre et organise des listes d’attente.

Très généreuse avec les copistes, l’administration du musée déplace parfois des œuvres pour les installer à hauteur d’étude, ou même dans des cabinets particuliers au sein du musée ; certains copistes, particulièrement réputés ou bénéficiant d’une recommandation prestigieuse, obtiennent même du Louvre que l’œuvre soit envoyée pour une durée limitée à leur domicile !

Fig. 40 — Princesse Mathilde, Portrait du comte de Nieuwerkerke, 1856.

 

Fig. 41 — La copie, un sport périlleux pour les dames… (De Vinck, Le grand salon carré et la Galerie du Louvre un jour d’étude, 1852, BNF).

En outre une salle spéciale a été aménagée au second étage où les savants et les artistes peuvent sur demande se faire présenter les objets délicats ou précieux conservés dans les vitrines, les portefeuilles (pour les dessins) ou les dépôts afin de les étudier plus à loisir. Enfin, la permission de moulage des sculptures est libéralement accordée sur demande, pour compléter le vaste catalogue des moulages déjà disponibles et dont le nombre a été considérablement augmenté et leur prix fortement abaissé pour permettre la diffusion des chefs d’œuvre du Louvre dans les musées de province et les écoles d’art.

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III – CEZANNE S’APPROPRIE LE LOUVRE

Tout ceci permet de mieux comprendre la vérité profonde pour Cezanne de l’affirmation qu’il réitèrera sous plusieurs formes : « Le Louvre est le livre où nous apprenons à lire. »[22]Cf. Cezanne copiste, Chapitre I : Le Louvre, haut lieu de la formation artistique.

On peut supposer qu’il a visité tous les musées et toutes les salles, vu son assiduité – quasi quotidienne à certaines périodes – soulignée par ses contemporains. Cependant, ce que l’on sait de ses goûts montre que son intérêt était inégalement réparti, et que les copies n’en donnent pas une image exacte[23]Cf. Cezanne copiste, Chapitre III : Les sources artistiques des copies. : Cezanne butine dans les collections de façon assez anarchique au fil du temps. Par exemple, comme on l’a vu, il privilégie la copie des sculptures les plus célèbres ou celles qu’il connaît déjà pour en avoir vu les plâtres à Aix, plutôt que de rechercher la nouveauté, et il copie très peu de peintures parce que les conditions matérielles d’encombrement des salles par une foule trop dense l’en découragent. Les copies nous offrent cependant le fil d’Ariane qui nous indique les salles où il s’est arrêté pour travailler : aussi, leur description aux différentes périodes nous permet de réfléchir à ce qui a pu motiver ses choix de copier telle ou telle oeuvre parmi toutes celles qui s’offraient à son regard.

Au rez-de chaussée du musée, Cezanne a privilégié pour ses copies les salles relatives aux sculptures antiques, modernes et de la Renaissance[24]175 copies de sculptures réalisées au Louvre. Cezanne a également visité les musées égyptien, assyrien, algérien et de l’Asie mineure situés au même niveau, mais nous n’en avons aucune trace dans ses copies., directement accessibles par l’intérieur de la Cour carrée.

Fig. 42— Plan global des principales salles du rez de chaussée du Musée entre 1861 et 1868.
(Guide Joanne 1862)

  • le musée des sculptures antiques occupe la plus grande surface. On y entre sous le pavillon Sully directement dans la célèbre salle des cariatides qui couvre la plus grande partie de l’aile Lescot, à la gauche du pavillon de l’Horloge. Il se prolonge ensuite d’un côté dans la partie ouest de l’aile sud de la Cour carrée jusqu’au pavillon des Arts, et de l’autre vers le sud dans les salles de l’aile Denon qui relient l’ancien Louvre au rez-de-chaussée de la grande Galerie (voir le plan fig. 145). Cezanne y réalise 63 copies de 29 sculptures différentes ;
  • Le musée des sculptures du Moyen Âge et de la Renaissance occupe la partie est de l’aile sud de la Cour carrée. Une fois passée l’entrée du pavillon des Arts pour pénétrer dans cette cour, on y entre par une porte située à droite. Cezanne y réalise 19 copies de 6 sculptures différentes ;
  • Le musée des sculptures modernes occupe l’aile Lemercier, à la droite du pavillon de l’Horloge. On y entre par une porte située à peu près en son centre. Cezanne y réalise 93 copies de 30 sculptures différentes, soit l’essentiel de ses copies de sculptures.

