Études générales

L’utopie photographique de John Rewald (Jean Arrouye)

 

Études réalisées par François Chédeville :

Introduction

Études réalisées par Geneviève Blanc :

Introduction

François Chédeville

De nombreux chercheurs se sont intéressés par le passé à la découverte de la position précise occupée par Cezanne face à un paysage objet d’une de ses « études », qu’il s’agisse de peintures, de dessins ou d’aquarelles. En effet, pouvoir comparer l’oeuvre avec l’original dans les mêmes conditions que l’artiste est riche d’enseignements quant à sa technique ou ses choix artistiques. Parmi les recherches les plus récentes, il convient de citer en particulier celles de Pavel Machotka, dont le « Landscape into Art » fait désormais autorité en la matière.

Pour notre part, nous nous contenterons plus modestement dans les études qui vont suivre de tenter de déterminer avec la plus grande précision possible la position du peintre, laissant à d’autres, mieux qualifiés, le soin d’en tirer toutes les conclusions esthétiques qu’il convient.

L’originalité de ces études tient en réalité à la méthodologie que nous avons appliquée, puisque celle-ci repose d’abord sur la consultation et l’analyse de documents divers, et non sur la recherche in situ, celle-ci devenant de plus en plus aléatoire compte tenu des transformations profondes subies par un grand nombre de sites cezanniens depuis une cinquantaine d’années.

 Pour identifier les endroits d’où Cezanne a peint ou dessiné tel ou tel panorama, nous disposons :

  • du cadastre napoléonien daté de 1828-1830. Celui-ci nous offre une description topographique précise des lieux une cinquantaine d’années avant leur représentation par Cezanne ;
  • de photos aériennes anciennes. Pour la vallée et de la plaine de l’Arc par exemple, il existe notamment une série de très bonne qualité datant du 23 août 1934, soit une quarantaine d’années après les œuvres concernées. On constate en comparant le cadastre de 1828 et ces photos aériennes que les constructions nouvelles sont relativement peu nombreuses, la vallée n’ayant absolument pas changé de physionomie depuis plus d’un siècle et restant quasi exclusivement agricole. De même, des photos aériennes datant de 1960 pour le plateau de Valcros démontrent que pour l’essentiel il demeure à cette date lui aussi pratiquement inchangé depuis 130 ans.

Ces éléments permettent dans un premier temps de préciser la topographie des paysages tels que Cezanne les a connus. Ils sont ensuite complétés par deux sources internet assurant la transition avec la situation présente, de façon à situer pour chaque œuvre le plus exactement possible la position du peintre au travail :

  • le site officiel Géoportail (http://www.geoportail.gouv.fr) qui fournit les ressources précédentes, mais également des cartes variées : cartes d’Etat-major, cartes IGN, cartes satellite, cadastre actuel, etc. ;
  • le programme Google Earth qui fournit des cartes satellites et des reconstitutions en trois dimensions des paysages à des altitudes variées. Le complément Street View permet à certains endroits de dérouler un film pris sur place, donc de disposer de photos réelles.

Diverses photos actuelles des sites ainsi que des cartes postales anciennes trouvées ici ou là sur internet viennent compléter ces cartes.

Une combinaison astucieuse de l’ensemble de ces outils permet dans la plupart des cas de déterminer sans ambiguïté l’objet de cette recherche. Ceci n’exclut évidemment pas de se rendre sur place, lorsque c’est possible, pour valider les conclusions de l’étude « papier ».

Il faut noter que seule la carte IGN fait foi en matière de topographie exacte des lieux analysés, dans la mesure où toute photographie, aérienne ou non, est entachée d’erreurs de parallaxe ou de profondeur de champ qu’il a fallu corriger chaque fois pour la faire coïncider exactement avec la carte IGN. Il en est de même pour les relevés cadastraux de 1828 qui peuvent contenir de légères erreurs de mesure ou de report (extrêmement rares en l’occurrence, la qualité de cet outil étant exceptionnelle), ainsi que pour les reconstitutions 3D de Google Earth.

C’est donc avant tout sur la carte IGN que nous nous appuyons pour valider les localisations proposées : dans chaque œuvre, tous les éléments du paysage représentés par Cezanne doivent être topographiquement compatibles avec les données de cette carte. Si Cezanne « reprend » le paysage, selon l’heureuse expression de Jean Colrat, cela ne signifie pas qu’il déforme les distances relatives entre les objets ou modifie fondamentalement les relations liant ces objets au point où il se tient et à la ligne d’horizon : telle maison caractéristique située aux deux tiers du viaduc de la plaine de l’Arc, par exemple, sera toujours représentée à cette place dans toutes les œuvres où elle apparaît. On découvrira tout au long de ces études l’étonnante fidélité de Cezanne à ce qu’il voit et aux relations spatiales, dans le plan horizontal notamment, entre les objets. Même dans les cas les plus nets d’élongation vers le haut, par exemple de la Montagne Sainte-Victoire, on peut constater que les hauteurs relatives de l’ensemble des collines qui l’accompagnent demeurent fidèles aux données de la topographie. Cela justifie le sentiment, pour qui connaît un paysage donné, que face à sa représentation par Cezanne, « c’est tout à fait ça ! », même si un second regard plus analytique peut nous faire dire que « ce n’est pas ça du tout »[1], au vu de certaines déformations des objets en eux-mêmes.