Comme nous l’avons déjà souligné, il est assez étonnant que cette fréquentation très assidue des musées de sculpture n’ait laissé pratiquement aucune trace dans la littérature ni dans la correspondance, en écho au mutisme complet de Cezanne quant à sa relation à l’art majeur de la sculpture[25]Cf. Cezanne copiste sous le Second Empire, 2partie, II -5, note 15..

Fig. 43 — Plan des principales salles du 1er étage du Musée entre 1861 et 1868.
(Guide Joanne 1862)

Au premier étage, on imagine aisément que Cezanne a surtout hanté les salles des peintures, même s’il en a peu copié (71 copies pour 38 tableaux copiés), compte tenu de l’incommodité pour lui de s’installer pour peindre ou dessiner au milieu de la cohue qui encombrait ces galeries[26]Cf.Cezanne copiste sous le Second Empire, 1ere partie, II-2. Cezanne a évidemment visité les salles du Musée Napoléon III et celles du musée des Souverains, également à cet étage, mais nous n’en avons aucune trace, pas plus que d’éventuelles visites au musée de la Marine et aux collections ethnographiques d’Afrique, de Chine, d’Inde, etc., situés au second étage..

Fig. 44 — François Biard, Quatre heures au Salon, vers 1855.

 

Fig. 45 — On ferme !

 

Fig. 46 — Gustave Janet, Une visite au Louvre en hiver – Types de visiteurs et d’habitués (Le Monde illustré, 17/11/1877)

On le trouvera aussi dans les salles des dessins (32 copies pour 19 dessins copiés) et au cabinet des estampes (3 gravures copiées une fois chacune dans le musée de chalcographie).

Pour ce qui est de la disposition des tableaux dans les salles aux différentes périodes allant de 1860 à 1900, nous pourrons nous appuyer sur d’assez nombreuses descriptions présentes dans divers guides de voyage comme les Joanne ou les Baedecker, quelques catalogues et d’assez nombreuses études d’auteurs contemporains comme celles de Courajod, Gonse, ou Vitry[27]On trouvera la liste de ces sources en Annexe XI. Il existe aussi quelques photographies ou gravures représentant certaines salles, précieuses pour nous permettre d’appréhender l’atmosphère qui pouvait y régner.

Il est utile de se représenter les modifications des diverses salles au cours des années, quand on sait à quels bricolages les différents conservateurs ont été contraints de se livrer dans leur lutte constante pour créer des collections homogènes respectant une certaine unité de lieu, alors que le manque de place était endémique et n’a cessé de s’aggraver durant les 40 années qui nous intéressent. De même, les choix muséographiques ont eux aussi beaucoup évolué en fonction des changements des conceptions esthétiques ou des goûts personnels des conservateurs[28]Pour une analyse approfondie des modifications relatives à la sculpture, on se reportera avec profit à la magistrale et passionnante étude de Geneviève Bresc-Bautier, Exposer la sculpture au Louvre au temps de Rodin, 1860-1914, Cahiers de l’École du Louvre, n° 8, mai 2016, visible ici : http://cel.revues.org/337 ISSN : 2262-208X. Tout cela n’a pu échapper à Cezanne, visiteur fidèle de lieux dont il a pu observer les transformations successives.

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Au terme de cette première partie, le décor est planté. Nous pouvons maintenant, dans la seconde partie de cette étude, nous livrer à l’analyse détaillée des copies réalisées au fil du temps, que ce soit chez lui ou au Louvre. Pour ces dernières, nous allons le suivre à la trace dans les salles qu’il a privilégiées pour mieux comprendre ses choix.

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Vers le Chapitre V

Références

Références
1 Cf. Cezanne copisteII – Quand Cezanne parle du Louvre… et Annexe I – Les traces dans la littérature des passages de Cezanne au Louvre.
2 Cf. Cezanne copiste, III – Les sources artistiques des copies.
3 Rappelons que sur les 552 œuvres copiées identifiées, 288 sont des copies d’œuvres du Louvre, dont 175 copies de sculptures.
4 Napoléon Ier fait aussi édifier l’arc de triomphe du Carroussel à partir de 1806, et raser partiellement en 1811 le vieux quartier datant du Moyen Âge compris entre le Louvre et les Tuileries avec son église Saint-Louis-du-Louvre.
5 On aperçoit au fond l’ébauche de l’aile nord à la construction inachevée : 6 travées sur 14 sont construites, on voit les échafaudages de la 7travée en construction.
6 Voir en Annexe V quelques photos de Baldus prises pendant les travaux.
7 Il y demeurait encore quelques maisons. Haussmann, nommé à la Préfecture de la Seine le 23 juin 1853, et dont ce fut le premier travail, en fit place nette : « Ce fut une grande satisfaction pour moi que de raser tout cela pour mes débuts à Paris » (Georges Poisson, Quand napoléon III bâtissait le grand Louvre, napoleon.org).
8 Barye (8 statues), Chaudet (2), Rude (2), Carpeaux (4), Préault (3), Bosio (3), Carrier Belleuse, etc.
9 « Avec son ornementation somptueuse et les objets précieux qui y sont exposés, la galerie d’Apollon est sans rivale en Europe » Pierre Marcy, Guide populaire dans les Musées du Louvre, Paris, Librairie du Petit Journal, 1867.
10 Prosper Mérimée dans la Revue des deux mondes au sujet du Salon Carré tel qu’il se présentait avant 1848 : « Chacun s’est demandé si des Raphaëls et des Titiens (sic) devaient être suspendus sur des murailles mal crépies et s’il était décent d’exposer tant de trésors dans une salle qui, pour la décoration, ressemblait fort à une écurie ! ». Bien entendu, la décoration composée par l’architecte Félix Durban, considérée comme trop chargée, a trouvé ses détracteurs, dénonçant « des intérieurs trop ornés, dont les œuvres d’art, loin de tirer une mise en valeur, (semblent) presque des accessoires » (Henri Verne, Plan d’extension et de regroupement méthodique des collections du musée du Louvre, Paris 1927).
11 Créé par un décret du 15 février 1852, il expose 430 objets précieux de toutes sortes ayant appartenu aux différents souverains de la France, depuis Pépin le Bref jusqu’à Napoléon II. Il connaît un très grand succès populaire.
12 « L’histoire de la collection Campana a été plusieurs fois racontée. Napoléon III, moyennant la somme de
4.360.440 francs, devint possesseur de 646 tableaux, des bijoux, des statues que Campana, directeur du Mont-de-Piété de Rome, avait pu, grâce à sa fonction, acquérir à bon compte. Ce fonds constitua le Musée Napoléon III qui fut exposé au Palais de l’Industrie en 1862. Par le décret de Vichy, du 11 juillet 1862, l’Empereur décida de répartir cette collection entre le Louvre et les Musées de province. Sur 646 tableaux le conservateur des peintures du Louvre, Reiset, en choisit 97 ; l’Académie des
Beaux-Arts, chargée de contrôler l’opération, jugea Reiset trop discret ou trop dédaigneux et ajouta 206 tableaux. Le
Louvre recevait donc plus de 300 tableaux. Soixante-sept 
musées se partagèrent les tableaux restants. On divisa les triptyques, on sépara les pièces de série. En 1872, sur les
 300 tableaux du Louvre, 141 furent à leur tour envoyés en province. On a vivement accusé Reiset de n’avoir pas compris l’intérêt de cette collection qui, groupée, était pour les travailleurs un admirable instrument de travail ; mais il faut dire que, sous l’Empire, la conception que l’on se faisait des musées n’était pas celle d’aujourd’hui. Pour Reiset, comme pour ses contemporains, le Louvre devait conserver uniquement les
 plus grands chefs-d’œuvre de la peinture ; il s’adressait beaucoup plus aux artistes qu’aux historiens. Le souci du document archéologique n’existait pas encore. » Gaston Brière, Histoire des collections de peinture au Musée du Louvre, Paris, Musées Nationaux, Palais du Louvre, 1930.
13 Dont 734 tableaux s’ajoutant aux 10 109 inscrits à l’inventaire de 1852, 1 150 dessins environ s’ajoutant aux 35 000 présents au début du règne, 700 planches gravées en plus des  3900 présentes en 1850, etc., sans compter les 640 peintures et dessins du Musée Napoléon III.
14 Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke,… sur la situation des musées impériaux pendant le règne de S. M. Napoléon III (1853- 1868). Paris, Charles de Mourgues Frères, Imprimeurs des Musées impériaux,1868. Depuis 1857, les Salons annuels se tiennent au palais des Beaux Arts, avenue Montaigne, libérant ainsi les salles autrefois encombrées par des panneaux d’accrochage recouvrant les œuvres en exposition permanente et donc les rendant indisponible durant lesdits Salons.
15 « Les catalogues peuvent être achetés à l’entrée, les écoles italienne et espagnole 2 fr., néerlandaise et allemande 1 fr., française 3 fr., le tout relié 7 fr. 75 ch. Ces catalogues contiennent des renseignements abondants et intéressants sur les tableaux et leur histoire, les artistes et leur biographie, et sont indispensables à ceux qui désirent une connaissance intime de la galerie.(…) Par un arrangement très récemment introduit, les images sont toutes en train d’être munies de cartouches, enregistrant les noms des artistes, les dates de leur naissance et mort, et les descriptions des peintures extraites du catalogue officiel. Cela a déjà été fait dans le Salon Carré et est en cours dans la Galerie italienne. », Pierre Marcy, op. cit.
16, 19 Rapport de M. le comte de Nieuwerkerke, op. cit.
17 Par exemple en matière de primitifs italiens et français, ce qui n’a pas favorisé l’intérêt que Cezanne aurait pu porter à ces artistes, qu’il n’apprécie guère : « du coloriage de missel » selon le propos rapporté par Gasquet, cf. chapitre II.
18 apport de M. le comte de Nieuwerkerke, op. cit.
20 Fréquentation libre uniquement le dimanche, et pour être admis les jours de semaine (sauf le lundi, jour de fermeture) nécessité de présenter une carte d’artiste ou d’élève d’un professeur connu, et un passeport pour les étrangers, obligation de déposer cannes, parapluies et ombrelles avant de visiter les salles…
21 Dès sa création, le musée du Louvre permet aux artistes de copier dans les galeries : il suffit de s’inscrire sur un registre pour y être autorisé. Assez rapidement cependant, le nombre croissant de demandes oblige l’administration à émettre quelques règles —notamment de discipline, rappelant le caractère turbulent des « rapins » — et à instaurer des contraintes nouvelles : les artistes doivent présenter la recommandation d’un maître — dès 1864, celui-ci doit être médaillé — ou d’une école, et doivent inscrire le nom de l’œuvre copiée ; pour les tableaux les plus prisés, l’administration impose une durée limitée à l’étude et un nombre restreint de copistes par œuvre et organise des listes d’attente.

Très généreuse avec les copistes, l’administration du musée déplace parfois des œuvres pour les installer à hauteur d’étude, ou même dans des cabinets particuliers au sein du musée ; certains copistes, particulièrement réputés ou bénéficiant d’une recommandation prestigieuse, obtiennent même du Louvre que l’œuvre soit envoyée pour une durée limitée à leur domicile !

22 Cf. Cezanne copiste, Chapitre I : Le Louvre, haut lieu de la formation artistique.
23 Cf. Cezanne copiste, Chapitre III : Les sources artistiques des copies.
24 175 copies de sculptures réalisées au Louvre. Cezanne a également visité les musées égyptien, assyrien, algérien et de l’Asie mineure situés au même niveau, mais nous n’en avons aucune trace dans ses copies.
25 Cf. Cezanne copiste sous le Second Empire, 2partie, II -5, note 15.
26 Cf.Cezanne copiste sous le Second Empire, 1ere partie, II-2. Cezanne a évidemment visité les salles du Musée Napoléon III et celles du musée des Souverains, également à cet étage, mais nous n’en avons aucune trace, pas plus que d’éventuelles visites au musée de la Marine et aux collections ethnographiques d’Afrique, de Chine, d’Inde, etc., situés au second étage.
27 On trouvera la liste de ces sources en Annexe XI
28 Pour une analyse approfondie des modifications relatives à la sculpture, on se reportera avec profit à la magistrale et passionnante étude de Geneviève Bresc-Bautier, Exposer la sculpture au Louvre au temps de Rodin, 1860-1914, Cahiers de l’École du Louvre, n° 8, mai 2016, visible ici : http://cel.revues.org/337 ISSN : 2262-208X